Note de l’Etat Major Général, du 26 Juillet 1916 sur l’activité des sous-marins en Juin 1916
U 35 Juin 1916
Il faut supprimer des statistiques et de la carte les indications relatives au CARDIFF le 25 Juin. Ce navire n’a été ni attaqué, ni coulé.
Ces rectifications n’affectent pas l’itinéraire de l’ U 35.
Le dépouillement d’un certain nombre de rapports appelle les constatations suivantes :
- Le commandant du sous-marin qui a arraisonné la goélette espagnole BUONAVENTURA dans le golfe de gênes le 16 Juin s’est flatté d’avoir déjà détruit une dizaine de voiliers italiens. C’est une nouvelle preuve qu’à cette date un seul sous-marin avait opéré en Méditerranée occidentale.
- Les témoignages concordent pour attribuer à U 35 une belle vitesse. BUONAVENTURA, qui eut le loisir de le regarder évoluer en surface estime sa vitesse à 14 nœuds. CONSTANTINOS, après avoir été lui-même arraisonné, évalue sa vitesse à 16 nœuds. ALSACE, poursuivi deux heures durant et marchant au moins 14 nœuds, a vu sa distance avec le sous-marin tomber de 7000 à 4000 m, ce qui donne, en tenant compte des manœuvres d’ALSACE une vitesse d’environ 15 nœuds pour U 35. WINDERMERE, enfin rattrapé par le sous-marin apprécie sa vitesse à 16 nœuds.
- La proportion de munitions dépensées reste sensiblement la même : 270 obus pour détruire 29 navires. Vers la fin de sa croisière, il semble pourtant qu’U 35 soit devenu plus ménager de ses projectiles. CANFORD CHINE et FOURNEL ont été achevés non au canon, mais avec des bombes placées à bord. WINDERMERE, abandonné par son équipage au 6e coup de canon sans qu’un seul obus ait touché le navire, a été accosté par le sous-marin dont les hommes sont montés à bord pour ouvrir les prises d’eau.
- HERAULT et FOURNEL armés chacun d’un 47 mm n’en ont pas fait usage sous prétexte que le sous-marin s’est tenu hors de portée de ce petit canon. Ils ont été abandonnés par leurs états- majors et leurs équipage avant même d’avoir été endommagés.
- Avec le même 47 mm, VILLE DE MADRID et ALSACE, ainsi que MANSOURAH avec un 57 mm ont soutenu la poursuite et le bombardement. Au moment où le tir de l’ennemi devenait plus précis et où la distance avait diminué, ils ont riposté et le sous-marin a abandonné la chasse.
- Il ne faut donc pas laisser s’établir la croyance qu’un armement de 47 mm est totalement inefficace. L’arme ne vaut que par la façon dont on s’en sert. Elle a permis à beaucoup de navires d’éviter d’être détruits et beaucoup de nos chalutiers n’en ont pas encore d’autres.
- Si MIRA et LANGUEDOC ont succombé, il a fallu pour les réduire que l' U 39 (Nota : il s’agissait en réalité de l’U 34 du Kptlt Klaus RÜCKER) tire 120 coups de canon sur le premier et 200 sur le second. A ce compte, les sous-marins verraient tomber le pourcentage de leurs croisières et en même temps en augmenter les risques.
- Pour les voiliers, il ne saurait être question de fuir ni de se défendre. Ce sont des proies toujours prêtes. Il suffit au sous-marin d’attirer l’attention par un coup de semonce à blanc (SAN FRANCESCO, ANTONIA V, ANETTA, SANTA MARIA, ERA, EUFRASIA, MARIO C.) ou de lancer une fusée (AUDACE, FRANCE ET RUSSIE, SAN FRANCESCO) pour que cela soit interprété comme un ordre d’abandon immédiat. Souvent aussi, le sous-marin se contente de venir émerger brusquement à proximité du voilier et, de la voix ou du geste, lui fait comprendre d’avoir à évacuer au plus vite (MARIA C., GIOSE, RONDINE, DOLMETTA, GIUSEPPINA, SATURNINA FANNY, CHECCHINA). Les voiliers sont ensuite généralement détruits au moyen de bombe ou incendiés avec du pétrole.
- Sur 79 bâtiments attaqués, 58 ont été détruits. On dispose donc de 79 bons repères pour déterminer les mouvements des sous-marins ennemis pour déterminer leurs mouvements en Méditerranée au mois de Juin.
Mouvements des sous-marins en JUIN 1916
U 39 – U30 ou 73
(Nota : S’agissant de l’U 39, c’est plutôt l’U 34)
Leur première croisière est jalonnée par l’attaque du GAFSA et la destruction de DEWSLAND et SALMONPOOL. La seconde est jalonnée par les attaques de MARYLAND et CYPRIA. Les deux sous-marins rallient ensuite l’Adriatique et sont aperçus ensemble ou séparément jusqu’au canal d’Otrante par les patrouilleurs.
U 35
Tout l’intérêt se concentre en Méditerranée occidentale où 20 vapeurs et 21 voiliers ont été coulés en 3 semaines. On croit pouvoir attribuer en toute certitude la destruction de tous ces bâtiments au seul U 35 dont la croisière a été coupée en deux périodes distinctes par un arrêt de 24 heures à Carthagène. Les raisons qui conduisent à adopter cette solution logique sont les suivantes :
- Nous savons de source très autorisée qu’à Carthagène le commandant du U 35 s’est vanté d’avoir détruit à lui seul dans les quelques jours précédents 24 navires. Comme du 13 Juin au 20 inclus on enregistre exactement 9 vapeurs et 15 voiliers, la première partie de la croisière doit bien être mise toute entière sur le compte de l’ U 35.
- Aucun sous-marin n’a été signalé en Méditerranée occidentale entre le 19 Juin au soir et le 23 au matin, c’est-à-dire précisément pendant le séjour de U 35 à Carthagène et tandis qu’il faisait route pour s’y rendre ou s’en éloigner, avec la préoccupation d’échapper à nos croisières.
- Les postes radiogoniométriques de Méditerranée, pendant les 3 dernières semaines de Juin, ont relevé 3 positions se rapportant toutes à un même indicatif de bâtiment ennemi et ces postes n’en ont pas entendu d’autres. La position du 12 Juin le place sur le trajet aller de la croisière, et les positions des 28 et 30 Juin sur le trajet retour. On est donc autorisé à admettre qu’un sous-marin unique a opéré dans le bassin occidental de la Méditerranée avant comme après l’arrêt à Carthagène, et que ce sous-marin est U 35. L’opinion contraire ne repose que sur de pures hypothèses ou des faits singulièrement peu précis. Le vapeur italien POVIGA, a signalé avoir été attaqué par deux sous-marins qu’il aurait vu poursuivre UGANDA, avant de revenir sur lui. Or UGANDA dit n’avoir été chassé que par un sous-marin.
- Le vapeur français ALSACE prétend avoir aperçu 3 sous-marins à la fois, mais pour juger la vraisemblance de cette assertion il faut noter qu’il a été canonné par un sous-marin aperçu à 11000 m et n’aurait pas été inquiété par les deux autres à 2500 m.
Il ne faut pas s’arrêter aux indications qui ont pu être données.
- U 26 sur le cahier de bord de la goélette espagnole BUONAVENTURA
- U 202 sur le bulletin délivré à FRANCE ET RUSSIE
- U 16 sur le manifeste du vapeur grec CONSTANTINOS
Nous savons que les sous-marins ennemis sont coutumiers du maquillage des noms, aussi bien que des formes des navires. U 35, qui est allemand, a presque toujours arboré le pavillon autrichien.
La distribution des points entre deux croisières simultanées ou successives sont tout à fait arbitraires. Dans ces conditions, l’itinéraire de U 35 se trouve jalonné comme suit :
- 09/06 Chalutier anglais canonné dans le canal d’Otrante
- 12/06 Relèvement gonio
- 13/06 MARIA C.
- 13/06 MOTIA
- 13/06 SAN FRANCESCO DI PAOLA
- 14/06 GIOSUE
- 14/06 SAN FRANCESCO
Au cours de sa croisière, U 35 a toujours opéré en surface. 3 torpilles seulement ont été lancées dont 2 sur BEACHY, d’abord attaqué au canon, et 1 sur OLGA à cause de la présence du CASSINI qui l’a obligé à plonger. La plupart des destructions ont lieu à coups de canon. D’après les déclarations des naufragés, le nombre d’obus tirés sur 20 navires attaqués s’est élevé à 200, ce qui correspondrait à une consommation totale approximative de 500 obus pour l’ensemble. Une telle consommation ne dépasse pas l’approvisionnement des grands sous-marins type U 30 – U 40 si on se rappelle que les petits sous-marins type U 20 – U 30 disposaient de 300 coups.
Il a été plusieurs fois fait usage de bombes ou de pétrole pour détruire les voiliers dont certains ont été abandonnés dès l’apparition du sous-marin, sans attendre le coup de semonce.
Le caractéristiques de l’ U 35 sont
- Déplacement entre 700 et 850 tonnes
- Longueur environ 70 m
- 2 canons (sans doute 88 mm) montés sur plateforme à rabattement + 1 mitrailleuse
- 2 mâts rabattables pour la TSF. Peinture gris cendre clair
- 4 officiers
Cdlt
