Bonjour, je vous propose cette photo (trouvée parmi les 500 photos archives du soldat Louis Bénard 272e RI), la légende indique ceci: "Une messe un dimanche à 1500m des lignes ennemies, lettre du 3 avril 1916". Secteur vaux les Palameix avril 1916.
Etonnante photo sur laquelle on voit aucun des hommes porter le casque (toujours à proximité) tant le secteur est calme !!!. D'après les courriers de ce même soldat, le coin est tellement calme que les hommes "s'autorisent" un bain de soleil l'après midi. étonnant non ???
A l'époque, au cours d'un office religieux, les messieurs étaient tête nue, me semble-t-il.(et les dames tête couverte).
Usage que l'on retrouve également pour les offices extérieurs, sur d'autres photos des revues d'époque.
Bien cordialement.
Evelyne.
Le secteur n'était pas toujours calme ! Du reste, la crainte de la survenue d'évènements encore plus graves poussait bon nombre de poilus à pratiquer un peu plus leurs religions respectives, à assister à la messe (pour les catholiques) ...quand c'était possible, à porter des médailles religieuses, des scapulaires et objets divers de dévotion, amulettes et grigris etc.., et à recourir à la prière personnelle !.. J'ai eu l'occasion de lire de nombreux témoignages authentiques à ce sujet.
Voici des exemples tirés seulement des correspondances de mon GP : "En juin 1915
--- J'ai la plus grande confiance en tes prières que je partage. Elles seront exaucées. Communier, ce serait difficile ; me confesser à l'aumônier à son premier passage dans le cantonnement ou sur le champ de bataille, cela je te le promets, je le ferai. Chrétien et français jusqu'au bout ! Je porte à mon cou le collier et les médailles de Jean ; épinglés à ma capote, mes scapulaires. La Ste Vierge me gardera comme elle l'a fait ces jours derniers, en écartant de moi tous les dangers. ---
--- L'insigne du Sacré-Cœur est fort répandu ici ; on en avait distribué à notre passage à la gare de Lyon, mais je n'avais pu en obtenir. Je le conserverai donc précieusement, épinglé à ma capote. Le Sacré-Cœur me sauvera et me protègera toujours. ---
5 septembre 1915
--- Aujourd'hui dimanche, j'ai pu assister, dans une pauvre petite église à moitié détruite, à 2 km des lignes, à Minaucourt, assister à la Sainte Messe. C'était bien émotionnant. ---
22 septembre 1915
--- Et le communiqué officiel s'exprime ainsi chaque jour : "Bombardement réciproque de divers calibres... Canonnade toujours vive". Insignifiant, somme toute, comme tu le vois. On attend toujours l'acte décisif. Je te remercie des bonnes prières à Notre Dame de Bon Secours et de Lourdes. Elles me sauvegarderont au jour du danger. ---"
Sur le même thème, on peut lire aussi (par exemple) :
"Tes yeux brillaient moins aujourd'hui /Dis-moi, dis-moi pourquoi chère âme /Dis-moi quel chagrin, quel ennui /Mettait un voile sur leur flamme." - Sergent Ducloux Désiré, dit Gaston - 146° RI
« C'est dans la nuit du 23 décembre que nous avions quitté les Éparges. Le 24, le 25, nous étions à Rupt-en-Woëvre…
...
Ainsi avons-nous réveillonné, mais le cœur n'y était pas. Songions-nous aux noëls de naguère, à la Nativité, à la misère des jeunes hommes en guerre ? "Tant crie-t-on Noël qu'il vient..." Quand nous retrouvions la rue noire, la boue durcie, les flaques gelées qui craquaient sous le pied, nous entendions par dessus les crêtes, aux profondeurs de la hêtraie, crépiter les fusillades nocturnes : au bois Loclont, au bois des Chevaliers... La lueur d'une fusée éclairante vibrait à l'extrême horizon. La fusillade cessait brusquement, sursautait une fois encore, comme se ranime une dernière flammèche, vite éteinte. La nuit retrouvait sa pureté, son silence, au scintillement des étoiles dans le ciel.
Il y eut une messe de minuit. L'église était comble de soldats. Cinq mois de guerre et de combats avaient terni les uniformes, halé et durci les visages. Les lumières du chœur expiraient au bord d'une foule confuse dont les seuls premiers rangs, touchés par la clarté tremblante des cierges, révélaient la sombre épaisseur. Mais soudain, sous les voûtes, un chant s'éleva, rude et viril, une lamentation puissante, unanime, qui nous parut ne devoir point finir. Tout un peuple chantait ainsi. Sa clameur grave, débordant la nef, allait au devant de la nuit, semblait refluer en elle jusqu'aux lignes où nous étions hier, jusqu'à nos frères des tranchées, puis revenir d'eux à nous, plus puissante et plus charnelle, nous unissant les uns aux autres dans un même sentiment de pitié qui sourdait du profond de nos cœurs ; comme saigne, inépuisablement, une blessure qui ne guérira plus. Pitié sur les morts, sur les absents, - soldats perdus -, sur nous mêmes.
Ils étaient forts, jeunes et beaux
Pleins de vie et d'espoirs nouveaux,
Ils sont partis en chantant !
Les notes étaient celles du Stabat. Les paroles semblaient naître d'elles-mêmes, sortir de nous pour combler la nuit.
Ayez pitié de nos soldats
Tombés dans les derniers combats...
C'était des mots au delà de la révolte, de l'espoir, de la résignation. Une prière, je le crois aujourd'hui, mais comme au delà de la prière ; une lamentation fière qui montait du fond d'un abîme, vers la crèche de la Nativité ; mais qui ne voulait plus, peut-être ne savait déjà plus se souvenir des rires ni des bonheurs humains. "Au delà", oui : une frontière dépassée ensemble, par les tués et par les vivants, eux aussi au delà de tout recours et de toute imploration, au delà de toute miséricorde ; déjà, peut-être, exaucés et reçus.
J'essaie de dire, de rejoindre une certaine vérité. Peut-être ce Noël, ce retour vers l'ancienne frontière, jusqu'au seuil oublié où nous ramenait, cette nuit-là, la main du divin Enfant, nous avait-il apporté tout à coup la trop dure révélation d'un destin inexorable. J'entends encore, comme en 1914, cet unisson des voix sous les voûtes de l'église de Rupt, ce chant malgré tout fervent, malgré nous exaucé . »
Maurice Genevoix, Noel 1914, in numéro 452 de la revue "La Médaille Militaire", Octobre 1986.
Cdt
Armand
Sur les traces du 132ème RI " Un contre Huit " et du 294ème RI (le "29-4")
Du coup, me reviennent en mémoire quelques paroles d'une prière de ma grand-mère, veuve de guerre 14-18, qui avait donc dû beaucoup la réciter durant sa jeunesse !..
Elle y était fidèle, puisqu'elle la disait toujours à haute voix, durant la seconde guerre mondiale. Et moi, petite gamine, je l'écoutais sans tout comprendre. Mais cette prière m'a frappée !
Elle disait notamment : " Vierge Sainte, dans votre séjour glorieux, n’oubliez pas les tristesses de notre terre.
Jetez un regard de bonté sur ceux qui sont dans la souffrance, ceux qui luttent contre les difficultés et qui ne cessent de tremper leurs lèvres aux amertumes de la vie.
Ayez pitié de ceux qui s’aimaient et qui ont été séparés (là, je comprenais qu'elle pensait à son cher disparu). Ayez pitié de l’isolement du cœur, de la faiblesse de notre Foi, des objets de notre tendresse.
Ayez pitié de ceux qui pleurent, de ceux qui crient, de ceux qui souffrent, de ceux qui tremblent.
Donnez à tous l’espérance et la paix !"
Et je trouvais ça très beau et poignant.
Cordialement.
Mounette.
"Tes yeux brillaient moins aujourd'hui /Dis-moi, dis-moi pourquoi chère âme /Dis-moi quel chagrin, quel ennui /Mettait un voile sur leur flamme." - Sergent Ducloux Désiré, dit Gaston - 146° RI
il semble que tous les prêtres n'étaient pas aumôniers, et que certains portaient les armes en tête.
Ainsi le témoignage apporté par Maurice BARRES, dans un article de l'Echo de Paris, au sujet du capitaine-abbé Gaston MILLON, commandant la 2ème Compagnie du 90ème RI, tué le samedi 22 avril 1916 (effectivement samedi de Pâques), à la Cote 304.
LA FIN DE L’ABBE GASTON MILLON
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«... L’abbé Gaston Millon, capitaine au 90e régiment d’infanterie, dans ses derniers jours au milieu des soins du service au Mort-Homme, durant la semaine sainte de 1916, vit et médite les sept derniers jours du Christ.
- « Mardi saint 1916: Je médite cette parole de Joffre: « Notre victoire sera le fruit de sacrifices individuels . » Le sacrifice reste la grande loi. Jésus nous a donné l’exemple. L’Eglise vit des mérites de son Maître et de ses disciples, mérites qu’ils ont gagnés par leurs sacrifices. Sacrifice jusqu’à la mort.
- « Jeudi saint. La canonnade devient violente. Peu importe. Je me confie entre les mains de Jésus, prêtre souverain et Hostie. Pendant cette relève, je songerai à la Cène et à cette nuit affreuse du Jardin des Oliviers... Si vous voulez mon sang, ô mon Dieu, je vous l’offre en union au sang de mon divin Sauveur.
- « Vendredi saint. La nuit vient de clore la période des combats... A partir de 11 heures, le gros calibre commence. Le Mort-Homme, à notre droite, disparait dans la fumée. Vendredi saint, journée rédemptrice du genre humain, comme nous savons bien passer cette journée. Nous avions voulu vous oublier, ô Jésus, et vous avez mis de force la mort devant nos yeux. Regarde et choisis! Je mets ton sort éternel entre tes mains: suis-moi au Calvaire.
- « Samedi saint. Jésus au tombeau, mort! moi, dans mon abri tombeau, pouvant mourir à tous instants. Un obus vient de tomber à quelques mètres: lampe éteinte; soldat tué. O mon Dieu, recevez son âme. La mort est donc toute proche, toujours possible. Mon âme est prête à l’accueillir, elle sera ma délivrance... Si je sors de la guerre, avec quelle ardeur je me livrerai à l’apostolat des âmes... Mais ici je suis encore le prêtre: je dois donner l’exemple de la vaillance.. Quelle semaine! Jeudi saint, fête du sacerdoce; Vendredi saint, fête du sacrifice; Samedi saint, fête du recueillement devant la mort. Et puis Pâques, résurrection glorieuse. »
Ainsi écrit-il, puis il sort de son abri pour son service. Un obus l’écrase. Pâques fut vraiment pour lui la résurrection glorieuse... »
Maurice BARRES (L’Echo de Paris, 06.12.1916, Les diverses familles spirituelles de la France: les héros catholiques)
Je pense, mais je n'en ai pas encore trouvé la preuve formelle, que c'est lui qui avait dit la Messe des Rameaux devant et pour tout le Régiment, avant de monter au front (cité notamment dans CHEVOLEAU), quelques jours auparavant.
Bien à vous,
Louis
"Et ils auront peur dans toute leur chair. Ils auront peur, c'est certain, c'est fatal; mais ayant peur, ils resteront." (Maurice Genevoix, Ceux de 14)
Un autre exemple de prêtre qui n’était pas aumônier : l’abbé Joseph BELMONT, frère de Ferdinand et de Jean tués au combat.
Incorporé, fin novembre 1914, il rejoingnait le 173e R.I. au front comme caporal.
Il a été tué au bois de la Gruerie le 2 juillet 1915.
Dans la série livres consacrés au sujet, celui de l'Abbé J. Schuhler aumônier militaire de la 51 DI.
"Ceux du 1er Corps -souvenirs, impressions, récits de la guerre par un aumônier militaire"
Si l'on peut dire, un prêtre heureux du regain de spiritualité.
A recommander à ceux qui suivent ces unités car des noms de combattants sont souvent sont cités.