L'agent de liaison sur le front

[- Joel Huret -]

Bonjour à tous,

Savez-vous si la vie de l'agent de liaison sur le front a fait l'objet d'écrits ?
Je m'interrogais sur les difficultés de son activité . Il lui fallait sans doute
pour survivre, en dehors de la chance, un bon état physique et moral .
J'imagine qu'il vivait principalement avec tout le monde dans la tranchée et,
périodiquement il avait à s'exposer pour partir et revenir. A ces moments là,
il savait ce qu'il quittait et ignorait l'attendait.
Cordialement
ep

Bonjour à tous,

Un témoignage inédit et poignant, sorti de ma collection, et qui a lui seul résume bien ce que pouvait être la vie d'un agent de liaison au front ! Cette carte a été écrite en 1915 par un soldat qui vient d'être nommé agent de liaison.

Bien cordialement, Joël Huret

Chère Sœur,
Depuis longtemps déjà je n’ai pas de vos nouvelles mais j’aime à croire que votre santé ainsi que celles de vos enfants est toujours bonne tant que moi cela va très bien et je désire de tout cœur que ma petite carte puisse vous trouver de même, je vous dirai que je suis changé de secteur, l’un ne vaut pas mieux que l’autre, mais il faut bien aller où l’on est envoyé. Jusqu’à ce jour, on a encore eu la chance de ne pas avoir eu d’attaque d’infanterie, mais nous sommes souvent bombardés, mais l’on est bien terré et les boches ne sont pas très adroits, il n’y a pas grand danger, pour moi il y en a un peu plus car on m’a nommé agent de liaison et je sors très souvent pour aller porter des ordres, mais vous savez dans ce métier on s’y habitue et quand on entend partir un obus boche vivement on se couche ou on se met à l’abri quand c’est possible et on repart aussitôt sans autre souci du danger qui nous menace, mais jamais on ne pense à la mort. Malgré tout cela nous voudrions bien en voir la fin, enfin espérons que cela ne saura tarder et ayons l’espoir de nous revoir bientôt. C’est dans cet espoir chère sœur que je termine.

[pampagnin]

Superbe, merci Stéphane, merci Joel.

[Stephan @gosto]

Bonsoir,

Et de ma collection . Témoignages d'agents de liaison du 74e R.I. :

• Dans la série "Pas bête le gars" :

"Nous monterons en ligne ce soir. La moitié de la musique sera à la disposition du médecin-chef comme brancardiers. L’autre moitié, répartie entre le colonel et les deux commandants des bataillons en ligne, comme agents de liaison. C’est moi qui doit faire les listes : je me désigne comme brancar-dier."

• Dans la série "Je suis heureux d'être en 2008 devant mon écran" :

"Je suis à la liaison de la compagnie.

[...] Le bataillon avance toujours lentement, très lentement, avec des à-coups. Je viens de franchir l’ancienne barricade qui séparait jadis les positions françaises des positions ennemies. Un obus vient d’y tomber, au milieu d’une compagnie en y produisant un commencement de panique. Voici mainte-nant les anciennes positions allemandes. L’aspect du chemin devient encore plus sinistre. Dans la boue, sur des talus, partout des cadavres ont été projetés. Les uns courbés la face contre terre, les autres hideusement contorsionnés dans une pose grotesque ou tragique, avec un rictus épouvantable qui découvre les dents, et les yeux ouverts qui dévisagent les passants. Voilà ce qui s’appelle « mourir au champ d’honneur » !

Je marche sur des fusils cassés, des sacs éventrés, des brosses, des chemises, des paquets de pansements, des caisses, des torpilles qui n’ont pas éclaté, des casques, des capotes. Les sacs à terre déchirés, déchiquetés, émiettés, sont éparpillés sur le sol ; il y en a des milliers, de toutes les couleurs, en toile, en laine, mêlés à la boue, au sang, à des débris de chair, à des cadavres mutilés. Plus loin, un cadavre d’allemand tient debout, raidi contre le talus, sans blessure apparente. J’arrive, je donne mon pli au commandant qui a réussi, après de longues hésitations, à placer son bataillon sur les emplacements qu’il doit occuper."

• Dans la série "Je remets ça" :

"On m’appelle : « Liaison ! » Il me faut partir au poste de secours du bataillon et lui dire de venir s’installer ici. Je pars. Je marche à tâtons dans l’obscurité. Soudain, j’entends un souffle d’obus qui grandit, grandit et se rapproche avec une vitesse folle. « Celui-là va tomber sur moi ». D’instinct, je courbe le dos. Un sifflement bref. Une détonation sourde. J’ai reçu un choc effroyable. C’est un éclair qui m’a environné, puis c’est le silence noir qui m’écrase. Je me mets à genoux et je continue en rampant. Je n’ai rien.

J’ai mis plus de deux heures à faire les trois kilomètres jusqu’au Portique. J’arrive au poste de se-cours. Je transmets l’ordre, et je reste là, à me remettre."

• Dans la série "Ca commence à bien faire" :

"Au matin, il me faut retourner au P. C. de bataillon. Chaque obus me donne un frisson et je me blottis dans les tournants du boyau. J’ai une sueur froide, une peur nerveuse que je n’ai jamais éprou-vée. Je resterais cloué sur place. Un gros obus éclate à 50 mètres. Je me mets à trembler et j’ai peur d’être tout seul dans ce boyau."

• Dans la série "Trop c'est trop" :

"Je fais la liaison avec la 3e Cie sur la droite. Décidément, la mécanique nerveuse est cassée. Je tremble, je me cabre quand il me faut sortir. Je suis débraillé, dégoûtant, une barbe de huit jours et plein de vermine. Ma capote n’est qu’un torchon déchiré ; elle a l’air d’avoir été lacérée à coups de canif ; plus de boutons, les boutonnières sont arrachées. J’ai égaré mon sac avec toutes mes affaires."

C'est du "vécu", hein...

Amicalement,

Stéphan

[pampagnin]

Oui pas facile , ils devaient être vite épuisés.
C'est un rôle qui ne devait pas être confié à n'importe qui ; ne pas perdre ses capacités alors qu'une trouille permanente vous accompagne.. n'est pas donné à tout le monde.
Le tuyau de la Revue de Paris fonctionne.
Merci Stéphane
EP

[geojeff]

Bonjour,

Allez sur Gallica. Une grande partie - si ce n'est la totalité - du témoignage de J. Bouis avait été prépubliée dans la "La Revue de Paris", sous le titre "La dernière bataille de Champagne" (Notes d'un agent de liaison de la classe 1918 au 18e B.C.P."

pouvez vous donner le mois et l'année de publication de cet article dans le "revue de Paris". Je n'arrive pas à le retrouver.

Merci d'avance
Jean-François

[wagram]

Bonjour
Sans vouloir sortir du suget avez vous plus de précision sur la mort de ce soldat?

"Il faut noter que le dernier mort de la grande guerre, le soldat Trébuchon, apportait à ses camarades la nouvelle de l'armistice. "

Si le soldat Trébuchon s'est fait tué en apportant la nouvelle de l'armistice au copain c'est extraordinairement dramatique, j'aimerai en savoir plus svp

Cordialement

Wagram

[Stephan @gosto]

Bonjour,

Le soldat Trébuchon a souvent été évoqué sur le forum. En tapant son nom dans le moteur de recherche beaucoup de discussions ressortent des archives du forum.

Amicalement,

Stéphan

[pampagnin]

geojeff,
ligne 144 de la nomenclature des revues -
J Bouis est dans la 3e partie du sommaire de ce n°-
Cordialement
ep

[geojeff]

Bonjour,

merci pour l'information

Jean-François