Carnet d'un Lieutenant du 73°RI
- alain chaupin
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Re: Carnet d'un Lieutenant du 73°RI
Bonjour à Toutes et à Tous,L’on m’a confié le carnet d’un Lieutenant du 73°RI – dont jevous livre un extrait. Jeudi 31 Décembre 1914La Harazée« Assez tôt, descoups de feu s’échangent entre less deux premières lignes ; less occupantsdes deux saillants ne bougent pas, mais les jarrets tendus et l’arme aux pieds,chacun est prêt à bondir ; brusquement la fusillade s’intensifie et laissecroire à un sérieux combat ; c’est la troisième compagnie qui oppose unesérieuse résistance aux furieuses attaques dont elle est l’objet. Les bochess’étant jetés dans le fossé, c’est le repli vers la deuxième ligne ; moncapitaine, jugeant la défense impossible, effectue le repli à son tour ;m’ayant fait prévenir, j’étais présent avec 30 de mes hommes à un dangerimminent. Les fusils chargés, la baïonnette au canon nous avançons suivant latactique adoptée là-haut ; la tranchée est en zig-zags, je me tiens d’uncôté, le sergent de l’autre, les hommes en éventail ; soudain c’est labagarre ; nous avons l’avantage d’être libre de nos mouvements ; nosadversaires embourbés n’arrivent pas à se dépétrer ; nos fusils sèment laterreur et rares sont ceux qui à l'extrémité de la tranchée parviennent à sesauver, tout en rampant, jusqu'à leur ligne; la lutte terminée l’arrièrese chargea de libérer le lieu du combat des morts et des blessés ; lesvalides de mes compagnons de lutte restèrent avec moi, pour faire bonne gardeen attendant les renforts ; un duel d’artillerie s’engagea, la pluie semit à tomber et le soir enveloppa la contrée de son épais manteau ; lesfusées projetèrent au-dessus du bois leurs traînées de flammèches qui scintillaientà travers les grosses gouttes d’eau tombant drues d’un ciel irrité contre lemonde en guerre. La tranchée avait retrouvé son aspect du matin ; avec leshommes je partageai la responsabilité de sa sécurité ; le capitaineveillait les troupes de réserve « Que faire ! sinon réfléchir pour nepas dire ruminer ! » Je plaignais du fond du cœur nos pauvres etbraves soldats trempés jusqu’aux os, les bras appuyés sur le talus, scrutant levide devant eux, les oreilles dressées, les jambes raides, les pieds dans laboue ! malgré moi, je vouais aux enfers tous les fauteurs de guerre.Tout à coup lacanonnade reprend de plus belle. Des obus éclatent au-dessus de nos têtes etaussitôt je me sens choir !Combien de tempsrestai-je ainsi ? je l’ignore totalement ; ce qui est certain c’estque j’ai repris conscience lorsqu’on me plaça au bord du fossé ; je sentissur ma poitrine une tête et les mots suivants restèrent gravés dans moncerveau : « Le lieutenant vit, je sens battre son cœur » c’estF… de Calais, mon lieutenant, nous étions voisins de lit à Saint-Omer en 1905.Deux forts gaillards me prirent sous les bras ; le côté gauche étaitinerte, le sang coulait par la bouche et de la tête, et ils me transportèrentde leur mieux au PC du commandant du bataillon ; pendant le trajet, lecapitaine et l’officier de génie prévenus de mon départ forcé du front, serendaient à leur poste. Du premier je reins ces mots : » mon pauvreD… » et de l’autre « Lieutenant avec vos gars vous avez évité lapercée.Au poste de secours jereçus les soins que vous devinez et le commandant fit remettre au docteur sesplus beaux mouchoirs blancs pour servir de pansements ; après quoi lessbrancardiers me transportèrent à Vienne-le-Château où je fus veillé, il était23h.30 détail noté sur le cahier souvenir du Commandant Dachert.1er Janvier1915Transporté à l’hôpitalde Ste Ménéhould dans la matinée, je vis le chirurgien chef le docteur Pauchetqui, au courant de la gravité de mes blessures surtout de la tête : crânedéfoncé, perte de substance cérébrale, me regarde d’un air ennuyé et medit : » Il paraît que vous tenez à être opéré ! vous avez àpeine une chance sur mille de vous en tirer, réfléchissez, je vous reverraitout à l’heure. »Ma décision étaitprise : tenter ma chance.Quand mon tour arriva,bourru il me lança « pas changé d’avis ? « non docteuralors ! allons-y ! L’opération duralongtemps et au début de la nuit je revins à moi. La chambre était éclairée, unfeu de bois répandait dans la pièce une douce chaleur.A mon réveil l’infirmièresur mon désir me fit boire un bol de café au lait.Après une longue période de convalescence, il repris en 1917son poste de Directeur d’école et mourut en 1957. Bien amicalementAlain
Ceux qui reviendront de cette guerre et qui auront comme moi passés par toutes les misères qu'un homme peut endurer avant de mourir, devra s'en souvenir, car chaque jour qu'il vivra sera pour lui un bonheur."
Gaston Olivier - mon Grand-Père
http://www.
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- marcel clement
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Re: Carnet d'un Lieutenant du 73°RI
Bonsoir à Alain et à tous,
Absent, j'ai raté ce fil et le découvre seulement maintenant. Tout à fait passionnant, surtout cette trépanation réussie. Je n'ai pas les statistiques mais le taux de survie devait en effet être assez faible, surtout sans séquelles .....Je crois que c'est pendant la WW1 qu'un chirurgien américain a eu l'idée de nettoyer les parties blessées du cerveau avec un petit jet d'eau. Cela s'est avéré beaucoup moins destructeur qu'un nettoyage avec des instruments chirurgicaux et a amélioré le pronostic de ces blessures.
A quand la suite ?
Amicalement,
Alain MC
Absent, j'ai raté ce fil et le découvre seulement maintenant. Tout à fait passionnant, surtout cette trépanation réussie. Je n'ai pas les statistiques mais le taux de survie devait en effet être assez faible, surtout sans séquelles .....Je crois que c'est pendant la WW1 qu'un chirurgien américain a eu l'idée de nettoyer les parties blessées du cerveau avec un petit jet d'eau. Cela s'est avéré beaucoup moins destructeur qu'un nettoyage avec des instruments chirurgicaux et a amélioré le pronostic de ces blessures.
A quand la suite ?

Amicalement,
Alain MC