Bonjour à tous,
Voici le témoignage d'un soldat à son épouse. Il relate et analyse la reconquête en Artois, au printemps 17. Son regard d'agriculteur me semble extrêment intéressant. Je trouve de plus son analyse vraiment très juste.
Samedi, 30 mars 1917
(…) Nous sommes toujours à l’arrière, on nous mène à l’exercice matin et soir pour nous faire des jeux et toutes espèces de gosseries, tu peux croire que c’est intéressant pour des hommes de 30 et 35 ans, mais il faut jouer quand même. On aimerait bien mieux s’occuper à des travaux utiles quand on est à l’arrière que de s’amuser à des jeux de gamins pareils. Il y a tant de terrains incultes, les boches avant de reculer ont retourné à la charrue les blés qui étaient ensemencé pour qu’il y ait pas de récolte dans les pays qu’ils nous ont abandonnés. Où nous sommes cela en fait aussi large que de chez nous à Lyon* qui n’est pas ensemencé du tout, et du bon terrain presque tout en plaine. (…)
* Soit 80 kilomètres
Lundi, 2 avril 1917
(…) Nous sommes à côté de Ham*. Les Boches ont tout mis sens dessus-dessous, ils ont coupé tous les arbres fruitiers dans les jardins et dans les champs, gros et petits. Ils ont labouré les prés, dans les églises ils ont enlevé les Saints et le Christ qu’ils ont mis sur la tombe de leur soldat où ils sont enterrés à travers champ, et après ils ont fait sauter les églises à la dynamite et brûler les maisons. (…)
Mercredi, 4 avril 1917
(…) Aujourd’hui il neige à plein temps. Le temps doit pas être bien meilleur à xxxxx. On dirait que lui aussi est en révolution, car jusqu’à présent il n’a pas fait beaucoup de beaux jours. Mes lettres ont peut-être bien un peu de retard à présent car la circulation se fait difficilement où nous sommes. Il faut refaire les lignes de chemin de fer et même les routes qui ont été minée. Dans beaucoup d’endroits c’est dévasté complètement, dans les villages il a resté seulement quelques caves pour se mettre à l’abri. On est bien en plein air cette fois, tous les arbres fruitiers des jardins et des champs sont coupés. Il y avait beaucoup de poiriers nains en treillage dans ces pays, ils les ont tous coupé. Les instruments sont tous en morceaux, les voitures des cultivateurs qu’ils n’ont pas pu emmener ils les ont mis en miettes toutes. Ils n’ont pas laissé une poule, mais en place beaucoup de jeunes femmes sont enceintes. Pour remonter ces pays il faut refaire les maisons, les civils n’ont ni mobilier, ni batterie de cuisine, ni linge, tout a brûler avec la maison, ni bétail, ni aucun instrument agricole pour travailler leur champ et aucune semence. Les boches ne leur aurait pas laisser seulement un oignon, toutes les usines démolies où brûlées, tu vois dans quel état sont tous ces pays. C’est impossible de remonter tout ça. Si la guerre finissait de bientôt, le bétail n’aurait pas de prix. (…)
Mardi, 10 avril 1917
(…) Nous sommes toujours un peu en arrière de St Quentin. En attendant d’aller plus en avant le temps deviendra peut-être meilleur. Les Boches ont ordre de tenir un mois où ils se sont accrochés, d’après leurs prisonniers qu’on a pris dernièrement, pour qu’ils ait le temps de tout emmener ce qui est valable et brûler le reste. S’ils sentaient vraiment qu’on puisse leur faire payer ils ne feraient pas tout ces dégâts. A mon idée nous serons les dindons de la farce car tous ces pays dévastés et ceux qui restent à dévaster représente le quart de la France en culture et le quart en industrie. Le rendement sera presque néant après la guerre, et pendant longtemps. A côté de nos ruines nos amis Anglais ainsi que les Boches n’auront pas souffert du tout matériellement, car leur champs ne seront pas dévastés, ni leurs usines détruites. Au contraire leurs usines et outillages ont augmenté pendant cette guerre, et de notre malheur ils en tireront tous des grands avantages. (…) Celui qui aura le mal le gardera. (…)
Bien à vous tous,
Christophe
Politique de la terre brûlée
- Bruno Tardy
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- Localisation : Rhone
Re: Politique de la terre brûlée
Bonjour à tous,
Un autre exemple.
Voici un extrait d'une lettre de mon père datée du 26/4/17 à Audignicourt:
"En venant de Vic sur Aisne à Morsain par le tacot, j'ai passé là où nous prenions les tranchées avant l'avance et cela m'a fait plaisir de voir les endroits où j'avais été. Le village où nous sommes installés, comme tous ceux reconquis est complètement démoli, il est dans le fond d'une petite vallée et ça rappelle un peu Carency. Avant-hier sont arrivés une vingtaine de civils qui ont été délivrés lors de notre avance. Ils s'installent comme ils peuvent et sont ravitaillés par la troupe.
Le pays était gentil et assez riche mais les Boches ont scié tous les arbres fruitiers et cela fait mal de voir dans les prairies tous ces pommiers ou autres coupés au ras du sol.
Et une photo légendée : "Arbres fruitiers coupés par les boches lors de leur retraite en mars 1917- Audignicourt 10 mai 1917"

Cordialement
Bruno
Un autre exemple.
Voici un extrait d'une lettre de mon père datée du 26/4/17 à Audignicourt:
"En venant de Vic sur Aisne à Morsain par le tacot, j'ai passé là où nous prenions les tranchées avant l'avance et cela m'a fait plaisir de voir les endroits où j'avais été. Le village où nous sommes installés, comme tous ceux reconquis est complètement démoli, il est dans le fond d'une petite vallée et ça rappelle un peu Carency. Avant-hier sont arrivés une vingtaine de civils qui ont été délivrés lors de notre avance. Ils s'installent comme ils peuvent et sont ravitaillés par la troupe.
Le pays était gentil et assez riche mais les Boches ont scié tous les arbres fruitiers et cela fait mal de voir dans les prairies tous ces pommiers ou autres coupés au ras du sol.
Et une photo légendée : "Arbres fruitiers coupés par les boches lors de leur retraite en mars 1917- Audignicourt 10 mai 1917"

Cordialement
Bruno
- joel guyonneau
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Re: Politique de la terre brûlée
bonsoir
je me souviens d'un chapitre du livre d Ernst Junger "Orage d'acier" que nous avions à traduire au lycee à l occasion d un cours d'allemand: DIE BRANDERDE la terre brulée. cela se situe au debut de 1917.
cdlt
je me souviens d'un chapitre du livre d Ernst Junger "Orage d'acier" que nous avions à traduire au lycee à l occasion d un cours d'allemand: DIE BRANDERDE la terre brulée. cela se situe au debut de 1917.
cdlt