Sur le même sujet, je vous invite à consulter les lettres de Paul Andrillon, Caporal à la 12e Cie du 119e, blessé le 25 Septembre 1915 ainsi que son journal mis en ligne par Benoit
Petit Extrait du Journal : http://pagesperso-orange.fr/119RI/journalandrillon.html
21 septembre
Embarquement dans les autos pour Acq, d’où nous partons à la nuit pour les tranchées. Nous terminons les sapes pour l’attaque prochaine.
22…Travaux de sape ; notre artillerie arrose constamment les tranchées boches.
23…A minuit nous retournons à Acq dans un piètre état cause de boue.
24…A la tombée du jour retour aux tranchées où nous arrivons couverts de boue en 1ere ligne.
25…Bombardement effrayant de notre artillerie toute la matinée ; vers 11h nous occupons les sapes, le spectacle est superbe, de tout les points de la plaine nos pièces font rage, impossible de rien distinguer chez les Boches, ce n’est que fumées, tout le monde a confiance dans l’issue de l’attaque.
Ci dessus, croquis de l'attaque du 25 septembre 1915 au Bois de la Folie, et des mouvements prévus les jours suivants. Dessiné par Paul Andrillon dans la tranchée.
Vers 12h 1/4 on m’envoie couper le réseau de fils de fer à 5m de la tranchée, personne ne me tire dessus. Du côté de Neuville les pompiers arrosent les Boches avec du liquide enflammé ; 12h 1/2 : en avant. A peine sorti, les mitrailleurs Boches de 1ere ligne nous arrosent d’une pluie de balles. Je parcours 10 mètres debout et m’effondre comme un paquet de linge sale knock out.
Comme je ne suis que légèrement touché au bras et à la jambe, je ne perds pas de temps et me traîne jusqu’au bord de la tranchée où mon lieutenant me réceptionne et me dépose délicatement au fond. Sans trop de difficulté j’arrive au poste de secours où on m’expédie à l’arrière ; ma jambe s’engourdit et j’arrive très fatigué aux voitures d’ambulance (ferme de Berthonval) d’où on m’emmène à Hte Avesnes.
Plan de l'attaque dessiné par Paul Andrillon :

Petit extrait de sa correspondance : http://pagesperso-orange.fr/119RI/corre ... illon.html
Lettre du 26/9/1915 à sa famille :
Donc hier après un bombardement d’une violence telle que je n’ai jamais rien de vu pareil, 5 minutes avant l’attaque, je suis allé couper notre réseau de fils de fer, personne ne me tirant dessus y a eu tout a fait bon.
Quand on est parti à l’assaut, j’étais en tête de la section avec l’ami Campserveux. Ces salauds de Boches avaient plusieurs mitrailleuses en face de nous, qu’est ce qu’ils nous ont mis ! Après avoir fait 4 ou 5 mètres à 4 pattes, Campserveux et moi énervés par cette fusillade nous sommes levés, et en avant quand même. Je n’ai pas fait plus de 10 mètres, et patatras les 4 fers en l’air.
Lettre reçu le 13/10/1915 écrit par Lardier du 119e
Quand à moi cela va à merveille, j’ai bien tiré ma peau ainsi qu’Henri, nous sommes les seuls survivants à l’escouade plus Mattel et Letellier mais tu le sais ils étaient restés à Acq. Legras est tué ainsi que ce pauvre Pagès, Lechat, Proz et bien d’autres qu’il serait trop long a énumérés. Campserveux a la médaille militaire et promu sous lieutenant, pour ma part je viens d’être présenté au commandant pour passer cabot.
Quand nous avons été relevés l’effectif était 47 poilus. Je pense que tu dois le savoir nous sommes montés 2 jours après à environ 30 mètres du bois de la folie qu’est ce qu’ils ont pris les boches.
Retour à plat ventre, poste de secours, transport en auto dans une ambulance de l’avant, et aujourd’hui évacuation.
Et une petite dernière :
Mon cher ami, je n’ai reçu que ce matin votre lettre du 28 septembre. Elle est revenue du front, puis du dépôt me retrouver à Caen où je suis depuis le 3 octobre. J’ai échappé aux balles et aux obus à la première attaque mais le lendemain j’ai été à moitié asphyxié par le gaz et ai bien failli passer l’arme à gauche tout de même. A l’ambulance on a dû me faire dans l’espace de 12 heures 3 piqûres de caféine, autant d’Ether et autant d’huile camphrée et le major est revenu voir dans la nuit si je n’avais pas dévissé mon billot. Enfin après 5 jours passés à l’ambulance d’Hermonville on m’a jugé transportable et depuis je suis ici où ma mère est venue à mon chevet. Ca va mieux, je commence à me lever mais j’ai encore les poumons très pris et il parait que j’en ai pour plusieurs mois à me remettre, tant mieux, ce n’est pas un mal par le temps qui court. Car, mon pauvre ami, j’ai gardé un bien triste souvenir de notre attaque du 25 et pourtant vous savez si on y allait de bon cœur. Vous avez peut-être eu des détails à ce sujet. En tous cas voici ce qui s’est passé. A peine sorti je vous ai vu atteint au poignet gauche que vous vous teniez, puis j’ai vu Pontif qui devant moi venait de recevoir une balle dans le rein mais qui a pu regagner la sape. Je file doux avec Campserveux et le capitaine m’attendant à chaque instant à être descendu, on s’arrête un moment pour envoyer quelques coups de fusil sur les créneaux boches puis on repart en avant. Mais nous étions à ce moment là presque seuls. La compagnie fauchée par les mitrailleuses était couchée dans la plaine et les survivants n’avançaient plus. Nous avons alors gagné un trou d’obus où de Buquière, Agnès, Linant, et deux hommes sont venus nous rejoindre. De là nous étions à 25 mètres des postes et nous nous mîmes à les canarder. J’ai dû en descendre un à travers un créneau mais au bout de quelques minutes un des hommes qui tirait à coté de moi reçoit de derrière une balle qui lui décalotte le crâne. C’était des types de chez nous qui affolés nous prenaient pour des Boches et allaient nous esquinter. Le piston nous fit nous planquer et à ce moment arriva l’ordre de nous replier en raison des pertes trop lourdes du régiment. C’est en se repliant que ce pauvre Pagès a été tué. Il reçut d’abord une balle dans les fesses, puis deux balles dans le côté. La deuxième était mortelle. Quant à nous, il était près de 7 heures du soir quand nous quittâmes notre trou où nous avions essuyé tout l’après midi le bombardement et la fusillade de ces salauds là, je quittai le trou le dernier. Quel spectacle mon pauvre vieux. Notre ligne de tirailleurs était jalonnée par les morts et quand on fit l’appel le lendemain matin nous restions à 47 et 3 officiers. Proz (s/Lieutenant) avait été tué net, Lechat aussi. A la section Pagès, Pluet, Delalande, le petit Dudul, et plusieurs autres étaient tués. Depuis je ne sais ce qui s’est passé. J’ai reçu ce matin un mot très court de Campserveux qui est bien aise d’être sorti de la fournaise et qui a reçu la médaille militaire dans les tranchées. Il va m’écrire plus longuement me dit-il, mais peut-être avez-vous eu aussi des nouvelles de votre côté. J’espère que vos blessures et surtout vos pansements ne vous font pas trop souffrir et suis heureux de vous savoir royalement installé vous le méritez bien.
Moi je suis très bien soigné ici et je commence à avoir la respiration un peu plus facile. Mais j’ai eu et on me fait encore tellement de piqûres sur les cuisses que j’ai mes pauvres jambes bien douloureuses. Enfin cela vaut encore mieux que d’être là-bas n’est-ce pas ? Allons mon cher Andrillon, nous nous reverrons au dépôt dans quelques mois à moins que ce ne soit fini ou que je ne passe dans les interprètes, ce que j’essaierai probablement car vous savez l’infanterie j’en ai vu assez.
D'autres lettres sont accessible à cette page : http://pagesperso-orange.fr/119RI/corre ... illon.html
Un très grand merci à Benoit qui a mis la correspondance de son grand oncle sur notre site internet du 119e RI
Amicalement
Xavier