Bois de THIEPVAL - 06.06.1915

[RIO Jean-Yves]

Bonjour à toutes et à tous.

C'était il y a 93 ans ce jour.

JMO du 116e RI - 6 Juin 1915 - « Journée calme. 1 blessé par éclat d’obus à Hamel : 01253 BRUNEL, s.2e cl. de la 12e Cie » .

Pour célébrer le Dimanche de la Fête-Dieu , l’Aumonier du 116e R.I., le Chanoine MOISAN, n’avait pas moins imaginé que sa procession se ferait dans les tranchées de première ligne !! Celle-ci va durer ce jour plus d’une heure et demi.
Il va en rapporter le récit - édifiant , mais aussi où se révèle toute la piété des soldats - dans une lettre écrite à son Évêque , Mgr GOURAUD, trois jours plus tard, le mercredi 9 Juin. Elle atteste une fois encore que l’Aumônier n’avait vraiment peur de rien, ayant une foi inébranlable et une confiance absolue en la Divine Providence :

« Au moment où je vous écris , la bataille fait rage ici. Une batterie de 120 en particulier, placée près de moi, déchire l’air de ses sifflements graves qui contrastent avec la plainte aiguë du 75. Les marmites boches viennent apporter dans ce concert un accompagnement peu mélodieux. Pourtant, nous ne sommes pas dans la zone du combat ; il en est bien autrement à 3 kilomètres d’ici , et cela dure depuis samedi après-midi. »

Le JMO mentionne pour sa part des « Journées calmes » avec toutefois 6 blessés par balles ou éclat d’obus entre le 7 et le 9. Tout était relatif ….

« J’ai cru un moment ne pas pouvoir exécuter le projet que j’avais formé pour dimanche dernier, à cause de cette canonnade : elle a servi au contraire d’accompagnement et a donné une couleur plus locale à notre procession de la Fête-Dieu.
Dans les villes et les campagnes de notre Bretagne, on a fait dimanche un triomphe à Notre Seigneur, mais je doute qu’il y ait eu une procession aussi touchante que celle qui a eu lieu ici , tout le long de nos tranchées de première ligne.
Après la messe, célébrée dans une carrière du fameux bois de T … (THIEPVAL) - par une allée ornée de rosaces de fleurs entre deux rangs de glaïeuls , et sous une voûte de feuillage constituée par des tiges réunies de jeunes arbres qui poussent droits et minces de chaque coté , Notre Seigneur a gagné cet étroit et sinueux sillon qui constitue la frontière provisoire de notre patrie. Là aussi, ce sont des dômes et des tapis de verdure . Profitant de la nuit, nos braves soldats ont ramassé dans le marais et dans les jardins d’un village , près des Boches, de pleines brassées de fleurs ; il y en a partout, dans les girandoles de mousse, au coin des créneaux ; elles encadrent les images pieuses , les cartes postales venues du pays, et qui représentent l’église du baptême, un sanctuaire fameux , très souvent celui de Sainte Anne, tout cela piqué sur la toile de tente qui forme le long du talus une originale tapisserie.

De distance en distance, de petits autels ont été dressés sur le talus et Jésus s’y arrête un instant.
Les sentinelles se détournent sur le passage du Saint-Sacrement , les uns présentent les armes, d’autres s’inclinent ou s’agenouillent, et les soldats qui ne veillent pas se pressent dans les boyaux d’accès ou à l’entrée de leurs gourbis , et tous reçoivent avec piété une bénédiction spéciale du Dieu qui tient entre ses mains la vie ou la mort et qui seul peut les protéger contre les dangers de chaque minute.

En tête du cortège, un sous-officier porte une croix rustique, formée de deux branches de chêne garnies de leurs feuilles, un prêtre brancardier vient après, agitant une petite sonnette . Les officiers suivent immédiatement l’ostensoir, le commandant sur tout le front de son bataillon, les capitaines et lieutenants sur le front de leurs compagnies . Quand ils cédaient leur place à d’autres , me retournant , je les bénissais, priant Notre-Seigneur de les bénir , eux et leurs chers soldats.

J’étais parti à 7 h. ½ et il était plus de 9 heures quand j’ai quitté cette voie , un peu étroite , devenue pour le Christ une vraie voie triomphale . Pour rentrer au village une route assez exposée descend la côte. Il est prudent de suivre le talus ; je conseille à ceux qui m’accompagne de la faire ; mais comme, sur le milieu de la route , nos braves ont dessiné des rosaces , des croix où le bleuet , la marguerite et l’anémone étaient nos trois couleurs, il fallait bien que Notre-Seigneur y passât . Avec Lui qu’avais-je à craindre , du reste ?

L’ostensoir doré, étincelant aux feux d’un soleil brûlant, je suis rentré à l’église (celle d‘AUTHUILLE) , le cœur ému de ce spectacle qui me rappelait , par la foi et la piété des assistants, les processions sur le parvis du Rosaire à Lourdes . La fatigue, je n’y pensais pas, tellement je ressentais de joie infime et débordante.
Comment Dieu n’exaucerait-il pas les prières et les désirs qui sont montés en ce jour vers Lui en notre terre de France ? Aussi , je l’espère fermement, la bataille, commencée sous ses divins auspices, ne manquera pas de nous être favorable . Elle se développe bien , du reste, et nos premiers succès sont un gage assuré de la victoire . Puissé-je avoir le bonheur de vous l’annoncer prochainement ! ».

Cordialement
Jean-Yves

[Ar Brav]

Bonjour Jean-Yves,

Merci pour ce récit, c'est...poignant
Comme nous les retrouvons, nos chers anciens, à travers ces lignes

Amitiés,
Franck [:nico56:2]

[los]

Bonjour Jean Yves

Un grand merci pour ce récit de la procession du chanoine Moisan de Thieval à Authuile dont nous avons suivi les pas dimanche après midi.

Amicalement
Sophie