2 cartes postales

Parcours individuels & récits de combattants
Vincent Juillet
Messages : 247
Inscription : ven. avr. 01, 2005 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Vincent Juillet »

Bonjour,

Voilà deux cartes postales de famille.
La première destinée à mon arrière-arrière-grand-père Armand Massias originaire de Charente-Maritime, alors territorial au 5e Génie à la construction de chemins de fer.


Marseille le 9 Mars 15,

Monsieur Massias,

J’ai reçu votre lettre avant de partir de la Valbonne, le retard que vous avez eu à me répondre est tout pardonné il n’y avait même pas lieu de me prier de vous excuser. Je suis donc de retour à Marseille. A déjà embauché au dressage des chevaux américains arrivés tout récemment, lesquels sont assez doux à part quelques exceptions, ce travail nous est confié en attendant le départ pour le front car cela ne finira pas sans que nous allions y faire un tour. Un de mes camarades a reçu une lettre de son frère qui est au front et lui disant que les correspondances allaient être arrêtées du 15 au 25 Mars et cela en prévision d’un grand coup cera-ce un coup décisif, ce qu’il y a de vrai, c’est je crois qu’on va se hâter le plus possible. A Marseille il n’y a pas grand-chose de changé depuis notre départ pour la Valbonne, la température est meilleure que celle que nous avons subie au camp d’instruction. Avec l’espoir de vous revoir bientôt recevez Mr Massias ainsi que les vôtres l’assurance de mes meilleurs vœux.
L. Tisserand 6e Hussards 11e Escadron 2e Peloton. Marseille. R.D.R.

J’ai rassemblé les lettres que vous avez semées aux extrémités de votre papier et ai trouvé l’endroit où vous êtes résident. C’est facile de dissimuler bien des choses.


La seconde est une carte de son fils Roger mousse à bord de l'Armorique en rade de Brest destinée à son autre fils plus jeune Pierre.


Bord le 29 Janvier (probablement 1917)

Cher Pierre
Hier j’ai reçu le colis de maman et hier soir je suis sorti en ville où je t’ai acheté un petit cadeau que tu vas recevoir d’ici peu de temps. J’ai pu te trouver qu’une carte où il y a un sous-marin et je te l’envoie. Ici il fait très froid. les trains sont arrêtés. ils ne peuvent plus marcher car les rails sont couvertes d’au moins 10 cm de neige et cette neige est gelée et elle est aussi dure que des pierres. il y a déjà eu un déraillement. Le lavage du pont est suspendu car il y en a plusieurs qu’ont eu les doigts des pieds gelés et l’eau se glaçant au fur et à mesure qu’on la jetait et la glace pèserait sur nos pieds. alors regarde comme il fait chaud, j’ai eu plus d’une fois de la glace collée aux doigts de pieds. ce n’est pas bien chaud, je ne sais pas comment j’ai pu faire pour y résister. si tu y étais je te plaindrais. mais je crois que ce sera le plus fort de l’hiver. plus grand-chose. ton frère Roger


Cordialement

Vincent
Avatar de l’utilisateur
latb14-18
Messages : 398
Inscription : ven. avr. 13, 2007 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par latb14-18 »

Bonjour Vincent,

Et merci de partager avec nous ces témoignages très interessants!

Bien cordialement Loïc
latb1418.free.fr
Avatar de l’utilisateur
Jean RIOTTE
Messages : 5774
Inscription : sam. nov. 05, 2005 1:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Jean RIOTTE »

Bonjour Vincent,
Bonjour à toutes et à tous,
Correspondance très intéressante car c'est la première fois que je vois écrit et décrit noir sur blanc un procédé de contournement de la censure.
Ce sujet de la censure et de son contournement avait été évoqué sur le Forum il y a plusieurs mois déjà... Mais je ne retrouve pas le fil !
Merci beaucoup.
Cordialement.
Jean RIOTTE.
Avatar de l’utilisateur
Jean-Claude Poncet
Messages : 1305
Inscription : lun. oct. 18, 2004 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Jean-Claude Poncet »

Bonjour,
J'ai un système consistant à positionner un petit point sous certaines lettres de l'alphabet dans la correspondances.
Autre système de communication du lieu de stationnement en utilisant des majuscules en début de ligne.
Le lieutenant orienteur du 238e RAC. Francis Carton dans une lettre à son père indique qu'il est à Saint-Juvin :
Mercredi 16 octobre 1918
À son père, lettre contenant un mot secret caché : SAINT-JUVIN

Suivant nos conventions et
S ans rien exagérer, il ne m’est pas
possible d’écrire tous les jours, soit
A maman soit à toi : mais je compte
sur M.T. pour vous donner de mes
I ntéressantes nouvelles. Je n’ai pas eu
de lettres hier, mais Lily allait mieux. An-
N a est encore fatiguée paraît-il ? Ici
aussi nous avons quelques grippes. Il faut que
T out le monde y passe décidément. Nos
ordonnances sont les plus éprouvés.
Je me porte parfaitement bien mais Labeunie a un peu de paludisme
U n petit déplacement rétablira cela
malheureusement nous piétinons un peu
V ous vous en rendez peut-être compte
par les journaux : nos voisins vont plus vite ce qui
I nquiète et énerve un peu les soldats
avec lesquels nous travaillons ; enfin
N ous les aurons ; nous les avons je crois.
Que disent les journaux d’aujourd’hui ? Nous le verrons tout à l’heure. Chaque jour apporte une victoire nouvelle. Je suis toujours très content de ma batterie. J’ai vu Maurice il y a une heure, il a un peu mal aux pieds mais à part cela il se porte bien.

Evidemment c'est moi qui ai extrait les lettres majuscules et les ai mises en gras.
Cordialement
Jean-Claude
Vincent Juillet
Messages : 247
Inscription : ven. avr. 01, 2005 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Vincent Juillet »

Armand Massias, épicier, a 42 ans quand il est réquisitionné par l'Armée.
Il a 3 fils. Guy a 14 ans, Roger 12 (futur mousse quand il aura 14 ans) et Pierre 9.

(6-10-14, carte adressée à Roger)
Nous allons rester à Vierzon je ne sais le temps nous sommes affectés au 5e Génie 7e Cie. Je pense que tu es bien raisonnable. Tu diras bien le bonjour chez Fernand et Cie. Reçoit mon Roger mes amitiés et à ta maman
Massias

(8-10-14, carte adressée à Pierre)
Nous sommes rentrés à Vierzon Dimanche matin à 2h. nous avons roulé depuis le matin à 9h jusqu’à 2h. Je suis un peu fatigué, mais en bonne santé. Adieu Pierre
Massias au 137 Tal affecté au 5e Génie 7e Cie

Le 14-10-1914 (à Roger Massias)

Nous faisons du service comme des jeunes soldats. nous sommes toujours à l’exercice. et en marche. je ne sais si cela durera toujours. Et le soir nous couchons à la paille l’on est tout habillé au matin j’ai le mollet gauche qui me fait mal, c’est dans l’os, mais je marche quand même, ce ne sera rien je pense.
Reçoit mon bon Roger ainsi que ta maman mes amitiés
Massias au 5e Génie B10 ets Fernand et Cie

Vierzon le 14-10-1914 (à Pierre Massias)

Je suis toujours à Vierzon. L’on nous dit que nous irons peut-être dans les camps retranchés de Paris. Nous sommes à leur disposition. Soit toujours bien mignon obéit bien à maman et embrasse la pour moi
Massias au 5e génie B20 Vierzon Je n’ai encore rien reçu

Correspondance Militaire (tamponnée du 25-10-1914 à Vierzon)

Mon Petit Pierre
Je puis te dire qu’aujourd’hui je suis allé laver mon mouchoir, chaussettes, serviettes etc. Si tu avais tous ces hommes tout le long du Cher cela faisait un drôle d’effet. Reçoit mon petit Pierre de ton papa qui t’embrasse bien fort en prenant son lait et qui va coucher à la paille ensuite
Massias

Haussimont, le 1 Décembre 1914 le Mardi soir à 8h Marne

Mon bon petit Roger
Ici de ce moment il tombe de l’eau au moment où je vais me coucher. je suis obligé d’écrire dans le plancher où je couche car je n’ai pas eu le temps après le dîner. vu que j’ai fait un partir de lecettes. les gens regardent cela. vu qu’ils ne la connaissent pas. le temps passe de cette façon. l’on va partir d’ici prochainement je pense. cela se pourrait peut-être que l’on s’en irait. c’est mon idée et tant mieux si elle se réalise mon bon Roger Ton papa qui t’aime
Massias

(note : je n'ai pas compris ce mot "lecettes", c'est une transcription approximative)

Haussimont le Mercredi à 5h du 2 Décembre 1914

Mon bon Roger
Dit à Maman que j’ai reçu sa lettre du 30 aujourd’hui. tu vois qu’elle ne s’est pas amusée en route. elle n’a mis que 2 jours. Dit lui aussi qu’elle ne m’envoie pas les sabots aussi bien le temps s’est radouci et que j’ai assez de choses à m’embêter. Pour les tuyaux le prix est de 1.f25 les 2 je crois bien mais pas moins. tu peux regarder les factures c’est vendu tous les % k et tu pèseras. mais c’est ce prix là.
Reçoit mon bon Roger toutes mes amitiés et embrasse Maman en pour moi et Anna. Ton papa
Massias

Haussimont. le Mercredi à 5h du soir 2 Xbre 1914 Marne

Mon bon petit Pierre
Aujourd’hui j’ai reçu une lettre de Maman et de Guy également. Aujourd’hui il a fait bien beau. Je travaille à l’abri pendant quelques jours. car le patron où nous logeons a du travail à faire c’est un grand râtelier de moutons de 12 mètres de long et j’ai demandé au lieutenant pour qu’il m’autorise à lui rendre ce service. il me l’a accordé. cela fera donc plaisir au patron et moi cela ne me dérange pas.
Reçoit mon Petit Pierre de ton papa toutes ses amitiés et embrasse maman bien fort. Ton papa
Massias

Haussimont, le 6 Décembre Dimanche soir à 5h 1914 Marne

Mon bon Roger
J’ai reu une lettre de Guy aujourd’hui et je comptais en recevoir une de maman aussi. mais je n’ai rien vu. ce sera pour demain je pense. Aujourd’hui j’ai travaillé jusqu’à l’heure de déjeuner. après je suis allé me faire rasé. et puis je suis parti dans le couchant de Haussimont un petit bourg qui se nomme Montépreux. Ce soir j’ai la migraine qui est occasionnée par le rhume je pense que demain ce sera passé
Adieu mon bon Roger. Ton papa qui t’aime
Massias

Haussimont, le 6 Xbre 1914. Dimanche soir à 6h Marne

Mon bon petit Pierre
Aujourd’hui dimanche il a fait à peu près beau. je dîne encore ce soir avec mes nouveaux amis qui ont un fils au service qui était rendu il y a un an quand la guerre s’est déclarée. en plus ils ont un gendre qui y est également. lui fait le marchand de machines aussi. et sa femme est à la maison. en plus il y a une jeune fille de 20 ans un jeune homme de 16 et un petit de 7 qui est endiablé. c’est de bien beau monde. je suis très bien. Mais je m’occupe. Reçoit mon petit Pierre toutes mes amitiés et embrasse bien ta maman pour moi.
Massias

Samedi 5 janvier 1915 vers 1h de l’après-midi (Troyes)

Ma chère Marie
Hier soir ma section avait repos et devait aller aux bains douche au quartier de la carte que je t’envoi distant approximativement vu le détour qu’il y a à faire 2 km environ. et en ce jour droit moitié mou. Il y en a beaucoup qui n’ont pas voulu se laver. ils sont bien rentrés dans la salle, mais comme il n’y avait personne pour surveiller, à peine la moitié se sont lavés. Et bien moi je me suis bien savonné et lavé. l’eau était chaude je te ? que cela fait du bien, ensuite l’on est resté en ville jusqu’à 7h. tout est cher. j’ai acheté 10 Roquefort 1/4. ce ne sera pas la peine que tu m’en envoies. Ce n’est pas important. ce que tu voies le plus c’est des Officiers. Je ne sais à quoi cela est il doit y en avoir de reste surtout en ville. J’ai envoyé une feuille journal à Guy aussi avec quelques mots. J’étais à Brie la nuit dernière cela allait bien mais pas longtemps. c’était en rêvant.
Adieu à tous

Troyes, le 20 Janvier 1915 à 7h du soir Aube

Mon cher Enfant
Aujourd’hui j’étais d’ordinaire. je suis allé toucher le pain dans une très belle manutention. ensuite je suis allé visiter une minoterie montée par les Allemands l’an dernier. Ce soir ensuite je suis allé me promener à 4 km dans le Nord de Troyes à Barberey sur la ligne de Paris. j’ai toujours le mal aux dents mais je puis l’endurer mais c’est très embêtant. Je n’écrit pas à maman aujourd’hui. tonton curé m’a écrit. J’écris à tante Clémence également. j’ai reçu une carte d’Eugène aujourd’hui. je pense que tu es toujours aimable. Ton papa qui t’aime. Massias

Troyes, le 22 Janvier 1915 Vendredi soir

Ma chère Marie
J’ai reçu ta lettre du 20 aujourd’hui. cela va assez bien comme correspondance. Ce matin nous avons repos. je suis allé en ville. j’ai acheté une carte du département et un coin de celui de la Marne. Tu verras Sommesous. Haussimont. Tenbarrée. Fère-Champenoise. enfin partout où je suis passé. je vous l’envoyer sous peu il faut que je me trouve un moment. Tonton Curé m’a écrit je te joint la lettre. j’ai écrit à Mr Massias. et là je vais écrire à Bourigon de nuit. j’ai toujours le côté gauche de la bouche d’enflé. Reçoit ma chère Marie mes amitiés
Massias
Je vais te retourner toutes tes lettres
Massias

Le Samedi 6 Février à 8h du soir 1915 (Troyes)

Mon bon petit Pierre
Aujourd’hui je t’envoie une carte à ton tour. Demain j’écrirai à Maman, car je suis garde de cantonnement. ce qui veut dire que je ne vais pas au travail. je reste donc dans ce bazard à seul fin que le tout reste en place, que personne n’y vienne prendre rien, et nettoyer un peu le milieu à seul fin que cela parait propre. Je pense mon petit Pierre que tu es toujours bien mignon, et que tu aides toujours le plus possible et d’être bien aimable. vous voyez que je suis absent et que cela ne va pas des mieux. Adieu mon petit Pierre et dit adieu à toute la famille et embrasse tout le monde Ton papa
Massias

carte : « Sainte-Ménehould – La Sucrerie »

Dimanche 30 Mai 1915 aussitôt déjeuner en rentrant du travail et prêt à y retourner

Mon bon petit Pierre
Je t’envoie la carte de l’usine où je campe tous les jours, depuis lundi. j’ai fait une croix c’est à un bout. un bel établissement. mais pendant la guerre rien ne marche. j’ai reçu une lettre de Guy hier faite à Brie. je n’ai pas reçu le colis. dit à maman qu’elle ne m’envoie rien dans ce genre là. tu peux croire que ces asperges doivent être jolies. Elle devrait me consulter avant d’expédier.
Reçoit mon bon petit Pierre et toute la famille mon amitié
Massias soldat au 5e Génie Cie B19 par Versailles

Barberey, le 10 Août Jeudi soir à 4h ½

Mon bon Guy
Mon camarade Hérard Ursain part ce soir. il emporte donc mon petit colis. tu pourras aller le chercher aussitôt le reçu de ma lettre car il sera rendu.
Il habite chez Bineau-des-Bois. tu passeras à Touvent. et au lieu de rentrer dans la forêt tu fileras sur St André tout droit le village se trouve sur main droite avant d’arriver à la grand route de Cozes à Gémozac. tu y iras le matin. à midi. ou le soir. car quelques fois ils seraient absents. et soit poli. et fait attention en l’eyelette. Ton papa qui vous embrasse à tous
Massias

Barberey, le Samedi 12 Août 1915

Mon grand Roger
C’est aussitôt déjeuner que je viens te donner de mes nouvelles. et par un très beau temps aussi je te pries de croire que ces mouches et moustiques que ces des gibiers bien embêtants. Il y en a parmis nous qui enflent, même qui en souffrent. je n’ai pas cet ennui. Ce matin je suis allé au chantier. et fait pas grand-chose, car le voilà terminé. C’est le finissage. Je ne sais où on va nous emmener. Je pense que tu travailles de ton mieux et que tu aides de même Maman. car elle est bien fatiguée. je t’embrasse bien fort ainsi que tous
Massias

carte : « Groupe de mutilés récompensés à l’Exposition des Travaux exécutés par eux à Maison-Blanche (Neuilly-sur-Marne) »

Gagny, le Dimanche soir 12 Décembre 1915

Mon petit Pierre
Je viens te donner de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes. et te raconter comment j’ai employé mon Dimanche. ce matin il neigeait comme je disais à Maman vers 9h le temps s’est éclairci, et l’ont est allé au travail. il a fait beau le reste de la journée. après déjeuner l’on a eu repos. aussi je suis allé avec un camarade à Neuilly-s-Marne, c’est en E-et-Oise, mais j’ai vu le port qui est bien et la rivère de la Marne. en plus j’ai visité une usine qui pompe de l’eau pour alimenter les villes environnantes. c’est important. en plus l’Eglise qui est jolie. Ensuite l’on est allé à Ville Evrard. c’était un hospice de fous, aujourd’hui ce n’eat en partie que des grands blessés. ils sont au nombre de 800. il y en a sans jambes, sans bras, un qui n’a ni bras ni jambes. c’est très impressionnant. Embrasse bien ta maman pour moi et moi je vous embrasse bien affectueusement tous les deux. Ton papa. Massias

Brienne-le-Château, le 31 Décembre 1915

Ma chère Marie
Je comptais recevoir une lettre de toi aujourd’hui. je n’avais rien. celle là a mis plus de temps que celle du 27 que j’ai reçu le 28, cela n’est pas toujours expéditif. Je ne suis pas inquiet pour ce motif mais ne sais-tu pas lorsque l’on compte sur quelque chose, et que tu ne la reçoit pas, tu te trouves avec un nez. Ce soir il est tombé de l’eau un peu après soleil couché. Demain c’est le nouvel an il y aura repos, et un bon repas, même une bouteille de Champagne à 4 hommes. cela va bien. plus vite tout sera mangé plus vite fini. L’on dit que la section doit aller à St Dizier Lundi. ce n’est pas officiel. Reçoit mes amitiés ainsi que la famille et encore mes meilleurs vœux 1916.
Vincent Juillet
Messages : 247
Inscription : ven. avr. 01, 2005 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Vincent Juillet »

1916

Séreaucourt, près Verdun Dimanche le 27-2-1916

Mon bon Roger
Je viens te remercier de tes bons souhaits qui m’ont fait beaucoup de plaisir. et te dire mon changement. L’on est arrivé Vendredi matin à Bar-le-Duc. je te garantie la marquise qui est longue et large et en ver est en bel état. elle a eu la visite des avions Boches et des Obus. tout est brisé et quelques maisons aussi. il y a eu des tués également. l’on croyait rester là. l’on y est couché qu’une nuit et Samedi l’on a pris un petit train comme le nôtre que l’on appelle Petit Monsieur et l’on nous a amené ici à 30 km de Verdun autant de Mihel et de Clermont en 4 jours. tu parles d’en voir des soldats et des canons des réfugiés et des Blessés. Ecrit toujours à la même adresse. Adieu mon bon Roger. Massias

Séreaucourt près Verdun le 27 Février 1916

Mon bon petit Pierre
Je viens par cette petite carte qui représente mon passage à Bar-le-Duc te remercier de tes bons souhaits au sujet de mon anniversaire, mon entrée dans mes 44 ans. je te promets qu’elle est marquée et que je pourrai m’en rappeler. il faut espérer que le prochain nous le passerons auprès des uns et des autres et que l’on sera complètement débarrassé de notre ennemi dangereux.
Reçoit mon petit Pierre de ton papa une grosse bise. Ecris toujours à Briennin je ne connais pas la nouvelle adresse.

carte : « 282. La Grande Guerre 1914-15 – Sermaize-les-Bains – Bataille de la Marne, (6 au 11 sept. 1914) Place de l’Hôtel de Ville, tous les magasins furent pillés et incendiés »

Lundi 6 Mars 1916

Mon bon Roger
A l’honneur de ton anniversaire qui est le 13 courant, malheureusement pour nous tous l’on ne peut te le souhaiter de vive voix. aussi cette petite carte remplacera ton papa. Je te souhaite donc une bonne fin de tes années, et que l’autre continue mieux que celle à finir. car maman me disait bien que tu étais encore souffrant. Je crois que c’est dû à des chauds et froids. Je te prie fait donc bien attention.
Reçoit mon cher enfant un baiser bien affectueux de ton papa qui ne t’oublie point. Massias
Je t’aurai bien envoyé une plus jolie carte mais près du front tu n’y trouveras que de la misère.

Hesppes. Jeudi soir à 8h le 16 Mars 1916

Mon cher Roger
Je reçois une lettre de Maman aujourd’hui même faite le 12 écoulé. laquelle me dit que tu es allé à Mortagne avec elle en consultation. je vois que ce n’est rien tant mieux. mais quand même ne fait pas de bêtise soit sérieux ne fait pas le fou quand tu t’amuseras. n’ait pas chaud et surtout froid ensuite.
Demain je vais travailler à Souilly c’est distant de 16 km du front. j’étais un peu plus avant encore aujourd’hui un petit pays que l’on nomme Lhemmes. mais c’est fini aussi demain la Cie sera toute ensemble. Aujourd’hui il y a eu une violente canonnade vers St Mielk un coup n’attendait pas l’autre. ce qu’ils doivent entendre dans ces milieux. Reçoit mon bon Roger de ton papa qui t’aime bien une grosse bise
Massias

Hesppes le jeudi soir 16 Mars 1916

Mon petit Pierre chéri
Je t’envoie une petite carte du patelin où demain je vais travailler. car où j’étais aujourd’hui la voie de garage est finie. Donc toute la Cie demain travaillera ensemble. ce n’est qu’à 4 km de Hesppes. il paraît que l’on doit faire 3 km de voie. je ne sais si c’est bien vrai. Aujourd’hui il y a eu une violente canonnade surtout de 11h à 3h tu parles des coups. je me trouvais au moins à 16 ou 18 km mais l’on entendait de ces coups et souvent. je crois que les pauvres malheureux qui tous dans ces milieux doivent s’apercevoir de quelque chose. Aussi en voit-on passé de ces pauvres blessés. mais les morts restent sur place. En même temps qu’à toi j’écris une petite aux frères, vu que je le fais le jeudi et le dimanche. Ce soir avant d’écrire je suis allé à la prière. voilà 3 soirs de suite que j’y vais. hier soir il y avait un soldat prêtre qui prêchait. il avait promis pour ce soir mais il n’y étais pas. Demain soir vendredi j’irai au chemin de croix. J’ai fait une petite prière pour toi, et pour vous tous en un mot.
Ton papa qui t’embrasse bien fort. A. Massias

Hesppes, Dimanche soir à 4h1/2 le 19 Mars 1916.

Mon grand Roger
Hier j’ai reçu une lettre de Maman. et une de Guy dans laquelle elle me disait que le Vendredi 14 Mars Grand-mère devait aller avec toi jusqu’à Gémozac. Je pense maintenant qu’avec ce petit régime en plus la bonne attention que tu prendras que cela ne se renouvellera plus, car c’est des pertes 1er pour nous vu qu’il faut payer quand même le mois. et deuxièmement pour toi principalement. tu perds les cours que le professeur ne peut te faire suivre à toi seul finalement tu te trouveras toujours en arrière. Ici toujours beaucoup de remuement et coups de canons de tirés de part et d’autres. les blessés m’en parlent quand ils passent je vais leur causer au train et me disent qu’actuellement que les Boches n’envoient que des grosses marmites et que c’est intenable. aujourd’hui ce n’était que des bras et jambes blessés. c’est abominable. Reçoit mon cher enfant une grosse bise Massias

Dormans, le 18 juin 1916 Dimanche matin avant le lever

Mon petit Pierre
C’est en étant à mon magasin que je te donne de mes nouvelles. Je me suis levé ce matin à 2h1/2 car l’on nous fait activer le travail. il faut qu’il soit fini à la fin du mois. l’on veut prendre l’offensive probablement. Hier j’ai reçu une lettre de Guy que je te renvoie avec cette petite carte de Dormans. Je compte aller t’embrasser lundi ou mardi. je crois partir dimanche soir. Je n’ai pas reçu de lettre de Maman depuis mercredi au sujet de ce cateau.
Mes amitiés à Maman et un bien doux baiser de papa. Massias

Saint-Etienne-au-Temple le Mardi à 12h1/2 22 Août 16

Ma chère Marie
Aujourd’hui je n’avais qu’une lettre. je te l’envoie. c’est de mon Oncle Célestin. Je viens d’en faire une à Maman, et une à Jeanne. aussi tout mon repos passe là dedans. Au moment où j’écrivais un avion Boche est bombardé au dessus du pays, mais je ne sors pas. cela ne me fait rien. Hier soir il en est passé un au dessus de nous au chantier. l’on en fait pas de cas. c’est inutile d’avoir peur. Renou part en permission ce soir pour Boisredon. Il fait toujours beau, mais comme chaleur c’est moins sûr. l’on peut y tenir. Reçoit ma chérie et mes enfants chéris mes amitiés. Massias
Héraud est rendu de lundi matin

-----------------------------------------------------------------

Roger, 14 ans, mousse à bord de l'Armorique en rade de Brest, écrit à son père Armand Massias

Bord le 10 Décembre 1916

Cher père
Je profite d’un petit moment pour te donner de mes nouvelles. ce soir je vais sortir en ville. ce n’est pas la peine que tu m’envoies ton consentement car notre second maître m’a dit « j’ai confiance en toi. tu peux sortir » et dimanche dernier j’ai sorti. et ce soir je sortirai encore. voilà ce que c’est quand on a une bonne conduite et qu’on est bien vu. Je commence à savoir nager. Ce matin nous avons appris une triste nouvelle c’est la disparition du Sufren un gros cuirassier d’escadre qui est porté comme disparu. on croit que c’est un sous-marin boche qui l’a torpillé. La spécialité que je veux suivre c’est les Fusiliers parce que là je suis plus sûr d’arriver car il en manque et puis maintenant ils ne vont plus au front. L’autre jour j’ai vu Closel de Champagnolles lui il est dans les canonniers. peut-être qu’il sortira avec moi ce soir. plus grand-chose de nouveau.
ton fils qui t’aime Roger 5 Cie 1ère Division
Vincent Juillet
Messages : 247
Inscription : ven. avr. 01, 2005 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Vincent Juillet »

1917

Creil, le 21-5-17 lundi soir à 9h1/2

Ma chère Marie
Aujourd’hui j’avais une lettre de Jeanne. une de Joël. et une de Marthe. je te les joints toutes. Elle me dit que tu souffres encore de tes jambes. fait bien attention ne fait de bêtises. il vaut qu’autre chose en souffre affaire surtout que toi. Aujourd’hui il a fait assez beau. mais la nuit dernière il a fait des éclairs, et tombé beaucoup d’eau. je viens de répondre à Joël. et je lui dit de se trouver à la gare Montparnasse dimanche vers 11h que j’irai à sa rencontre. J’attends sa réponse, ou bien s’il veut venir à Creil ça me va. Je n’irai donc pas à Paris pour la Pentecôte s’il vient me voir. Reçoit ma chère Marie, et mon Pierre mes amitiés et baisers. Massias

Lundi soir 9h1/2. le 11 Juin 1917 (Creil)

Mon petit Pierre
Encore une journée de faite et 7F50 de gagnés. Il n’y a pas plaisir de toucher de l’argent. il s’enva aussi qu’il est donné. Mme François c’est le nom de ma patronne de peussoir. ce soir elle me dit Mr Massias à partir du 15 je vous ferai payer 5 sous de plus par jour. Cela me fera donc 4.F25 par jour rien que pour manger. Elle dit qu’à ce prix elle ne peut pas dîner. C’est bien vrai que tout est bien cher. Hier et aujourd’hui pas de lettres. Tu ne m’écris plus. tu n’as peut-être pas le temps.
Reçoit mon petit Pierre, de ton Papa qui t’aime bien une grosse bise et embrasse Maman pour moi. Massias

Creil. Vendredi soir à 9h1/4. le 15-6-1917 (adressée à Roger)

Mon Dédé
En rentrant à ma chambre, aussitôt sorti de ma pension, j’ai trouvé ton aimable petite lettre où tu me dis que cela va mieux. J’en suis enchanté. En effet j’en ai eu une de ta Maman hier. elle se lamente bien de tout cela. tu dois bien la connaître. elle qui vous aime tout car c’est un baiser même que vous avez. Elle craint toujours pour votre santé, et voudrait que vous soyez travailleurs et raisonnables, et ne pas avoir toutes espèces d’idées, car c’est inutile dans une carrière. Défait-toi donc de la société. Je n’aurai pas la peine d’écrire au Capitaine. J’ai eu grand chaud aujourd’hui il y a une forge de chaque côté de moi perpe? en que c’est.
Je te joints 0.F50c. il tout pour toi et met les utilement. Mes amitiés et bons baisers. Massias

Creil. Dimanche 17 Juin 1917

Mon Dédé
Aujourd’hui je ne suis pas sorti. le temps est trop orageux. j’ai bien assez d’être sur mes jambes la semaine. Maman m’a écrit hier et me dit qu’elle va t’envoyer une boîte de confiture de fraise. Tu n’auras qu’à bien la remercier. Tu sais qu’elle aime que l’on soit poli. et reconnaissant. De ce moment il tombe de la pluie. c’est dû à l’orage. mais le soleil paraît. ce ne sera pas grave. je pense que tu es tout à fait rétabli et ne recommence plus des jeux aussi bêtes que ceux-ci. Reçoit mon cher enfant mes amitiés et bons baisers. Massias

cartes de Châlon-sur-Saone 5e génie aux usines Schesseides :

Jeudi soir 9h le 4-9-1917

Ma chère Marie
J’ai donc commencé à travailler cet après-midi. l’on m’a encore mis au montre? De pièces de Bouts. cela m’est indifférent je n’ai pas de demain en rien.
Il paraît, d’après les copains, que j’arriverai à 240 ou 230F00 ce sera donc comme à Creil. Demain je déjeunerai à l’Usine. je porterai ma musette garnie. il y a un réfectoire que l’on m’a dit. Je viens d’écrire à Barbotin. il paraît que c’est assez facile ici pour les sursis. Je termine et je vais au lit.
Mes amitiés et bons baisers à tous. Massias

Dimanche le matin, le 7-10-1917

Ma chère Marie
Hier soir je ne t’ai pas écrit. car aujourd’hui vu le 1er Dimanche du mois l’on ne travaille jamais. mais les autres on fait une ½ journée.
Voilà la 8e carte que je fais ce matin. et encore il faut que j’en envoie une autre. je pense à Longuire ce qui fera 9. Tu m’enverras mes lettres à mon adresse. car vu le grand nombre que nous sommes c’est embêtant et peuvent se perdre. J’ai attrapé un rhume dans ce déplacement. mais il passe. tous les soirs je prend mon ½ litre de lait. je me suis entendu avec ma patronne de maison. l’on vit ensemble. envoie moi un colis de 10 kg et déclare ce que c’est à la gare. pas faim comme au poulet. si tu peux m’envoyer un pâté de lapin cela me fera plaisir. tu verras Olivier qui te donnera la main.
Mes amitiés à tous. Massias

Dimanche soir 6h à la nouvelle heure (le 7/10/1917, jour du changement d’heure, créé en France en 1916)

Ma chère Marie
Ce matin je suis allé à la Messe. j’en ai profité pour visiter l’Eglise qui est proche d’où j’habite. Après déjeuner je suis parti en tournée pour visiter Châlon. j’ai donc fait des kilomètres. Passant près de la cathédrale. c’était pour ainsi dire l’heure des Vêpres. j’ai y ai donc assisté. Je me suis bien promené. Châlon est bien mieux que Creil et bien plus propre. Tu n’oublieras pas de me mettre du beurre dans mon colis. et de faire la déclaration exacte en cas de détournement qu’il ne soit pas perdu. Demain j’embauche donc à 6h à la nouvelle. il fera bien clair. mais le soir ce sera le contraire. Mes amitiés à tous. Massias
Tu ne tarderas pas à recevoir les enveloppes. cela fera 8 jours demain.

Jeudi soir 9h. le 11-10-1917

Ma chère Marie
Je viens de faire une carte à Dalie. Depuis que je suis ici j’ai écrit 1ermt à Maurice, 2e à Guy, 3e à Marthe, et cette pauvre Dalie passe la dernière. mais elle a son tour tu vois.
Ici l’on ne fait que 11h. 5 au matin et 6 le soir. mais en revanche pas de dimanche dans le mois. l’on a un entier. Tous les autres l’on travaille jusqu’à midi. ce qui fait quand 12h par jour. Comme prix je crois que ce sera à peu près comme à Creil. et peut-être quelques francs en main par mois. Autrement je ne suis pas plus mal. l’on est pas embêté. personne ne dit rien. mais enfin il faut s’occuper. Reçoit ma pauvre vieille chérie et mon Pierre mes amitiés et doux baisers. Massias

Vendredi soir 8h1/2. le 12-10-1917

Ma chère Marie
Rien de nouveau à t’apprendre. Ma santé est toujours assez bonne. Je désire de tout cœur qu’il en soit de même pour vous tous. Aujourd’hui il est tombé de l’eau tout le jour. pas très grosse mais bien épaisse. Aussi ma pélerine ne me laisse pas. elle m’a encore bien servie pour rentrer ce soir. Je vais prendre mon lait qui est servi. et je vais aller au lit. Amitiés et bons baisers à tous. Massias

Fin
Avatar de l’utilisateur
Ferns
Messages : 1015
Inscription : jeu. juil. 05, 2007 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Ferns »

Cher Jean-Claude, avec ta permission , je vais utiliser cettre lettre dans une séance avec des élèves. Je vais essayer de monter un club 14-18 . Il aura pour but de sensibiliser les jeunes au patrimoine qui les entoure -Monuments aux Morts, traces fragiles de la guerre comme des graffitis, cartes postales, corespondances, dessins etc... .
j'ai bien pensé à vous lorsque j'ai découvert quelques inscriptions sur Billy et Septmonts (dans le donjon , notamment...)

Cordialement,

Jérôme.
L'homme en campagne a les mêmes besoins qu'en temps de paix ; ces besoins deviennent même plus impérieux, étant exacerbés par une existence plus active et plus énervante.(Henry Mustière)
Avatar de l’utilisateur
stcypre
Messages : 3868
Inscription : mar. avr. 18, 2006 2:00 am
Localisation : Saint-Gaudens 31800

Re: 2 cartes postales

Message par stcypre »

Bonjour Jerôme,

Je suis également prêt à vous aider... malgré l'éloignement.
Je vois que vous résidez dans l'Aisne, je serais au salon du livre de Craonne le 11/11/2007, où je dédicacerais mes ouvrages.
Si jamais, on pourrait se rencontrer et je vous exposerais mon travail de "devoir de mémoire" auprès des écoles, lycées et collèges.
A votre disposition. J.Claude.
la vérité appartient à ceux qui la recherchent et non à ceux qui croient la détenir.
Avatar de l’utilisateur
Ferns
Messages : 1015
Inscription : jeu. juil. 05, 2007 2:00 am

Re: 2 cartes postales

Message par Ferns »

[quotemsg=1323,9,782]Bonjour Jerôme,

:jap: Cher Jean-Claude,
J'y suis tous les ans! Je n'hésiterai donc pas un instant. Ces moments sont trop rares dans l'année . Encore merci . A bientôt.

Cordialement

Ferns
L'homme en campagne a les mêmes besoins qu'en temps de paix ; ces besoins deviennent même plus impérieux, étant exacerbés par une existence plus active et plus énervante.(Henry Mustière)
Répondre

Revenir à « Parcours »