Bonjour à tous,
Je vous partage cette lettre (en respectant l'orthographe) écrite à mon GP, alors commandant la 25e batterie du 31e RAC. Vous comprendrez sans doute comme moi pourquoi il n'a pas voulu la jeter en triant ses papiers, raison pour laquelle elle est arrivée jusqu'à nous.
"Clamart, le 15 juillet 1916
Mon cher Capitaine
Permeter moi de vous écrire ces quelque lignes vus que ge vient davoir la visite de mon cher petit mari
Je lui ais trouver le moral si mauvais que ge ne ouis menpêcher de vous prévenir
mon cher capitaine vous seré assé aimable de veiller sur lui
mais depuis 23 mois qu'il est a la guerre sent aucune blessure il na pas refusez de marcher
mais aujourdhui je vous previent de veiller sur lui
gais remarquer que par moment il na pas sa tête a lui.
Sa me feré beaucoup de peine si il lui arriver quelque chose et même aves ses camarades ou ses chefs
mon mari qui été si bon sa me semble bizare de voir que son serveau est si fatiguer
surtout cher Capitaine ne lui faites pas savoir que ge vous ais écrit
render vous conte par vous même
ge conte donc sur votre bon dévouement
Veiller agréer cher Capitaine Lassurance de mes sentiments respectueux et tous dévouet..."
Suivent le nom et l'adresse de la femme et du soldat.
Amitiés
Guillaume
Troubles psychiques
- LABARBE Bernard
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Re: Troubles psychiques
Bonjour,
Et merci de nous faire partager la lecture de cette lettre. L'artilleur avait du en prendre un coup dans la timbale et combien dans ce cas là ?... Les plus en danger je pense étaient les "traumatisés légers"... En effet, la psychiatrie militaire de 14-18 n'en était peut-être pas au niveau des connaissances d'aujourd'hui. Alors les "évidents", je pense qu'ils étaient retirés du front puis soignés (
), mais j'imagine que certains "légers" sont passés en conseil de guerre pour "désobéissance, révolte, comportement hors normes", bref, pétage de plombs... De quoi en prendre peut-être 12... Pauvres gens !
Concernant les fautes d'orthographe bien compréhensibles, je pense au langage sms de certains aujourd'hui...
Mais cependant... Quelques mots me font penser que l'épouse a demandé conseil, pour quelques mots, mais troublant quand on voit le reste: "dévouement", "agréer ", "sentiments respectueux". Allez ! Pour ne rien cacher, je trouve cette lettre émouvante, c'est évident, mais en même temps bizarre dans ses alternances de mots "phonétiques" ou bien orthographiés, il y a comme une incohérence... A lire et à relire... C'est osé de mettre en doute la sincérité de l'épouse d'un combattant lequel en a déjà assez vu, mais pourquoi pas ? Une action concertée, "tu fais le débile et j'écris à ton commandant". Pourquoi pas ?
Alors attention, car je m'attends à des cris et à des jets de grenade, je pose juste la question, suite à cette lettre et à l'orthographe... Car j'ai lu des cartes postales écrites par des "pauvres en français", et je vous prie de croire que TOUT ou presque est "phonétique". Ici, je coince...
Cordialement,
Bernard
Et merci de nous faire partager la lecture de cette lettre. L'artilleur avait du en prendre un coup dans la timbale et combien dans ce cas là ?... Les plus en danger je pense étaient les "traumatisés légers"... En effet, la psychiatrie militaire de 14-18 n'en était peut-être pas au niveau des connaissances d'aujourd'hui. Alors les "évidents", je pense qu'ils étaient retirés du front puis soignés (

Concernant les fautes d'orthographe bien compréhensibles, je pense au langage sms de certains aujourd'hui...
Mais cependant... Quelques mots me font penser que l'épouse a demandé conseil, pour quelques mots, mais troublant quand on voit le reste: "dévouement", "agréer ", "sentiments respectueux". Allez ! Pour ne rien cacher, je trouve cette lettre émouvante, c'est évident, mais en même temps bizarre dans ses alternances de mots "phonétiques" ou bien orthographiés, il y a comme une incohérence... A lire et à relire... C'est osé de mettre en doute la sincérité de l'épouse d'un combattant lequel en a déjà assez vu, mais pourquoi pas ? Une action concertée, "tu fais le débile et j'écris à ton commandant". Pourquoi pas ?
Alors attention, car je m'attends à des cris et à des jets de grenade, je pose juste la question, suite à cette lettre et à l'orthographe... Car j'ai lu des cartes postales écrites par des "pauvres en français", et je vous prie de croire que TOUT ou presque est "phonétique". Ici, je coince...
Cordialement,
Bernard
Re: Troubles psychiques
Bonjour Bernard,
Dans mon 2ème livre (Mémoires de papier) sur la correspondance des poilus et de sa famille, j'ai inclu des documents interessants:
- une lettre écrite en phonétique d'un bout à l'autre de la carte postale.
- une lettre d'un poilu demandant à son père de lui envoyer un faux télégramme: "...papa malade, viens tout de suite....", censé être rédigé par sa mère.
- et enfin une CP d'un prisonnier interrogeant le maire de son village sur l'éconduite de son épouse.
Donc je pense que le 2ème exemple semble vous donner raison, mais je m'attends à des reproches également !!!
Bien cordialement. Jean Claude.
Dans mon 2ème livre (Mémoires de papier) sur la correspondance des poilus et de sa famille, j'ai inclu des documents interessants:
- une lettre écrite en phonétique d'un bout à l'autre de la carte postale.
- une lettre d'un poilu demandant à son père de lui envoyer un faux télégramme: "...papa malade, viens tout de suite....", censé être rédigé par sa mère.
- et enfin une CP d'un prisonnier interrogeant le maire de son village sur l'éconduite de son épouse.
Donc je pense que le 2ème exemple semble vous donner raison, mais je m'attends à des reproches également !!!
Bien cordialement. Jean Claude.
Re: Troubles psychiques
Bonsoir à tous, bonsoir Bernard,
A mon avis la formule de politesse a été recopiée sur un texte administratif reçu.
On voit mal cette femme qui a assez d'amour et de culot pour écrire au capitaine de son mari, demander de l'aide pour écrire sa lettre. Ou alors a-t'elle demandé conseil juste pour la formule de politesse ?
Avez-vous les uns ou les autres rencontré ce type de témoignage dans la littérature ou dans des lettres de l'arrière éditées ?
Comment mesurer l'ampleur des dégats psychiques ? Cette question a-t'elle été étudiée ?
Amitiés
Guillaume
A mon avis la formule de politesse a été recopiée sur un texte administratif reçu.
On voit mal cette femme qui a assez d'amour et de culot pour écrire au capitaine de son mari, demander de l'aide pour écrire sa lettre. Ou alors a-t'elle demandé conseil juste pour la formule de politesse ?
Avez-vous les uns ou les autres rencontré ce type de témoignage dans la littérature ou dans des lettres de l'arrière éditées ?
Comment mesurer l'ampleur des dégats psychiques ? Cette question a-t'elle été étudiée ?
Amitiés
Guillaume
- LABARBE Bernard
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- Inscription : mar. juil. 12, 2005 2:00 am
- Localisation : Aix-en-Provence
Re: Troubles psychiques
Re,
Vaste sujet... Que je n'ai pas exploré mais j'y pense parfois... Les hommes de la terre étaient-ils moins vulnérables que les citadins ? Les intellectuels plus que les autres ? Mes deux GP (agriculteurs) sont revenus indemnes (classes 13 et 14), et je me suis posé la question mais trop tard... Cauchemards ? Visions d'horreurs parfois ?
Je me souviens avoir vu des doc tv, des bouts de films montrant comme au zoo "des cas"... Tremblements permanents etc... Combien furent-ils ? Traités à l'époque par électro-chocs avec résultat zéro.
"Un homme sans casque et sans armes se dresse devant nous dans le boyau. Il nous regarde venir. Fixement il nous observe avec des yeux fous qui font peur. Il ne se dérange pas pour nous laisser passer, et quand Beunier lui dit:
- Ote toi donc ! Que fais-tu là ?
Il demande, sur un ton qui nous glace:
- Avez-vous vu ma femme et mes enfants ?... Il y a longtemps que je les cherche ! Ah si vous saviez !... Si vous saviez les choses qui se passent !
Puis un rire le secoue, un rire démoniaque et strident. Il sort du boyau, pousse un long cri, bondit et s'élance dans le bois. Il ramasse une branche sur le sol et, s'en servant comme d'un fusil, il se met à faire l'excercice en se commandant lui même: " L'arme sur l'épaule droite !... Présentez arme !...
Ah le malheureux..."
(Georges Gaudy, "Les trous d'obus de Verdun")
Ce qui dérange dans cette recherche, c'est d'être bien conscient que certains ont du tenter, et parfois peut-être réussir, à "se faire porter malade". Mais à la réflexion, je ne sais pas ce qui était pire à l'époque, un asile d'aliéné pour un simulateur doué, ou le front...
Ils ont du être nombreux les "fadas" de la guerre... Une étude a sûrement été faite.
Entre autres sites vous trouverez quelques références de lectures ici: http://www.crid1418.org/bibliographie/t ... rre.htm#Fc
Cordialement,
Bernard
Vaste sujet... Que je n'ai pas exploré mais j'y pense parfois... Les hommes de la terre étaient-ils moins vulnérables que les citadins ? Les intellectuels plus que les autres ? Mes deux GP (agriculteurs) sont revenus indemnes (classes 13 et 14), et je me suis posé la question mais trop tard... Cauchemards ? Visions d'horreurs parfois ?
Je me souviens avoir vu des doc tv, des bouts de films montrant comme au zoo "des cas"... Tremblements permanents etc... Combien furent-ils ? Traités à l'époque par électro-chocs avec résultat zéro.
"Un homme sans casque et sans armes se dresse devant nous dans le boyau. Il nous regarde venir. Fixement il nous observe avec des yeux fous qui font peur. Il ne se dérange pas pour nous laisser passer, et quand Beunier lui dit:
- Ote toi donc ! Que fais-tu là ?
Il demande, sur un ton qui nous glace:
- Avez-vous vu ma femme et mes enfants ?... Il y a longtemps que je les cherche ! Ah si vous saviez !... Si vous saviez les choses qui se passent !
Puis un rire le secoue, un rire démoniaque et strident. Il sort du boyau, pousse un long cri, bondit et s'élance dans le bois. Il ramasse une branche sur le sol et, s'en servant comme d'un fusil, il se met à faire l'excercice en se commandant lui même: " L'arme sur l'épaule droite !... Présentez arme !...
Ah le malheureux..."
(Georges Gaudy, "Les trous d'obus de Verdun")
Ce qui dérange dans cette recherche, c'est d'être bien conscient que certains ont du tenter, et parfois peut-être réussir, à "se faire porter malade". Mais à la réflexion, je ne sais pas ce qui était pire à l'époque, un asile d'aliéné pour un simulateur doué, ou le front...
Ils ont du être nombreux les "fadas" de la guerre... Une étude a sûrement été faite.
Entre autres sites vous trouverez quelques références de lectures ici: http://www.crid1418.org/bibliographie/t ... rre.htm#Fc
Cordialement,
Bernard
-
- Messages : 464
- Inscription : lun. oct. 18, 2004 2:00 am
- Localisation : Couternon cote d'Or amagasaki
Re: Troubles psychiques
bonjour
Cerveau fatigué ? voila ce qu'a fait la guerre a ces pauvres malheureux poilus.
http://www.youtube.com/watch?v=RRv56gsqkzs
cdlt Roger
Cerveau fatigué ? voila ce qu'a fait la guerre a ces pauvres malheureux poilus.
http://www.youtube.com/watch?v=RRv56gsqkzs
cdlt Roger
- Jean-Claude Poncet
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- Inscription : lun. oct. 18, 2004 2:00 am
Re: Troubles psychiques
Bonjour,
Un site tout à fait intéressant,
http://these-grande-guerre.ifrance.com/
Cordialement.
JCP.
Un site tout à fait intéressant,
http://these-grande-guerre.ifrance.com/
Cordialement.
JCP.
- LABARBE Bernard
- Messages : 3839
- Inscription : mar. juil. 12, 2005 2:00 am
- Localisation : Aix-en-Provence
Re: Troubles psychiques
Bonjour,
http://these-grande-guerre.ifrance.com/ , un site qui manquait, merci JCP pour ce lien !
Cordialement,
Bernard
http://these-grande-guerre.ifrance.com/ , un site qui manquait, merci JCP pour ce lien !
Cordialement,
Bernard
Re: Troubles psychiques
Bonjour à vous tous, je vous transmets un petit extrait des mémoires de mon père Jean Petit. Bonne fin d'année.
Amicalement Stéphane Petit
Bataille de Champagne 28 septembre 1915
"La plaine étant toujours balayée par le feu adverse, ordre nous est donné de faire un détour plus à droite et nous voilà repartis vers notre objectif. Nous évitons des bois bombardés, traversons de petites plaines, de petits boqueteaux où nous apercevons les premiers cadavres bleu horizon aux visages de cire tous frais encore et dont nos regards se détournent avec un malaise indéfinissable. Nous gravissons une colline boisée et nous arrivons vers 16 heures aux abords du bois 28 choisi comme point de départ de notre attaque. Nous avons pu nous dissimuler aux vues de l'ennemi. Cette fois son artillerie ne vient pas nous inquiéter. En revanche en arrière du bois 28 nous retrouvons nos bons amis les 75 installés en plein champ et qui opèrent en vitesse. Nous passons juste devant les batteries : les obus partent au-dessus de nos têtes nous brisant le tympan et le déplacement d'air manque de nous jeter par terre.
C'est à ce moment que le sergent Bélier un de mes meilleurs gradés vient me trouver et me tient un langage incohérent, il prétend que le bois est rempli d'espions... Ses yeux sont agrandis démesurément, un rire étrange plisse ses lèvres : il déraisonne. La fatigue des journées précédentes, l'horreur du spectacle qui se renouvelle à chaque pas, l'odeur et le bruit qui frappent nos sens depuis deux jours, l'inconnu terrible vers lequel nous avançons, tout cela a franchi la limite de résistance du cerveau de ce brave garçon si paisible et qui, certes, ne pouvait imaginer semblables fantasmagories. Il n'y a pas de doute, les propos qu'il me tient sont ceux d'un homme fou."