Trois photos de char Schneider sont données comme étant des photos du char du Commandant Bossut.
Sur deux de ces photos, le commandant est parfaitement identifiable.
Sur la troisième, il est impossible de dire s'il s'agit de lui car le personnage est de dos.
Ces trois photos ont été utilisées à différentes reprises en presse, y compris pendant la première guerre mondiale.

La première photo est celle du char Schneider baptisé "trompe-la-mort"
Sur cette photo le personnage, à droite en manteau, semble effectivement porter des galons de commandant sur la manche droite.
Le char est équipé de ses mitrailleuses et l'infanterie est dans la tenue des fantassins d'élite accompagnant les chars.
Le toit du char porte du matériel (peut-être sa bache), ce qui indique déjà que ce char n'est pas au combat. . . .
Cette photo est souvent donnée avec des commentaires du style :
" Le commandant Bossut, sur le champ de bataille, quelques instants avant d'être tué, guide lui-même son char Trompe la mort"
Il faut savoir que le Commandant Bossut à Juvincourt était chef d'un Groupement de 80 chars (créé depuis seulement 15 jours), et que le char qu'il utilisait comme char de commandement était aux ordres d'un Sous-Lieutenant avec comme adjoint un Maréchal des Logis.
Il y avait donc suffisamment de personnels compétents pour régler ce type de détails. . . . (guider le char !)
Par ailleurs à Juvincourt, avant qu'il ne soit tué, le souci du Cdt Bossut était de réussir à faire passer ces 5 groupes de chars au delà de la première ligne allemande, conquise par l'infanterie, afin de les déployer face à la seconde.
Un peu avant qu'il soit tué il rédigeait et envoyait un message par pigeon et donnait l'ordre au Cdt du Groupe AS 2 de se mettre en bataille pour franchir la deuxième ligne allemande. Un tout autre niveau d'activité que le guidage d'un char !
S'il s'agit effectivement bien du Cdt Bossut sur cette photo, il ne peut que s'agir d'un char à l'instruction, et dans ce contexte son intervention auprès d'un pilote, peut-être inexpérimenté, peut se comprendre.
Ce char est baptisé "Trompe-la mort". Il est (trop souvent) présenté comme étant le char du Cdt Bossut.
Aucun document (et en particulier le récit de son frère Pierre Bossut) ne vient étayer cette affirmation.
Les récits des survivants (membres de l'AOAC et des vieilles chenilles) ne sont jamais venus confimer cette affirmation.
Pour terminer sur cette photo il est important de se rappeller que :
- Les Lieutenant ou Capitaine commandant d'une Batterie de 4 chars avaient un char "attribué",
qui était généralement piloté par un Maréchal des Logis, et qu'ils commandaient leurs 4 chars à pied.
Le char servait à l'occasion de refuge sous la mitraille . . . . ou dans les déplacement avant et après combat.
- Les capitaines commandant les Groupes d'AS désignaient un char d'une des batteries comme leur char de Commandement.
Le fanion du Groupe signalait aux autre chars sa position. Le Cdt de Groupe commandait aussi à pied ses Batteries.
Si l'emploi du Groupe se trouvait très éclaté, le Cdt de groupe de chars pouvait se trouver au PC avant du Cdt de Régiment
qu'il appuyait avec son Groupe et non sur terrain avec les chars.
Le combat de Juvincourt était le premier auquel participait 2 Groupement de chars (Bossut et Chaubès).
Les procédures établies par l'AS prévoyaient, comme pour les autres unités d'appui, que le Cdt de Groupement avait sa place auprès du chef de la Grande Unité qu'il appuyait.
A Juvincourt, le Commandant Bossut ne devait donc pas prendre part, en première ligne, à ce combat.
C'est à sa demande, qu'il a obtenu du Général Estienne le droit de participer activement à cette action.
En dépit de son intervention, le Général Commandant la V° Armée n'a pas voulu engager les chars comme il le demandait.
Prévoyant que cela ne se passerait pas aussi bien que souhaité, il n'a pas voulu être en arrière dans un combat qu'il prévoyait difficile pour ses chars et pour ses hommes.
Le Cdt Bossut n'avait donc pas de char attribué. C'est à la "dernière minute" qu'il a demandé au Sous-Lieutenant Porte, Officier Adjoint de l'AS 2 de préparer un Schneider.
Dans le récit de Pierre Bossut, un élément montre bien que cette idée de char du Cdt de Groupement trottait dans la tête du Commandant. Il avait en effet demandé à son frère de pratiquer des ouvertures supplémentaires carrées, dans le toit de son char, pour pouvoir observer de l'intérieur du char.
Cette modification avait du être demandée préalablement à sa nomination en tant que Commandant de Groupement. Comme Commandant du Groupe AS 2, il aurait effectivement pu alors choisir le char de son frère comme char du Cdt de Groupe au combat.
Devenu Commandant de Groupement, il disposait des chars de réserve de la SRR et ne pouvait enlever à un Groupe une partie son outil de combat.
En tant qu'adjoint de l'AS 2, le Sous-Lieutenant Porte n'avait pas le commandement d'un char. Il était chef de l'échelon du Groupe et serait normalement resté à la base arrière de Maizy. L'AS 101, SRR du Groupement Bossut, avait en dotation deux Schneider (les n° 61178 et 61226), deux St Chamond et deux caterpillars Baby Holt.
Le Compte-Rendu de combat de la SRR 101, après à Juvincourt, parle de l'emploi en dépannage :
d'un Schneider,
des deux Saint Chamond caisson,
des deux tracteurs Baby-Holt.
On peut donc bien supposer que le deuxième Schneider est partie au combat avec le Cdt Bossut, le S/Lt Porte et le MdL Duif (de l'Etat-Major du groupement Bossut).
Dans des rapports ultérieurs, le Schneider 61226 appartient à l'AS 11 (en septembre 1918). Il est donc possible que le char qui a servi de char de ommandement au Cdt Bossut soit le Schneider n° 61178.
Cela ne reste qu'un hypothèse qu'il sera probablement très difficile à vérifier.
Si tous les numéros de chars du Groupement Bossut sont connus, il n'existe pas de liste d'attribution par Batterie et chef de char.
Ce ne sont que des recoupements qui permettent parfois d'associer des numéros à leurs chefs de char (et trop rarement à leurs équipages).


Lieutenant Leyrat - Commandant Bossut Commandant Bossut - Sous-Lieutenant Boucheron
Les deux autre photos sur lesquels le Commandant Bossut est parfaitement identifiable ont toutes les deux été prises à Champlieu. L'une de ces photos est parue dans l'illustration (après la mort du Cdt Bossut) et l'autre a été publiée dans la Brochures de l'AOAC "Avec les chars d'assaut". Brochure éditée après la guerre.
L' A.O.A.C. était l'Association des Officiers d'Active des Chars.
Il a existé plusieurs associations qui se sont succédées ou complétées. OACCA - ACCA - AORCC - Les vieilles Chenilles - ANACAB.
L'association actuelle des chars, héritière de ces différentes associations est l'UNABC.
Ces deux photos sont intéressantes à plus d'un titre.
Le Cdt Bossut y apparait devant un schneider.
Sur la première, à sa droite, le lieutenant Leyrat (Officier Administratif du Grpt Bossut).
Sur la deuxième, à sa gauche, le S/Lt Boucheron (Officier Adjoint tactique du Grpt Bossut).
La photo avec le S/Lt Boucheron, publiée dans la brochure de l'AOAC, est annotée : "photo Boucheron". Il s'agit donc, peut-être, d'une photo donnée à l'AOAC par le S/Lt Boucheron.
Visiblement les deux photos ont été faite au même moment et sans doute avec le même appareil photo. Une photo a du être faite par le Lt Leyrat et l'autre par le S/Lt Boucheron.
Le Commandant Bossut n'a pratiquement pas bougé, il a juste eu le temps de changer de jambe d'appui, et le chef de char de sortir un peu plus de sa trappe.
Il est probable que l'appareil photo appartenait au S/Lt Boucheron et que c'est lui qui a donné la photo publiée par l'illustration.


Une analyse de détail du char montre bien qu'il s'agit du même char. Le camouflage autour du masque de mitrailleuse est identique. La photo sans le S/Lt Boucheron permet de voir l'AS de tréfle identifiant un char d'une 4° Batterie . . . . Il ne s'agit pas d'un char de l'AS 2 car le tréfle est complet et ne possède pas le rond caractéristique cachant le centre de l'As dans le Groupe 2 (voir dans le sujet traitant de l'identification de Groupes Schneider).
Sur la photo publiée par l'illustration, l'As de tréfle a été maquillé. . . . C'est une précaution habituelle de la censure déjà évoquée dans un sujet précédent.


A quelle date ont été faites ces deux photos ?
Le Cdt Bossut a pris le commandement de son groupement le 1° Avril 1917.
C'est donc à cette date qu'a été créé l'état-major du Groupement et qu'ont été placés sous ses ordres les Lt Leyrat, de Gouyon (Adjoint technique), le S/Lt Boucheron et le MdL Duif . . . . .
Aussi membre de l'équipage du char de commandement de Bossut, le Maréchal des Logis Duif a été trouvé grièvement brûlé et mort à 20 m du char par Pierre Bossut.
Les deux photos du Cdt Bossut avec ses deux adjoints ont donc probablement été prises entre le 1° et le 9 Avril 1917, date à laquelle le Groupement Bossut a quitté Champlieu pour participer à sa première action opérationnelle.
Le char est surmonté d'un mat et d'un fanion. Dans son récit sur Juvincourt, Pierre Bossut dit avoir identifié le char par le mat du fanion de cdt installé sur le char. Le char ayant brulé, on peut supposer que le fanion a aussi brulé.
Le fanion visible sur cette photo est-il le fanion de commandement que comptait utiliser le Cdt Bossut ?
Avait-il déjà envisagé ce moyen d'identification en tant que Cdt de l'AS 2 ?
Autant de questions qui resteront sans doute sans réponse, et ces photos peuvent effectivement avoir été réalisées lors d'essais effectués sur un char de l'AS 2.
Un dernier point intéressant, lié au char de commandement du Cdt Bossut, il s'agit de la position du char lors de sa destruction.
Deux sources nous sont parvenues sur ce sujet. Il s'agit du rapport du Capitaine de Forsanz et de la carte du livre du Lt Colonel Perré.
Le Capitaine de Forsanz, commandait le Groupe AS 4. En tant qu'officier survivant le plus ancien du Groupement le rapport sur Juvincourt a été rédigé par lui. Il a par la suite commandé le Groupement.
Dans son rapport, la position du char est donnée à 200 m Nord/Est de la position 2187. C'est aussi la position donnée par le JMO de l'AS 2.
Sur les plans directeurs, des positions en coordonnées Lambert à 4 chiffres situaient des points caractéristiques tels que les batteries d'artillerie allemandes.
Ces points référencés permettaient de réclamer des tirs (sur ces positions ou en référence à ces positions). On en retrouve cités dans tous les JMO et tous les rapports. Ils sont une aide précieuse à la localisation.
Dans ses publications (les Carnets de l'Infanterie et le livre "Batailles et Combats des chars français 1917", le Lt Colonel Perré situe, sur carte, la position du char au Nord du Bois des Vestales.
Le Capitaine de Forsanz commandait le Groupe parti en dernière position. Après les pleins faits à la ferme du Choléra et devant l'embouteillage sur l'itinéraire vers la ferme Mauchamp, son Groupe est passé au sud sur le bord de l'Aisne. Il n'a eu connaissance de la mort du Cdt Bossut que tard dans l'après-midi et n'a jamais mis les pieds dans le secteur Nord (le long de la miette). Son rapport n'est donc que la compilation de ceux de ses subordonnées.
Si le récit de Pierre Bossut ne donne pas de précisions sur la position exacte du char, on est en droit de supposer que le Lt Colonel Perré a eu l'occasion de discuter avec lui (ainsi qu'avec d'autres survivants) et qu'il a aussi du visiter le secteur des combats après la guerre.
L'inauguration du monument des chars de la ferme du Choléra a eu lieu en Juillet 1922, et on peut imaginer que les survivants ont largement arpenté le terrain de ce combat, encore bien marqué à cette date. Il semble donc bien que la position donnée par Perré est la bonne position.
Le Cdt Bossut venait de donner l'ordre au 14 Schneider de l'AS 2 de se déployer. les chars étaient alors en colonne, protégé des vues vers Juvincourt par les arbres du vallon de la Miette. La position au Nord du bois des vestales permettait au Cdt Bossut de voir l'action de l'AS 2 sur la Tranchée du Ruisseau et de voir les chars de l'AS 6 qui commençaient aussi à remonter le long de la Miette. Cette position était idéale pour commander le Groupement à ce stade du combat, mais elle était aussi beaucoup plus exposée aux tirs de l'Artillerie venant de Juvincourt. . . . .
Après Juvincourt, le char de Commandement du Cdt Bossut était juste en arrière de la première ligne française. Le récit de son frère dit avoir reconnu son char au mat du fanion de commandement. Le char, brulé n'était donc pas renversé et la partie arrière, porte ouverte, identifiable.
Si comme sur ces photos le mat était à l'avant, le char n'était donc pas totalement détruit.
Des photos de ce char ont peut-être été faites dans les mois qui ont suivi. Elle reste à trouver et à identifier . . .
De même, si des traces du char étaient encore visibles après guerre, on peut supposer que dans les premières années d'après guerre, les restes du chars aient été photographiés.
Bonne chasse donc, à la photo originale . . . . . Michel
Voir aussi :
pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/A ... _774_1.htm
viewtopic.php?f=34&t=52641