tank nestor (question de Bob Lembke)

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mireille salvini
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Re: tank nestor (question de Bob Lembke)

Message par mireille salvini »

bonjour à tous,

un forumeur américain a posé une question assez spécifique sur le forum "international"
peut-on l'aider ?

c'est quoi un tank "Nestor"?


voici son message en anglais:
Dear Friends;

I am reading the history of 330e Regiment d'Infanterie, which is very good, by the way, and at one point (pp. 34-35) it mentions "pieces contre tanks" and a particular gun, with a name: "Le 75 contre tanks 'Nestor' ". I of course can read the French words, but I (not an expert on the French Army) had not heard of these. The French and English, of course, had much less of a threat from tanks than the Germans did.

The Germans had many specialized "Infantry Gun Batteries" (Infanterie=Geschuetz=Batterien), and many regular batteries of 77 mm field guns from regular artillery regiments were assigned to infantry regiments, usually one or two per regiment. They were often called "accompaning artillery". These guns were usually regular 77 mm field pieces were used, sometimes modified guns, and sometimes other guns, even modified Russian fortress guns.

Can I assume that this was a similar development? I had not heard of this before on the French side. The Germans probably had well over a hundred batteries doing this in 1918. The Germans, although they had much more trouble from Allied tanks, also found these useful for direct fire on infantry, and my father described this to me as he observed it at Verdun.

Any comments?

Bob Lembke
je crois comprendre qu'il demande si,à l'instar des canons 77 allemands,le 75 a subi des modifications spéciales
mais bon,je m'aventure sans doute en terrain miné ;)

avis aux spécialistes!

amicalement,
Mireille
ALVF
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Re: tank nestor (question de Bob Lembke)

Message par ALVF »

Bonjour,

La question de la défense contre les chars d'assaut, du côté des alliés, a été peu étudiée, pourtant, dès 1917, le G.Q.G. français a rédigé de nombreuses prescriptions sur cette question et a pris des mesures actives de défense car il était à prévoir que les allemands emploieraient des chars à plus ou moins long terme.Les principaux textes du G.Q.G. français sont les suivants:

-5 juin 1917: note sur l'organisation de l'artillerie de défense contre les chars d'assaut.

-4 juillet 1917: utilisation de l'obus de rupture de 75 Mle 1910 (Marine) approprié au tir du canon Mle 1897.

-5 août 1917: note sur une torpille terrestre contre les chars d'assaut (on dirait de nos jours une "mine" et non une "torpille").

-2 février 1918: note sur le groupement en unités des équipes affectées à la défense rapprochée contre les chars d'assaut.

-11 février 1918: Instruction sur l'organisation et la construction des batteries (annexe IV décrit le 75 adapté à la défense contre les chars d'assaut).

-25 février 1918: création des batteries de défense rapprochée.

-4 septembre 1918: suppression dans les approvisionnements de l'obus de rupture de 37 reconnu comme inefficace contre les chars d'assaut.

Après la théorie, passons à la pratique, car l'armée française a subi les deux plus grosses attaques de chars allemands de la guerre, le 1° juin 1918 dans le secteur Est de Reims et le 15 juillet 1918 en Champagne.Ces deux grosses attaques ont échoué avec lourdes pertes en chars devant les mesures prises et surtout par l'action de l'artillerie (ces attaques comprenaient surtout des chars ex-anglais capturés à Cambrai mais aussi des A7V de construction allemande).
L'artillerie de campagne agit de deux sortes: par des séries de barrages établis devant les chars à raison d'un front de 200m par batterie et aussi par la recherche du coup au but par un tir rapide après réglage en avant des chars.
Les "équipes" de 1917 comprenaient des groupes d'artillerie de tranchée et des pièces de 37mm Mle 1916 ou de Marine tirant des obus de rupture, ces projectiles pouvaient percer le flanc des chars ex-anglais mais pas la cuirasse des A7V allemands.
A partir du début de l'année 1918, les unités de défense rapprochée devaient échanger leur 37 contre des 75mm Mle 1897 tirant des obus de rupture ou de semi-rupture.
Des groupements tactiques furent créés réunissant des groupes d'artillerie de tranchée et de l'artillerie de défense contre les chars d'assaut (D.C.T., cette appellation désigne la Défense contre les Tanks, à la grande fureur du Général Estienne, "père" des chars français qui impose le nom "char d'assaut").Les unités de D.C.T. sont rattachées administrativement au 176° R.A.T. (Régiment d'Artillerie de Tranchée).Les batteries de D.C.T. comprennent de 3 à 4 sections de 3 à 4 pièces de 75mm.
Pour faire du tir anti-char efficace, il faut avant tout une pièce disposant d'un grand champ de tir horizontal, deux mesures améliorent les capacités du 75mm Mle 1897:
-la construction de plateformes en bois permettant d'accélérer et de stabiliser le tir sur un objectif fugitif.
-la mesure principale est la construction du "chevalet de tir pour canon de 75" utilisé pour les pièces spéciales contre les chars d'assaut, ce chevalet construit en bois armé de ferrures permet un champ de tir horizontal instantané de 60° et le tir rapide sur but mobile.Ce matériel est décrit avec photo dans l'Instruction du 11 février 1918 précité.Je ne connais pas encore le nombre de matériels ainsi modifiés, mais celà viendra!
Cordialement, Guy.
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Tanker
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Re: tank nestor (question de Bob Lembke)

Message par Tanker »

Bonjour, voici en complément aux informations données par Guy quelques autres données qui viennent en partie du même carton.

1°) - La première info sur la fabrication de chars par les Allemands est une note du SR du15 Juin 1917.
Le Haut Commandement, sur la base de ce qu'il était lui même en train d'organiser, a donc pris la menace char allemande au sérieux et décidé de spécialiser des canons de 75 mm des Régiments d'artillerie Divisonnaire au combat antichar. Ces mêmes régiment se sont vus adjoindre quelques 37 mm Bethélem qui semblaient répondre au besoin.
C'est le Commandant de l'Artillerie divisionnaire qui plaçait ces quelques canons, dans le secteur de la division pour répondre à la menace.
Dans le cas de "Nestor", il ne s'agit pas d'un canon antichar de 75 mm affecté au 330° Régiment d'Infanterie, mais probablement d'un 75 de l'AD, placé dans le secteur du Régiment. Avant la dissolution des Batteries de 75 mm antichar les Généraux se plaignaient du nombre de 75 immobilisés dans cette mission dans leurs secteurs alors qu'ils manquaient parfois d'artillerie. Ces canons ne devaient bien sur, comme les 77 allemands, ne se dévoiler que lors d'attaques de chars.
La menace n'a finalement pas été pour les français au niveau imaginé en 17.

2°) - En Novembre 17 - Un cours de Défense antichar est organisé à Sompuis (Camp de Mailly-Poivres) par l'Artillerie de la 4° Armée. Sur ce même site se trouvait le Centre d'Instruction AS du GAC (et les chars de ce Groupe d'Armée). Cette proximité permettant d'instruire les artilleurs auprès de vrais chars.

3°) La Note n° 7161 du 5 juillet 18, rend-compte des essais de tirs au 37 mm sur Elfreide* faits à Bourron. Essais qui ont permis de constater que le 37 mm ne perçait pas le char allemand.
* Elfreide est le char allemand A7V récupéré par la SRR 101 du Groupement d'AS n° II.
La récupération d'Elfreide est l'oeuvre du Lt Barnby du Grpt II et du S/Lt Cossin de la SRR 101.

4°) - Devant le peu d'efficacité du 37 mm comme canon antichar, la note 20297 du 19 Décembre 1917 décide de confier au seul canon de 75 mm la défense antichar.L'idée est alors de déployer 500 canons de 75 à vocation antichar sur tout le front
Par note n° 19811 du 17 Février 1918 est décidée la création, au sein du 176° Régiment d'Artillerie de Tranchée, de Batteries antichar numérotées à partir du numéro 101.

Organisation des Batteries du 176° RAT spécialisées dans le combat antichar

1° Armée (17 canons de 75 mm)
101° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie (37 mm Bethléem)
107° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie (37 mm Bethléem)

109° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie (37 mm Bethléem)
117° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie (37 mm Bethléem)
Deux de ces quatre Batteries sont équipées de 37 mm Bethléem.

2° Armée (27 canons de 75 mm)
102° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie
106° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie
108° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie
110° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie

3° Armée (Aucune artillerie antichar)

4° Armée (90 canons de 75 mm)
Au 28 Juin 18 l'organisation de l'Artillerie Antichar de la 4° Armée était :
111° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 10 pièces de 75 mm en 4 sections.
112° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 11 pièces de 75 mm en 4 sections.
113° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 10 pièces de 75 mm en 4 sections.
114° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 7 pièces de 75 mm en 2 sections.
115° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 7 pièces de 75 mm en 3 sections.
116° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 12 pièces de 75 mm en 4 sections.
118° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 10 pièces de 75 mm en 3 sections.
119° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 10 pièces de 75 mm en 3 sections.
120° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 9 pièces de 75 mm en 4 sections.

Pour la Défense de Reims 4 canons avaient été basculé à la 5° Armée
112° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 1 pièce de 75 mm.
115° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 2 pièces de 75 mm.
118° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie - 1 pièce de 75 mm.

5° Armée (14 canons de 75 mm)
121° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie
123° Batterie du 176° Régiment d'Artillerie

6° Armée
Les pièces de 75 antichars de la sont tombées (sans avoir servi) au main des Allemands en 1918 lors de l'Offensive Allemande.
Ces Batteries sont dissoutes en Juin 18 (Note du 12 Juin 1918).
122° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
123° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
124° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
125° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
126° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
127° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie


7° Armée (16 canons de 75 mm)
128° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie (en Haute Alsace) - 5 canons de 75 mm
129° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie dissoute en Juin 1918.
130° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie (en Haute Alsace) - 7 canons de 75 mm
131° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie (région de St Dié) - 4 canons de 75 mm
132° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie dissoute en Juin 1918.

8° Armée (66 canons de 75 mm)
103° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
104° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
105° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
133° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artilleri
134° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
135° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie
136° Batterie de DCT du 176° Régiment d'Artillerie

Bon week End et à plus tard - Michel
Email - [email protected]

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ALVF
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Re: tank nestor (question de Bob Lembke)

Message par ALVF »

Bonjour,

En recherchant d'autres documents sur le sujet, voilà ce que j'ai trouvé en complément des chiffres très complets de Michel:

-en décembre 1916, le G.Q.G. demande à toutes les Armées leurs besoins en canons de 75mm de Défense contre les Tanks (D.C.T.).

-le 25 janvier 1917, le G.Q.G. rédige une Note relative aux C.R rédigés par les Armées au sujet de la Défense contre les Tanks.
Le G.Q.G. réduit à la baisse le nombre de canons de 75 demandés par les Armées et décide d'affecter 172 pièces de 75 aux Armées, il est précisé que ces canons ne seront affectés "qu'avec 5 ou 6 artilleurs" chacun et qu'il faudra détacher du personnel d'infanterie pour assurer différentes tâches (approvisionnement en munitions, etc...).

-sur une note d'organisation générale de l'Artillerie de septembre 1917, je lis à la rubrique "Artillerie de Défense contre les Chars d'assaut":
"Les matériels de 75 et de 37 sur affûts spéciaux sont servis par des équipes rattachées aux Régiments d'Artillerie à Pied".

-sur une note du 1° octobre 1917 relative à l'artillerie des II°, IV° et V° Armées ne faisant pas partie organiquement des C.A. et des D.I. :
Equipes de défense contre les chars d'assaut:
II° Armée: 47° à 83° équipes de 75mm et 527° à 530° équipes de 37mm.
IV° Armée: 84° à 122° équipes de 75mm et 536° à 542° équipes de 37mm.
V° Armée: 123° à 134° équipes de 75mm et 554° à 557° équipes de 37mm.

Il serait intéressant de connaître la date exacte de passage des pièces de D.C.T au 176° R.A.T., certainement à la date de création de ce régiment le 1° avril 1918?

-enfin sur un état des pièces de 75mm de D.C.T. du 1° novembre 1918, il existerait encore 87 pièces de 75mm de D.C.T. mais leur suppression "est à l'étude".
Cordialement, Guy.

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Tanker
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Re: tank nestor (question de Bob Lembke)

Message par Tanker »

Boujour Guy

Pour moi, le 176° R.A.T. était déjà créé en Avril 1918.
En effet, dans la note GQG/1°Bureau/Artillerie n° 19811 du 17 Février 1918, la 3° Direction/Organisation/Mobilisation propose d'affecter au 176° RAT les Batteries de défense contre les Tanks.

J'ai par ailleurs trouvé :
- que le dépôt du 176° RAT était administrativement rattaché à celui du 6° RA.
- la référence d'une note n° 1457 du 2 Février 1918 créant les Batteries de Défense contre les tanks

Bonne fin de journée - Michel
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ALVF
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Re: tank nestor (question de Bob Lembke)

Message par ALVF »

Bonsoir,

Dans le message précité, l'appellation "Nestor" vise une pièce de75mm de défense contre les chars, ou contre les tanks pour reprendre la désignation officielle de 1917 (D.C.T.).Dans l'historique du 330° RI, les trois pièces de D.C.T. du secteur occupé par le régiment lors de l'offensive allemande du 15 juillet 1918 en Champagne sont appelées "Edouard", "Georges" et "Nestor".Ces noms peuvent être des appellations conventionnelles ou des noms attribués par les servants de ces canons, on ne peut préciser davantage à la lecture du texte.
Cordialement, Guy.
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