bouillon KUB ?

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stcypre
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Re: bouillon KUB ?

Message par stcypre »

Bonjour à tous,

Autres anecdotes, les français ne parlait plus de "Berlingots" mais de Parigots, de l'eau de Cologne mais de l'eau de Pologne... En effet ils ne voulaient plus entendre parler de Berlin et de Cologne...
Au début du conflit les magasins appartenant à des sociétés qualifiées d'allemandes furent saccagés dans les grandes villes: Singer, laiteries Maggy, Kub, cristalleries Carlsbad, Appenrod, le café Viennois, les maroquineries Klein, etc...
Je n'avais jamais entendu parlé des documents du Touring Club.
Cordialment.
J.Claude
la vérité appartient à ceux qui la recherchent et non à ceux qui croient la détenir.
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Charraud Jerome
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Re: bouillon KUB ?

Message par Charraud Jerome »

Bonjour
'Les Parisiens Pendant l'Etat de Siège' par Raymond Séris et Jean Aubry, 1915
Image
http://www.greatwardifferent.com/Great_ ... ege_01.htm

Petites Emeutes - Le Bon Lait Maggi
Le 3 août, vers 3 heures de l'après-midi, une vieille dame vêtue de noir, coiffée d'une capote ornée de roses et dunt les larges brides formaient un nœud sous le menton, s'approcha du laboratoire de la Société Maggi, rue Rochechouart. Levant un parapluie solidement emmanché, elle frappa de toutes ses forces une grande glace de la vitrine qui s'écroula. Le fracas des vitres brisées accrut sa surexcitation, et elle se mit à cogner à tour de bras en criant: « A bas les Allemands! »
Des badauds s'attroupèrent; les voisins sortirent des immeubles. Tout en continuant son oeuvre de destruction, la vieille dame expliquait: « Les directeurs de la Société Maggi sont des espions allemands! Hier, la police a surpris l'un d'eux à la gare du Nord au moment où il allait prendre le train pour Berlin en emportant une caisse contenant 8 millions en or. » Les assistants les plus proches, qui reçurent cette effroyable révélation, la transmirent aux autres en doublant le chiffre. Les 8 millions, rapidement capitalisés par des cerveaux échauffés, s'élevèrent à 40 millions.
Une douzaine de jeunes gens débouchèrent de la rue Condorcet. Ils chantaient la Marseillaise et conspuaient l'Allemagne.
La vieille dame leur communiqua son ardeur dévastatrice. Ils se mirent en quête de projectiles. Un tas de pavés et de pierres oublié sur le trottoir par des terrassiers leur en fournit en abondance. Les curieux s'en mêlèrent. En quelques instants, toutes les glaces de la vitrine furent fracassées. Les bocaux, flacons, éprouvettes et autres accessoires de laboratoire rangés à l'intérieur devinrent les buts d'un jeu de massacre.
Des agents arrivèrent, conduits par un officier de police. Au bout de trois heures de faction, ce dernier donna l'ordre du départ. Cinq ou six gardiens de la paix restèrent là pour maintenir une foule qui s'était rapidement grossie de tous les passants.
La manifestation reprit avec plus de violence. Par une des brèches ouvertes, un jeune homme pénétra dans le bureau du laboratoire et jeta au dehors fauteuils, chaises et table.
On en fit un tas au milieu de la petite place formée par le croisement des rues Rochechouart et Condorcet.
Les feuilles des livres de comptabilité de la maison servirent d'allume-feu.
Autour du brasier, hommes, femmes, enfants dansèrent une ronde en chantant la Marseillaise.
Dans la soirée et pendant la nuit, toutes les boutiques portant l'enseigne du « Bon Lait Maggi » subirent le sort du laboratoire. Il suffisait qu'un manifestant dise : « Voilà une maison allemande » pour qu'elle soit immédiatement saccagée. Des brasseries, des magasins servirent de cibles aux manifestants. Ils commirent, dans leur zèle, des erreurs regrettables.
Des pillards s'étaient mêlés aux gens qui agissaient par haine des Allemands.
La police intervint un peu tard, mais elle le fit avec une vigueur décisive.
Le lendemain, une affiche de la Préfecture de police avertissait les auteurs de pillage, cris ou chants séditieux qu'ils seraient immédiatement déférés au conseil de guerre.
Un deuxième placard collé à côté du premier faisait appel à l'esprit d'ordre et au patriotisme des habitants. Leurs effets combinés sauvèrent beaucoup de devantures amies et ennemies.


Les Semeurs de Fausses Nouvelles et de Panique
Comme il fallait s'y attendre, les fausses nouvelles abondent. Elles jaillissent d'une source mystérieuse et se répandent dans la ville avec une incroyable rapidité. Elles ont remplacé le « tuyau » de course. Chacun veut avoir son renseignement sur la marche des armées, sur les positions qu'elles occupent, sur leurs opérations, sur les projets du généralissime, sur la durée de la guerre.
On vous glisse le dernier « tuyau » chez le coiffeur, au restaurant, à la brasserie, partout où vous conduisent votre désœuvrement ou vos occupations. A force de l'entendre, vous l'adoptez et le passez pour paraître informé d'événements que ne donnent pas les journaux.
D'abord il y eut des fausses nouvelles cocasses et inoffensives. On disait: « Vous avez remarqué les panneaux de publicité de la maison Maggi? Eh bien, il paraît que des espions allemands ont tracé sur l'envers un plan de Paris avec les indications des principaux établissements financiers, entrepôts de marchandises, de vivres, etc.. Si les soldats de Guillaume rentrent à Paris, ils n'auront qu'à retourner ces panneaux pour être immédiatement renseignés.
« Méfiez-vous des cubes de bouillon Kub, ils sont empoisonnés. »
Des racontars furent mis en circulation, d'autant plus dangereux qu'il était impossible d'en contrôler immédiatement l'exactitude:
« L'armée était en pleine débandade, après Charleroi. Nous étions fichus.
« Des grands chefs étaient passés en conseil de guerre. L'un d'eux avait été fusillé, l'autre s'était suicidé. »
Des bruits de trahison circulaient et trouvaient du crédit:
« Les Allemands seraient à Paris le 15 août, comme ils l'avaient annoncé.
« La capitale n'était pas défendue, l'ennemi allait entrer comme dans du beurre. »
Des gens louches s'approchaient des groupes, y lançaient la fausse nouvelle et filaient en laissant leurs auditeurs la commenter, l'amplifier pour aller la répandre ensuite, en toute bonne foi.
Le paniquard aidait la besogne de l'espion.
Le paniquard est un esprit chagrin, soupçonneux, facile à troubler, qui s'ingénie à faire partager son pessimisme aux autres. Il sévit en tous temps, mais constitue un véritable danger pendant les grandes crises.
Tout événement heureux lui paraît suspect. Il s'arrangera de façon à jeter le doute dans rame de ceux qui s'en réjouissaient. Si l'ennemi recule, il dira que c'est pour mieux avancer. S'il se fait battre sur un point, il soutiendra que c'est une feinte, tendant à nous attirer là pour mieux nous attaquer ailleurs.
Le paniquard ne voit que les qualités de l'adversaire et ne signale que nos défauts. Il avoue son admiration pour le plan des Allemands, la façon dont il est conduit, et ne trouve que des critiques pour nos opérations et le haut commandement des armées alliées. Dans son aberration, il en arrive à souhaiter la défaite de nos troupes, pour donner une consistance à ses ruminations morbides et semer plus sûrement la terreur autour de lui. Il est plus dangereux qu'un espion, car celui-ci ne fait que passer, tandis que l'autre déploie à démoraliser ses compatriotes une incroyable ténacité.
Quelques jours après la bataille de la Marne, pendant que les alliés s'efforçaient de déloger les Prussiens de leurs tranchées, une nouvelle, combinée, lancée dans la circulation, amplifiée, soutenue avec une ingéniosité diabolique, occupa les Parisiens, déborda dans la banlieue et s'étendit jusqu'en province.
D'abord on annonça que le généralissime venait d'avertir le Gouvernement qu'il était assuré de la victoire. Il demandait quarante-huit heures pour jeter les Allemands au delà de la frontière.
Ce n'était déjà pas mal. Deux jours après, ce fut beaucoup mieux. « Le général von Klûck était à bout de résistance. Il avait manifesté l'intention de se rendre, mais sous certaines conditions que notre grand Etat-major avait repoussées. »
Bientôt on donna la capture de von Klûck et de son armée comme un fait acquis. L'ennemi était en pleine déroute.
Les gens renseignés, c'est-à-dire presque tous les Parisiens, attendaient les communiqués avec une impatience frémissante. Ils s'irritaient d'y trouver cette formule déconcertante: « Nous avons légèrement progressé sur quelques points, sur d'autres la situation est inchangée. »
Pourquoi la censure militaire s'obstinait-elle à cacher la grande victoire, puisqu'elle était connue de tout le monde? C'était odieux et absurde!
On achetait des drapeaux, des lampions: le bruit courait que la Ville avait commandé des feux d'artifice pour célébrer la retraite définitive de l'envahisseur.
Cette exaltation des esprits, qui ne reposait malheureusement sur nulle réalité, prit de telles proportions que le Gouvernement militaire crut devoir intervenir et mit les choses au point dans un communiqué catégorique où il menaçait de poursuites judiciaires les propagateurs de fausses nouvelles.
Depuis, les « tuyauteurs » et les « paniquards » continuent à sévir, mais avec plus de circonspection. Les Parisiens accueillent avec le même sang-froid les nouvelles bonnes ou mauvaises. Quand on leur annonce « confidentiellement » une grande victoire imminente, ils ne courent plus acheter des lampions.


Il est intéressant de noter que le texte a été écrit en 1915. Certains racontars étaient finalement vrais. Information? Désinformation?

A lire sur le sujet:
Des yeux dans le bouillon (KUB) Espionnage et affichage, cubisme et patriotisme
http://grit.fltr.ucl.ac.be/article.php3 ... te=2009-02

Pour le Touring Club, je n'ai jamais vu quelque chose le concernant. N'ayant pas le livre cité, Jean Louis, pourriez vous regarder si Yves Pourcher ne citerait il pas quelques références?

Cordialement
Jérôme Charraud
Les 68, 90, 268 et 290e RI dans la GG
Les soldats de l'Indre tombés pendant la GG
"" Avançons, gais lurons, garnements, de notre vieux régiment."
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pierret
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Re: bouillon KUB ?

Message par pierret »

Bonsoir Mounette, bonsoir Jean Claude, bonsoir Jérôme, bonsoir à tous.

J'ai hésité à terminer ma retranscription par cette phrase citant le Touring Club de France car je pensais bien que cela allait déclencher bon nombre d'interrogations auxquelles je serais dans l'incapacité de répondre.

Pour seule réponse je ne peux hélas qu'insérer le scan des deux pages concernées.

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Vous en souhaitant bonne lecture.

Cordialement.

Jean-Louis
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pierret
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Re: bouillon KUB ?

Message par pierret »

Re Bonsoir à vous tous

Le sujet "bouillon Kub" avait déjà été abordé il y a quelques temps sur ce forum

pages1418/forum-pages-histoire/colonne-sujet_7394_1.htm

Cordialement

Jean-Louis


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mounette_girl
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Re: bouillon KUB ?

Message par mounette_girl »

---J'ai hésité à terminer ma retranscription par cette phrase citant le Touring Club de France car je pensais bien que cela allait déclencher bon nombre d'interrogations auxquelles je serais dans l'incapacité de répondre---
Bonsoir à tous

Oui, c'est dommage, Jean-Louis, car j'aurais aimé savoir où l'on pouvait trouver le document original de l'ordre (ou de la consigne donnée) concernant le Touring Club ! Tant pis.

En attendant, pour illustrer et justifier mon propos (voir mon précédent message, ci-dessus), concernant les cartes offertes à nos soldats, voici le scan de l'une d'entre elles :

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Bien amicalement.
Mounette.

"Tes yeux brillaient moins aujourd'hui /Dis-moi, dis-moi pourquoi chère âme /Dis-moi quel chagrin, quel ennui /Mettait un voile sur leur flamme." - Sergent Ducloux Désiré, dit Gaston - 146° RI
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ladamenbleu
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Re: bouillon KUB ?

Message par ladamenbleu »

Bonsoir à tous ! je remonte le sujet pour faire suite à ma lecture "Le der des Ders " de Didier Daenincks (folio policier n°59 page 192) où l'auteur fait référence à un rassemblement rue Blaise Desgoffes ( Paris 6ème) où les parisiens s'étaient rassemblés pour la plus grande bataille de yaourts de tous les temps au lendemain de l'arrestation du roi de la traite du petit blanc -Maggi- à la frontière, "la bagnole bourrée d'or destinée à l'Empereur Guillaume" (sic). Merci de m'éclairer sur cet épisode si vous en avez connaissance...Pour ma part, j'ai appris aussi que c'est l'Eau de Louvain qui remplacait l'Eau de Cologne (car la Pologne telle que nous la connaissons a été créée en 1919 et appartenait donc à la Russie, à l'empire Autrichien et Allemand)...
" Si nous pouvions lire l’histoire secrète de nos ennemis, nous trouverions dans la vie de chaque homme un chagrin et une souffrance suffisants pour désarmer toute hostilité. "Henry Wadsworth Longfellow
pierreth1
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Re: bouillon KUB ?

Message par pierreth1 »

Bonsoir
Paul LÉAUTAUD dans son journal littéraire a écrit:
« On a débaptisé l'eau de Cologne, devenue Eau de Louvain, les chiens de berger allemands, devenus des bergers alsaciens, la rue de Berlin, devenue rue de Liège, et les propriétaires de la rue Richard-Wagner l'ont muée en rue Albéric-Magnard. J'espère bien qu'à la paix on débaptisera la rue de la Victoire. »
6 décembre 1917
Mais je ne vois pas le rapport avec la Pologne: en effet l'eau de Cologne vient de la ville de Cologne Köln en allemagne
Durant la guerre nombre de réference à l'Allemagne ont été remplacée par des appelations plus neutres ainsi la Famille royale du Royaume Uni descendant de la maison de Hanovre a pris le nom de Windsor et les Battenberg sont devenus Mountbatten ...

mais souvenons nous plus récemment suite à notre refus de participer à la guerre d'Irak certains américains ont bien débaptisé les frites (french fries) en freedom fires...comme quoi rien ne change. :pt1cable:
Cordialement
Pierre

pierre
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stcypre
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Re: bouillon KUB ?

Message par stcypre »

Bonjour,

Moi je me souviens avoir lu en effet que l'eau de Cologne était devenue l'eau de Pologne et les Berlingots les Parisgots...
J.Claude
la vérité appartient à ceux qui la recherchent et non à ceux qui croient la détenir.
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