Bonjour,
A Cyril Cary,
Si votre message est une réponse au mien, il y a une incompréhension (sinon, j'ai rien dit !!), j'ai bien compris que ces canons redoutés étaient tout ce qu'il y a d'allemand.
Je voudrais juste savoir comment les combattants français en sont venus à s'imaginer qu'ils étaient autrichiens (et ce, dès le début de la guerre car la citation de Genevoix date de fin 14 ou début 15).
ALVF lui-même, dans le message inaugural, faisait part de quelques hypothèses éparses à la volée, mais sans avoir la réponse, et il ne me semble pas qu'on y ait répondu par la suite. Etait-ce un détail sur la munition retrouvée qui faisait penser à quelque chose d'autrichien ? Ou une erreur du renseignement français qui aurait du coup lancé cette idée fausse dans les circuits ?
(On aurait un exemple analogue pendant la SGM, avec les Britanniques qui croyaient qu'il existait une version du Stuka construite sous licence en Italie par Breda).
Cdlt
Cyrille
" 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
"Sur un banc étaient rangés quinze ou vingt bonshommes qui avaient bien une douzaine de jambes à eux tous." (Duhamel)
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Bonjour,
Tout d'abord, au sujet de la remarque du 9 cm du hameau de Clairey (merci de nous avoir précisé la localisation exacte), je crois qu'il n'y a plus de "débat", ce canon est bel et bien un 9 cm C/73 allemand.
Pour répondre à Cyrille (Cuchlainn), sa question est bien au coeur du problème!
Je ne vois qu'une mauvaise interprétation initiale de l'examen de débris, mais je n'en ai trouvé trace dans aucun document "artillerie".
-Une première constatation: les montages des ceintures des obus des canons allemand et autrichien de 9 cm d'anciens modèles sont assez proches mais n'auraient pas dû tromper un spécialiste, même au début de la guerre.
-Une deuxième constatation: il est certain qu'au moins à une occasion (qui figure d'ailleurs dans un JMO), un projectile allemand a été confondu avec un autrichien.Il s'agit d'un projectile exceptionnel (38 cm SKL/45 de Marine allemand tiré près de Verdun), dans ce cas, l'examen superficiel d'un culot et d'une gaine portant les poinçons de la Marine (couronne impériale allemande) a conduit à confondre ces "couronnes" avec le poinçon de l'Autriche-Hongrie (pourtant différent, aigle bicéphale de la double monarchie) car les douilles de l'artillerie autrichienne portaient toutes ce poinçon.Depuis septembre 1914 et l'abandon de munitions et douilles autrichiennes de 30,5 cm devant le fort de Troyon, les spécialistes artificiers et officiers chimistes français avaient eu le loisir de découvrir ces données.
Cet argument n'est pas probant car les obus de 9 cm allemands ne portaient pas ces poinçons, A L'EXCEPTION TOUTEFOIS des obus de 8,8 cm de la Marine allemande, mais seuls quelques rares 8,8 cm L/30 allemands de marine furent employés sur terre.On pourrait admettre que la découverte de munitions de 8,8 cm de Marine allemand ait pu induire en erreur les premiers artilleurs ayant eu à analyser de tels projectiles en 1914.Pour mémoire, l'utilisation des canons de 8,8 cm de Marine Flak et de Flak n'aura lieu que postérieurement à toutes ces affirmations de poilus affirmant recevoir du "88 autrichien".
Il faut donc attendre la découverte d'un document technique ou d'un témoignage véritablement précis pour vérifier l'origine de ces affirmations.
A titre de comparaison, je joins des schémas montrant les poinçons que l'on trouve sur les culots, les douilles et les gaines des canons de Marine allemands et ceux que l'on trouve sur presque TOUTES les douilles autrichiennes (Terre et Marine).Les poinçons sont fort différents et ne peuvent tromper qu'un non-spécialiste.


Culot d'un obus de 38 cm SKL/45 (Marine allemande) Gaine et Détonateur d'un obus de 21 cm SKL/40 (Marine allemande)

Douille de canon de 10 cm M 14 autrichien
Cordialement,
Guy François.
Guy François.
Tout d'abord, au sujet de la remarque du 9 cm du hameau de Clairey (merci de nous avoir précisé la localisation exacte), je crois qu'il n'y a plus de "débat", ce canon est bel et bien un 9 cm C/73 allemand.
Pour répondre à Cyrille (Cuchlainn), sa question est bien au coeur du problème!
Je ne vois qu'une mauvaise interprétation initiale de l'examen de débris, mais je n'en ai trouvé trace dans aucun document "artillerie".
-Une première constatation: les montages des ceintures des obus des canons allemand et autrichien de 9 cm d'anciens modèles sont assez proches mais n'auraient pas dû tromper un spécialiste, même au début de la guerre.
-Une deuxième constatation: il est certain qu'au moins à une occasion (qui figure d'ailleurs dans un JMO), un projectile allemand a été confondu avec un autrichien.Il s'agit d'un projectile exceptionnel (38 cm SKL/45 de Marine allemand tiré près de Verdun), dans ce cas, l'examen superficiel d'un culot et d'une gaine portant les poinçons de la Marine (couronne impériale allemande) a conduit à confondre ces "couronnes" avec le poinçon de l'Autriche-Hongrie (pourtant différent, aigle bicéphale de la double monarchie) car les douilles de l'artillerie autrichienne portaient toutes ce poinçon.Depuis septembre 1914 et l'abandon de munitions et douilles autrichiennes de 30,5 cm devant le fort de Troyon, les spécialistes artificiers et officiers chimistes français avaient eu le loisir de découvrir ces données.
Cet argument n'est pas probant car les obus de 9 cm allemands ne portaient pas ces poinçons, A L'EXCEPTION TOUTEFOIS des obus de 8,8 cm de la Marine allemande, mais seuls quelques rares 8,8 cm L/30 allemands de marine furent employés sur terre.On pourrait admettre que la découverte de munitions de 8,8 cm de Marine allemand ait pu induire en erreur les premiers artilleurs ayant eu à analyser de tels projectiles en 1914.Pour mémoire, l'utilisation des canons de 8,8 cm de Marine Flak et de Flak n'aura lieu que postérieurement à toutes ces affirmations de poilus affirmant recevoir du "88 autrichien".
Il faut donc attendre la découverte d'un document technique ou d'un témoignage véritablement précis pour vérifier l'origine de ces affirmations.
A titre de comparaison, je joins des schémas montrant les poinçons que l'on trouve sur les culots, les douilles et les gaines des canons de Marine allemands et ceux que l'on trouve sur presque TOUTES les douilles autrichiennes (Terre et Marine).Les poinçons sont fort différents et ne peuvent tromper qu'un non-spécialiste.


Culot d'un obus de 38 cm SKL/45 (Marine allemande) Gaine et Détonateur d'un obus de 21 cm SKL/40 (Marine allemande)

Douille de canon de 10 cm M 14 autrichien
Cordialement,
Guy François.
Guy François.
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Et bien le mystère demeure ! Affaire à suivre !
Un grand merci pour toutes ces précisions.
Cordialement,
Cyrille.

Un grand merci pour toutes ces précisions.
Cordialement,
Cyrille.
"Sur un banc étaient rangés quinze ou vingt bonshommes qui avaient bien une douzaine de jambes à eux tous." (Duhamel)
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- Inscription : jeu. juin 28, 2007 2:00 am
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Alors je vais apporter mon point de vue "d'orientaliste" :
-d'abord sur la présence de "pièces autrichiennes", sachant l'énorme carence en général de l'artillerie de campagne austro-hongroise, démondée en grande partie, et largement inférieure à tous les puissances (seulement 42 canons par division pour 48 chez les Russes et 72 chez les Allemands), il est impossible que des unités de campagne aient été envoyés sur le front Ouest, les seules engagées étant les pièces ultra-lourdes de Skoda.
-une piste : les Autrichiens n'ont jamais été capables d'être auto-suffisant dans la confection de munitions - donc, les usines allemandes ont produit une partie des besoins de la Double-Monarchie. Alors pourrait-on se trouver face à des stocks de 88mm, prévus pour l'Autriche, mais employés à l'Ouest ? Ca ne parait pas impossible si les vieilles pièces allemandes et autrichiennes peuvent tirer la même munition (1e question), et l'on peut comprendre l'origine du "88 autrichien" si ces obus étaient marqués "à l'autrichienne" (2e question), et détournés vers l'ouest....quand à trouver des preuves de l'envoi de stocks autrichiens vers l'ouest, pas facile....
-d'abord sur la présence de "pièces autrichiennes", sachant l'énorme carence en général de l'artillerie de campagne austro-hongroise, démondée en grande partie, et largement inférieure à tous les puissances (seulement 42 canons par division pour 48 chez les Russes et 72 chez les Allemands), il est impossible que des unités de campagne aient été envoyés sur le front Ouest, les seules engagées étant les pièces ultra-lourdes de Skoda.
-une piste : les Autrichiens n'ont jamais été capables d'être auto-suffisant dans la confection de munitions - donc, les usines allemandes ont produit une partie des besoins de la Double-Monarchie. Alors pourrait-on se trouver face à des stocks de 88mm, prévus pour l'Autriche, mais employés à l'Ouest ? Ca ne parait pas impossible si les vieilles pièces allemandes et autrichiennes peuvent tirer la même munition (1e question), et l'on peut comprendre l'origine du "88 autrichien" si ces obus étaient marqués "à l'autrichienne" (2e question), et détournés vers l'ouest....quand à trouver des preuves de l'envoi de stocks autrichiens vers l'ouest, pas facile....
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Bonsoir,
passionnant débat, en effet dans plusieurs témoignages, on peut lire que les plus dangereux des projectiles sont les 88 autrichiens. Je ne vais citer qu'un témoignage parmi d'autres car sans doute moins connu. On est en mars 1918 du côté de Noyons :
" I's'rait pt'êt'pas prudent d'rester là; pour sûr on est repéré."
Crainte fondée et à point formulée, car nous n'avons pas plus tôt levé le siège que des obus de 88 viennent choir à l'endroit que nous occupions. Ces obus sont les plus meurtriers de tous,par la raison que le bruit de leur départ ne parvient à nos oreilles que lorsqu'ils sont arrivés au but, et qu'ainsi nous ne pouvons les éviter. On n'entend qu'un sifflement bref suivi de l'éclatement du projectile..."
Raymond Pelloutier, La voix d'un jeune ( souvenirs d'un bleuet de la classe 1917 ), Ed. Eugène Figuière, Paris.1930.
Dans le journal que nous avons transcrit avec des élèves, l'auteur, en été 1915, évoque aussi ces obus qui se "cassent terriblement bien" ( voir 1er juillet 1915 ).
http://www.memorial-chemindesdames.fr/p ... nt_id=1035
La question de l'origine de cette méprise reste entière. Est-ce par honte de reconnaître que ceux d'en face pouvaient surprendre efficacement. Après des articles bourrage de crâne sur l'inefficacité des canons allemands, en voilà qui sont meurtrier ! Ils ne doivent donc pas être allemands! Et d'ailleurs les témoins évoquent-ils en retour des tirs de 90 mm ? Sans doute mais souvent mélangés avec d'autres calibres...77, 90, 105 ... zut, va falloir tout relire pour vérifier, ça va prendre des années !!!
Cordialement,
Ferns
passionnant débat, en effet dans plusieurs témoignages, on peut lire que les plus dangereux des projectiles sont les 88 autrichiens. Je ne vais citer qu'un témoignage parmi d'autres car sans doute moins connu. On est en mars 1918 du côté de Noyons :
" I's'rait pt'êt'pas prudent d'rester là; pour sûr on est repéré."
Crainte fondée et à point formulée, car nous n'avons pas plus tôt levé le siège que des obus de 88 viennent choir à l'endroit que nous occupions. Ces obus sont les plus meurtriers de tous,par la raison que le bruit de leur départ ne parvient à nos oreilles que lorsqu'ils sont arrivés au but, et qu'ainsi nous ne pouvons les éviter. On n'entend qu'un sifflement bref suivi de l'éclatement du projectile..."
Raymond Pelloutier, La voix d'un jeune ( souvenirs d'un bleuet de la classe 1917 ), Ed. Eugène Figuière, Paris.1930.
Dans le journal que nous avons transcrit avec des élèves, l'auteur, en été 1915, évoque aussi ces obus qui se "cassent terriblement bien" ( voir 1er juillet 1915 ).
http://www.memorial-chemindesdames.fr/p ... nt_id=1035
La question de l'origine de cette méprise reste entière. Est-ce par honte de reconnaître que ceux d'en face pouvaient surprendre efficacement. Après des articles bourrage de crâne sur l'inefficacité des canons allemands, en voilà qui sont meurtrier ! Ils ne doivent donc pas être allemands! Et d'ailleurs les témoins évoquent-ils en retour des tirs de 90 mm ? Sans doute mais souvent mélangés avec d'autres calibres...77, 90, 105 ... zut, va falloir tout relire pour vérifier, ça va prendre des années !!!
Cordialement,
Ferns
L'homme en campagne a les mêmes besoins qu'en temps de paix ; ces besoins deviennent même plus impérieux, étant exacerbés par une existence plus active et plus énervante.(Henry Mustière)
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Bonjour à tous
Désolé d'arriver en retard voici la version française
Désolé d'arriver en retard voici la version française
La modestie de ceux qui, aujourd'hui encore, côtoient le danger n'est plus à démontrer; la rigueur le calme et la patience dont ils font preuve constituent leur meilleur protection. Ces diables d'hommes que sont les plongeurs démineurs...
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?

La modestie de ceux qui, aujourd'hui encore, côtoient le danger n'est plus à démontrer; la rigueur le calme et la patience dont ils font preuve constituent leur meilleur protection. Ces diables d'hommes que sont les plongeurs démineurs...
- Arnaud Carobbi
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Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Bonjour à tous,
Quelle passionnante discussion : entre le mythe qui est devenu la règle et la réalité qui dément dès le départ l'appellation...
Je précise en préalable que je suis l'idée que les "88" sont en fait des 90 allemands.
Cette expression se retrouve absolument partout dans les écrits des contemporains :
Dans les témoignages, il suffit de taper "88 autrichien". Même Gabriel Chevalier parle des "88".
Dans les correspondances :
Apollinaire raconte à Madeleine une visite des tranchées. 11 mars 1915
"Voici donc mon dernier voyage à ces fossés qui défendent la France. Je suis parti avec un conducteur et un servant. Nous nous sommes arrêtés pour regarder quelques obus boches ou autrichiens non éclatés, puis ayant continué notre chemin nous nous sommes trouvés parmi les servants d’une batterie d’un autre régiment qui s’installait sur cette position. Zm pan, un 88 autrichien explose à 4 pas de nous, les servants de l’autre régiment nous crient de nous réfugier avec eux dans leurs cagnats souterraines à peine installées, mais l’arrosage continue. Nous étions à plat ventre et nous rampions. Un obus de canon revolver, tout petit obus, vient s’enfoncer sans éclater à l’endroit que nous avions abandonné en rampant."
Dans la presse :
Certes, il n'est pas qualifié d'autrichien, juste de 88...
Le Miroir n° 139, 23 juillet 1916, page 6.


Guy, vous avez accès à de nombreuses archives. Et vous avez une expérience des documents sur l'artillerie que nous n'avons pas. J'ai quelques questions pour essayer de faire avancer l'enquête :
1. Quelle était la dénomination donnée par les artilleurs quand ces canons tiraient ?
2. Quelle était la dénomination donnée à ces canons dans les rapports rédigés après la capture de matériel ?
3. Cette dénomination (88 autrichien) se retrouve-t-elle dans des publications d'avant guerre ?
4. Dans la formation des artilleurs, y avait-il une étude des armes ennemies ? Si oui, que disait-on du canon de 90 allemand ?
5. Cette dénomination existe-t-elle chez nos alliés anglais ou belges ?
6. Y a-t-il eu dans les décennies précédentes un canon de 88 autrichien qui ait eu une réputation internationale et dont la forme ait pu faire penser à ce canon en voyant ceux de 90 allemands ?
7. Même question que la 5 avec un obus autrichien.
8. Les obus autrichiens faisaient-ils un bruit significatif qui ferait qu'on l'ait appelé "88 autrichien" ces obus allemands en raison de leur son et non de leur éventuelle provenance ? C'est mon hypothèse préférée, déjà évoquée dans la discussion.
Je suis bien conscient de n'apporter que des questions...
Une simple hypothèse dont je n'ai aucun moyen d'appuyer un commencement de preuve mais qui est liée à la question 6. L'appellation semble couramment utilisée par tout le monde : de l'officier au simple soldat, du militaire au civil. Elle a donc été très largement diffusée. Ne pourrait-on pas y voir le souvenir d'un canon autrichien utilisé, pourquoi pas, en 1870 et qui aurait marqué les esprits ? Car pourquoi avoir à ce point voulu que le canon de 90 allemand soit un 88 autrichien ???
Je sous-entends récupération de canons autrichiens en 1866 par l'armée prussienne par exemple et utilisation pendant la guerre de 1870. Je n'ai pas l'ombre du commencement d'une preuve. C'est juste une idée.
Autre hypothèse : cette expression pourrait-elle avoir un rapport avec une quelconque ressemblance entre le canon de 90 allemand et le canon de 90 de Bange français ? Ou avec un canon autrichien plus ancien ?
Cette recherche est passionnante aussi car elle nous rappelle que certaines expression que l'on comprend dans notre contexte deviendra plus tard complètement obsolète et incompréhensible : "J'ai quelqu'un au bout du fil pour toi !", "Un sou, c'est un sou !"... Mais là, c'est lié à notre sujet et à des représentations dont nous avons perdu la trace.
Bien cordialement,
Arnaud
Quelle passionnante discussion : entre le mythe qui est devenu la règle et la réalité qui dément dès le départ l'appellation...
Je précise en préalable que je suis l'idée que les "88" sont en fait des 90 allemands.
Cette expression se retrouve absolument partout dans les écrits des contemporains :
Dans les témoignages, il suffit de taper "88 autrichien". Même Gabriel Chevalier parle des "88".
Dans les correspondances :
Apollinaire raconte à Madeleine une visite des tranchées. 11 mars 1915
"Voici donc mon dernier voyage à ces fossés qui défendent la France. Je suis parti avec un conducteur et un servant. Nous nous sommes arrêtés pour regarder quelques obus boches ou autrichiens non éclatés, puis ayant continué notre chemin nous nous sommes trouvés parmi les servants d’une batterie d’un autre régiment qui s’installait sur cette position. Zm pan, un 88 autrichien explose à 4 pas de nous, les servants de l’autre régiment nous crient de nous réfugier avec eux dans leurs cagnats souterraines à peine installées, mais l’arrosage continue. Nous étions à plat ventre et nous rampions. Un obus de canon revolver, tout petit obus, vient s’enfoncer sans éclater à l’endroit que nous avions abandonné en rampant."
Dans la presse :
Certes, il n'est pas qualifié d'autrichien, juste de 88...
Le Miroir n° 139, 23 juillet 1916, page 6.


Guy, vous avez accès à de nombreuses archives. Et vous avez une expérience des documents sur l'artillerie que nous n'avons pas. J'ai quelques questions pour essayer de faire avancer l'enquête :
1. Quelle était la dénomination donnée par les artilleurs quand ces canons tiraient ?
2. Quelle était la dénomination donnée à ces canons dans les rapports rédigés après la capture de matériel ?
3. Cette dénomination (88 autrichien) se retrouve-t-elle dans des publications d'avant guerre ?
4. Dans la formation des artilleurs, y avait-il une étude des armes ennemies ? Si oui, que disait-on du canon de 90 allemand ?
5. Cette dénomination existe-t-elle chez nos alliés anglais ou belges ?
6. Y a-t-il eu dans les décennies précédentes un canon de 88 autrichien qui ait eu une réputation internationale et dont la forme ait pu faire penser à ce canon en voyant ceux de 90 allemands ?
7. Même question que la 5 avec un obus autrichien.
8. Les obus autrichiens faisaient-ils un bruit significatif qui ferait qu'on l'ait appelé "88 autrichien" ces obus allemands en raison de leur son et non de leur éventuelle provenance ? C'est mon hypothèse préférée, déjà évoquée dans la discussion.
Je suis bien conscient de n'apporter que des questions...
Une simple hypothèse dont je n'ai aucun moyen d'appuyer un commencement de preuve mais qui est liée à la question 6. L'appellation semble couramment utilisée par tout le monde : de l'officier au simple soldat, du militaire au civil. Elle a donc été très largement diffusée. Ne pourrait-on pas y voir le souvenir d'un canon autrichien utilisé, pourquoi pas, en 1870 et qui aurait marqué les esprits ? Car pourquoi avoir à ce point voulu que le canon de 90 allemand soit un 88 autrichien ???
Je sous-entends récupération de canons autrichiens en 1866 par l'armée prussienne par exemple et utilisation pendant la guerre de 1870. Je n'ai pas l'ombre du commencement d'une preuve. C'est juste une idée.
Autre hypothèse : cette expression pourrait-elle avoir un rapport avec une quelconque ressemblance entre le canon de 90 allemand et le canon de 90 de Bange français ? Ou avec un canon autrichien plus ancien ?
Cette recherche est passionnante aussi car elle nous rappelle que certaines expression que l'on comprend dans notre contexte deviendra plus tard complètement obsolète et incompréhensible : "J'ai quelqu'un au bout du fil pour toi !", "Un sou, c'est un sou !"... Mais là, c'est lié à notre sujet et à des représentations dont nous avons perdu la trace.
Bien cordialement,
Arnaud
Le site du Parcours du combattant de 14-18 : Trésor d’archives n°68 – En avant la musique ! Auxerre, 1908 : présentation et écoute d'une séance de musique militaire. 21/06/2025
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Bonjour Arnaud,
D'abord une précision, j'ai surtout accès à mes archives et livres personnels accumulés depuis 40 années!Je ne connais pas les Seychelles, ni les Bermudes mais j'ai beaucoup investi dans la "littérature militaire", me contentant des voyages que la République reconnaissante "paye" de temps en temps à ses serviteurs!
Quelques réponses à vos questions:
Tout d'abord, la photographie du "88" observé par le Général Fayolle est, une fois de plus, un 9 cm C/73 dont le calibre réel est de 88 mm, canon de campagne allemand ancien assez similaire à nos vieux 90 mm Mle 1877 de Bange.
1°: Les artilleurs français désignent toujours, et depuis longtemps, le 9 cm C/73 allemand comme "canon de campagne de 9 cm" avec la précision "calibre de 88 mm".Les différentes notices distribuées pendant la guerre pour l'identification des projectiles allemands (notices des Centres médico-légaux, notices du G.Q.G, notices du ministère de l'Armement, etc...) mentionnent toujours les mêmes appellations 9 cm de campagne (calibre réel 88 mm) mais 8,8 cm pour les canons de Marine et de Flak allemands des dernières années de la guerre.
2°: Même appellation après capture.
3°: Dans les publications militaires d'avant-guerre (surtout avant 1900 car après on ne parle plus guère de ce canon), l'appellation est toujours canon de "9 cm".Je précise que tous les officiers d'artillerie reçoivent à l'Ecole d'Artillerie de Fontainebleau dans leur "paquetage" livresque le fascicule "Artilleries Etrangères" qui détaille tous les matériels de campagne et de l'artillerie à pied des grandes puissances (Autriche-Hongrie incluse bien entendu).A noter que les éditions postérieures à 1905 ne font même plus état des "vieux" 9 cm allemands et autrichiens.Par contre, la "bible" en 23 tomes de l'Aide-Mémoire des Officiers d'Artillerie décrit les 9 cm allemands et autrichiens au tome 22 avec planches et caractéristiques complètes (y compris le calibre réel de "88" mm).
4°: Il n'existe aucun matériel autrichien moderne ou à l'essai de ce calibre en 1914.Le seul modèle courant autrichien est le vieux canon de campagne de 9 cm M 75, presque semblable à son homologue allemand de 1873.
5°: Les alliés désignent ces modèles de 9 cm sous leur appellation d'origine (calibre exprimé en pouces pour les anglo-saxons).
6°: Pas de bruit significatif puisque l'obus explose avant que les poilus qui le reçoivent aient pu entendre le sifflement du projectile.Cette caractéristique ne peut s'expliquer que:
-par un canon qui tire de près à vitesse supersonique du projectile (c'est le cas des "vieux" 9 cm s'ils tirent à moins de 2500-3000 m).
-par un canon à très haute vitesse initiale tirant de loin mais il n'existe en 1914-1916 aucun canon de "88" remplissant ces conditions (très rares 8,8 cm de Marine, puis 8,8 cm de la Flak (anti-aériens) qui n'apparaissent qu'en 1917 et surtout 1918 donc bien après tous ces témoignages).
Cordialement,
Guy.
D'abord une précision, j'ai surtout accès à mes archives et livres personnels accumulés depuis 40 années!Je ne connais pas les Seychelles, ni les Bermudes mais j'ai beaucoup investi dans la "littérature militaire", me contentant des voyages que la République reconnaissante "paye" de temps en temps à ses serviteurs!
Quelques réponses à vos questions:
Tout d'abord, la photographie du "88" observé par le Général Fayolle est, une fois de plus, un 9 cm C/73 dont le calibre réel est de 88 mm, canon de campagne allemand ancien assez similaire à nos vieux 90 mm Mle 1877 de Bange.
1°: Les artilleurs français désignent toujours, et depuis longtemps, le 9 cm C/73 allemand comme "canon de campagne de 9 cm" avec la précision "calibre de 88 mm".Les différentes notices distribuées pendant la guerre pour l'identification des projectiles allemands (notices des Centres médico-légaux, notices du G.Q.G, notices du ministère de l'Armement, etc...) mentionnent toujours les mêmes appellations 9 cm de campagne (calibre réel 88 mm) mais 8,8 cm pour les canons de Marine et de Flak allemands des dernières années de la guerre.
2°: Même appellation après capture.
3°: Dans les publications militaires d'avant-guerre (surtout avant 1900 car après on ne parle plus guère de ce canon), l'appellation est toujours canon de "9 cm".Je précise que tous les officiers d'artillerie reçoivent à l'Ecole d'Artillerie de Fontainebleau dans leur "paquetage" livresque le fascicule "Artilleries Etrangères" qui détaille tous les matériels de campagne et de l'artillerie à pied des grandes puissances (Autriche-Hongrie incluse bien entendu).A noter que les éditions postérieures à 1905 ne font même plus état des "vieux" 9 cm allemands et autrichiens.Par contre, la "bible" en 23 tomes de l'Aide-Mémoire des Officiers d'Artillerie décrit les 9 cm allemands et autrichiens au tome 22 avec planches et caractéristiques complètes (y compris le calibre réel de "88" mm).
4°: Il n'existe aucun matériel autrichien moderne ou à l'essai de ce calibre en 1914.Le seul modèle courant autrichien est le vieux canon de campagne de 9 cm M 75, presque semblable à son homologue allemand de 1873.
5°: Les alliés désignent ces modèles de 9 cm sous leur appellation d'origine (calibre exprimé en pouces pour les anglo-saxons).
6°: Pas de bruit significatif puisque l'obus explose avant que les poilus qui le reçoivent aient pu entendre le sifflement du projectile.Cette caractéristique ne peut s'expliquer que:
-par un canon qui tire de près à vitesse supersonique du projectile (c'est le cas des "vieux" 9 cm s'ils tirent à moins de 2500-3000 m).
-par un canon à très haute vitesse initiale tirant de loin mais il n'existe en 1914-1916 aucun canon de "88" remplissant ces conditions (très rares 8,8 cm de Marine, puis 8,8 cm de la Flak (anti-aériens) qui n'apparaissent qu'en 1917 et surtout 1918 donc bien après tous ces témoignages).
Cordialement,
Guy.
Re: " 88 autrichien ", mythe ou réalité?
Bonjour !
Le canon de 88 mm, est il allemand ou autrichien ?
Artilleur en 1914-18, Mr auguste Fontaine qui m'a élevé, raconte que l'obus qu'il craignait le plus ét
Le canon de 88 mm, est il allemand ou autrichien ?
Artilleur en 1914-18, Mr auguste Fontaine qui m'a élevé, raconte que l'obus qu'il craignait le plus ét
Jacques