MdL Trouchaud de la Spa 68

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Lassaque
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Re: MdL Trouchaud de la Spa 68

Message par Lassaque »

Bonsoir à tous
J'ai eu l'occasion de me pencher sur le parcours de ce pilote disparu en septembre 1918.
Voici le résultat de mes recherches et les questions que me pose sa dernière citation.
Si l'un d'entre vous peut me compléter, ce serait sympa.
Cordialement
J. Lassaque

René Trouchaud est né le 25 mai 1894 à Collioures (PO). En 1913, il est lycéen à Perpignan où ses parents sont domiciliés.

Engagé volontaire le 17 avril 1913 à Perpignan au titre du 9è rég. de chasseurs à cheval, il arrive au corps à Auch (Gers) et chasseur de 2è classe le 18 avril.
Il est promu brigadier le 16 mai 1914, à la section de mitrailleuses du 9è chasseurs.
A la mobilisation, le 9è chasseurs est le régiment de reconnaissance du 17è corps d'armée de Toulouse. La section de mitrailleuses est engagée avec le régiment en Argonne en août et septembre, sur l'Yser en octobre et novembre puis revient en Argonne, aux tranchées en janvier 1915.
Il est promu maréchal des logis le 28 mars 1915
En Lorraine en avril puis dans la Somme et en Picardie, aux tranchées, la section de mitrailleuses du 9è chasseurs vient, à partir d'août 1915, épauler aux tranchées la 1ère compagnie de mitrailleuses de la 65è brig. d'infanterie (33è div. d'infanterie, du 17 è corps)

A l'occasion du transfert de la 65è brigade vers un autre secteur, le MdL Trouchaud, volontaire pour l'aviation, est détaché au 1er groupe d'aviation.
Arrivé au dépôt du 1er groupe d'aviation à Dijon le 7 mars 1916, il est élève-pilote à Dijon (école préparatoire) puis Ambérieu (école de pilotage). Il est breveté pilote à Avord (Cher) le 12 septembre 1916 puis passe aux écoles de Châteauroux (école d'application de l'observation d'artillerie), d'Avord (école d'application du bombardement) et encore de Châteauroux. Ces écoles forment des pilotes sur avions Voisin.
Le MdL Trouchaud est ensuite dirigé sur l'aéronautique du camp retranché de Paris.
Le 12 février 1917, il est pilote à l'escadrille VC 396, renumérotée V 468 par la suite, sur le terrain du Bourget. La VC 396 vole sur Voisin 8Ca2 biplaces à moteur Peugeot 8Aa de 220 HP. Armés d'un canon Hotchkiss de 37 mm, ces appareils sont destinés à la chasse des grands dirigeables Zeppelin et des bombardiers Gotha G IV venant bombarder Paris.

Il quitte l'escadrille le 12 juillet 1917 pour le groupement des divisions d'entraînement au Plessis-Belleville (Oise). Au GDE, il est affecté à la division Bombardement du 12 juillet au 11 août 1917 vraisemblablement pour entraînement sur les nouveaux avions Sopwith 1 qui commencent à entrer en service dans les escadrilles de bombardement.

Le 15 août 1917, il est pilote à l'escadrille VB 114 du 1er groupe de bombardement sur le terrain de Senard (Meuse). L'escadrille est spécialisée dans le bombardement de nuit des usines, gares, dépôts de munitions et arsenaux en arrière du front. Elle vole encore sur avions Voisin 8Bn2 mais commence à recevoir des Sopwith 1B1 monoplaces et 1B2 biplaces.

Dans la nuit du 3 au 4 septembre 1917, il se signale en effectuant (avec son bombardier, le 2è classe Louis Nairaud) trois sorties successives pour le bombardement de plusieurs objectifs éloignés. Pour cela, il est cité le 22 octobre 1917 et décoré de la croix de guerre avec palme.
Le texte de cette citation n'ayant pas été retrouvé sur le journal officiel, ce n'est probablement pas une citation à l'ordre de l'armée.

Mais entre-temps, il a disparu...
Dans la nuit du 2 au 3 octobre, il prend part à une mission de bombardement sur Francfort en représailles contre des attaques aériennes de villes françaises. Dans le mauvais temps, la navigation de nuit est difficile pour un pilote seul et il s'égare, d'ailleurs seulement six avions de la formation sur onze trouveront l'objectif. Il pose son Sopwith 1B1 (probablement le n° 128 dont la photo est sur le site d'Albin) dans les lignes allemandes avant d'arriver sur Francfort.

Fait prisonnier de guerre, il est interné au camp de Puchheim (Munich) dont il s'évade le 20 décembre 1917, en train de Munich à Aix-la-Chapelle et ensuite à pieds jusqu'aux Pays-Bas. Là, il fait en sorte d'éviter l'internement et rentre en France par bateau arrivé à Boulogne s/mer le 31 décembre 1917.
Il lui est accordé deux semaines de permission exceptionnelle.
Revenu au GDE le 16 janvier 1918, il est affecté à la division Caudron (G.4) le 9 février, puis passe à la division Chasse Spad le 30 mars 1918.
Il part du Plessis-Belleville le 17 mai 1918 pour le 20è groupe de combat, qui travaille alors pour le groupe d'armées de l'est et, plus particulièrement, pour la VIIIè armée, sur le front de Lorraine.
Le 20 mai, il est pilote à l'escadrille Spa 68 (du GC 20) sur le terrain de Manoncourt-en-Vermois (M&M). Le 3 juin, il est blessé dans des conditions non élucidées et passe deux semaines et demie à l'hôpital de Châlons S/Marne.
Il est décoré de la médaille militaire du 23 août 1918 (décret du 22 novembre 1918)
TROUCHAUD (René-Lucien-Georges), mle 2050, maréchal des logis (réserve) au 9e rég. de chasseurs à cheval , pilote aviateur : très bon pilote, ayant fait preuve dans des circonstances périlleuses des plus belles qualités d'endurance et d'énergie. Blessé par accident, au cours d'une patrouille, a tenu à rejoindre son escadrille sans prendre de congé de convalescence, fait preuve chaque jour du plus éclatant courage. Une citation. (JORF du 24-11-1918 p. 10134)

Le 4 septembre 1918, alors que la Spa 68 est maintenant basée au Plessis-Belleville, l'escadrille appuie le franchissement de l'Aisne par la Xe armée à l'est de Soissons. Ce jour-là, le MdL Trouchaud prend part à une patrouille dans la région de Laffaux et ne rentre pas.
Ce qui est à peu près sûr, c'est que son Spad est tombé dans les lignes allemandes car il est porté "non rentré au terrain" par l'escadrille qui n'en a pas de nouvelles puis classé officiellement "disparu" le 30 octobre 1918.

C'est un jugement déclaratif de décès prononcé à Nîmes (Gard) le 25 novembre 1922 qui le déclare "mort pour la France" le 4 septembre 1918 près de Laffaux (Aisne).

Or, le texte de sa citation du 10 octobre 1918 à l'ordre de la Xe armée suscite quelques interrogations :
TROUCHAUD (René-Lucien-Georges), maréchal des logis, du 9e rég. de chasseurs, pilote aviateur, détaché à l'escadrille Spa 68: très bon pilote, doué de grandes qualités de bravoure, de sang-froid et d'adresse, dont il ne cesse de faire preuve depuis son arrivée toute récente à l'escadrille. Fait prisonnier au cours d'une mission à longue distance pour laquelle il était volontaire, a réussi, triomphant de tous les obstacles, grâce à son courage et à sa ténacité inlassables, à s'évader au bout de deux mois de captivité. Dès son retour est revenu au front où il a livré de nombreux combats et exécuté des missions délicates. Le 4 septembre 1918 a été très gravement atteint en mitraillant à faible altitude des passerelles ennemies. Médaillé militaire pour faits de guerre. Une citation. (JORF du 19-1-1919 p. 732)
D'abord, le 4 septembre, il était à la 68 depuis plus de trois mois, ce qui n'est pas "tout récent" Ensuite, à la lecture, on comprendrait qu'il est tombé dans les lignes françaises, blessé et non encore décédé le 10 octobre.... Le mystère reste entier.

René Trouchaud n'a pas de sépulture mais son nom est inscrit sur le monument aux morts de Saint-Laurent d'Aigouze (Gard) où s'étaient installés ses parents pendant la grande guerre.

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fredo64
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Re: MdL Trouchaud de la Spa 68

Message par fredo64 »

bonsoir.

tout est question d'interprétation.
d'une part, on ne sait pas qui rédige cette citation. son chef d'escadrille, ou de groupe d'escadrilles, pour qui trois mois d'ancienneté pourraient passer pour très courts au regard de son propre parcours?
d'autre part, la citation est attribuée à titre posthume donc, très logiquement, un certain temps après sa mort. ni ce délai, ni même la tournure donnée au texte ne sont surprenants, et rien dans son contenu n'indique qu'il ait pu survivre, ni l'endroit où il serait tombé ...

cdlt,
Fred
Lassaque
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Re: MdL Trouchaud de la Spa 68

Message par Lassaque »

Bonjour,
D'accord sur le fait qu'un délai soit une notion subjective, mais c'est en tous cas indépendant de la fonction du rédacteur !
Pour le reste, pas d'accord. D'abord parce que le qualificatif "à titre posthume" ne concerne à ma connaissance qu'une promotion ou l'attribution d'une décoration, pas une citation.
Les citations ne s'appuient que sur des actes officiels : avis de décès constaté dans le formes réglementaires, notamment dans les formations sanitaires (ce qui ne peut se faire que dans les lignes françaises) ou bien avis officiel de disparition.
Si une citation est attribuée postérieurement au décès, elle le mentionne. Si l'intéressé est mort postérieurement aux faits de guerre cités, c'est mentionné explicitement. Enfin, s'il est officiellement classé "disparu" (et, par définition, on ignore s'il est prisonnier ou décédé), c'est mentionné.
Je vous donne quelques exemples ci-après.
En ce qui concerne la citation de René Trouchaud, la phraséologie correspond à un aviateur blessé grièvement, donc hospitalisé (et cela dans nos lignes), et qui n'est pas décédé à la date de la citation.
C'est ce qui me pose question.
Cordialement
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fredo64
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Re: MdL Trouchaud de la Spa 68

Message par fredo64 »

bonjour.

sa fiche CICR le déclare disparu le 04.09.1918 : http://grandeguerre.icrc.org/fr/File/De ... 12598/6/2/
or, si le CICR, qui était en contact avec les autorités militaires et civiles des deux camps, a maintenu ce statut, alors on a certainement pu penser à l'époque que son sort était entendu. à mon sens, vu le contexte et face à la répétition du nombre de cas semblables, les gars devaient agir avec une certaine routine.

pour le reste, on peut effectivement recevoir une décoration à titre posthume. mais, au moins pour ce qui est des ordres majeurs, il faudra avoir été cité au préalable (l'attribution se faisant sur publication d'un décret). cela me semble mécanique.


cdlt,
Fred
Lassaque
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Re: MdL Trouchaud de la Spa 68

Message par Lassaque »

Bonsoir,
Bien joué pour sa fiche CICR que je n'avais pas retrouvé.
Si je comprends bien la fiche, il a été demandé une enquête concernant le MdL Trouchaud, de la Spa 68 disparu le 4-9-1918. L'enquête aurait donc été demandée après l'émission de l'avis officiel de disparition AF 2549 du 30 octobre 1918.
A noter que quelqu'un a ajouté le matricule du prisonnier de guerre Trouchaud.... mais il a été écarté "ne concerne pas : pris 3-10-1917 et Esc. 114", sans réaliser qu'il s'agissait de la même personne.
Je signale que je connais le cas de plusieurs aviateurs "disparus" dont les corps ont été retrouvés plusieurs mois plus tard, après le reflux des Allemands ou carrément après la fin des hostilités. Ils restent "disparus" dans les fiches "morts pour la France".
Cordialement
J. Lassaque
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fredo64
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Re: MdL Trouchaud de la Spa 68

Message par fredo64 »

bonjour.

oui, c'est tout à fait exact. il est probable que l'administration militaire ait dû renoncer devant l'ampleur du boulot.
et vous remarquerez aussi que certains actes d'état-civil peuvent comporter des mentions marginales apposées plusieurs années après la date d'enregistrement du décès : c'est un tribunal civil qui aura dû statuer de la situation réelle de ces soldats et, pour certains, leur reconnaître le statut de "Mort pour la France" qui semblait leur avoir été refusé jusque-là.

et le boulot n'est pas fini, puisqu'on en (re)trouve encore aujourd'hui ...

cdlt,
Fred
Lassaque
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Re: MdL Trouchaud de la Spa 68

Message par Lassaque »

Bonjour Fred
Effectivement, il y a parfois un décalage important.
Il faut rappeler qu'on ne peut demander un jugement déclaratif de décès pour une personne disparue qu'au bout d'un "certain temps". Pour les disparus de la guerre, les familles se sont souvent accommodées du statut de "disparu", parfois pour se ménager un espoir ténu. Mais lorsque, par exemple, les veuves de guerre ont fini par souhaiter se remarier, il fallait en passer par là. De même lors des licitations de successions quand il fallait sortir d'une situation d'indivision pour vendre un bien. J'ai eu les deux cas dans ma famille.
Cordialement
J. Lassaque
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