Bonjour à tous
Une page lamentable et douloureuse 16 octobre 1914
Ci joint les dernières heures d'un pauvre bougre, condamné à mort pour abandon de poste, relatées par par l'abbé Laloy curé de Morlancourt (80), aumônier du 16éme RIT - sergent infirmier au 1er Bataillon, témoin de cette mort
Au soir de ce 16 octobre 1914, le chef d'État Major de la 81éme Division, le commandant Destombes fait appeler au Quartier général, l'Aumônier du 16éme RIT.
Il s'agit en effet d'un événement grave. Demain à l'aube, un soldat du Régiment sera passé par les armes!....
Pour avoir abandonné son poste en face de l'ennemi une heure particulièrement tragique, le conseil de guerre de Doullens l'a condamné. Il n'y a plus d'appel, plus de recours possible. Il sera exécuté demain, fusillé, fusillé par ses camarades.
L'aumônier devra l'assister, c'est un ordre. Jamais peut-être, il n'a senti comme ce soir, toute la force de ce mot: servir; mais parce que lui aussi sert Dieu, les Armes, la France, il obéira quelque peine qu'il ressente.
Car ce malheureux est un compatriote hélas!... Un fils pourtant de la vieille Picardie très fidèle.? (était un nommé Bazin Léon , natif d'Auchonvillers près de ..., eu une heure de défaillance, il a eu peur, il a trahi la France et la France le rejette., parce qu'il a trahi son devoir et qu'il n'a pas défendu sa Mère, a son tour elle le rejette et le châtie comme indigne et félon.
Le condamné, ramené depuis la veille à Bavincourt où cantonne le 16éme, est gardé, par la prévôté et c'est un gendarme placide et débonnaire qui guide l'aumônier vers la prison où il doit accomplir une si douloureuse mission.
A cette époque de l'année la nuit vient vite: mais il semble que celle ci est plus sombre, plus lugubre que tant d'autres qui pourtant lui furent pareilles!
Quand il pénètre dans le réduit obscur ou sur un peu de paille est étendu le soldat coupable, l'aumônier l'aperçoit à peine, ses mouvements sont difficiles et quand il veut se lever c'est pour retomber aussitôt lourdement sur le sol... dans l'attitude d'un suppliant. L'heure est grave....
Déployant sa lanterne fumeuse le gendarme s'éloigne.. visiblement heureux de laisser seuls le prêtre et l'homme ! Mais respectueux de sa consigne, il tire en partant un gros verrou qui grince et résonne lugubrement dans le silence de cette nuit d'octobre et qui ne sera plus troublé que par la flamme qui grésille ou le pas de la sentinelle qui veille au dehors !...
Ce n'est point un révolté que trouve l'aumônier mais un résigné. Il sait, le malheureux qu'il est coupable et que sa faiblesse fut un crime.... Il sait encore qu'il doit l'expier et qu'il mourra demain... Tout cela, il le dit à l'aumônier, en hâte, et comme pressé d'en finir... Puis il ajoute quelques recommandations à sa veille mère, restée au pays natal, que l'aumônier dise toute la vérité... mais que sa compagne et ses enfants, eux surtout, ignorent comment mourut le père...
Le prêtre parle à son tour. Il évoque son enfance... sa pauvre Mère.... Il lui parle de Dieu surtout devant qui il va paraître... de son âme immortelle...Il lui parle enfin des petits orphelins qui demanderont leur père...
Alors, le malheureux n'en peut plus. Il pleure et c'est lui qui rappelle les jours de son enfance.. sa première communion... la vierge de Brebière d'Albert, les mauvais camarades... son départ pour Paris.. l'oubli de Dieu est peut-être !...Il pleure mais l'heure de Dieu est proche, l'heure de la miséricorde et de la Grâce.
Dans ce décor sinistre, l'aumônier entend la confession et dans l'âme de son malheureux compagnon d'armes, il fait descendre avec le pardon divin, l'apaisement.
Le soleil n'illuminera pas cette triste journée et le matin d'octobre semble fait exprès pour le spectacle lamentable dont il va être le témoin insensible. La brume permet à peine de distinguer le poteau fatal.
Pourtant tous les regards le cherchent... Il est plus impressionnant que les hommes armés en carré...plus impressionnant que le silence si profond cependant qu'on entend frissonner le Drapeau du Régiment et .... les feuilles mortes qui achèvent leur destin tombent éparpillées en pluie par le vent glacé du matin...Tout est prêt !
Le chef qui commande... le greffier du conseil de guerre qui lira la sentence... le Peloton qui fera justice et l'homme qui bandera les yeux et celui qui donnera le coup de grâce.... Tout est prêt: on n'attend plus que le condamné on n'attendra pas longtemps : le voici. L'aumônier l'accompagne et toute une compagnie l'encadre. Dans la veille église de Bavincourt, il vient d'entendre la Messe et de Communier. La aussi, il a promis d'être fort; il a promis de mourir courageusement puisqu'il n'a pas eu le courage d'être fort pour vivre !....
Pourtant quand il voit dressé le poteau d'infamie, quand il aperçoit la fosse où va être jeté son cadavre, il a comme un mouvement de révolte et recule....Mais il se ressaisit vite et reste ferme. Il se laisse attacher et bander les yeux... il écoute la lecture de l'arrêt...alors une dernière fois,l'aumônier l'embrasse et tombe à genoux, prés de là ...puis un commandement retentit...
Le malheureux s'écroule! Les soldats ont visé juste et le coup de grâce ne sera qu'une formalité inutile.. L'expiation est consommé, la justice des hommes a passé, celle de Dieu commence.Et devant le cadavre de celui qui fut leur camarade, tous les hommes défilent... les clairons sonnent, le Drapeau s'incline... les soldats présentent les armes.
Bientôt, il ne reste plus au lieu de l'expiation suprême que l'aumônier en prières et les fossoyeurs occupés à leur lugubre besogne... Tout est achevé.
Mais la Croix Rédemptrice ne marquera point la tombe. La terre qui la recouvre est foulée aux pieds, des herbes y sont jetées afin que disparaisse jusqu'à l'emplacement même où repose celui qui a failli à son Devoir et qui fut un soldat indigne....
Le ciel d'octobre continue d'être bas et triste et décidément le soleil n'illuminera pas cette journée !....
Il semblerait que pour l'aumônier Laloy l'amour de la Patrie soit plus fort que l'amour de Dieu
source: AD Amiens sous la côte DA 52
Cordialement
J.Fouré
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