tout d'abord merci Florian pour ce sujet sur les grades,ça m'a beaucoup appris,et le lien donnant sur les photos des galons,peut-être qu'un jour j'arriverais à reconnaître du 1er coup d'oeil le grade des militaires sur des photos...ou dans la rue.
j'hésitais à mettre un petit topo sur l'origine historique linguistique des noms de grades;je pensais être un peu hors-sujet;
je l'ai recopié sur mon Dictionnaire historique de la langue française-Le Robert (sous la direction d'Alain Rey)
c'est un peu long mais cela devrait intéresser Jean-Claude et Mireille B.
en fait,c'est dédié à tous ceux qui aiment la langue française

(n.m.=nom masculin / les dates entre parenthèses correspondent aux dates d'apparition du mot dans des textes)
soldat
n.m est emprunté (1495) à l'italien soldato,proprement "celui qui est payé" (1327) aussi au XIVè s. sous la forme italienne:soldatos pedestres "fantassins".
C'est le participe passé substantivé de soldare "payer une solde" (-->solder) ,lui-même du latin classique solidare "rendre solide,affermir,durcir" (-->souder),employé au figuré en bas latin.
Ce verbe dérive de solidus (-->solide) qui,en bas latin,avait le sens de "monnaie" (-->sou).
L'italien soldato est passé dans plusieurs langues,par exemple l'espagnol soldado (fin XVè s.)et l'allemand Soldat (1522).
En français,soldat a remplacé soudard devenu péjoratif et l'ancien français soldeier (1080),soldoier (vers 1155),soudier (1165-1170),qui ont donné par emprunt l'anglais soldier.
Ces formes,employées jusqu'au XVIè s.,dérivent de l'ancien français soldee "paie que l'on donne aux soldats" attesté vers 1130),d'où gens de souldee "soldats" (1497);
soldee vient du latin médiéval solidata "solde,paie" (1056) comme l'espagnol,le portugais soldada,solidata étant dérivé du latin classique solidus (-->solde).
Soldat désigne (1495) avec la variante souldat au XVIè s.(1532),un homme qui sert dans une armée,autrefois comme mercenaire ou engagé volontaire,aujourd'hui et depuis la Révolution,en France,en vertu d'une obligation civique ou professionnelle.
Littérairement,le mot s'emploie spécialement à propos d'un homme qui a des qualités militaires (1560).
Il désigne un militaire non gradé,sous la forme soldat (1560) ou simple soldat (1587);soldat de marine (1736) est sorti d'usage.Soldats du piquet s'est dit (1690) d'un détachement toujours prêt à l'action (cf.commando),soldat-citoyen (1789) d'un soldat de la milice organisée en 1789.
Les connotations ont beaucoup varié : du XVè au XVIIIè s.,il s'agit surtout du mercenaire,selon l'étymologie (solde).A la mauvaise réputation de ces soldats peut s'ajouter l'idée de bravoure.En 1789,avec le soldat patriote et citoyen,tout change et les valeurs positives l'emportent;elles seront combattues par l'antimilitarisme.
Le mot s'est employé comme adjectif au sens de "martial" (1548) d'où (1694) avoir l'air soldat et (être) soldat "brave" (1620),n'être que soldat "n'avoir que de la bravoure" (1798);
la forme du féminin à la soldate "à la façon des soldats" (1548) était encore employée au milieu du XVIIè s.
Avec sa valeur générale,soldat entre dans quelques locutions,souvent avec une valeur péjorative;
soldat de fortune "aventurier" (XVIè s.) a désigné au XVIIè s. un officier sorti du rang et ayant acquis un grade élevé (1636),soldat de la courte épée s'est employé pour "voleur" (1640).
Fille à soldats s'est dit pour "prostituée" (1876).
Jouer au petit soldat est récent pour "avoir un comportement naïvement martial".
Par figure,soldat désigne (1604) une personne qui combat pour le triomphe ou la défense d'une idée,d'une croyance,d'où soldats de Dieu,de la foi.
Par analogie,certains animaux ayant l'apparence d'un homme armé,soldat a été le nom (1645) d'un genre de crustacé comme en anglais soulder(soldier)-crab (1648),animal nommé ensuite soldat-marin (1768),soldat de mer (1845).
En zoologie,on emploie soldat (1791) pour un individu,d'abord un termite,qui est chargé de défendre la communauté des agressions extérieures chez les animaux sociaux.
Soldat de plomb (1830 dans Stendhal) est le nom d'une figurine d'abord en plomb représentant un soldat.
caporal
n.m. (avant 1520) fait partie de la vague d'emprunts de termes militaires italiens (comme colonel,cavalier,bataillon,fantassin,infanterie) dus,au XVIè s. à la nécessité technique du remplacement de l'ancienne chevalerie médiévale par une cavalerie purement militaire.
Il est l'adaptation de l'italien caporale,proprement "principal",substantivé comme terme militaire (XVIè s.),dérivé de capo "tête" (-->chef).
Vague au départ,et proche de celui des mots de même famille chef,capitaine,le sens de caporal s'est précisé (avant 1571) en "militaire ayant le grade le moins élevé" (le caporal-chef lui étant immédiatement supérieur).
L'appellation de Petit Caporal fut donné à Napoléon par les soldats d'Italie:ils avaient décidé de lui donner un nouveau grade à chacune de ses victoires,en commençant par le plus humble,qui lui resta.
Concurremment avec le syntagme tabac de caporal (1841),caporal (1833) désigne un tabac ordinaire mais supérieur au tabac de troupe.
sergent
n.m.,réfection (début XIIIè s.) de sergant,serjant (vers 1050),forme courante en ancien français,est issu du latin juridique servientem (VIIIè s.),employé à propos d'un homme au service d'un seigneur;ce nom est la substantivation de l'accusatif de serviens,participe présent de servire (-->servir).
Sergent désigne d'abord un serviteur employé par un seigneur avec un rang supérieur à celui de valet (XIIè s.,au féminin sergante;1386,sergente);c'est avec cette valeur que le mot est surtout employé en ancien français;il se dit en particulier (fin XIè s.) d'un officier,délégué du seigneur,qui administre les domaines,d'un officier de justice chargé des saisies,des poursuites,etc..(vers 1155).Le plus souvent la fonction est précisée:sergent d'armes "officier qui accompagne le roi et sert dans les cérémonies" (1285), sergent fieffé "qui agit au nom du seigneur" (1295), sergent des eaux,sergent champêtre,etc (milieu XIVè s.);ces acceptions,qui s'emploient aujourd'hui en histoire,se maintiennent à l'époque classique où l'on relève encore sergent de querelle "qui assiste aux duels" (1690).
Parallèlement,dès le XIIè s.,sergent a désigné un homme de troupe à pied qui sert d'aide;serf sergent se dit d'un serf attaché à la maison comme serviteur,d'où l'emploi de sergent pour "serf" (1380).
Le mot se spécialise au XVIè s.,après avoir désigné un homme de guerre subalterne,sergent d'armes s'appliquant à un officier de rang élevé.Sergent désigne un sous-officier dans une compagnie d'infanterie,sens qui s'est conservé également dans d'autres armes,alors que sergent de bataille (1584),s'appliquant à l'officier chargé de ranger les troupes en bataille,a disparu.
Du XIIIè au XVIè s.,le mot s'est appliqué à un serviteur de Dieu,sergent de l'Eglise s'étant dit (1530) pour "bedeau".
Le mot s'emploie au XIXè s. dans sergent de ville (1829),remplacé par gardien de la paix (1870,à Paris),mais employé plus longtemps,absolument dans la langue familière,aussi altéré en Sergot (1873),en argot serge (1878) sergeot et serpied (1884) par jeu de mots sur serrer;tous ces emplois sont archaïques.
Sergent a servi à former deux composés,Sergent-chef (1876) désignant le sous-officier supérieur au sergent,et Sergent-major apparu au XVIè s. au sens de "sergent de bataille" (1575) et repris (1690) pour désigner un sous-officier de rang plus élevé que le sergent.
Plume sergent-major ou une sergent-major (1903) désigne un type de plume d'abord utilisé dans l'administration militaire puis dans les écoles.
adjudant
n.m. est un emprunt (1671) à l'espagnol ayudante (on trouve la forme ayudant en 1701) "aide",dérivé du verbe ayudar "aider" (aiudar),modifié en français d'après son origine latine adjuvare "aider" (qui a donné en français adjuvant et dont le radical se retrouve dans Joconde).Le fréquentatif de adjuvare a donné aider.
Le mot désigne d'abord un aide militaire,notamment un aide canonnier,puis un officier qui seconde un officier de grade supérieur (1776) et,dans l'armée moderne,le plus élevé en grade des sous-officiers,néanmoins au-dessous de l'adjudant-chef.
Au XIXè s.,le mot prend des connotations péjoratives d'autoritarisme borné;il reçoit des synonymes argotiques,comme juteux,et a servi en argot à désigner un lavement (1881),par jeu de mots,lavement signifiant "personne insupportable".
Le sens général devenant archaïque,le mot a servi à former des composés,avec un nom de fonction: adjudant-pilote en marine (1701),adjudant-sous-officier (1825) "chef des sous-officiers",emplois disparus.
Est resté usuel adjudant-chef, "sous-officier supérieur" (1922).
D'autres grades ont disparu,comme adjudant-major (1790) et adjudant général (1818) "colonel adjoint à un général",adjudant-major prenant le sens de "capitaine qui assiste un commandant" (1825).
aspirant
le participe présent (du verbe "aspirer") Aspirant,ante a donné un adjectif d'abord figuré (1496),rare au sens concret (lettre aspirante 1647) sauf dans pompe aspirante,mais qui a eu plusieurs substantivations avec le sens figuré de aspirer "désirer".
Un aspirant à (un poste) est un "candidat";un emploi spécialisé concerne la marine (1775,aspirant garde),puis (1910) l'armée: "élève officier qui 'aspire' au grade de sous-lieutenant " (c'est-à-dire à être officier);d'où l'abréviation familière Aspi (1916).
major
adj. et n.m. est apparu vers 1592 comme un terme militaire emprunté à l'espagnol mayor "plus grand" (1140),du latin major (-->majeur) qui,associé à d'autres termes,désigne plusieurs grades et fonctions.Le moyen français avait la forme sergent-majeur (fin XVIè s.),évincée par sergent-major (1592).
D'autres noms composés de grades ont suivi,avec major-général (avant 1679),aide-major (XVIIIè s.),tambour-major (1651),etc..
Major est lui-même substantivé (1672);dans la seconde moitié du XVIIIè et jusqu'au XXè s.,il était appliqué à des infirmiers,médecins et chirurgiens militaires (1756);
par analogie,il a été repris dans l'argot de Saint-Cyr pour le candidat reçu dernier au concours d'entrée,appelé dérisoirement major de queue (1871),puis s'est appliqué normalement (1893) au candidat reçu premier dans toute grande école.
lieutenant
n.m.,d'abord altéré en luetenant (1260),est composé de lieu et de tenant,participe présent de tenir,proprement "celui qui tient lieu de", "remplaçant".
Le mot désigne celui qui tient la place du chef dans certains cas et le seconde ordinairement.Il se spécialise dans le domaine militaire,désignant un grade (1478),et entre dans quelques syntagmes correspondant à des fonctions militaires ou civiles;
lieutenant général (vers 1470) désigne celui qui,jusqu'à la fin de l'Ancien Régime,était investi du pouvoir suprême et remplissait les fonctions du roi en son absence (ou quand celui-ci n'était pas apte).
Depuis 1538,lieutenant désigne aussi l'officier qui préside le tribunal d'une sénéchaussée en l'absence du sénéchal d'où,dans la terminologie juridique,lieutenant civil et lieutenant criminel (1549).
Le sens moderne correspond à la hiérarchie des grades actuelle;il correspond à l'officier subalterne au-dessous du capitaine (et au-dessus du sous-lieutenant).Cette valeur existe déjà en français classique où le mot a une valeur beaucoup plus large,mais où on parle déjà de lieutenant de compagnie (1690).
On dit au lieutenant et au sous-lieutenant mon lieutenant.Le mot est abrégé en lieut' (1960).
Dans la marine,le mot correspond au premier grade des officiers de pont.
Lieutenant de vaisseau concerne un grade correspondant à celui de capitaine dans l'armée de terre et de l'air.
sous-lieutenant n.m.(1479) "remplaçant d'un lieutenant de justice",puis (1641) "officier servant sous les ordres d'un lieutenant",a suivi l'évolution de sens de lieutenant.
le grade est aujourd'hui le grade inférieur des officiers,avec un galon (armée française),l'aspirant (à qui l'on dit aussi mon lieutenant ) étant assimilé aux sous-officiers;
lieutenant-colonel n.m.(1669) désignant un officier supérieur au-dessus du commandant et au-dessous du colonel,dans l'armée de terre.
capitaine
n.m. a été emprunté (1288) au bas latin capiteanus "important,qui domine",spécialisé par la suite en parlant d'une lettre,d'une ligne initiale (cf.capitale) et substantivé au sens de "chef militaire",dérivé de caput "tête" (-->chef) avec le suffixe -aneus.
L'aboutissement régulier en ancien français est chatain,attesté sous la forme chastain avec un "s" purement graphique.L'ancien français a eu aussi la forme demi-savante chevetain (XIIè s.) et capitain (1360-1370),refait d'après le latin médiéval.
Les formes à suffixe -aigne,aine (chastaigne,cataigne,chevetaigne,chataine,cataine,chevetaine,capitaine) résultent d'un traitement différent du même suffixe latin -aneus.
Le mot a été adapté par l'anglais captain;les Allemands l'ont seulement repris dans la hiérarchie navale,le traduisant dans l'armée de terre par Hauptmann (Haupt correspondant au latin caput).
Capitaine désigne couramment l'officier commandant une compagnie et,par analogie de fonction,le commandant d'un navire dans la marine,d'abord militaire (1540),puis commerciale (1723).Dans l'usage littéraire,il a gardé le sens général de "chef militaire".
Dous l'Ancien Régime,le mot désignait également le gouverneur de la résidence royale (1590) et l'officier qui s'occupait de la chasse (1671),dignités abolies en 1789.
Depuis la fin du XIXè s.(1895),il est appliqué par analogie au chef d'une équipe sportive.
commandant
le participe présent (de "commander") a été substantivé en Commandant (1661) "chef d'un parti" puis (1674) "chef militaire".
Dans l'organisation moderne de l'armée,commandant s'est spécialisé pour désigner le chef de bataillon,supérieur à l'officier dit commandant de compagnie (au sens général de commandant) dont le grade est celui de capitaine.
En revanche,dans la marine,commandant désigne simplement celui qui commande,l'officier responsable d'un navire.
colonel
n.m.,d'abord coulonnel (1534) puis colonel (1556),est emprunté à l'italien de même sens colonnello,proprement "chef d'une colonne de soldats" (avant 1543),dérivé de colonna (-->colonne).
le mot désigne un grade d'officier supérieur dans l'armée,correspondant au commandement d'un régiment.Par extension il s'est employé,souvent par ironie,à propos d'une personne qui fait preuve d'autorité,également comme adjectif dans compagnie colonnelle (1558) "compagnie d'un régiment commandée par un colonel général.
général
n.m. (1463) pour une personne placée à la tête d'un corps,d'une administration,notamment dans le domaine militaire (1549) d'après un emploi de l'adjectif,capitaine général (1508).
Ce sens est devenu dominant pour le nom,avec des syntagmes correspondant aux grades (général de brigade,de division) signalés par un certain nombre d'étoiles;mon général est l'appellatif en usage.
maréchal
n.m.,d'abord marescal (1086,texte latin) puis mareschal (XIIè s.) et maréchal (1636) est,comme d'autres noms de grades (-->baron,sénéchal) d'origine germanique.Il est issu du francique marhskalk "domestique chargé de soigner les chevaux",restitué par l'ancien haut allemand marahskalk (allemand Marshall).Le premier élément,marh "cheval",appartient à un groupe germanique (anglais mare "jument",néerlandais merrie) qui a des correspondants en celtique (irlandais et gaélique marc,gallois march).Le second élément,skalk "valet",n'est représenté que dans les langues germaniques (anglais shalk,aujourd'hui archaïque,ancien norrois shalk-r).Le mot, dès l'ancien francique,s'est développé en deux sens,d'une part "artisan chargé de ferrer les chevaux et les animaux de traits" et d'autre part, "officier préposé aux soins des chevaux" d'où "officier".Le latin médiéval atteste mariscalus,marescalus au sens de "valet d'écurie",de "chef d'une écurie et de l'armée (IXè s.) et d' "officier chargé du logement" (XIè s.).
La même évolution sémantique s'est produite en français,probablement par emprunt au latin : dès 1086,marescal désigne l'artisan qui ferre les chevaux,puis le vétérinaire des chevaux (sens conservé régionalement dans les campagnes).
Dès le XIIè s.,il passe dans la terminologie de l'armée (vers 1155) désignant l'officier préposé au soin des chevaux puis,par suite de l'importance de la cavalerie,le grand officier général d'armée (1213).
En emploi déterminé,maréchal des logis (1549) désigne l'officier chargé originellement des logis,puis un gradé,sous-officier de cavalerie,de gendarmerie et d'artillerie;de là maréchal des logis-chef.
Le maréchal de camp (1549) est un officier général (équivalent au général de brigade actuel) et le maréchal (de France),fonctionnaire royal second du connétable (1627),devient la dignité la plus haute de la hiérarchie militaire (le maréchalat-1830).Cette dignité se nomme en français moderne maréchal de France,mais on dit le Maréchal X.,bâton de maréchal,etc.
Le besoin de distinguer les deux sens a inspiré plus tard la création de "Maréchal-Ferrant" (1611),du participe présent de ferrer,pour l'artisan.
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amicalement,
Mireille