Bonjour
A lire dans l'UNion de Reims http://www.lunion.presse.fr/index.php/c ... eph_Kessel
Vdt
Armand
Thélis Vachon
Re: Thélis Vachon
Sur les traces du 132ème RI " Un contre Huit " et du 294ème RI (le "29-4")
- CTP
- Messages : 2685
- Inscription : mar. févr. 28, 2006 1:00 am
- Localisation : Les Abrets en Dauphiné (38)
- Contact :
Re: Thélis Vachon
Bonsoir Armand, Bonsoir à tous.
Merci pour cette référence.
La 39 de Kessel et Vachon est ICI
Cordialement
Claude
Merci pour cette référence.
La 39 de Kessel et Vachon est ICI
Cordialement
Claude
Claude Thollon-Pommerol
http://www.asoublies1418.fr accueille volontiers tout document personnel ou familial que vous souhaitez partager. Site en reconstruction. Soyez patients.
http://www.asoublies1418.fr accueille volontiers tout document personnel ou familial que vous souhaitez partager. Site en reconstruction. Soyez patients.
- Bertrand1418
- Messages : 26
- Inscription : dim. mai 02, 2010 2:00 am
Re: Thélis Vachon
Bonjour,
Raymond de Montgolfier évoque dans une lettre la mort du Capitaine Vachon :
"Lundi 14 octobre 1918
Ma bonne petite Maman, ce soir l’Escadrille est en deuil, nous venons de perdre notre Chef d’Escadrille. Ce matin, donnant l’exemple comme toujours, le Capitaine Vachon était allé faire une mission sur les lignes, le temps était très nuageux, le plafond très bas. En revenant, à 6 kilomètres à l’intérieur de nos lignes, il a été surpris par une patrouille de cinq avions ennemis. Dès le début du combat il se sentit grièvement touché par une balle qui tirée de haut en bas avait pénétré par l’épaule. Malgré ses souffrances il n’abandonna pas le combat mais suivant les indications de l’observateur plaçait son appareil de façon à ce que celui-ci puisse toujours faire face aux ennemis. Après que les 5 Boches eurent abandonné la lutte le Capitaine choisit un terrain et atterrit sans rien casser. Il descendit presque seul de la carlingue puis s’étendant à terre, dit à son observateur, qui était indemne,” cette fois j’ai mon compte!” Il lui donna ses ordres pour le travail à faire exécuter dans la journée puis réclama un aumônier qui vint de suite car il se trouvait précisément des troupes à proximité. Avant de monter dans la voiture d’ambulance il eut encore la présence d’esprit de recommander de faire attention à sa mitrailleuse qu’il avait oublié de désarmer! Arrivé à l’hôpital, après radiographie, on le jugea inopérable, la balle avait traversé le poumon et s’était arrêtée dans le foie. Hélas, nous venons d’apprendre à l’instant que notre cher Capitaine n’est plus.(...)"
Cordialement.
Raymond de Montgolfier évoque dans une lettre la mort du Capitaine Vachon :
"Lundi 14 octobre 1918
Ma bonne petite Maman, ce soir l’Escadrille est en deuil, nous venons de perdre notre Chef d’Escadrille. Ce matin, donnant l’exemple comme toujours, le Capitaine Vachon était allé faire une mission sur les lignes, le temps était très nuageux, le plafond très bas. En revenant, à 6 kilomètres à l’intérieur de nos lignes, il a été surpris par une patrouille de cinq avions ennemis. Dès le début du combat il se sentit grièvement touché par une balle qui tirée de haut en bas avait pénétré par l’épaule. Malgré ses souffrances il n’abandonna pas le combat mais suivant les indications de l’observateur plaçait son appareil de façon à ce que celui-ci puisse toujours faire face aux ennemis. Après que les 5 Boches eurent abandonné la lutte le Capitaine choisit un terrain et atterrit sans rien casser. Il descendit presque seul de la carlingue puis s’étendant à terre, dit à son observateur, qui était indemne,” cette fois j’ai mon compte!” Il lui donna ses ordres pour le travail à faire exécuter dans la journée puis réclama un aumônier qui vint de suite car il se trouvait précisément des troupes à proximité. Avant de monter dans la voiture d’ambulance il eut encore la présence d’esprit de recommander de faire attention à sa mitrailleuse qu’il avait oublié de désarmer! Arrivé à l’hôpital, après radiographie, on le jugea inopérable, la balle avait traversé le poumon et s’était arrêtée dans le foie. Hélas, nous venons d’apprendre à l’instant que notre cher Capitaine n’est plus.(...)"
Cordialement.
Re: Thélis Vachon
Bonjour à Tous,
Blessé à le 14 Octobre 1917 à 7 heures du matin d’une balle dans le dos, Thélis Vachon eut le courage de ramener son avion dans nos lignes, pour sauver son officier observateur.
Et, pour faire suite au témoignage de Raymond de Montgolfier, voici l’extrait de l’ouvrage de Joseph Kessel concernant la mort de Vachon :
« Après l'avoir, en quelques jours, réduite de moitié, le sort épargna l'escadrille. Mais tous ses membres durent fournir un effort hors de mesure avec la résistance humaine. Les yeux brûlaient plus grands dans les faces tirées, les nerfs vibraient ainsi que des cordes trop sèches. Seul, Thélis réussissait par son exemple à maintenir parmi ses hommes surmenés et que la fin des camarades avait chargés de lourds pressentiments une bonne humeur fiévreuse.
Il volait tout le temps, pour toutes les missions, changeant d'appareils, emmenant les nouveaux observateurs qui remplaçaient les disparus, suppléant à leur inexpérience par une habileté sans égale, un courage sans défaillance. Aucune prière, aucun avertissement ne le pou¬vait retenir. Il était à cette limite d'épuisement que peut vaincre seulement un mouvement forcené. On eût dit qu'il voulait s'enivrer de fatigue et de péril pour oublier l'holocauste et attirer sur lui seul l'attention de la mort.
Il y parvint.
Un matin, guidé par une main peu sûre, un avion vint briser son train d'atterrissage contre le remblai d'un chemin creux dans la campagne de Meaux.
C'était l'instant indécis où la nuit laisse encore traîner dans la clarté de l'aube avec ses dernières ombres sa suprême douceur. La paix la plus vaste et la plus recueillie se referma sur le sillage impétueux dont l'appareil avait troué l'air immobile.
De la carlingue arrière se dressa l'ombre massive de Marbot. Une traînée rouge coulait de son épaule. Il descendit péniblement et marcha vers l'avant de l'avion. Comme le moteur affaissé touchait le sol, il put mettre sa tête au niveau de l'orifice d'où émergeait tout à l'heure encore le casque du capitaine.
Thélis, gémit il faiblement. Mon vieux Thélis. Il ne s'étonna point de ne pas entendre la voix de celui qu'il appelait. A bout de forces, il s'accouda au rebord de la carlingue. Des images brouillées, où se résumaient trois années de luttes et de joies communes, glissaient en lui, mêlées de sensations de douleur physique.
Leur première sortie alors que Thélis était encore sous lieutenant... Qu'il avait mal au cou... Le soir où ils avaient forcé une cave à Reims... La tête lui tournait... La voix du capi¬taine plus mordante qu'un clairon... Ses jambes fléchissaient... Et sur la vision du rire avec lequel Thélis montait en avion, il s'évanouit...
Le temps coulait. La masse confuse que faisait l'appareil émergeait lentement à la lumière. Thelis eut enfin le sentiment que le gouvernail de profondeur lui écrasait la poi¬trine. Arc bouté contre le siège, il se releva et les premiers feux du soleil l'éblouirent. Avec des gestes dont il n'avait plus la maîtrise, il se dégagea de la fourrure qui l'étouffait, puis, ramassant ses forces défaillantes, glissa de la carlingue vers la terre toute proche.
Là ses pieds butèrent contre un torse, il tomba sur les genoux, chuchotant
- C'est toi, Marbot. Tire donc encore.
De nouveau le silence flottait sur la plaine. Thélis, accroché au fuselage de l'avion, se redressa et demeura sans mouvement. Ses lèvres desséchées aspiraient l'air avec un râle.
Lentement, confusément, le capitaine comprenait qu'il vivait encore; du combat il ne lui restait que le souvenir du bruit agonisant du moteur, d'un choc. Et il se mit en marche. Sans but, uniquement pour fuir l'appareil brisé, le corps de son camarade et l'odeur du sang répandu autour de lui.
Les champs le tentèrent par leur tranquillité. Il ne pouvait songer à rien. Il sentait son cœur bruire en lui comme un insecte frêle. L'air spacieux de l'aurore distendait ses muscles et il éprouvait, à se mouvoir, une légèreté trompeuse qui le faisait trébucher à chaque pas. Comme il n'avait plus conscience de son corps, ses bras l'étonnaient par leur mouvement de balancier déréglé. Parfois, il s'asseyait, sans le savoir.
De son flanc gauche coulait une source tiède, mais il ne s'en apercevait point.
Infinie lui parut cette marche hallucinée à travers la campagne déserte, mais le soleil était frais encore lorsqu'il tomba une dernière fois. Il avait soif, mordit l'herbe grasse de rosée, voulut se relever, n'y parvint pas. Alors, il s'étendit sur le dos, les bras en croix et le ruissellement qui chauffait ses hanches se fit plus rapide.
Soudain, le matin s'anima. Une plainte suave traînait sous le ciel. Timide, elle effleurait la terre à sa naissance. Puis elle devint plus profonde. Des appels nouveaux l'enrichirent et renforcée, soutenue, elle vibra pleine et légère. Thélis, sans reconnaître le chant des cloches qui, dans un couvent voisin, sonnaient la messe de l'aurore, accueillit leur voix comme une amie, très vieille berceuse des enfances.
Il ne reconnut pas davantage le choeur féminin qui accompagna le froissement de l'airain et du bronze, mais le sentit à la douceur divine qui le baigna.
Il ne gisait plus dans un champ où l'avait traîné un corps déchiré. Ce n'était pas le soleil qui, d'une bouche d'or, baisait son visage. Et la terre et le ciel s'étaient dissous en un fluide espace. Il sut que son existence avait pris fin, que le chant fondu des cloches et des voix humaines saluait son âme dépouillée.
Et dans la tendre mort le capitaine entra vivant encore.
Lorsque sa dépouille fut ramenée à l'escadrille, il n'y eut pas de plaintes parmi les cama¬rades, mais ils sentirent tous que le sourire dessiné par une main trop ferme sur ces lèvres qui furent si joyeuses emportait un lambeau très cher, très pur et très noble de leur jeunesse. »
C’est le Sous-Lieutenant Observateur Georges Gavoret qui est dans l’avion de Vachon le jour de sa mort, je pensais qu’il pouvait être le Marbot du roman de Kessel, j’en suis aujourd’hui moins sûr.
Je n’ai pas trouvé d’élément sur Mémoire des Hommes et si l’un d’entre vous a plus de renseignements à son sujet, je suis preneur !!
Gavoret a raconté l’événement ainsi :
« Le capitaine a eu le courage de se lever lui-même de son avion, mais il n'a pas eu la force d'en descendre : "mon vieux, j'ai mon compte, mais cela m'est égal, un prêtre, trouvez-moi vite un prêtre".
Un major arriva et fit un pansement rapide.
Un prêtre vint et lui donna l'extrême onction.
"Je suis bien touché, j'ai mon compte, n'est ce pas, docteur?
Dites-le moi franchement. Je préfère le savoir car aujourd'hui, si je dois mourir, je suis en règle".
Trois heures de souffrance pour parcourir 25 kms de routes défoncées par les terribles combats.
Il dit à Gavoret :
"Maman sera contente, je meurs en bon chrétien... Je suis heureux et fier de mourir ainsi. J'offre à Dieu le sacrifice de ma vie pour ma mère et pour la France..."
Il mourut à 19 h.
Le 16, à l'aube Thélis Vachon fut porté en terre devant l'escadrille au grand complet, ce qui ne faisait plus guère de monde tant les rangs avaient été décimés par la dernière offensive.
Des gamins de 20 ans enterraient leur chef, à peine leur aîné et ce fut pour eux le pire moment d'une guerre qui, pourtant, n'en avait pas été chiche. »
Théodore Botrel, auteur bien connu de nombreuses chansons et ami de la famille, adressa un poème à la mère de Thélis que voici :
« LA-HAUT »
Pour chanter les Héros de cette longue Guerre
Que ne suis-je Plutarque ou bien Victor Hugo !
Ma Muse en vain s’efforce et n’y réussit guère,
Et puis, ils sont trop ! ils sont trop !
Tous frères dans la Mort, soldats et capitaines,
Ils dorment par milliers roulés dans nos drapeaux,
Et nous ne pouvons plus faire un pas dans nos plaines
Sans heurter l’un de leurs tombeaux.
…Et voici que pourtant, dans votre enfant, Madame,
Vie de Thélis Vachon
Je chante un de nos « As » à la fois doux et fort,
Mêlant à ses lauriers – puisqu’il fut Breton d’âme –
Une branche de genêts d’or.
Il laisse un de ces Noms qu’à genoux dans l’église
Avec ceux des Martyrs on murmure en tremblant,
Étant mort de la Mort qui nous immortalise :
Celle des Jeanne et des Roland.
Il est mort de la Mort qu’il rêvait : face aux Boches !…
…Et c’est pourquoi, Madame, en congé, l’homme-oiseau
Était nerveux, rêveur, et disait à ses proches :
« Laissez-moi retourner là-haut. »
Là-haut, c’était le « Front » : l’Escadrille adorée,
Le « réglage de tir » et le « bombardement »,
C’était la France en pleurs, meurtrie et déchirée :
La Rivale…… l’autre Maman.
Ah ! ne maudissez pas en paroles amères
Celle qui prit, sur vous, chez Lui, le premier rang,
Mais – comme au Golgotha fit la Mère des mères –
Dites votre « fiat » en pleurant.
Trouvant tout ici-bas, trop bas ou trop morose,
Notre petit oiseau, voyez-vous, s’est enfui ;
Il est parti, léger, dans une apothéose
En nous laissant jaloux de Lui ;
Il vous a dit : « Maman, dans la Gloire éternelle
Je vais aller t’attendre : Au revoir ! A bientôt ! »
Et – pour l’ultime fois ouvrant, large, son aile –
Cet Ange est retourné……. Là-haut !
Un style bien dans l'air du temps !!!!
Gérault
Blessé à le 14 Octobre 1917 à 7 heures du matin d’une balle dans le dos, Thélis Vachon eut le courage de ramener son avion dans nos lignes, pour sauver son officier observateur.
Et, pour faire suite au témoignage de Raymond de Montgolfier, voici l’extrait de l’ouvrage de Joseph Kessel concernant la mort de Vachon :
« Après l'avoir, en quelques jours, réduite de moitié, le sort épargna l'escadrille. Mais tous ses membres durent fournir un effort hors de mesure avec la résistance humaine. Les yeux brûlaient plus grands dans les faces tirées, les nerfs vibraient ainsi que des cordes trop sèches. Seul, Thélis réussissait par son exemple à maintenir parmi ses hommes surmenés et que la fin des camarades avait chargés de lourds pressentiments une bonne humeur fiévreuse.
Il volait tout le temps, pour toutes les missions, changeant d'appareils, emmenant les nouveaux observateurs qui remplaçaient les disparus, suppléant à leur inexpérience par une habileté sans égale, un courage sans défaillance. Aucune prière, aucun avertissement ne le pou¬vait retenir. Il était à cette limite d'épuisement que peut vaincre seulement un mouvement forcené. On eût dit qu'il voulait s'enivrer de fatigue et de péril pour oublier l'holocauste et attirer sur lui seul l'attention de la mort.
Il y parvint.
Un matin, guidé par une main peu sûre, un avion vint briser son train d'atterrissage contre le remblai d'un chemin creux dans la campagne de Meaux.
C'était l'instant indécis où la nuit laisse encore traîner dans la clarté de l'aube avec ses dernières ombres sa suprême douceur. La paix la plus vaste et la plus recueillie se referma sur le sillage impétueux dont l'appareil avait troué l'air immobile.
De la carlingue arrière se dressa l'ombre massive de Marbot. Une traînée rouge coulait de son épaule. Il descendit péniblement et marcha vers l'avant de l'avion. Comme le moteur affaissé touchait le sol, il put mettre sa tête au niveau de l'orifice d'où émergeait tout à l'heure encore le casque du capitaine.
Thélis, gémit il faiblement. Mon vieux Thélis. Il ne s'étonna point de ne pas entendre la voix de celui qu'il appelait. A bout de forces, il s'accouda au rebord de la carlingue. Des images brouillées, où se résumaient trois années de luttes et de joies communes, glissaient en lui, mêlées de sensations de douleur physique.
Leur première sortie alors que Thélis était encore sous lieutenant... Qu'il avait mal au cou... Le soir où ils avaient forcé une cave à Reims... La tête lui tournait... La voix du capi¬taine plus mordante qu'un clairon... Ses jambes fléchissaient... Et sur la vision du rire avec lequel Thélis montait en avion, il s'évanouit...
Le temps coulait. La masse confuse que faisait l'appareil émergeait lentement à la lumière. Thelis eut enfin le sentiment que le gouvernail de profondeur lui écrasait la poi¬trine. Arc bouté contre le siège, il se releva et les premiers feux du soleil l'éblouirent. Avec des gestes dont il n'avait plus la maîtrise, il se dégagea de la fourrure qui l'étouffait, puis, ramassant ses forces défaillantes, glissa de la carlingue vers la terre toute proche.
Là ses pieds butèrent contre un torse, il tomba sur les genoux, chuchotant
- C'est toi, Marbot. Tire donc encore.
De nouveau le silence flottait sur la plaine. Thélis, accroché au fuselage de l'avion, se redressa et demeura sans mouvement. Ses lèvres desséchées aspiraient l'air avec un râle.
Lentement, confusément, le capitaine comprenait qu'il vivait encore; du combat il ne lui restait que le souvenir du bruit agonisant du moteur, d'un choc. Et il se mit en marche. Sans but, uniquement pour fuir l'appareil brisé, le corps de son camarade et l'odeur du sang répandu autour de lui.
Les champs le tentèrent par leur tranquillité. Il ne pouvait songer à rien. Il sentait son cœur bruire en lui comme un insecte frêle. L'air spacieux de l'aurore distendait ses muscles et il éprouvait, à se mouvoir, une légèreté trompeuse qui le faisait trébucher à chaque pas. Comme il n'avait plus conscience de son corps, ses bras l'étonnaient par leur mouvement de balancier déréglé. Parfois, il s'asseyait, sans le savoir.
De son flanc gauche coulait une source tiède, mais il ne s'en apercevait point.
Infinie lui parut cette marche hallucinée à travers la campagne déserte, mais le soleil était frais encore lorsqu'il tomba une dernière fois. Il avait soif, mordit l'herbe grasse de rosée, voulut se relever, n'y parvint pas. Alors, il s'étendit sur le dos, les bras en croix et le ruissellement qui chauffait ses hanches se fit plus rapide.
Soudain, le matin s'anima. Une plainte suave traînait sous le ciel. Timide, elle effleurait la terre à sa naissance. Puis elle devint plus profonde. Des appels nouveaux l'enrichirent et renforcée, soutenue, elle vibra pleine et légère. Thélis, sans reconnaître le chant des cloches qui, dans un couvent voisin, sonnaient la messe de l'aurore, accueillit leur voix comme une amie, très vieille berceuse des enfances.
Il ne reconnut pas davantage le choeur féminin qui accompagna le froissement de l'airain et du bronze, mais le sentit à la douceur divine qui le baigna.
Il ne gisait plus dans un champ où l'avait traîné un corps déchiré. Ce n'était pas le soleil qui, d'une bouche d'or, baisait son visage. Et la terre et le ciel s'étaient dissous en un fluide espace. Il sut que son existence avait pris fin, que le chant fondu des cloches et des voix humaines saluait son âme dépouillée.
Et dans la tendre mort le capitaine entra vivant encore.
Lorsque sa dépouille fut ramenée à l'escadrille, il n'y eut pas de plaintes parmi les cama¬rades, mais ils sentirent tous que le sourire dessiné par une main trop ferme sur ces lèvres qui furent si joyeuses emportait un lambeau très cher, très pur et très noble de leur jeunesse. »
C’est le Sous-Lieutenant Observateur Georges Gavoret qui est dans l’avion de Vachon le jour de sa mort, je pensais qu’il pouvait être le Marbot du roman de Kessel, j’en suis aujourd’hui moins sûr.
Je n’ai pas trouvé d’élément sur Mémoire des Hommes et si l’un d’entre vous a plus de renseignements à son sujet, je suis preneur !!
Gavoret a raconté l’événement ainsi :
« Le capitaine a eu le courage de se lever lui-même de son avion, mais il n'a pas eu la force d'en descendre : "mon vieux, j'ai mon compte, mais cela m'est égal, un prêtre, trouvez-moi vite un prêtre".
Un major arriva et fit un pansement rapide.
Un prêtre vint et lui donna l'extrême onction.
"Je suis bien touché, j'ai mon compte, n'est ce pas, docteur?
Dites-le moi franchement. Je préfère le savoir car aujourd'hui, si je dois mourir, je suis en règle".
Trois heures de souffrance pour parcourir 25 kms de routes défoncées par les terribles combats.
Il dit à Gavoret :
"Maman sera contente, je meurs en bon chrétien... Je suis heureux et fier de mourir ainsi. J'offre à Dieu le sacrifice de ma vie pour ma mère et pour la France..."
Il mourut à 19 h.
Le 16, à l'aube Thélis Vachon fut porté en terre devant l'escadrille au grand complet, ce qui ne faisait plus guère de monde tant les rangs avaient été décimés par la dernière offensive.
Des gamins de 20 ans enterraient leur chef, à peine leur aîné et ce fut pour eux le pire moment d'une guerre qui, pourtant, n'en avait pas été chiche. »
Théodore Botrel, auteur bien connu de nombreuses chansons et ami de la famille, adressa un poème à la mère de Thélis que voici :
« LA-HAUT »
Pour chanter les Héros de cette longue Guerre
Que ne suis-je Plutarque ou bien Victor Hugo !
Ma Muse en vain s’efforce et n’y réussit guère,
Et puis, ils sont trop ! ils sont trop !
Tous frères dans la Mort, soldats et capitaines,
Ils dorment par milliers roulés dans nos drapeaux,
Et nous ne pouvons plus faire un pas dans nos plaines
Sans heurter l’un de leurs tombeaux.
…Et voici que pourtant, dans votre enfant, Madame,
Vie de Thélis Vachon
Je chante un de nos « As » à la fois doux et fort,
Mêlant à ses lauriers – puisqu’il fut Breton d’âme –
Une branche de genêts d’or.
Il laisse un de ces Noms qu’à genoux dans l’église
Avec ceux des Martyrs on murmure en tremblant,
Étant mort de la Mort qui nous immortalise :
Celle des Jeanne et des Roland.
Il est mort de la Mort qu’il rêvait : face aux Boches !…
…Et c’est pourquoi, Madame, en congé, l’homme-oiseau
Était nerveux, rêveur, et disait à ses proches :
« Laissez-moi retourner là-haut. »
Là-haut, c’était le « Front » : l’Escadrille adorée,
Le « réglage de tir » et le « bombardement »,
C’était la France en pleurs, meurtrie et déchirée :
La Rivale…… l’autre Maman.
Ah ! ne maudissez pas en paroles amères
Celle qui prit, sur vous, chez Lui, le premier rang,
Mais – comme au Golgotha fit la Mère des mères –
Dites votre « fiat » en pleurant.
Trouvant tout ici-bas, trop bas ou trop morose,
Notre petit oiseau, voyez-vous, s’est enfui ;
Il est parti, léger, dans une apothéose
En nous laissant jaloux de Lui ;
Il vous a dit : « Maman, dans la Gloire éternelle
Je vais aller t’attendre : Au revoir ! A bientôt ! »
Et – pour l’ultime fois ouvrant, large, son aile –
Cet Ange est retourné……. Là-haut !
Un style bien dans l'air du temps !!!!
Gérault