FILEUR
Goélette du port de Morlaix lancée en 1873 à Dunkerque
71 tx JN 89 tx JB
FILEUR était à l’origine un lougre dunkerquois. Il fit 30 campagnes d’Islande, les 10 premières seulement avec un gréement de lougre, et les 20 suivantes avec un gréement de goélette. En 1880, FILEUR, faisant un peu d’eau, avait été tiré au sec en Islande et calfaté par les équipes du vapeur stationnaire de la surveillance des pêches.
Voici une demi-coque de lougre de cette époque, visible au musée de Dunkerque : ici LA POURVOYEUSE lancée également en 1873 à Dunkerque
Longueur 21,5 m Bau 6 m.
Source : GRANDE PECHE de Jean-Pierre MELIS. Edition du Chasse-Marée. 2006

Non armé
Armateur CHUPIN à Fougères
Traversée Granville – Swansea via Lézardrieux sur lest
Liste d’équipage
FIERDEHAICHE Casimir Capitaine Saint Malo 530 Blessé au talon
LEVERRIER Edouard Matelot Granville 8218 Blessé à la face
ROUSSEL Henri Matelot Granville 1815 Blessé
MARIE Louis Matelot Granville 1805
PAUMIER François Mousse
Attaque par sous-marin le 24 Mars 1918 à 10h50
Rapport du capitaine
Quitté Granville le 20 Mars à midi à destination de Swansea. A 18h00, vu le temps calme et le brouillard très intense, j’ai mouillé sur rade de Cancale. Le brouillard dure jusqu’au 22 à 15h00. Appareillé pour prendre le convoi à Lézardrieux. Faible brise de Nord. Le 23 Vent faible d’Est. A 15h30, j’étais à 1,5 mille dans le Sud de l’île de Bréhat quand j’aperçus trois voiliers sortant par la grande passe en remorque d’un convoyeur. Comprenant qu’il y avait un convoi pour l’Angleterre, je fois route au Nord entre l’île et la Horaine en hissant les couleurs nationales. Quand le remorqueur largua ses remorques, j’étais à 3 milles en arrière d’eux et quand ils eurent fini leur appareillage je m’en suis plutôt rapproché.
Croyant que le remorqueur avait compris ma manœuvre et me considérait du convoi, je fis tout mon possible pour suivre mes camarades dans l’intérêt du ravitaillement général du pays. Malheureusement, par faible brise mon bateau n’était pas aussi léger que beaucoup d’autres. Je perdais un peu sur eux et le 24 au jour, je n’apercevais plis que deux des voiliers. A 10h30, j’en apercevais encore un.
C’est alors que je vis à 200 m sur bâbord le périscope d’un sous-marin ennemi. Je virai de bord vent arrière, sans bruit car la mer était plate.
Si le sous-marin continuait sa route, j’étais sauvé, et s’il venait vers moi, il était plus facile de débarquer dans le canot. Il vira de bord et vint vers moi. J’étais fixé. Ne voyant aucun secours et n’ayant aucune arme, je fis hâler bas les focs, et pris les dispositions pour mettre le canot à la mer. Mais ce lâche émergea et ouvrit le feu sur moi alors que nous étions sans défense.
Je reçus le premier une balle dans le pied droit. La 2e blessa très grièvement le matelot Leverrier et la 3e blessa à l’œil gauche le matelot Roussel.
Je montrai alors un mouchoir blanc et il cessa le feu. Nous avons quitté le bord et nous nous sommes dirigés sur le pirate. Nous avons du les conduire à bord où ils ont pillé et saccagé tout ce qui leur tombait sois la main. Au bout d’une heure, ils nous ont lâchés au gré des flots par 49°23 N et 03°51 W après avoir placé des bombes sur la goélette qui a été brisée par l’explosion 12 ou 15 mn plus tard. Le sous-marin a fait route au NE puis a plongé. Il était 12h10.
J’ai aussitôt fait route sur les Triagoz et j’ai atterri à Trebeurden où j’ai eu le meilleur accueil le 25 à 09h00 après 22 heures de souffrance.
Le matelot Leverrier a été conduit à l’hôpital de Lannion.
Description du sous-marin
65 m environ
T.T.4 peint en noir sur l’avant
A tribord avant et sur le kiosque tribord vu 55 peint en blanc sur fond noir.
Avant droit, un peu comme UB 23.
On apercevait un tube de 20 cm de diamètre
Kiosque haut et évasé vers le sommet.
Une mitrailleuse montée sur un affût de canon. (Le canon était cassé)
2 fils d’antenne allant de l’avant à l’arrière.
Peinture de camouflage vert-bleu-jaune-rouge-noir assez récente.
Vu une douzaine d’hommes sur le pont. Les officiers parlaient français.
Note de l’Amiral SALAUN au Commandant des Patrouilles Maritimes
Suite à la lecture du rapport de mer du capitaine je vous prie de me faire connaître :
- Si ce petit bâtiment a bien exécuté les instructions qui ont dû lui être données au départ de Granville.
- Dans quelles conditions cette goélette s’est jointe au convoi qu’elle a rallié et si vous estimez que le capitaine a pu croire qu’il était régulièrement incorporé au convoi alors que manifestement son bateau se trouvait à une distance de l’escorteur qui ne permettait aucune protection.
Réponse à cette note
1) La goélette FILEUR avait reçu de l’Administrateur de Granville l’ordre de se rendre à Lézardrieux pour y recevoir des instructions concernant sa mise en convoi escorté pour traverser la Manche. Le capitaine a signé cet ordre reçu de l’Administrateur.
2) Le 23, le capitaine de FILEUR se trouvant dans le Sud de Bréhat a aperçu un convoi de 5 voiliers escortés par 2 chalutiers anglais qui étaient venus conduire des voiliers depuis la côte anglaise à Lézardrieux, et repartait vers l’Angleterre avec 5 voiliers.
Ces deux chalutiers anglais ne pouvaient prendre charge d’un voilier qu’ils apercevaient à une assez grande distance et dont ils ignoraient la destination. Il est donc très naturel qu’ils aient continué leur route.
3) FILEUR ne s’étant pas rendu sur rade de concentration, n’ayant pas été compris dans le convoi au départ et n’ayant reçu aucune instruction de route, ne peut être considéré que comme un bâtiment naviguant isolément, contrairement aux ordres reçus.
Rapport de la commission d’enquête
Elle précise que FILEUR se rendait en convoi en Angleterre et que le sous-marin a émergé avec une rapidité déconcertante (il a bondi hors de l’eau comme un marsouin) et a ouvert le feu à la mitrailleuse sur les malheureux matelots qui amenaient le canot. Un officier et deux marins se rendirent sur FILEUR où ils prirent vêtements, argent et vivres, et posèrent des bombes.
Le capitaine demanda et obtint du commandant allemand des linges pour panser leurs blessures et fut autorisé à faire route sur la terre. Le matelot Leverrier est dans un état stationnaire mais grave.
Le sous-marin présente des caractéristiques inédites :
- Camouflage avec des dessins bien peints : rouges, noirs et verts
- Le canon avant, de 88 mm, était semble-t-il brisé. Il n’en restait plus qu’un tronçon sur lequel on avait installé une mitrailleuse.
- Nombre 55 peint en blanc sur l’avant.
Ceci avait déjà été vu sur les sous-marins qui ont coulé DUVA (nota : ce nom semble incorrect et il doit s’agir de BEGONIA) et VENBORG. Ce sous-marin avait alors un petit canon sur l’avant.
- Le tube axial aperçu de 20 cm de diamètre est trop gros pour un canon et trop petit pour une torpille.
Enfin, elle conclut que le commandant allemand s’est conduit comme un sauvage en tirant dans le tas sur des hommes sans défense tandis que le capitaine de FILEUR fait très bonne impression et a l’air d’un homme de moral élevé.
Note de l’Amiral SALAUN du 21 Mai 1918
Le rapport de la commission d’enquête sur la destruction de la goélette FILEUR spécifie que le navire se rendait en convoi en Angleterre. Or ce voilier s’était joint à un convoi aperçu au large de Bréhat alors qu’il avait des ordres pour attendre des instructions à Lézardrieux.
J’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir attirer l’attention du Président de la Commission d’Enquête sur l’intérêt que j’attache à ce que des incidents de cet ordre soient mis en lumière au moment de l’enquête. L’appréciation du Ministre sur la conduite du capitaine peut s’en trouver considérablement modifiée.
Le sous-marin attaquant
C’était l’UB 55 du Kptlt Ralph WENNINGER.
Voir le récit de sa patrouille mis par Yves à la fiche YOLANDE
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
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