ROYAN
Le ROYAN était l’ex Américain WACCAMAW, un navire de 1351 tonnes, lancé en 1900. Il navigua de 1917 à 1921 sous le nom de ROYAN pour les Chemins de Fer Français, avant d’être revendu aux Canadiens, toujours sous le nom de ROYAN. Il fut démoli à Sorel en 1946.
Voici deux photos de lui, sous le nom de WACCAMAW, puis de ROYAN sous pavillon canadien.


Interrogatoire du CLC François LE CORRE, Vannes 114, second capitaine du ROYAN en Juillet 1917
- Vous étiez à bord du ROYAN lors du voyage d’Amérique en France ?
- Oui. J’étais second capitaine. Nous étions partis le 30 Juin de New York avec 1100 tonnes d’huile minérale. Le navire est un ancien Américain.
- Où étiez-vous le 17 Juillet à 17h00 ? N’avez-vous pas croisé un autre vapeur français ?
- Nous sommes arrivés à Brest le 18 Juillet. Le 17Juillet nous pouvions nous trouver à environ 130 milles de Penmarch et faisions route à l’Est. Vers 16h00, j’étais de quart et j’avais aperçu depuis un quart d’heure un vapeur que j’ai présumé être un « Chargeurs Réunis ». Il était à 2 milles environ sur bâbord arrière, soit au NW. Le temps était légèrement brumeux et je descendais de la passerelle en quittant mon quart quand j’entendis le vapeur tirer un coup de canon. J’ai pensé qu’il s’exerçait sur des barriques d’huile éparses qui flottaient autour de nous car son tir était dirigé dans notre direction. Je n’ai vu que le feu du canon, mais pas le point de chute. Deux autres coups ont suivi à très peu de temps d’intervalle. Nous avons continué notre route.
- Vous-êtes- vous aperçu que le vapeur avait fait une embardée pour s’écarter de vous ?
- Oui, avant le coup de canon.
- Combien de temps s’est écoulé entre le moment où le vapeur a changé de route et le premier coup de canon ?
- 7 à 8 minutes peut-être.
- Avez-vous vu le vapeur faire une autre embardée brusque ?
- Non.
- N’avez-vous rien vu de suspect dans les parages ?
- Il y avait des barriques d’huile, un mât incendié, des débris de parois, des panneaux, des madriers… Nous nous sommes rendus compte qu’il s’agissait de l’épave d’un navire torpillé, et que c’était sûrement un navire à voile. Durant la traversée nous n’avons aperçu aucun sous-marin. Si le navire qui nous a croisés a cru voir un sous-marin, il se peut qu’il ait été trompé par le mât qui était horizontal et pouvait faire effet de sous-marin.
- Quelle était la vitesse de votre navire ?
- Huit nœuds.
- Votre navire est-il armé ?
- Non.
Commentaire
Voici comment le capitaine Bataille, du vapeur MALTE, avait décrit le ROYAN.
« A 17h00 donc, nous aperçûmes dans l’Est un vapeur de faible tonnage, de type pétrolier, avec cheminée haute à l’arrière perçant la dunette, deux mâts à l’avant entre la dunette et le gaillard et, sur le gaillard, une construction élevée.
Ce navire me parût suspect et pouvait être un ravitailleur de sous-marin. Notre changement de barre allait nous rapprocher de lui et j’ordonnai immédiatement de venir au Nord. Puis je repris les zigzags autour d’une route qui nous en éloignait franchement. »
On constate que la description est excellente, mais que ce n’était pas un ravitailleur de sous-marin. Le témoignage du second capitaine est toutefois intéressant car il indique que la rencontre s’est passée à un endroit où avait eu lieu un torpillage récent, probablement un voilier dit-il.
Or sur cette zone, le sous-marin UC 72 de l’Oblt z/s Ernst VOIGT avait coulé successivement les jours précédents
- CAMBRONNE (Français) le 8 Juillet
- M I MANDAL (Danois) le 8 Juillet
- MARY W BOWEN (Cinq mâts Américain chargé d’huile) le 8 Juillet
- CERES (Français) le 9 Juillet
- ANGLO PATAGONIAN (Anglais) le 11 Juillet
- TRELISSICK (Anglais) le 15 Juillet, par 47°28 N et 06°28 W, c’est-à-dire pratiquement à la position donnée par le capitaine de MALTE.
On peut penser qu’Ernst Voigt, qui d’ailleurs patrouillait souvent sur cette zone, était resté sur place, sur cette route empruntée par les navires arrivant d’Amérique. Il aura manqué de très peu MALTE. Quant aux épaves flottant sur l’eau, elles ne pouvaient provenir que du MARY W BOWEN.
Voigt et son équipage disparaîtront quelques semaines plus tard, le 24 Août 1917, ayant sauté sur une mine dans le Pas de Calais. L’épave de l’UC 72 a été retrouvée et identifiée en 2013.
Cdlt