MAURICE Dundee d'Islande

olivier 12
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Re: MAURICE Dundee d'Islande

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

MAURICE

Dundee immatriculé à Gravelines
Construit en tant que schooner en bois à Dunkerque. Année de construction inconnue.
115 tx JB 79 tx JN 175 tpl
Armateur LERMENS de Dunkerque (Compagnie Anonyme à la Grande Pêche et au cabotage)
Consigné par Georges Gombert de Granville
Capitaine TALLEUX Jean Baptiste. Patron breveté d’Islande
8 hommes d’équipage en tout
Chargement 175 t de morues salées
Effectue une traversée Reykjavik – Granville
Armé d’un canon de 47 mm placé au centre du bâtiment

Liste d’équipage

TALLEUX Jean Baptiste Capitaine Gravelines 1035 (ou TALLEY)
OTTEL Pierre 2e capitaine Dunkerque 1676
MAZUY Jules Matelot Dunkerque 2445
BERKAIN Charles Matelot Gravelines1802 (ou BECKAIR)
COUBEL Auguste Matelot Gravelines1821
LAVALLEE Jules Matelot Gravelines 75
REGNAUD Gaston Canonnier 44665.1
LARRIVEN Louis Aide canon. Paimpol 26756

Rapport du capitaine

Quitté Reykjavik le 6 Juillet 1918 avec 175 t de morues à destination de Granville. Le 7 Juillet, dans le S45E vrai de Pentland, reçu un fort coup de tangage qui casse la drisse du grand foc et le gui d’artimon avec une grosse brise d’ENE. Mis en travers pour réparer les avaries. Il y avait avec moi ROGER-ROBERT, EMILE et DOMINO. J’ai fait appareiller avec la corne de grand voile pour gui, et l’artimon avec deux ris car la corne n’était pas solide. Fait alors route bâbord amures pour aller à Waterlay. Mais le bateau était trop mou, n’ayant plus assez de voile derrière et avait trop de dérive.

Je n’ai pas pu suivre mes collègues à cause de ces avaries et cela m’a fait passer à 60 milles du cap Lewis, toujours avec une forte brise. Ne pouvant louvoyer, j’ai fait route pour aller chercher des ordres à Larre lorsque le 12 Juillet à 15h00 le vent se calma et passa au SW, avec faible brise à 22h00 et calme à 23h00. Relevé le feu de Barra Head quand je fus à 20 milles dans l’Ouest.

A minuit, deux coups de canon arrivent en même temps que la grande voile tombe sur le pont ainsi que le tenon du mât et le mât de flèche. Le sous-marin tire toujours et les 4e et 5e coups font sauter le couronnement du bateau. On ne peut plus se servir du canon engagé sous le gréement.
Mis le canot à la mer et embarqué dedans. Aussitôt le bateau évacué, le sous-marin cesse le feu et vient à 120 m de notre embarcation. Le commandant me demande en anglais de venir à son bord. Nous accostons à hauteur du canon et je monte à bord. Je lui dis que je ne comprends pas l’anglais et lui demande s’il parle français.
Il me dit : « Ah ! Vous êtes Français ! D’où venez-vous ? Quel chargement avez-vous et où allez-vous ? »
Je lui réponds : « - A Granville avec un chargement de morues. »
«- Combien de morues avez-vous ? »
« -175 t »
Il me fait alors voir le feu de Barra Head et me dit « Gouvernez dessus ». Il me demande encore « Avez-vous des blessés ? » et je lui réponds « Non ».
Pendant ce temps, un autre officier interrogeait l’équipage en excellent français, posant les mêmes questions.

Il me fit rembarquer dans le canot et nous laissa partir. Le voilier avait de la gite sur tribord. Il mit le cap dessus et tira un coup par le travers et 2 coups sur l’avant puis s’éloigna et disparut. Le voilier a coulé peu après.

A midi trente le 13, je suis arrivé à Vaterlay. Reçu un très bon accueil. Ramené ensuite à Stornoway par un drifter de patrouille.
Fait à Cattle Bay le 14 Juillet 1918

Rapport de l’officier AMBC


Il reprend presque entièrement le rapport du capitaine.
Il émet toutefois la critique suivante :
Le veille, assurée par un canonnier et les trois hommes de la bordée de quart ne devait pas être très sérieuse. Le sous-marin s’est démasqué à seulement 150 m et il semble qu’on aurait pu l’apercevoir avant qu’il n’ouvre le feu…

La pièce n’a pu être utilisée, la grande voile et son gréement étant tombés dessus.

Description du sous-marin

70 à 80 m. Avant à guibre
Plateforme avant plate et horizontale.
Partie arrière du pont légèrement inclinée vers l’arrière
Kiosque légèrement incliné sur l’avant avec gradins sur l’arrière. Hauteur 2,50 m
1 canon de 105 (5.9 inches) entre le kiosque et l’avant. Tir rapide
1 mitrailleuse à mi-distance entre le kiosque et l’arrière
1 mâtereau de chaque bord du kiosque supportant les filières TSF
Peint en gris foncé et propre

Commandant très jeune (25 ans environ), bien rasé et plutôt petit. Vêtu d’une tenue kaki et portant casquette. (L’officier anglais qui a interrogé le capitaine écrit « The German Captain was a nice looking boy, with fair hair, and spoke french fluently »)
L’autre officier encore plus jeune, semblait un jeune garçon de 20 ans. Il était vêtu de la même manière et parlait très bien français.
Equipage également très jeune

Ce sous-marin était l’U 98 du Kptlt Rudolf ANDLER. Celui-ci était né le 30 Juillet 1885. Il avait donc en réalité 32 ans et était à 2 semaines de son 33e anniversaire... Il commanda l’U 98 jusqu’à l’armistice du 11 Novembre 1918.

Rapport de la Commission d’enquête

Ce rapport reprend les faits signalés par le capitaine de MAURICE.

Il ajoute :

L’évacuation s’est faite avec ordre, sans aucune panique, mais sans prendre ni vivres, ni rôle, ni documents confidentiels, ni vêtements. Le canot ne contenait pas de vivres mais seulement une voile et des avirons.
Le commandant du sous-marin a interrogé le capitaine en français, langue qu’il parlait couramment, ainsi d’ailleurs que son second.
MAURICE a été coulé de deux coups de canon tirés à bout portant, sans qu’aucun Allemand soit allé à bord.

La commission conclut qu’aucune défense n’était possible, la chute de la voilure et de la mâture dès le premier coup de canon ayant empêché d’armer la pièce. Aucune mesure ne pouvait sauver le bâtiment et l’équipage a évacué avec ordre et discipline, sans panique. On doit seulement regretter que le capitaine n’ait pas songé à faire disparaître les documents confidentiels qu’il avait d’ailleurs eu le tort d’enfermer dans un sac non lesté. Si le commandant du sous-marin avait envoyé un homme sur le voilier, ce qu’il n’a pas fait, il lui aurait été facile de s’emparer de ces documents confidentiels.

Lettre du 21 Juillet 1918 du sous-secrétaire d’Etat à la Marine de Guerre au Commissaire aux transports maritimes


Le voilier MAURICE, qui rentrait en France après sa campagne de pêche en Islande, a été coulé par un sous-marin dans la nuit du 13 au 14 Juillet à hauteur de Barra Head à l’entrée de la mer des Hébrides.
Cette perte doit être attribuée au fait que ce bâtiment n’a pas suivi les instructions données puisque trois autres voiliers français, EMILE, ROGER-ROBERT et DOMINO, partis d’Islande en même temps que lui, viennent d’arriver à Stornoway où tous quatre avaient ordre de relâcher pour y recevoir de nouvelles instructions des Autorités britanniques.

Etant donné le petit nombre de nos voiliers devant prendre part cette année à la campagne de pêche en Islande, il avait été convenu avec l’Amirauté britannique que nous les escorterions jusqu’à Milford Haven et qu’ensuite ils seraient placés sous la protection des patrouilleurs et chalutiers anglais.

Grâce à cet accord, la traversée d’aller et le séjour sur les lieux de pêche n’avaient été marqués par aucun incident. Il y a lieu de penser qu’il en aurait été de même pour le voyage retour si le voilier MAURICE avait bien voulu se conformer rigoureusement aux instructions qui lui avaient été données par las Autorités britanniques à son départ d’Islande.
Je vous signale ces faits à toutes fins utiles pour ce qui a trait au règlement des assurances contre les risques de guerre qui ont du être prises pour ce bâtiment et sa cargaison.

Lettre du 31 Juillet 1918 du Commissaire aux transports maritimes au Ministre de la Marine

En réponse à votre lettre du 21 Juillet relative à la perte de MAURICE je vous confirme que la Commission de la Marine Marchande a couvert 100 000 f pour le navire et 380 000 f pour la cargaison au titre des risques de guerre. La commission est grandement intéressée à la détermination exacte des causes du sinistre et voudrait votre avis sur les points suivants :

Ne vous paraît-il pas possible que MAURICE, parti d’Islande en convoi avec EMILE, ROGER ROBERT et DOMINO, appartenant d’ailleurs aux mêmes armateurs, se soit égaré pendant la traversée et ait été dérouté sous l’influence de conditions atmosphériques défavorables. Son atterrissage sur Barra Head, au Sud des Hébrides, au lieu de Stornoway situé dans le canal séparant le Nord d ces îles de la terre pourrait alors s’expliquer par la force majeure et non par la faute du capitaine.

Je vous demande une copie du rapport de mer du Capitaine et de ceux des trois autres navires.

Lettre du 21 Août du Commissaire aux transports maritimes au Sous secrétaire d’Etat à la Marine de guerre

Comme suite à ma lettre du 31 Juillet je vous adresse la copie du rapport de mer du patron de MAURICE.
Je pense qu’après lecture de ce document, vous estimerez comme moi que les circonstances qui ont entouré la perte de ce voilier ne paraissent plus devoir être attribuées à une faute du capitaine, mais à un cas de force majeure. En conséquence, vous reviendrez sur certaines appréciations contenues dans votre lettre du 22 Juillet dont la gravité aurait pu faire obstacle au règlement du sinistre de ce voilier.


Note du 30 Août 1918 du Sous Secrétaire d’Etat à la Marine au Commissaire aux Transports

En réponse à votre lettre du 21 Août sur la destruction de MAURICE, j’ai l’honneur de vous faire connaître que j’estime acceptables les excuses invoquées par le capitaine Talleux pour expliquer ce déroutement qui a entraîné sa perte par risque de guerre.

Cdlt
olivier
Memgam
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Re: MAURICE Dundee d'Islande

Message par Memgam »

Bonjour,

Maurice, dandy, construit par Derycksen à Dunkerque en 1904.
111 tjb, 24,66 x 6,86 x 3,43 m.

En 1912, indicatif KGNC, immatriculé à Gravelines, armateur G. Merlin, capitaine Jonekint.

Source : Registre n° 84, Bureau Veritas 1912.

Cordialement.
Memgam
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