JEUNE ODETTE Sloop de pêche des Sables d'Olonne

olivier 12
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Re: JEUNE ODETTE Sloop de pêche des Sables d'Olonne

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

JEUNE ODETTE

Sloop de pêche des Sables d’Olonne

Patron : LAURENT Jules domicilié 9 rue Napoléon aux Sables d’Olonne
Matelot REDANT Auguste
+ probablement un ou deux matelots et un mousse dont les noms ne sont pas donnés.

Attaque par un sous- marin. Interrogatoire du matelot Redant

Le 12 Février 1917, dans l’ouest de Chassiron, à 16h00 nous avons viré le train de pêche pour rentrer aux Sables
A 16h45, aperçu un sous-marin qui vient sur nous à grande vitesse, nous élonge sur bâbord et stoppe à 10 mètres. Un homme, sur le kiosque, fait signe avec la main qu’il va nous couler. Le patron fait aussitôt mettre les amures à tribord et nous continuons la route. Mais le sous-marin nous suit et l’homme fait alors des signes avec sa casquette.
Le patron laisse porter pour se rapprocher du sous-marin et lui demander ce qu’il veut. Nous touchons presque la coque du sous-marin sur son arrière, lorsque nous entendons les moteurs de deux hydravions.
Il y a alors des cris sur le sous-marin, qui ressemblent à des ordres, et les hommes se mettent à courir vers le kiosque. Le commandant avait des jumelles et un fusil.
Nous nous éloignons alors à toute vitesse.

Rapport de l’officier enquêteur

En procédant à cette enquête, j’ai constaté qu’il est très difficile d’obtenir des pêcheurs des renseignements exacts.
Cependant, il résulte de l’enquête que JEUNE ODETTE est resté sous la menace de l’ennemi pendant au moins dix minutes. Le patron n’a rien perdu de son sang froid. Dès les premières menaces, il a ordonné à l’équipage de ne rien changer aux manœuvres du bateau. « Bougez rien, les enfants ! » leur a-t-il dit. Bien qu’il soit difficile de connaître le fond de la pensée du patron, je crois qu’il s’est dit : "Mon canot est trop petit et trop peu solide pour sauver l’équipage ; il est préférable que j’essaie de fuir, au risque d’être coulé".
Il n’a donc pas tenu compte de la première injonction sur laquelle il n’avait pourtant aucun doute. Quand il a vu le sous-marin le poursuivre et lancer une deuxième injonction, il a mis la barre au vent pour se rapprocher de l’ennemi. Il voulait lui faire comprendre qu’il ne pouvait embarquer dans son canot.
En ne répondant pas à la première injonction, le patron Laurent a donné le temps aux avions de reconnaissance d’arriver et de sauver son bateau. Les avions sont arrivés dix minutes après l’apparition du sous-marin.
Le patron Laurent est un homme très énergique susceptible de rendre ultérieurement des services.

Récompense

Témoignage officiel de satisfaction du Ministre


LAURENT Jules Inscrit aux Sables d’Olonne Patron du JEUNE ODETTE

Sommé par un sous-marin d’abandonner son sloop, a refusé d’obéir et a ainsi permis à deux avions d’arriver sur les lieux et de forcer l’ennemi à l’abandonner.

De plus, une gratification de 300 francs lui est accordée.

Le sous-marin attaquant

Vu la position indiquée, ce ne pouvait être que l’UC 21 de l’OL Rheinhold SALTZWEDEL, qui sera d’ailleurs vu également par le navire de pêche INDEPENDANT sur la même zone.

Cdlt
olivier
Rutilius
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Re: JEUNE ODETTE Sloop de pêche des Sables d'Olonne

Message par Rutilius »


Bonjour à tous,


L’Ouest-Éclair – éd. de Nantes –, n° 6.381, Samedi 21 avril 1917, p. 3, en rubrique « Dans le région ».


Image

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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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Re: JEUNE ODETTE Sloop de pêche des Sables d'Olonne

Message par Rutilius »


Bonjour à tous,


— F. YDIER, Secrétaire-trésorier de la Société Olona, Instituteur public : « A la gloire des Marins Sablais et Chaumois. Épisodes de la lutte sous-marine en 1917 ~ 1918 », monographie de 16 p., s.l.n.d.


« III. — Le Sloop " Jeune-Odette ".

Le sloop Jeune-Odette, de 14 t. 950 de jauge brute, immatriculé aux Sables-d’Olonne sous le numéro 217, monté par 4 hommes d’équipage, ayant relevé son chalut, faisait route vers son port d’attache, cap au N.-E., le 12 février 1917. Il se trouvait par environ 46° 8’ de latitude nord et par 1° 56’ de longitude W. de Greenwich, quand il aperçut un sous-marin à environ 400 mètres de lui. L’ennemi l’examina avec défiance et, ayant sans doute conclu que l’embarcation était très inoffensive, s’en approcha à une vingtaine de mètres par l’arrière.
Le Capitaine allemand fit, avec la main, des signes indiquant que le bateau allait être coulé ; le patron, Jules Laurent, n’y répondit point, faisant semblant de ne pas comprendre et, lui tournant le dos pour qu’il ne put l’entendre, lança à son équipage cet ordre formel :

— Bougez pas les gars. Laissez le canot tranquille. C’est pas pressé !
A bord donc, personne ne bouge, ou plutôt chacun continue avec calme la tâche interrompue : le patron ne modifie pas le cap, un matelot hâle sur une drisse, un autre arrime dans une "balle" les soles et les plies, mais, à la dérobée, tous épient les faits et gestes des allemands.
L’équipage teuton, massé sur le pont, voyant qu’on ne tenait point compte de ses ordres, se met à faire des signaux, à hausser la voix, sans plus de succès.

— J’ leur dirai que j’entendais pas !
Ce mépris de la force armée ne pouvait évidemment durer, et les coléreux teutons s’impatientaient, d’autant qu’ils venaient, une heure auparavant, de rater un torpillage, ayant fui, en effet, devant un patrouilleur alors qu’ils tenaient en respect le sloop Reine-des-Flots que l’équipage, sur leur ordre, abandonna un moment.
— On va tenter de "mettre les voiles" à leur nez, les gars, tenez bon !
La mer houleuse facilitera peut-être la manœuvre ; un incident à bord du sous-marin, et c’est le salut !... Le salut vint en effet, sous la forme de deux hydravions.
Tout le monde était plongé dans des espoirs chimériques lorsque le vent d’Est apporta un vrombissement de moteurs. Fébrilement, l’officier ennemi braqua ses jumelles dans la direction. Il faut croire que sa présence dans ces parages était signalée, car les hydravions du centre de La Pallice accouraient droit sur la Jeune-Odette, de toute la puissance de leurs moteurs. Lorsque l’officier vit nos avions si décidés, il n’hésita pas : devant ces quatre hommes désarmés, il se mit au plus vite sous la protection des eaux ! Pourtant, avant de fermer le capot, l’un des hommes du sous-marin, celui qui se tenait à côté du canonnier, prit un fusil et déchargea son chargeur sur l’avion le plus en avant. En moins de temps qu’il n'en faut pour le raconter, les hydravions dominèrent le lieu de la scène, à la hauteur du mât de la barque, à 12 mètres environ. Sans hésiter, apercevant encore la coque et le sillage de l’ennemi, les aviateurs laissèrent tomber deux bombes à 10 ou 15 mètres du submersible. L’explosion produisit une énorme gerbe d’eau. Il est probable que le sous-marin ne fut pas. atteint, mais il ne reparut plus ce soir-là et la Jeune-Odette continua sa route jusqu’aux Sables-d’Olonne, sans encombres.
Se voir joué deux fois en une heure par de pauvres vieux marins-pêcheurs, cela dut exaspérer l’orgueil du Commandant teuton !
Le sang-froid du patron et de l’équipage de la Jeune-Odette, la promptitude et l’énergie du secours apporté aux matelots par l’aviation maritime, sont dignes d’éloges. Ces modestes récits prouvent l’étroite solidarité qui anima le peuple de France durant la grande Guerre, le fond admirable de patriotisme que chaque français acquiert en suçant le lait maternel. De tels marins pouvaient-ils être vaincus ?
Non ! La race française demeure éternellement vaillante : ceux d’aujourd'hui sont les dignes fils de Ceux d’Hier, et ils prépareront sans faiblir Ceux de Demain ! » (op. cit., p. 7 et 8).
Bien amicalement à vous,
Daniel.
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