SAINT PIERRE
Goélette immatriculée à Dunkerque
Armateur Lemens de Dunkerque (déjà rencontré à propos de la goélette MARTHE)
Effectue une traversée Cardiff - Reykjavik avec 250 tonnes de charbon.
Aucun document d’enquête sur cette goélette qui est canonnée par un sous-marin le 13 Août 1917 à 60 milles au large de la côte ouest d’Ecosse. (Mais c’était probablement une goélette ayant pratiqué la pêche en Islande).
Elle ne figure pas non plus dans les listes uboat.net, donc pas de renseignements sur le sous-marin attaquant.
Mais le dossier comporte un télégramme et deux lettres qui éclairent l’affaire d’une façon toute particulière.
Télégramme
Envoyé par le consul de France à Glasgow à Marine Paris
« Selon télégramme de Stornoway équipage SAINT PIERRE a reconnu avoir percé trous dans coque goélette pour la couler par peur des sous-marins. Dossier enquête Amirauté britannique transmis à Londres. Equipage dirigé de Stornaway sur Londres qui vous câblera destination ».
Lettre n° 1
Envoyée par le consul de France à Glasgow au Ministre de la Marine
« Le 20 Août 1917, un patrouilleur anglais a rencontré en mer l’équipage de la goélette SAINT PIERRE, de Dunkerque, et l’a amené à Stornoway (Hébrides). Les marins ont raconté que le bateau avait été bombardé par un sous-marin allemand et qu’ils avaient du l’abandonner.
La goélette a elle-même été rencontrée par deux patrouilleurs anglais et ramenée à Stornoway. Elle était encore mâtée et sa coque présentait deux trous à l’avant, un sur bâbord et un sur tribord.
Les autorités anglaises, soupçonnant un acte de baraterie, ont procéder à une enquête et à l’interrogatoire de l’état-major et de l’équipage. Le capitaine a fait son rapport.
L’équipage a confessé au juge d’instruction avoir tenté de couler le bateau, bombardé par un sous-marin allemand.
Le SAINT PIERRE est du port de Dunkerque et appartient à Monsieur Lemens de cette ville. Il se dirigeait sur Reykjavik avec 250 tonnes de charbon. Il a été pris en charge par les autorités royales. Il est maintenant complètement asséché.
Une fois l’enquête terminée, l’équipage sera renvoyé en France aux Autorités Maritimes. »
Lettre n° 2 envoyée le 9 Février 1918 de Saint Omer
Il s’agit d’une demande de grâce présidentielle envoyée par un matelot dénommé HARS, au Président de la République.
Voici l’enveloppe contenant cette lettre, qui se trouve aux archives, non de la Présidence, mais de la Marine. Impossible de dire si elle a été communiquée au Président, ou interceptée par la Marine, et quelle suite lui a été donnée.

« J’ai l’honneur de solliciter de votre haute bienveillance la permission de vous demander de bien vouloir me faire sortir de cette prison, n’ayant jamais eu la moindre condamnation, ni dans le civil, ni pendant 46 mois de service militaire.
J’ai honte de me voir ici, entre quatre murs, sans servir, alors que dans mes veines coule du sang français. Je ne vous demande qu’une seule chose, me faire rejoindre la division de Cherbourg afin de regagner, en allant faire comme mes camarades, mon honneur et celui de mes chers parents.
Ayant été mis en sursis du 26 Juin au 26 Septembre, j’ai aussitôt embarqué sur le SAINT PIERRE, pris la mer le 7 Juillet 1917 pour Cardiff puis l’Islande.
Le 13 Août à 21h00, à 60 milles de terre, SAINT PIERRE a été attaqué par un sous-marin. Pour ne pas sombrer avec le navire, nous avons mis le canot à l’eau et sommes restés neuf heures consécutives à la merci des flots.
Le matin du 14, nous avons aperçu un navire et avons pensé être sauvés. Mais, à notre grande stupéfaction, c’était notre bateau qui avait reçu dans la voile d’arrière quelques éclats. Remontés à bord, nous avons fait route sur l’Islande, mais les vents ont changé. Le capitaine étant perdu, il a cherché à rejoindre la terre pour essayer de rencontrer un chalutier qui put nous renseigner. Nous n’avons rien vu et, ayant peur de reprendre le large, nous sommes restés trois jours sur le bateau.
Le 17 Août au matin, le capitaine a ordonné à deux des hommes de percer la coque afin de faire sombrer le bateau pour faute de preuve (sic).
Ce sont le sous-marin et l’ordre du capitaine qui sont la cause de me voir emprisonné. Le capitaine n’a pas voulu suivre les ordres de l’Amirauté anglaise et, étant sous ses ordres, il a fallu s’incliner.
Je ne suis qu’un pauvre innocent. Je vous en supplie, permettez-moi de rejoindre le dépôt de Cherbourg afin que je puisse prouver par mon courage la force du sang qui coule en moi. Veuillez, je vous en prie, suspendre la peine que je serais susceptible d’avoir.
Dans l’espoir que vous accepterez ma demande, j’ai l’honneur de vous prier d’accepter, Monsieur le Président, l’assurance de mon plus profond respect et de mes plus vifs remerciements. »
Signé HARS
NB : Je suis en prison depuis le 26 Août, hélas !
Les précisions sur le canonnage, apportées dans cette lettre, permettront peut-être d’identifier le sous-marin attaquant. Les causes et les circonstances du sabotage sont un peu confuses, mais à l’évidence, ce malheureux matelot s’est trouvé victime d’évènements qui l’ont dépassé.
Cdlt