EUGENE SCHNEIDER - 3 mats

Memgam
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Re: EUGENE SCHNEIDER - 3 mats

Message par Memgam »

Bonjour,

Idem

Cordialement.

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Memgam
Rutilius
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Re: EUGENE SCHNEIDER - 3 mats

Message par Rutilius »


Bonjour à tous,


■ Les suites contentieuses de l’abordage du trois-mâts barque Eugène-Schneider par le cargo Burutu.


Revue de droit maritime comparé, T. 19, Janv. ~ Juin 1929, Jur., p. 31 à 35.


SENTENCE ARBITRALE

1er septembre 1928


Abordage. Perte de vies humaines. Calcul des dommages-intérêts dus par le navire abordeur aux ayants droit des victimes.

Navires : Eugène-Schneider et Burutu.



La loi française n’ayant, pas plus que la Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910, déterminé de façon précise comment doivent se calculer, en cas d’abordage, les dommages-intérêts auxquels donnent lieu la perte de vies humaines ou les lésions corporelles, il convient de s’en rapporter aux principes généraux du droit, d’après lesquels la réparation d’un dommage, doit être juste et complète. Et, pour évaluer le dommage causé par la perte d’une vie humaine, la méthode la plus scientifique est celle qui s’efforce d’établir, aussi doctement que possible le capital économique que représentait cette vie : pour y arriver, il est rationnel de multiplier les gains nets normaux de la victime par le nombre d’années de travail productif qu’elle pouvait fournir encore en tenant compte de sa profession et de ramener le capital ainsi trouvé par voie d’escompte à sa valeur actuelle ; il y a lieu en outre de tenir compte de l’âge des ayants droit.


Dame Pierre Govys, née Marie-Anne Préjean, et consorts c/. British & African Navigation Cy.


« Nous, Louis FRANCK, Ministre d’État, Président du Comité Maritime International, nommé arbitre unique entre parties,
Revu notre sentence arbitrale déclarant le s/s. Burutu seul responsable de la collision qui a causé la perte du voilier Eugène-Schneider et de la majeure partie de son équipage ;
Considérant qu’il s’agit de déterminer les dommages-intérêts revenant aux demandeurs à raison du préjudice tant matériel que moral leur occasionné par la mort du capitaine François-Pierre-Marie Govys, qui a péri dans l’abordage entre le Burutu et l’Eugène-Schneider, le 25 décembre 1926 dans la Manche ;
Considérant que le capitaine Govys était né le 10 août 1897 ; que ses gages étaient de 2.000 francs par mois plus une commission de 2 % sur le fret ; qu’il avait d’excellents états de service, appartenait à une famille de marins, et avait des chances normales d’avancement ; qu’il laisse une veuve et deux enfants mineurs, respectivement nés le 7 avril 1924 et le 28 janvier 1927 ; qu’il laisse également ses père et mère et que ceux-ci font valoir à l’appui de leur réclamation que le défunt leur versait annuellement 1.200 francs en vue de l’instruction de ses jeunes frères ;

Quant au préjudice matériel :

Considérant que les parties s’en sont référées à la Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910, relative à l’unification de certaines règles en matière d’abordage, et, pour les points non prévus par cette convention, à la loi française ; que ni la convention ni la loi française n’ont déterminé d’une manière spéciale comment doivent se calculer les dommages-intérêts auxquels donne lieu la perte de vies humaines ou les lésions corporelles en cas d’abordage et que parties sont en désaccord sur les bases à adopter ;
Considérant que la partie défenderesse propose de se fonder par analogie sur les indemnités allouées en matière d’accident de travail par la loi relative à cet objet ;
Considérant que la législation spéciale, établissant des réparations forfaitaires en cas d’accident de travail, ne peut être invoquée à ce titre, car il ne s’agit pas, dans l’espèce, d’accident de travail au sens de cette législation et un régime d’indemnité forfaitaire ne peut, par sa nature même, être étendu au delà de son objet ; que la partie défenderesse le comprend et propose de multiplier par trois les chiffres d’indemnité auxquels on arriverait d’après la loi française relative aux accidents de travail, mais qu’on cherche en vain pourquoi ce multiplicateur, choisi sans justification spéciale, rendrait applicable au cas de l’espèce une loi d’assurances sociales, élaborée sous l'empire de considérations multiples dont beaucoup sont étrangères au droit commun et à la navigation maritime ;
Considérant que dans ces circonstances il y a lieu de s’en tenir aux principes généraux du droit, aux termes desquels la réparation en ces matières doit être juste et complète ;
Considérant que pour évaluer le dommage causé par la perte d’une vie humaine, la méthode la plus scientifique est celle qui s’efforce d’établir aussi exactement que possible le capital économique que représentait cette vie : pour y arriver il est rationnel de multiplier les gains nets normaux de la victime par le nombre d’années de travail productif qu’elle pouvait fournir encore, en tenant compte de sa profession, et de ramener le capital ainsi trouvé par voie d’escompte à sa valeur actuelle ; dans ces calculs, il y a lieu d’avoir égard aux dépenses personnelles et d’entretien qui grevaient les salaires, aux charges économisées par le décès, enfin aux chances d’augmentation ou de réduction des gains professionnels à raison de l’âge et des services ; qu’ainsi, on se trouvera conduit à une évaluation équitable du dommage occasionné puisqu’on arrivera à déterminer le capital constitutif d’une rente viagère immédiate, mais temporaire, pour une personne ayant l’âge de la victime, cette rente étant limitée au temps de travail productif et à 80 % du salaire annuel, à raison des déductions ci-dessus indiquées ;
Considérant que dans l’application de ces règles, il y a lieu d’apprécier ex aequo et bono les circonstances particulières de chaque cas : ainsi que la partie défenderesse le fait observer, l’âge des ayants droit est à prendre en considération, tout au moins en ce sens que les ayants droit ne peuvent bénéficier des calculs de survie pour une période plus longue que celle que les tables attribuent à leur propre existence ; de même, ils ne peuvent prétendre à des sommes supérieures à celles que le défunt leur attribuait effectivement ; mais ces considérations n’ont guère d’intérêt pratique quand il s’agit d’une veuve plus jeune que son mari et d’enfants mineurs ;
Considérant que l’arbitre estime après examen que les différents éléments devant servir sur ces bases au calcul de l’indemnité, tels que salaires de la victime, âge, chances d’avancement, frais personnels, etc., sont justifiés aux débats ;
Considérant que l’arbitre a fait vérifier les calculs actuariels produits par les parties demanderesses ; que les tables rentiers français dites R. F., adoptées pour ces calculs, pourraient être à première vue considérées comme trop favorables aux ayants droit des victimes, parce que la vie d’un marin est exposée aux risques spéciaux des voyages en mer, mais qu’en comparant l’allure de la mortalité indiquée par la table R. F. à celle d’une table générale, on peut se convaincre que la différence en faveur de la table R. F. s’accentue surtout dans les âges élevés ; qu’en se tenant à l’âge de 60 ans, considéré comme limite moyenne du travail, pour un marin, le risque professionnel plus grand, couru par les gens de mer, est compensé par cette limitation et par les conditions de salubrité favorables de leur mode de vie ; que cette solution est d’autant plus équitable que si l’on affecte le capital alloué à la constitution d’une rente viagère, c’est sur la base R. F. 5 % qu’il faut tabler, comme étant le tarif minimum autorisé en France pour ces rentes ;
Considérant que le montant réclamé pour la perte d’effets personnels (francs : 6.000) est modéré ;

Quant au préjudice moral :

Qu’une somme de 3.000 francs, réclamée pour les souffrances de la victime, et celle de 15.000 pour le préjudice moral des parties demanderesses ne sont pas exagérées ;
Considérant que, pour la facilité de la liquidation, il convient de fixer l’indemnité revenant aux victimes en somme nette et de comprendre les frais de documentation, d’expertise, de défense dans les dépens ;
Considérant que sur ces bases, l’arbitre fixe ex aequo et bono à francs : 380.000, la somme nette revenant à la partie demanderesse, dame veuve Govys et ses deux enfants, dans la proportion de la moitié pour la mère et d’un quart pour chacun des enfants ;
Considérant que les deux mineurs étant en cause, l’homologation du Tribunal compétent est requise ; qu’en conséquence la somme ne pourra être payée à la mère tutrice légale qu’à charge de justifier de cette homologation ;
Considérant que la partie défenderesse est également en droit de réclamer un acte de notoriété établissant qu’il n'y a pas d’autres enfants ;

Quant à l'action des parents :

Considérant que le père et la mère du défunt ne justifient d’aucun droit qui leur permette de venir en concours avec la veuve et les enfants ; qu’ils ne justifient pas que le défunt leur fournît une pension alimentaire ou qu’ils fussent en situation de lui en réclamer ; qu’il est toutefois établi que le défunt contribuait à l’éducation de ses frères et que la défenderesse offre de ce chef 8.000 francs ; que cette offre est équitable ; qu’avec le dommage moral, l'indemnité peut, dans ces circonstances spéciales, être évaluée à 13.000 francs
pour l’ensemble ;

Par ces motifs,

Statuant en dernier ressort, condamnons la partie défenderesse à payer comme dommages-intérêts :

I. – A Madame Veuve François-Pierre-Marie Govys, née Marie-Anne Préjean :
a) la somme de 190.000 francs en son nom personnel ;
b) la somme de 190.000 francs comme mère et tutrice légale de ses deux enfants Georges-François Govys et François-Pierre-Marie Govys ;

II. – A Monsieur et Madame Achille Govys-Costiou ensemble la somme de 13.000 francs, le tout avec les intérêts depuis le 26 décembre 1926 ;

Condamnons la partie défenderesse aux dépens ;

Disons pour droit que la présente sentence ne sera exécutoire en ce qui concerne les condamnations au profit des deux enfants mineurs qu’après homologation par le Tribunal compétent et moyennant production d’un acte de notoriété justifiant que le défunt n’a pas laissé d’autres enfants légitimes. »

Ainsi jugé à Bruxelles, le 1er septembre 1928.

Signé : Louis FRANCK.

Du 1er septembre 1928. — Arbitre : M. Louis Franck. — Plaid. : Mes Léopold Dor, pour la Dame Govys, et Langton, pour la British & African Navigation Cy, avocats.

____________________________

Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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Re: EUGENE SCHNEIDER - 3 mats

Message par Rutilius »


Bonjour à tous,


Journal officiel du 18 août 1927, p. 8.798.


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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
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Re: EUGENE SCHNEIDER - 3 mats

Message par Memgam »

Bonjour,

Source : Henri Picard, La fin des cap-horniers, les dernières aventures des long-courriers français, Edita Vilo, 1976, page 69.

Cordialement.

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Memgam
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