Bonjour à tous,
NIVERNAIS
Rapport du second capitaine de NIVERNAIS, Francis CHABERT
Quitté Alger le 10 Juin 1918 à 11h00, affrété par les intendances française et britannique, avec 700 tonnes de divers et 7600 moutons vivants pour Marseille. Navigation en convoi avec chalutier FIER, canonnière GRACIEUSE et vapeur NIEVRE, dans la formation suivante.
A 19h30, nuit noire, route au N29E à 9 nœuds, légère brise de nord, mer houleuse. Le capitaine donne l’ordre de fermer tous les hublots du spardeck.
A 22h30, par 238°18 N et 04°08 E, un sous-marin est aperçu à 400 m sur bâbord, en demi plongée. Presque aussitôt, on entend un sifflement et on voit le sillage d’une torpille. L’alerte est donnée par la vigie. Mis la barre toute à droite. La torpille explose entre les cales 1 et 2. Une gerbe d’eau et des objets de toutes sortes s’abattent sur la passerelle et le château. Les cales 1 et 2 sont envahies par l’eau. Le gaillard s’effondre, entraînant les ponts volants pleins de moutons.
Stoppé la machine et appelé aux postes d’abandon. Canot 1 et radeau tribord sont mis à la mer au moment où l’eau atteint le château central. Le navire s’engloutit par l’avant, avec une forte gîte sur tribord. Il s’est écoulé 30 secondes entre le moment où le sous-marin a été aperçu et l’explosion de la torpille, et 3 minutes jusqu’à la disparition du navire.
La canonnière GRACIEUSE a mis deux embarcations à la mer, éclairées par des projecteurs. Elle va sauver 34 hommes en une heure, puis laissera le FIER continuer les recherches jusqu’à l’aube.
Fait l’appel. Le commandant, le 3e mécanicien et 16 hommes sont manquants. Soit ils n’ont pu sortir des cabines situées à l’avant, soit ils ont été tués par la chute du mât de misaine, soit, ils ont été entraînés par le remous et noyés. Le veilleur Bernard, de l’AMBC d’Alger et le chauffeur Moussaled Ahmed sont grièvement blessés et reçoivent des soins attentifs.
Je signale la conduite exemplaire du commandant Paoli qui, dès l’explosion de la torpille, a organisé le poste d’abandon et a dirigé avec le plus grand calme la mise à l’eau des embarcations. Il s’est jeté à l’eau quand le navire s’est englouti. Le matelot Begoc, qui était à la barre, a vu le sous-marin.
La conduite du commandant et de l’équipage de la canonnière GRACIEUSE est au dessus de tout éloge. Nous avons reçu vêtements secs, boissons chaudes et avons été soignés avec dévouement.
Rapport du capitaine Joseph Brondi, du vapeur NIEVRE
Quitté Alger le 10 Juin 1918 à 11h00 en convoi avec NIVERNAIS, escortés par la canonnière GRACIEUSE et le chalutier FIER. Nous transportons 7674 moutons et 503 tonneaux de vin pour l’intendance.
A 22h40, le second capitaine, Monsieur Mollard, de quart, et le canonnier de veille sur le gaillard voient le sillage d’une torpille lancée par bâbord avant qui se dirige sur le NIVERNAIS. Voici la situation des navires :
Donné l’alarme, venu en grand sur bâbord et augmenté la vitesse. Cette torpille atteint le NIVERNAIS tandis qu’une 2e torpille passe à quelques mètres sur notre tribord. Le canonnier en poste à l’avant voit le sous-marin plonger soudainement sur notre tribord.
Rapport de l’officier enquêteur
Il reprend dans les mêmes termes le récit du second du NIVERNAIS. Mais il ajoute :
Les affirmations du capitaine de NIEVRE sont en contradiction formelle avec celles de son équipage. Il prétend qu’il était à 250 m de NIVERNAIS alors qu’il en était au moins à 500 m. Le sous-marin était en réalité sur son tribord, entre NIEVRE et NIVERNAIS.
Si le second capitaine de NIEVRE, au lieu de songer seulement à fuir à toute vitesse pour ne pas « suicider » son équipage, comme il l’a dit devant la commission d’enquête, était venu sur tribord et avait foncé sur le sous-marin qui était à quelques mètres de lui, il l’aurait certainement coulé. Il avait d’autant plus de chance que NIEVRE réagit très rapidement à la barre et que le risque aurait été minime pour l’équipage. Au lieu de manœuvrer comme le devoir et le bon sens l’exigeaient, il a pris la fuite.
Le capitaine prétend que c’est parce qu’une 2e torpille est passée près de son navire. C’est inexact. On peut affirmer qu’une seule torpille a été lancée. En revanche, en venant sur bâbord, il offrait effectivement le flanc au sous-marin.
Le rapport du capitaine de NIEVRE ne vise qu’à atténuer la responsabilité de son second.
L’esprit de discipline qui régnait sur NIVERNAIS fait honneur à son commandant.
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Division
MOUREN Edouard Chef mécanicien
Lors du torpillage de son navire, a fait preuve du plus grand sang froid, transmettant, pendant que le bateau coulait les ordres du capitaine et donnant la main à leur exécution. S’est assuré de leur bon accomplissement.
FRANCHI César 2e mécanicien
Dès le torpillage de son navire, n’étant pas de quart, s’est immédiatement rendu dans la machine avec le plus grand sang froid, a fermé le registre de vapeur et donné les ordres pour assurer l’éclairage du navire qui s’enfonçait.
LENIER Jean TSF
Son navire ayant coulé en trois minutes a conservé tout son calme et, pendant ce temps très court, a trouvé le moyen de mettre en marche son moteur de secours et a réussi à lancer le SOS réglementaire. Déjà torpillé à deux reprises sur KARNAK et MOSSOUL.
Nota : KARNAK torpillé le 27/11/16 par U 32 KL Kurt Hartwig. 17 victimes. Coule en 5 minutes.
MOSSOUL torpillé le 21/11/17 par U 63 KL Otto Schultze
Citation à l’Ordre de la Brigade
PAOLI Antoine Capitaine
Lors du torpillage de son navire, a donné l’exemple du calme et du sang froid. Avait inculqué à son équipage un esprit de devoir et de discipline qui a permis de sauver une grande partie de l’équipage malgré la rapidité du naufrage. A disparu avec son navire.
CHABERT François 2e capitaine
Grâce à sa veille attentive, a aperçu le sous-marin avant le lancement de la torpille. Aurait pu l’éviter avec un navire manœuvrant mieux. Calme et sang froid dans sa manœuvre et lors du sauvetage du personnel.
Nota : Commandant et second ne sont pas cités à l’Ordre de la Division car la commission d’enquête leur reproche d’avoir déplacé sans ordres le parc à munitions du navire (afin d’installer les parcs à moutons) rendant inutilisable le canon de 47 mm placé à l’avant.
LEBRE Louis 3e mécanicien
JOURDAN Joseph 1er chauffeur
Sont restés à leur poste après l’explosion de la torpille afin d’exécuter les ordres de la passerelle. Ont disparu avec le bâtiment
CESTA Auguste 1er chauffeur
Ayant reçu l’ordre d’assurer l’éclairage du bâtiment, s’est rendu dans la machine sans se soucier des conditions pour exécuter cet ordre. A disparu victime de son esprit de devoir.
Témoignage Officiel de Satisfaction
COURTY Benjamin Lieutenant
GOTZ Jean Maître d’équipage
CARATINI Louis Matelot
Grâce à leur veille attentive et à leur esprit de discipline ont assuré le sauvetage d’une partie de l’équipage.
Etat-major et équipage NIVERNAIS
Etat-major et équipage GRACIEUSE
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’ UB 48 du KL Wolfgang STEINBAUER.
Wolfgang Steinbauer, ancien second de von Arnauld de la Périère sur l’U 35, était un officier alsacien, né à Strasbourg le 6 Mai 1888. Il est décédé à Cologne le 27 Janvier 1978.
Il avait obtenu la Croix « Pour le Mérite » le 3 Mars 1918.
Il aura coulé 51 navires et en aura endommagé 12.
Cdlt