NIÉMEN ― Cargo mixte ― Armement Maurel frères.

olivier 12
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Re: NIÉMEN ― Cargo mixte ― Armement Maurel frères.

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Naufrage du 17 Septembre 1917

Télégramme Préfet maritime Lorient à marine Paris. 19 Septembre 12h15

Vapeur français NIEMEN a été torpillé le 17 Septembre à 14h20 par 45°50 N et 08°10 W. 4 tués et 5 blessés dont une dame. 44 survivants ont été recueillis par thonier armé DANYCAN, conduits à Lorient et reçus au 3e dépôt. Blessés envoyés à l’hôpital.

Télégramme Préfet Maritime Lorient à BM Saint Nazaire, Nantes, Rochefort et La Rochelle. 19 Septembre 12h15

DANYCAN rentré à Lorient avec 44 naufragés du vapeur français NIEMEN torpillé le 17 à 14h20 par 45°50 et 08°10. 4 tués et 3 blessés. Intéressés prévenus.

Même télégramme envoyé à Amirauté Londres, Devonport, Queenstown, Cherbourg et Dunkerque.

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Rapport du capitaine

Quitté Dakar le 5 Septembre 1917 à 15h00 avec complet chargement d’arachides et des passagers. Doublé les Almadies à 17h00 et fait route au Nord en suivant les instructions de Marine Dakar. Le 9 Septembre, diminué la vitesse pour passer de nuit Cap Juby, doublé à 23h00. Suivi la côte jusqu’au cap Ghyr, puis repris la route NNW et resté sur le méridien 13°30.

Beau temps avec faible brise. Doublé Finisterre à grande distance et suivi le 45e parallèle puis mis le cap sur le Sud de l’embouchure de la Gironde.

Le 17 Septembre à 14h30, par 45°50 N et 08°10 W, une torpille venant du Nord frappe le navire par le travers de la machine bâbord. Une explosion formidable s’en suit, brisant tout sur un rayon d’une dizaine de mètres. Une embarcation de sauvetage disparaît. L’autre peut être mise à la mer bien qu’elle soit endommagée.
Les passagers se trouvaient malheureusement du côté de l’explosion et 2 furent tués sur le coup : Monsieur d’ARCIMOLES, Capitaine de Frégate, et Monsieur PEYRI, agent des Affaires Indigènes. Les passagers prennent immédiatement place dans les deux embarcations qui restaient et étaient prêtes à être amenées à proximité du pont promenade. L’équipage s’était aussitôt rendu à son poste et les embarcations s’éloignèrent très vivement du navire.

Au moment de l’explosion, je consultais la carte et je me rendis sur la passerelle pour m’assurer que tout se passait normalement. Je descendis dans ma cabine pour détruire les documents secrets.
Le navire s’enfonçait par l’arrière, incliné sur bâbord, et l’eau était déjà au spardeck. Je me rendis à mon embarcation et rencontrai une passagère blessée en divers endroits qui cherchait à se sauver. Le QM infirmier COAT était près d’elle et je mis une ceinture de sauvetage à cette dame, aidé par le QM. Elle descendit l’échelle, une embarcation s’approcha et nous y prîmes place tous les trois. Le navire s’enfonça alors par l’arrière, se mit tout droit et disparût.

Un quart d’heure plus tard, le sous-marin s’approcha, demanda le nom du navire, et nous indiqua qu’un pêcheur se trouvait dans l’Est, puis s’éloigna. Nous nous éloignâmes dans la direction indiquée et trouvâmes effectivement le bateau de pêche français DANYCAN Lorient n° 1616. Il nous ramena à Lorient.

La veille du torpillage, nous avions rencontré un groupe de 3 chalutiers d’un genre spécial. A 11h00 du matin, un autre groupe de ces chalutiers armés escortait un vapeur de 4000 à 5000 tonnes qui remorquait une vedette. Toute la nuit et le jour du torpillage, ces navires échangèrent des signaux radiotélégraphiques.

Je signale de façon élogieuse la conduite du QM infirmier passager qui n’a pas hésité à secourir une malheureuse passagère alors que les embarcations s’éloignaient.

Nous avons 4 disparus :
- D’Arcimoles
- Peyri
- Blayan
- Ouade Fadaga
Trois noirs de l’équipage disent avoir vu le corps du CF d’Arcimoles flotter dans l’eau avec un trou à la tempe et une large plaie à la nuque, laissant apercevoir la cervelle, de même que le corps de Monsieur Peyri, décapité.

Et 3 blessés
- Bellile
- Bize
- Madame Peyri

Sur le DANYCAN, le docteur Bellile, quoique le plus sérieusement blessé, a prodigué des soins aux malades, aidé par le QM infirmier Coat dont les soins inlassables ont rendu service à tout le monde. Je remercie aussi l’équipage du DANYCAN pour son dévouement à notre égard.

Notes de l’officier enquêteur

NIEMEN 1888 tx Armateur Maurel frères de Bordeaux

- Barre mise toute à droite dès qu’on a vu le sillage de la torpille
- Les fils de l’antenne TSF se sont embrouillés et la dynamo principale a stoppé.
- Essayé poste de secours qui n’a pas fonctionné. Pas envoyé de SOS
- Navire armé d’un canon de 90 mm modèle 77 sur affut à pivot

Un officier du sous-marin a demandé en anglais :
- Quel est ce navire ?
- R. Vapeur français NIEMEN
- Non, pas français…anglais ?
- R. Si, si français…Niemen
Le commandant du sous-marin a alors exploré l’horizon avec ses jumelles et a dit en français :
- Voilà un pêcheur français (en montrant la voile du DANYCAN à l’horizon). Allez le retrouver si vous pouvez.
Puis le sous-marin s’est éloigné en demi-plongée et a disparu dans le soleil. La seule embarcation possédant une voile a pris les autres à la remorque. Mais le convoi n’avançait pas. Le canot a alors largué les autres et est allé chercher le dundee, le thonier armé DANYCAN de Lorient, possédant un canon de 47 mm, qui était séparé de son convoi depuis deux jours. Il a recueilli tous les naufragés vers 18h00 et les a conduits à Lorient après les avoir réconfortés.

Description du sous-marin

Longueur de 50 m environ
Kiosque avec garde-corps sur le dessus.
1 canon paraissant de 120 sur l’avant du kiosque fixé à demeure sur affût à crinoline
Pas de garde contre filets
Mât de 3 ou 4 m dépassant le kiosque portant une antenne allant de l’étrave à l’étambot
Pas de tubes lance-torpilles extérieurs
Peinture fraîche gris clair
Le commandant paraissant une trentaine d’années, grand, châtain blond, portant moustache et bouc. Casquette à écusson et veste de cuir.
Sur l’arrière du kiosque 7 à 8 hommes sur l’échelle d’accès, tous paraissant très jeunes, vêtus de jerseys de couleur foncée, de cuir ou de cirés. Quelques uns avaient des bottes. Vêtements en bon état, mais sales.

Sous-marin du type U 19 ou U 20 du tableau de Juin 1917.

Rapport de la commission d’enquête

Il reprend tout le déroulement des faits en précisant que c’est l’officier de quart qui a aperçu le sillage de la torpille. Les passagers, à ce moment-là rassemblés à bâbord, ont aussi vu le sillage et, se trouvant juste au dessus du point d’impact, deux ont disparu, probablement tués sur le coup. Trois ont été blessés. L’eau, en envahissant machine et chaufferie, a rejeté sur le pont les chauffeurs, mais le 3e mécanicien n’a pas reparu de même qu’un chauffeur indigène.

La commission conclut que le capitaine de NIEMEN s’est conformé aux instructions reçues et qu’il ne peut être rendu responsable de la perte de son bâtiment. Lui et son équipage ont fait tout leur devoir.

Lettre manuscrite du Docteur DELLILE au Médecin chef de l’hôpital maritime de Lorient

Je signale à la bienveillante attention de l’Autorité supérieure la conduite courageuse du quartier maître infirmier Coat, rapatrié du DUPLEIX, au cours de la catastrophe du NIEMEN.
Après le torpillage du vapeur par un sous-marin, il est d’abord monté spontanément sur la passerelle supérieure où il a joué un rôle essentiel dans la mise à l’eau des embarcations. Ceci fait, au moment où le bâtiment commençait à s’enfoncer, il a volontairement risqué sa vie pour sauver une jeune femme grièvement blessée, dont le mari venait d’être tué à ses côtés, et complètement désemparée ayant perdu toute notion de ce qui se passait. Il l’a descendue par une échelle de corde suspendue à une certaine distance du bord, se retenant d’une main aux échelons et embrassant avec le bras resté libre le corps de la femme. La soutenant ainsi jusqu’à l’arrivée d’une embarcation, il a en compagnie du commandant quitté le dernier le bord. L’embarcation qui les a recueillis venait à peine de s’éloigner que le NIEMEN coulait par l’arrière.

Sur le voilier qui a ramené les rescapés à Lorient, il a parfaitement exécuté avec le plus grand dévouement toutes les indications que je lui donnais pour soigner les blessés et m’a ainsi intelligemment suppléé dans toutes les manœuvres que mes blessures me mettaient dans l’impossibilité de faire moi-même.

Ce quartier maître, qui servait sous mes ordres sur le DUPLEIX, est au point de vue professionnel parfait à tous égards et d’une conduite exemplaire. Ses dernières notes semestrielles sont 19 et 19 et il lui a été concédé 40 points complémentaires. C’est dire dans quelle estime il était tenu de son commandant et de son médecin major.

Sa conduite après le torpillage me paraît devoir mériter la Médaille Militaire comportant Croix de Guerre avec palme.

Note du VA FAVEREAU, Préfet Maritime de Lorient au Ministre de la Marine.

J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint le dossier de l’enquête sur la perte du vapeur français NIEMEN ainsi que deux lettres, l’une du capitaine de ce navire et l’autre du Médecin de 1ère classe Dellile.
Les propositions de la commission d’enquête étaient déjà arrêtées quand me sont parvenues ces deux lettres.

Elles concernent le quartier maître infirmier COAT. Madame Peyri, affolée par la mort de son mari tué à ses côtés et blessée elle-même, doit son salut au dévouement de ce quartier maître. Cramponné à une échelle de corde, Coat a pu soutenir Madame Peyri sans connaissance jusqu’à l’arrivée d’une embarcation et n’a quitté le bord avec le commandant qu’au moment où le navire coulait.
Le médecin de 1ère classe Dellile cite la belle conduite de son subordonné et il ressort de l’enquête et de la lettre du capitaine de NIEMEN que le Docteur Dellile a lui aussi fait preuve de courage et de dévouement. Blessé, il a refusé tout secours pour laisser aux autres blessés la possibilité de recevoir les soins du quartier maître infirmier Coat, qu’il dirigeait malgré ses blessures.

Je vous demande pour le quartier maître infirmier Coat une inscription au tableau spécial de la Médaille Militaire, et pour le Docteur Dellile une citation à l’Ordre de l’Armée.

Récompenses

Citation à l’Ordre de la Division

BELLILE Pierre Médecin de 1ère classe de la Marine

Blessé lors du torpillage de son bâtiment, a prodigué des secours aux autres blessés avant de se laisser panser lui-même. (Déjà cité à l’Ordre du Corps d’Armée en 1915).

Citation à l’Ordre de la Division et proposition extraordinaire pour la Médaille Militaire

COAT Clément QM infirmier

A fait preuve d’un dévouement et d’une énergie remarquable lors du torpillage de son bâtiment.

Le sous-marin attaquant

C’était donc l’U 64 du Kptlt Robert MORATH (qui avait coulé AMIRAL DE KERSAINT quelques jours auparavant).

A noter que dans tout le dossier le navire sauveteur est appelé DANYCAN.

Cdlt
olivier
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