Bonjour à toutes et à tous,
Autre chapitre des aventures du Laborieux :
<< 8 août 1918
Joseph m'avait remis un pli urgent, qu'un coureur envoyé par Naïm Bachos venait d'apporter de Beyrouth. Ce pli étant de la plus haute importance, le père de Martinprey l'ouvrit immédiatement. Il contenait << un sous-marin allemand l'U 58
est depuis 4 jours en avarie dans le port de Beyrouth. Il a envoyé à Damas des segments de piston pour y être réparés. Le sous-marin est amarré le long de la jetée Est, à 100 mètres du môle. >>
Le Commandant me communiqua cette nouvelle.
<< Je vais y aller, lui dis-je, j'entrerai dans le port avec le Laborieux et j'enverrai le sous-marin par le fond. >>
Devant cette grave responsabilité le Commandant hésita, puis décida de demander l'autorisation à l'Amiral avant de tenter l'expédition. Nous rédigeons un télégramme, je le chiffre immédiatement et nous l'expédions.
La journée se passe, pas de réponse. Je bouillais d'impatience, faisais des plans, consultais des cartes ; je ne tenais plus en place et discutais ferme avec Legouée.
<< Tu vas voir que nous allons encore manquer celui-là >>
Je faisais allusion à une expédition malheureuse des torpilleurs qui avaient opéré contre un sous-marin dans les mêmes conditions.
Je ne dormis pas de la nuit ; à tout instant il me semblait entendre le pas d'un timonier venant m'apporter la réponse de l'Amiral.
9 août 1918
Dès 6 heures du matin j'étais chez le Commandant ; je plaidais si bien qu'il finit par me dire :
<< Après tout, faites ce que vous voudrez, sortez avec le Laborieux mais je ne vous donne pas l'ordre d'entrer à Beyrouth ; je vous envoie seulement pour surveiller l'entrée du port. >>
<< C'est justement ce que je voulais vous demander. Une fois à la mer je ferai ce que je crois être de mon devoir. Si j'échoue j'endosserai toute la responsabilité vis à vis de l'Amiral. >>
Mon plan, ruminé depuis la veille fut vite adopté.
Je me rendis à la caserne. L'équipage était réuni pour l'appel du matin. M'adressant aux fusiliers : << j'ai besoin de 15 hommes de bonne volonté pour aller en mission. Il y aura de la casse ... qui veut venir avec moi ? >>
De tous côtés : moi, moi lieutenant. Les volontaires ne manquaient pas. J'en choisis seize et leur donnais mes instructions. Je me rendis à la salle d'armes, pris 4 mitrailleuses, ordonnais aux armuriers de les visiter immédiatement et
aussitôt parées de les envoyer à la Direction du Port avec leurs boîtes de munitions. Je descendis ensuite au port, embarquais dans mon youyou et me fis conduire à bord du Laborieux qui se balançait mollement, amarré sur un coffre.
Je mis le 1er maître au courant de mes projets et ensemble nous vîmes les dispositions à prendre. Je donnai des ordres pour que les canons mitrailleuses fussent visités avec soin ; les munitions à portée de main ; la machine prête à être mise en route. les hamacs des hommes après avoir été roulés furent amassés tout autour de la passerelle pour former un abri.
Tout le monde au travail : nous n'avions pas de temps à perdre. Je voulais absolument opérer cette nuit même, et il me fallait 6 heures pour aller de Rouad à Beyrouth.
A 17h30 tout était prêt. Naturellement, Davy et son équipe m'accompagnaient. Notre brave aumônier, le père Sarloutte, nous donna sa bénédiction. Le Commandant et mes camarades me serrèrent énergiquement la main ; je sautais dans mon
youyou et me rendis à bord.
Quelques instants après le Laborieux sortit de Rouad à toute vitesse et se dirigea vers le Sud.
A la mer je pris les dernières dispositions je pris les dernières dispositions : deux mitrailleuses furent placées de chaque côté sur leur chevalet. Je mis ensuite l'équipage au courant de ce que nous allions tenter. Je désignais à chacun
le poste qu'il devait occuper et ce qu'il devait faire.
On répéta 2 fois le branle-bas de combat. Tout est prêt. Mon équipage est bien en main ; tout le monde est grave mais résolu. Chacun fera bien son devoir. Le cuisinier soigna son dîner ; je fis donner la double à l'équipage ; chacun
mangea de bon appétit.
Vers onze heures je mis le cap sur Beyrouth ou plutôt sur Jounieh pour ne pas donner l'éveil dans le cas où je serais aperçu. Je diminuais de vitesse, me trouvant trop tôt. Enfin, vers 1h30 quand, après plusieurs relèvements de coupures
de montagne et de mamelons, je crus être certain de ma position, je fis hisser mon plus grand pavillon ... Chacun à son poste de combat ... En avant à toute vitesse, droit sur l'entrée des jetées.
Quoique connaissant parfaitement ces parages, je n'étais jamais allé près du port de Beyrouth. Nous en passions toujours à une certaine distance à cause d'une batterie que nous savion exister au dessus de la ville.
En pleine nuit noire sans aucun feu pour me guider je me précipitais à onze noeuds dans les passes. J'avais bien un peu d'appréhension.
Si je m'étais trompé et si je donne sur la jetée, au moment où je l'apercevrais il serait probablement trop tard pour l'éviter. Emportés par notre vitesse nous nous briserions sur elle. De plus il y avait un champ de mines que je savais
être mouillé devant Beyrouth. Mon équipage n'en a pas connaissance ; seul Davy que j'ai mis au courant m'a simplement répondu :
<< Dame, Lieutenant, que voulez-vous qu'on y fasse. >>
Nous approchons. Les yeux rivés aux jumelles, je scrute le noir.
Le Laborieux, bas sur l'eau, en pleine nuit noire ne s'aperçoit pas à plus d'un mille 1/2. Il me faut huit minutes à la vitesse de 11 noeuds, pour parcourir cette distance. Je compte n'être pas aperçu plus de cinq minutes avant d'être
dans les passes.
Ca y est! je suis repéré ! La lueur des coups de fusils partant probablement des deux postes de gardes que je sais exister au bout de chaque jetée m'indique ma route.
Les balles nous sifflent aux oreilles. Je suis placé un peu trop sur bâbord.
<< à droite 10 ... zéro ... comme ça ...>>
A bord silence de mort ; chacun paré, à son poste attend mon commandement. Je distingue maintenant les musoirs ; des salves de coups de fusils en partent sans interruption.
<< En avant les mitrailleuses : hausse 250 mètres ; balayez les môles, mitrailleuses hausse à zéro. Pièces parées à 90 degrés à bâbord ... hausse 0 ... dérive 50. >>
Sur les jetées rien ne bouge plus ; personne ne peut s'y aventurer sous le feu de nos mitrailleuses. Je vais rentrer dans le port ... le sous-marin est-il là ? ...
Tout à coup, au moment où je mets le nez entre les musoirs, un choc violent secoue le Laborieux ... clac ... bzisss ... un fil d'acier était tendu en travers de la passe.
Heureusement que, pris sous l'étrave, il a cassé comme un simple fil à voile. Je n'ose penser à ce qui serait arrivé si, tendu plus haut, ce fil d'acier eut passé par dessus l'avant.
<< Stoppez ... toute à gauche ... en arrière toute ... >>
Nous sommes dans le port.
<< Cessez le feu des mitrailleuses >>
Je regarde la digue le long de laquelle doit être accosté le sous-marin.
Malédiction !!!! l'U 58 n'est plus là ! ...
Je commence à manoeuvrer pour m'éviter puis ressortir.
<< Toute à gauche ... en avant toute , en route ... En arrière toute ... zéro. >>
Les commandements se succèdent, le Laborieux obéit et lentement tourne sur babord. Maintenant les projecteurs m'aveuglent, mais pas un coup de canon.
Beyrouth est défendue par une batteries de grosses pièces placées dans le cimetière, au dessus de la ville, seulement les maisons l'empêchent de tirer dans le port : c'est ce qui me sauve.
Avant de ressortir, je vais jusqu'à toucher le quai à l'endroit où devait être amarré le sous-marin. Aucun doute, il n'est plus là.
<< En avant, le plus vite possible. >>
Je repasse les jetées. Les mitrailleuses, pour nous protéger, arrosent encore copieusement les môles.
Les projecteurs me perdent. A ce moment, comprenant que si je mettais directement le cap sur le large, les projecteurs qui me cherchent en dehors m'auraient vite retrouvé et la batterie du cimetière ne serait pas longue à m'envoyer au
fond.
Aussitôt sorti, je mets la barre à droite et, en rasant la terre, je contourne la baie des pétroliers, puis la baie Saint-Georges et enfin la baie de Jounieh.
Je suis sauvé, hors de portée des projecteurs.
Je suis furieux d'avoir manqué le sous-marin.
J'ai appris par la suite qu'il avait quitté Beyrouth le soir même vers 19 heures ! Si l'on m'avait laissé tenter l'expédition la veille, l'U 58 était coulé, ou le Laborieux y restait !!!
Je rentre à Rouad, fier de mon tour de force ; juste deux hommes blessés, légèrement.
Un peu étonné de ne pas trouver le Commandant au débarcadère, je me précipite chez lui. Je fus accueilli très froidement. L'Amiral avait été furieux que nous ayions opéré sans son ordre et avait sévèrement rappelé à l'ordre le commandant
Masse.
Ce coup de main, qu'en mon âme de marin, je considère comme ma plus belle expédition tant au point de vue difficultés à vaincre qu'au point de vue dangers à courir ; ce fait d'être rentré dans un port ennemi et d'avoir su en ressortir
n'a pas même été l'objet d'un rapport. Aucun de nous n'a été récompensé. Moi, je suis heureux tout de même. J'ai fait mon devoir et j'ai passé une nuit inoubliable -.- >>
Cordialement
IM Louis Jean
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LABORIEUX - Remorqueur
- IM Louis Jean
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Re: LABORIEUX - Remorqueur
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Re: LABORIEUX - Remorqueur
Bonsoir à tous,
LABORIEUX — Remorqueur de l’État — Direction du port de Brest. A partir de Septembre 1915, « aviso » mis à la disposition du Gouverneur de l’île de Rouad, et affecté à la défense de l'île, au blocus de la côte syrienne, ainsi qu’à des missions spéciales de renseignement.
■ Historique (complément).
— 13 juin 1895 : Renfloue l’Iceberg, cargo du port de La Rochelle chargé de poteaux de mine, qui s’était échoué sur la chaussée du Chat, dans les parages de l’île de Sein (Annales du sauvetage maritime – Société centrale de sauvetage des naufragés –, 1895, 3e Fasc., Juill.-Août-Sept., p. 215).
— 22 mai 1899 : Avec l’assistance du canot de sauvetage du Conquet Mallat-Desmortiers (Patron : Pierre Le Goaster), et après une tentative infructueuse de renflouement, sauve les 12 hommes d’équipage du cargo britannique Grancemuir, bâtiment d‘environ 400 tonneaux, qui, par suite de la brume, s’était perdu sur le plateau rocheux se trouvant au Nord des Fourches, alors qu’il allait à Lorient avec un chargement de charbon (Annales du sauvetage maritime – Société centrale de sauvetage des naufragés –, 1899, 3e Fasc., Juill.-Août-Sept., p. 256 et 257).
— 6 ~ 7 décembre 1907 : Avec le remorqueur de l’État Haleur, remorque jusqu’à la rade de Brest le cargo allemand Milos (Capitaine Richsen), de la Deutsche Levante Linies de Hambourg, qui se trouvait en feu à proximité de l’île Bannalec, dans les parages de l’île d’Ouessant. Une partie de l’équipage fut recueillie par le canot de sauvetage d’Argenton Marie-Russe (Sous-patron : Jacques Talarmin), ainsi que par le cargo mixte Douro, de la Compagnie des messageries maritimes.
Pour leurs diligences, les hommes de l'équipage des deux remorqueurs de l’État se virent décerner diverses décorations allemandes par l’empereur Guillaume II.
● L’Ouest-Éclair – éd. de Rennes – n° 3.248, Samedi 7 décembre 1907, p. 5, en rubrique « Dépêches maritimes – Marine de commerce ».
« VAPEUR EN FLAMMES. Qu'est devenu l'équipage ?
Brest, 6 décembre. Un vapeur dont on ignore la nationalité est signalé en flammes au large de l’île Molène.
On ne sait ce qu'est devenu l’équipage ? De nombreuses barques de pêche sont autour du navire en feu. L’autorité maritime envoie du secours.
Brest, 6 décembre. — La préfecture maritime annonce que le vapeur en feu appartient à une compagnie maritime de Hambourg. Il s’agit du navire Milos [sic] chargé de marchandises et n’ayant aucun passager à son bord.
Le feu s’est déclaré dès hier soir et, devant l’impossibilité de sauver le bâtiment, l’équipage aurait été dans l’obligation de l’abandonner, après avoir demandé du secours.
On ne sait encore ce qu'est devenu cet équipage et de combien d’hommes il se compose. Le Milos a pu être pris en remorque par le vapeur anglais Duros [sic]. Il est rentré à Brest, accompagné également par un remorqueur de l’État. »
● L’Ouest-Éclair – éd. de Rennes – n° 3.249, Dimanche 8 décembre 1907, p. 5, en rubrique « Dépêches maritimes – Marine de commerce ».
« L’INCENDIE DU MILOS
Le vapeur est ramené à Brest tout l’équipage a été sauvé mais le mousse set grièvement brûlé.
Brest, 7 décembre. – Les dépêches qui arrivent de la côte laissaient supposer que le grand vapeur allemand Milos, ne serait bientôt plus qu’une épave.
Le feu aurait pris à bord par suite de l’explosion d’une chaudière. Une panique se produisit alors, et une douzaine d’hommes de l’équipage se précipitèrent dans une embarcation et abandonnèrent le navire.
Vendredi après-midi, le capitaine Guézennec, du vapeur postal Louise, offrit ses services au capitaine allemand, qui s’était réfugié à l’arrière avec le restant de son équipage ; mais, comme à ce moment, le navire incendié était remorqué par le Douro, les offres du capitaine de la Louise furent déclinées.
On est sans inquiétude sur le sort des hommes qui sont restés à bord et qui pourront toujours être transbordés à la dernière extrémité. Quant à ceux qui l’avaient quitté, ils ont été recueillis par le vapeur Douro, des Messageries maritimes, qui, venant de Marseille, est arrivé au Havre ayant à bord les douze hommes du Milos.
La dépêche suivante nous est parvenue dans la soirée :
Brest, 7 décembre. — Les deux remorqueurs de l’État Laborieux et Haleur, ont pu réussir à amener le Milos la 3 heures de l'après-midi en grande rade de Brest. On l’aperçoit à droite du Cours d’Ajot. Une légère fumée s’échappe de son avant.
Les quelques hommes d’équipage qui étaient restés avec le capitaine, au nombre de 7 ou 8, ont été débarqués hier soir dans la nuit par le canot de sauvetage du Conquet et conduits à l’hospice de cette localité. Presque tous sont plus ou moins légèrement brûlés, sauf le mousse qui est grièvement brûlé et dont les jours paraissent en danger. »
● L’Ouest-Éclair – éd. de Rennes – n° 3.250, Lundi 9 décembre 1907, p. 5, en rubrique « Dépêches maritimes – Marine de commerce ».
« L’INCENDIE DU MILOS
Brest, 8 décembre. — Grâce l’effort puissant des pompes du remorqueur de l’État Le Laborieux, qui ont noyé les cales du vapeur allemand Milos, on est arrivé à se rendre maître de l’incendie. Le grand vapeur, qui se trouve actuellement sur le banc de Saint-Marc, a subi des dégâts considérables.
Le capitaine Richsen, qui le commandait et qui conduisait le navire d’Anvers dans la Méditerranée, a télégraphié hier matin à son armateur, la Cie Deutsche Levante Linies de Hambourg, pour demander des instructions. »
« DERNIÈRE HEURE
Brest, 8 décembre. — Le feu a repris à bord du vapeur allemand Milos. Sous la pression de l’eau, les cloisons des machines se sont effondrées. Les flammes gagnent la deuxième cale.
Le Laborieux reste sur les lieux pour continuer les secours. »
● Annales du sauvetage maritime – Société centrale de sauvetage des naufragés –, 1908, 1er Fasc., Janv.-Févr.-Mars, « Rapports des stations ~ Canots de sauvetage », p. 22 à 24.
« ARGENTON (Finistère), 10 décembre 1907.
Monsieur le Président,
Le 6 décembre, vers deux heures de l’après-midi, le sous-patron Talarmin était prévenu qu’un navire était en feu dans les parages de l’île Bannalec à quelque distance d’Ouessant.
En l’absence du patron, Talarmin réunit immédiatement son équipage et prit toutes les dispositions pour se porter au secours du bâtiment en détresse.
Le canot de sauvetage d’Argenton qui porte le nom de Marie-Russe se mit en route à trois heures et arriva près du Milos, vapeur de nationalité allemande, vers 4 h. 30. A ce moment, le canot de sauvetage de Molène était déjà sur les lieux.
La partie avant du navire ne formait plus qu’un immense brasier Toutes les soupapes, ouvertes, vomissaient la vapeur avec un sifflement strident, à travers lequel on percevait les cris et les appels des hommes restés à bord. Le spectacle était à la fois lugubre et effrayant. Douze hommes affolés par une explosion avaient quitté le navire dans une baleinière du bord ; mais les treize autres, sous la conduite du vaillant capitaine, étaient restés fermes à leur poste malgré le danger, et luttaient courageusement contre l’incendie. La moitié de ces braves dut bientôt abandonner la partie à la suite de brûlures ou de blessures ; et le canot de Molène fut chargé de les conduire au Conquet pour y recevoir les soins que comportait leur état.
Pendant ce temps, le feu faisait encore des progrès ; aussi le capitaine du Milos, craignant d’être forcé d’abandonner son navire, fit comprendre par signes à l’équipage de notre canot que sa présence était absolument indispensable pour assurer le salut des huit derniers hommes restant encore à bord et parmi lesquels se trouvaient le capitaine, le second, et le mécanicien.
Bien que le vent soufflât en tempête de l’Ouest et que la mer fût affreuse, l’équipage de la Marie-Russe demeura sur les lieux pendant la nuit de vendredi à samedi, restant aussi près du bord que lui permettaient sa sécurité et la chaleur intense qui se dégageait de l’incendie.
A 8 heures du soir, le remorqueur de l’État Haleur arriva sur les lieux et fut heureux d’utiliser le secours de notre canot pour établir les remorques. Le lendemain, 7 décembre, à 6 heures du matin, le Laborieux arrivait également ; cette fois encore, la Marie-Musse aida d'une façon très active à porter les remorques d'un bâtiment à l'autre.
Sur les instances du capitaine du Milos et du commandant du Laborieux, la Marie-Russe consentit à accompagner à Brest le navire toujours en feu. Nos hommes étaient du reste très fatigués, car ils n’avaient rien pris depuis la veille et sentaient vivement la nécessité de faire sécher leurs vêtements qui étaient complètement mouillés. A 4 heures du soir, le canot arrivait péniblement à Brest.
L’équipage de la Marie-Russe était, comme bien vous pensez, parti d’Argenton sans effets de rechange, sans vivres et sans argent. Il était donc urgent de trouver un gîte et des aliments qui furent accordés très aimablement par l’Administration de la Marine. Il était du reste impossible de songer au retour, la tempête continuait à faire rage et nos hommes durent rester immobilisés à Brest le samedi et le dimanche. Ce n’est que le lundi qu’ils purent prendre la remorque d’un vapeur de la Compagnie Chevillotte qui les conduisit jusqu’au chenal du Four d’où ils arrivèrent à Argenton à 11 heures du soir, très fatigués et après avoir lutté contre une mer affreuse. Dans cette traversée, le canotier Provost fut blessé par un coup de mer qui lui occasionna une luxation d’épaule à la suite de laquelle il fut dans l’impossibilité de se livrer à aucun travail pendant quinze jours.
Jamais depuis la création de la station d’Argenton, la Marie-Russe n’avait eu à supporter un temps pareil et pendant une durée aussi longue. Nos canotiers ont donné dans ces circonstances une preuve de courage, d’énergie et d’endurance qui mérite une récompense. Aussi je le recommande d'une façon toute particulière à la bienveillance de la Société.
Le Président du Comité local,
Marzin, Négociant.
Armement du canot de sauvetage Marie-Russe : TALARMIN (Jacques), sous-patron ; GUÉNA (Joseph), PROVOST (Yves), PÉRHIRIN (Michel), BRÉNÉOL (Achille), DÉNIEL (Ollivier), FILY (Jean), JAOUEN (François), QUIVORON (Hervé), HÉLIÈS (Alexandre), canotiers ; et GOURMEL (François), auxiliaire. »
[Nota : Matelots inscrits au Conquet.]
● Navigazette, n° 988, Jeudi 2 avril 1908, p. 4, en rubrique « Chronique ~ Marine militaire ».
« L’empereur Guillaume décore des marins français. — On se rappelle que les équipages des remorqueurs de l’État Haleur et Laborieux, de la direction du port de Brest, participèrent au sauvetage du vapeur allemand Milos, en feu dans les parages d’Ouessant. L’empereur d'Allemagne vient de décerner les décorations suivantes aux sauveteurs de ce navire : ordre de la Couronne de 4e classe, MM. Guillerme et Marchadour, adjudants principaux ; médaille d’honneur, MM. Laurent, Brélivet, Gegou, Jaoen et Rault, mécaniciens vétérans ; médaille de l’Aigle-Rouge, MM. Manach, Tromeur, Gueneur et Mailloue, seconds maîtres vétérans ; Pellé, second maître mécanicien vétéran ; médaille de l’ordre de la Couronne, MM. Gourvès, Kerrien, quartiers-maîtres mécaniciens, et Cosset, matelot. »
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Re: LABORIEUX - Remorqueur
Bonjour à tous,
■ Historique (complément).
— Septembre 1915 : L’amiral Louis DARTIGE du FOURNET, commandant de la troisième escadre, met le Laborieux à la disposition du capitaine de frégate Albert TRABAUD, qu’en accord avec le Ministre de la Marine, il venait de nommer gouverneur de l’île de Rouad.
Devenu « aviso », le Laborieux est alors affecté à la défense de l’île, au blocus de la côte syrienne, ainsi qu’à des missions spéciales de renseignement.
● Albert TRABAUD, Capitaine de frégate de réserve : « Un marin gouverneur de l’île de Rouad », in « En patrouille à la mer », préface d’Auguste THOMAZI, Capitaine de vaisseau de réserve, éd. Payot, Collection de mémoires, études et documents pour servir à l’histoire de la guerre mondiale, Paris, 1929, p. 125 à 127.
« III. — A Rouad. – L’installation.
Ma dernière nuit à bord (1) a été occupée par mon déménagement : je suis nommé gouverneur de l’île de Rouad, et ma nomination est approuvée par le ministre. Le Syrien m’est adjoint. Quand l’amiral de Lapeyre, commandant en chef de l’armée navale l’apprit, il dit à l’aide de camps qui lui apportait la traduction du télégramme : " C’est bon ! vous ne me parlez plus de Trabaud que lorsque les Turcs l’auront enlevé "... Il n’entendit plus parler de moi !
[...]
Le 31 août sont arrivés sur rade le Jaureguiberry et le D’Estrées : c’est une vraie division qui vient assister à la prise de possession de l’île et en rehausser la cérémonie en leur présence. Les ordres sont rédigés. Le 1er septembre, à 9 heures du matin, je recevrai les amiraux et les commandants en qualité de Gouverneur ; j’aurai pris terre dès 7 h. 30 ; mon détachement est formé de 3 enseignes (2), 1 médecin, 1 officier interprète et 80 hommes. (3) En plus des fusils et des cartouches, mon armement comporte deux canons à tir rapide de 65 mm, à mettre en place plus tard avec l’aide de maçons venus de Port-Saïd, et deux mitrailleuses. [...] »
« IV. — L’organisation.
[...] L’amiral, en outre, a destiné à Rouad le Laborieux, remorqueur à l’élégante silhouette que commande un enseigne de 50 ans !... (4) Il m’a également adjoint le Cydnus (5), petite chaloupe à vapeur que la Jeanne-d’Arc captura au printemps dans le golfe d’Alexandrette. Ainsi équipés, nous nous sentons moins isolés et mieux réunis aux terres alliées...
[...]
La question argent est plus difficile à résoudre. Après de longs pourparlers avec Paris, l’amiral obtient pour moi un prêt de 100.000 francs du Crédit Lyonnais, et je puis remettre au patrons des goélettes en partance pour l’approvisionnement de beaux et bons chèques acceptés avec reconnaissance. Je dois dire, pour l’honneur de ma population, qu’ils furent toujours remboursés au centime. [...] »
« VI. — Le Service des renseignements.
Nous recevions, à Rouad, de fréquentes visites de camarades français et anglais attachés au Service des renseignements ou à l’Intelligence Office, et notre rôle, à ce point de vue, se précisa de plus en plus, et grandit chaque jour.
Lors de notre débarquement sur l’île, l’amiral m’avait remis, comme je l’ai dit plus haut, soixante pièces de 5 francs, constituant pour l’exercice en cours le budget de mon Service de renseignements. Hélas ! cette somme minime ne pouvait faire long feu, et, dès le premier mois, mes comptes de service secret se chiffraient par 0 en balances égales !...
Nous avions fait passer sur la côte voisine quelques hommes de bonne volonté qui, à la nuit, à la nage, avaient atteint la terre prochaine, et nous en rapportait quelques informations : Tartous était muni d’un bataillon turc, nous en voyions parfois des sentinelles sur la butte Gambka... Lors de notre débarquement, disait notre informateur, 5.000 Maronites, hommes, femmes et enfants, étaient descendus des hauteurs du Liban vers la plage pour nous rejoindre, dans l’espoir de voir les " Francs " prendre pied à terre... Les autorités turques n’avaient pas eu de peine à leur faire regagner leurs montagnes.
Le mois suivant, par suite du changement d’amiral, j’obtenais de l’amiral Moreau, qui avait pris le commandement de la troisième escadre (6), une somme mensuelle de 400 francs grâce à un pieux mensonge : je lui avais déclaré que, dans l’esprit de son prédécesseur, la somme de 300 francs qui m’avait été allouée était une mensualité dont l’expérience avait montré l’insuffisance...
Nous donnions à cette époque de grands coups d’épée dans l’eau pour nous créer des relations, et nous n’arrivions qu’à recevoir des tuyaux qui étaient de second ordre, comme les agents employés.
Mais l’amiral m’envoya bientôt un Libanais de Djounieh, M. Becharra Bouéri, qui venu avec une équipe de ses compatriotes devait nous assurer des relations suivies et intéressantes avec la côte.
M. Bouéri, lors de la déclaration de guerre de la Turquie, s’était rendu compte que le régime d’Azmi Bey et la toute puissance de Djemal Pacha ne pouvaient qu’être préjudiciable à son Liban. Aussi, quittant maison, parents et enfants, était-il venu à Port-Saïd, avec sa femme et un fils, pour offrir ses services à la Marine française. Engagé par l’amiral comme interprète de première classe, il avait d’abord accompagné le D’Estrées dans ses navigations côtières, puis il était venu à Rouad. Parmi les Libanais engagés comme matelots, il avait choisi une équipe de son pays, hommes solides et résolus qui furent, pour moi, d’excellents agents.
Le système suivant fut adopté : le Laborieux, ou le chalutier de croisière présent à Rouad, se rendait par les nuits sans lune en face de la côte, et y stoppait à un mille ou deux, suivant la visibilité. Il détachait son youyou que montaient les agents accompagnés de l’officier du Service de renseignements, et, à 300 mètres environ de la côte, les hommes se jetaient à la nage pour prendre, dans un creux de rocher convenu à l’avance entre Bouéri et son frère, la correspondance de ce dernier.
En outre, un secrétaire du patriarche maronite et un avocat, député de la nation maronite au Vilayet de Beyrouth, se firent nos informateurs. Nous étions ainsi tenus au courant des affaires locales qui, par la lutte entreprise au Sud de la Palestine, prenait une grande importance.
[...]
Port-Saïd nous envoyait parfois des gens à mettre à terre : nous fîmes passer un Bédouin qui devait rejoindre la plage de Saint-Jean-d’Acre où nous le recueillerions vingt jours plus tard. Hélas ! au jour dit, la plage était déserte, et le Laborieux nous revenait sans l’agent. [...] »
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(1) De la Jeanne-d’Arc, qui portait alors le pavillon de l’amiral du Fournet.
(2) Dont l’enseigne de vaisseau CASTETS, second du gouverneur Albert TRABAUD.
(3) En outre, le 30 juin 1916, fut nommé aumônier de la Flotte à la Division de Syrie pour être destiné à l’île de Rouad l’abbé Ernest SARLOUTTE, de la congrégation des Lazaristes, né le 6 septembre 1878 à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle).
(4) Sylvius JACOTIN, qui sera promu lieutenant de vaisseau de réserve le 10 novembre 1915.
(5) V. ici —> pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... 2232_1.htm
(6) Vice-amiral Frédéric Paul MOREAU, commandant de la troisième escadre à compter du 8 novembre 1915.
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Re: LABORIEUX - Remorqueur
Bonjour à tous,
■ Historique (complément).
— 5 juillet 1918 : Alors commandé par le premier maître de timonerie Ronalec, capture à un mille et demi du cap Damour, au Sud de Beyrouth, la goélette turque Mabrouke (Armateur et patron, Hadj Abd el Kader Ibrahim Toussef, de Tripoli).
● Conseil des prises, ... 1919, Goélette Mabrouke (Recueil des arrêts du Conseil d’État 1919, 1er supplément « Prises maritimes », 2e esp., p. 984 et 985).
Conseil des prises, Goélette Mabrouke. — Amiral de Sugny, rapporteur ; M. Chardenet, commissaire du gouvernement.
Le Conseil des prises a rendu la décision suivante entre : D’une part, les capitaine, propriétaire et chargeurs d’une goélette capturée par l’aviso le Laborieux, le 5 juillet 1918, à un mille et demi du cap Damour au Sud de Beyrouth ; et, d’autre part, le ministre de la Marine, agissant au nom de l’État et pour le compte des ayants droit des prises, conformément aux lois et règlements ;
Vu la lettre du ministre de la Marine en date du 30 septembre 1918, enregistrée au secrétariat du Conseil des prises, le 3 octobre 1918, sous le n° 186, faisant envoi du dossier relatif à la saisie par l’aviso Laborieux, en surveillance sur les côtes bloquées d’Asie-Mineure, d’une goélette turque dénommée Mabrouke ainsi que de son chargement et demandant que ladite saisie soit déclarée valable, pour le produit net en être attribué au fonds spécial institué par la loi du 15 mars 1916 ;
Vu les pièces composant ledit dossier et notamment : 1° – Le procès-verbal de capture dressé, le 5 juillet 1918, par le premier maître de timonerie Ronalec, commandant le Laborieux ; 2° – Le procès-verbal d’interrogatoire de l’équipage ; 3° – Une patente de santé et un reçu des droits de l’administration sanitaire, établis tous deux à Beyrouth ;
Vu l’avis inséré au Journal officiel du 5 octobre 1918, mentionnant que le Conseil des prises venait d’être saisi d’un dossier relatif à la capture de la goélette turque Mabrouke et de son chargement et indiquant que, conformément à la décision d’ordre général du 10 mai 1917, il était accordé aux intéressés un délai de deux mois à compter du 3 octobre 1918, date de l’enregistrement du dossier au secrétariat, pour présenter leurs réclamations ;
Vu les conclusions du commissaire du Gouvernement tendant à ce qu’il plaise au Conseil : 1° – Déclarer bonne et valable la capture de la goélette turque Mabrouke et de son chargement effectuée le 5 juillet 1918 par l'aviso français Laborieux ; 2° – Attribuer une somme représentant la valeur de cette goélette et de son chargement aux ayants droit au produit des prises, conformément aux lois et règlements ;
Vu le règlement du 25 juillet 1778, remis en vigueur par l’arrêté des consuls du 29 frimaire an VIII ; la déclaration du Congrès de Paris du 16 avril 1856 ; les arrêtés des 6 germinal an VIII et 2 prairial an XI ; les décrets des 9 mai 1859 et 28 nov. 1861 ;
Le Conseil, après en avoir délibéré,
CONSIDÉRANT, d’une part, qu’aux termes des dépositions concordantes du patron et des hommes de l’équipage, la goélette Mabrouke appartenait à Hadj Abd el Kader Ibrahim Toussef, de Tripoli, sujet ottoman, qui en était en même temps patron ; qu’elle faisait le cabotage entre Beyrouth et Caïffa pour le compte du gouvernement ottoman ;
Considérant, d’autre part, que parmi les pièces trouvées à bord de la goélette Mabrouke figurent une patente de santé en date du 24 juin 1334 de l’hégire et un reçu des droits sanitaires en date, à Beyrouth, du 3 juillet de la même année ; que ces pièces mentionnent que ladite goélette battait pavillon ottoman ;
Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que la goélette Mabrouke était de nationalité ottomane, c’est-à-dire ennemie et qu’elle pouvait, par suite, à bon droit, être saisie ainsi que son chargement ;
Considérant au surplus, qu’au moment de la capture, la goélette naviguait dans la zone de blocus effectivement surveillée par les forces alliées ; qu’à ce titre encore elle était susceptible d’être déclarée de bonne prise ;
Considérant enfin qu’aucune réclamation n’a été présentée au sujet de cette capture ;
Décide : La capture de la goélette Mabrouke et de son chargement, effectuée le 5 juillet 1918 par l’aviso Laborieux, est déclarée bonne et valable pour la valeur nette en être attribuée aux ayants droit au produit des prises, conformément aux lois et règlements.
________________________
Bien amicalement à vous,
Daniel.
- IM Louis Jean
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Re: LABORIEUX - Remorqueur
Bonjour à toutes et à tous,
<< 27 mars 1918
Encore une nuit bien agitée. J'étais en mission à Barja, petit village dans le sud de Bouard. L'expédition s'était déroulée sans incident et nous revenions vers le Laborieux. Tout à coup, Pasquier aperçoit une voile droit devant. Nous venions de quitter la terre depuis cinq minutes et n'en étions guère éloignés de plus de 200 m. Il ventait petite brise de S.O.
Désirant éviter les histoires le plus possible comme me l'avait recommandé le Commandant, je mets la barre à droite et nage dans le vent.
A ce moment, la goëlette nous aperçut et nous héla en arabe. Je fais semblant de ne pas entendre et "souque garçon".
Mais, à ma grande stupéfaction je vois la goëlette loffer, loffer, puis, vent debout nous gagner de vitesse.
"Zut, nous sommes foutus, elle a un moteur!"
Je réfléchis un instant :
L'attaquer à la mitrailleuse ? C'était attirer l'attention des postes de terre et faire doubler la surveillance autour de ce point. Barja était brûlé.
Une idée me traverse l'esprit :
"A l'abordage! nous allons la prendre à l'abordage, et autant que possible, pas de coups de feu. Laissons la goëlette nous accoster et, ensemble nous sauterons à son bord. Vous avez tous vos poignards ? Passez un revolver à votre ceinture, et attention. Je sauterai le premier, toi Séjean tu resteras dans le youyou pour pouvoir nous recueillir à l'occasion."
La goëlette approchait.
"Qui êtes-vous ?" nous cria t-on en arabe
"Des pêcheurs" répondit Simon dans la même langue.
"Accostez"
"Attention! tous parés" murmurai-je.
Un coup de barre ; le youyou accoste la goëlette un peu brutalement. je profite de la secousse. Le poignard entre les dents d'un bond je suis à bord. Davy à côté de moi ; Pasquier et Simon derrière. Aussitôt sur le pont un premier ennemi me tire un coup de feu à bout portant ; je ne fus pas touché ; mon poignard, lui, ne le manqua pas. D'un bon coup en remontant j'étends mon ennemi le ventre ouvert. Un autre se disposait à m’assommer d'un coup de crosse et avait déjà son arme levée, quand Davy imitant mon exemple lui plongea son poignard dans le ventre. Un troisième turc fut assommé et lardé par Simon ; un quatrième demanda grâce.
Les marins qui montaient la goëlette, Syriens et amis de la France nous avaient vite reconnus. Loin de défendre les turcs ils criaient vive la France.
Les 4 hommes qui nous avaient attaqués étaient un adjudant et 3 soldats turcs qui convoyaient la cargaison de la goëlette.
Quelle prise !!!
La goëlette que nous venions d'enlever si lestement à l'abordage, transportait de Tripoli à Beyrouth tout le campement d'un capitaine turc qui changeait de résidence.
Rien n'y manquait, depuis ses meubles jusqu'à son cheval.
En avant le moteur! Le youyou à la remorque, et après nous être fait reconnaître, nous accostons le Laborieux.
Le lendemain matin, la goëlette "Mabrouké" rentrait à Rouad à la remorque du Laborieux. Elle avait arboré en tête de mât un grand pavillon Français et au dessous le pavillon turc vaincu.
C'est de cette prise que proviennent : d'abord mon pavillon turc, puis le beau tapis vieux persan, le porte-cigarettes en argent ciselé, une des petites tables arabes, une paire de jumelles et un revolver genre browning, perdus par la suite, une paire d'éperons en argent damasquiné qui m'ont été volés. >>
Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir
D'après les souvenirs de l'EV Phérivong :— 5 juillet 1918 : Alors commandé par le premier maître de timonerie Ronalec, capture à un mille et demi du cap Damour, au Sud de Beyrouth, la goélette turque Mabrouke (Armateur et patron, Hadj Abd el Kader Ibrahim Toussef, de Tripoli).
<< 27 mars 1918
Encore une nuit bien agitée. J'étais en mission à Barja, petit village dans le sud de Bouard. L'expédition s'était déroulée sans incident et nous revenions vers le Laborieux. Tout à coup, Pasquier aperçoit une voile droit devant. Nous venions de quitter la terre depuis cinq minutes et n'en étions guère éloignés de plus de 200 m. Il ventait petite brise de S.O.
Désirant éviter les histoires le plus possible comme me l'avait recommandé le Commandant, je mets la barre à droite et nage dans le vent.
A ce moment, la goëlette nous aperçut et nous héla en arabe. Je fais semblant de ne pas entendre et "souque garçon".
Mais, à ma grande stupéfaction je vois la goëlette loffer, loffer, puis, vent debout nous gagner de vitesse.
"Zut, nous sommes foutus, elle a un moteur!"
Je réfléchis un instant :
L'attaquer à la mitrailleuse ? C'était attirer l'attention des postes de terre et faire doubler la surveillance autour de ce point. Barja était brûlé.
Une idée me traverse l'esprit :
"A l'abordage! nous allons la prendre à l'abordage, et autant que possible, pas de coups de feu. Laissons la goëlette nous accoster et, ensemble nous sauterons à son bord. Vous avez tous vos poignards ? Passez un revolver à votre ceinture, et attention. Je sauterai le premier, toi Séjean tu resteras dans le youyou pour pouvoir nous recueillir à l'occasion."
La goëlette approchait.
"Qui êtes-vous ?" nous cria t-on en arabe
"Des pêcheurs" répondit Simon dans la même langue.
"Accostez"
"Attention! tous parés" murmurai-je.
Un coup de barre ; le youyou accoste la goëlette un peu brutalement. je profite de la secousse. Le poignard entre les dents d'un bond je suis à bord. Davy à côté de moi ; Pasquier et Simon derrière. Aussitôt sur le pont un premier ennemi me tire un coup de feu à bout portant ; je ne fus pas touché ; mon poignard, lui, ne le manqua pas. D'un bon coup en remontant j'étends mon ennemi le ventre ouvert. Un autre se disposait à m’assommer d'un coup de crosse et avait déjà son arme levée, quand Davy imitant mon exemple lui plongea son poignard dans le ventre. Un troisième turc fut assommé et lardé par Simon ; un quatrième demanda grâce.
Les marins qui montaient la goëlette, Syriens et amis de la France nous avaient vite reconnus. Loin de défendre les turcs ils criaient vive la France.
Les 4 hommes qui nous avaient attaqués étaient un adjudant et 3 soldats turcs qui convoyaient la cargaison de la goëlette.
Quelle prise !!!
La goëlette que nous venions d'enlever si lestement à l'abordage, transportait de Tripoli à Beyrouth tout le campement d'un capitaine turc qui changeait de résidence.
Rien n'y manquait, depuis ses meubles jusqu'à son cheval.
En avant le moteur! Le youyou à la remorque, et après nous être fait reconnaître, nous accostons le Laborieux.
Le lendemain matin, la goëlette "Mabrouké" rentrait à Rouad à la remorque du Laborieux. Elle avait arboré en tête de mât un grand pavillon Français et au dessous le pavillon turc vaincu.
C'est de cette prise que proviennent : d'abord mon pavillon turc, puis le beau tapis vieux persan, le porte-cigarettes en argent ciselé, une des petites tables arabes, une paire de jumelles et un revolver genre browning, perdus par la suite, une paire d'éperons en argent damasquiné qui m'ont été volés. >>
Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
- IM Louis Jean
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Re: LABORIEUX - Remorqueur
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Re: LABORIEUX - Remorqueur
Mon père, CARRE Pierre Premier maître de manoeuvre a commandé l'aviso LABORIEUX du 26 septembre 1917 au 26 janvier 1918. Il était rattaché à la "Jeanne d'Arc Annexe" (Rouad) commandée par le Capitaine de corvette TRABAUD. Mon père après avoir passé l'examen de Capitaine au Long Cours à Marseille, est revenu à Castellorizo comme Enseigne de Vaisseau de première classe auxiliaire.
Re: LABORIEUX - Remorqueur
Je ne suis pas parvenu à ajouter l'image hier je la joins ci-après.


- IM Louis Jean
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Re: LABORIEUX - Remorqueur
Bonjour à toutes et à tous,
Bonjour monsieur carre,
Un grand et sincère merci pour le partage de ces informations et ce document ... que je découvre seulement maintenant hélas.
J'espère que vous fréquentez encore ce forum et que vous pourrez lire ce message.
Cordialement
Étienne
Bonjour monsieur carre,
Un grand et sincère merci pour le partage de ces informations et ce document ... que je découvre seulement maintenant hélas.
J'espère que vous fréquentez encore ce forum et que vous pourrez lire ce message.
Cordialement
Étienne
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
- IM Louis Jean
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- Inscription : dim. mars 22, 2009 1:00 am
Re: LABORIEUX - Remorqueur
Bonjour à toutes et à tous,
<< Ce jour-là, à 2 h 35 du soir, à 70 milles environ dans le nord-ouest de Port-Saïd, le grand vapeur japonais Yasaka-Maru reçoit une torpille et coule. Prévenu à
5 h 30, l'amiral Moreau fait signal d'appareiller au Laborieux, remorqueur de Toulon expédié en renfort à l'escadre à défaut de chalutier et dont le métier habituel est de surveiller la rade d'Alexandrette.
Le Laborieux est commandé par un extraordinaire va-de-bon-cœur de cinquante-quatre ans nommé Sylvius Jacotin et qui est, en ce 21 décembre 1915, lieutenant de vaisseau depuis un mois, encore que le rustique accoutrement qui habille son grand corps maigre ne puisse permettre de définir son grade. Depuis trente-deux ans qu'il a quitté la marine, il a naturellement perdu l'habitude de l'uniforme et son aspect pittoresque a gagné son navire. Malgré quoi le Laborieux et son
commandant sont également solides et alertes. Sylvius Jacotin est coutumier des corvées inattendues qu'il accomplit avec un éternel sourire dans sa barbe blanche éployée. A 5 h. 35, il a pris la mer et va chercher dans la nuit.
Le lendemain tout Port-Saïd a envahi la jetée démesurée qui garde le port contre les ensablements et que domine un immense de Lesseps en bronze montrant aux navires le chemin des mers lumineuses. Toute la ville sait qu'un Japonais a été torpillé. Toute la ville attend.
A 10 heures, le Laborieux est en vue. La veille, à 11 heures du soir, aidé par la lune claire, mais gêné par la houle, Jacotin a aperçu dans l'ombre un canot bondé de gens qui ont conté leur odyssée. « Le sous-marin est resté invisible. Il a torpillé sans avertissement. Le Yasaka-Maru a coulé en cinquante minutes. Il y a encore neuf canots, tous pleins de naufragés. Il s'agit de retrouver 282 personnes. » Une demi-heure plus tard, c'est fait. Le Laborieux a pris tout le monde à son
bord et ce matin, à le voir chargé à couler bas et remorquant en file interminable les embarcations à présent vides, toute la jetée retentit d'acclamations que répètent bientôt les bâtiments mouillés dans le port. Si le malheur veut qu'un navire de l'escadre avale quelque dragée empoisonnée, les survivants pourront compter sur le Laborieux. >>
source REVUE DES DEUX MONDES juillet-août 1928
Cordialement
Étienne
<< Ce jour-là, à 2 h 35 du soir, à 70 milles environ dans le nord-ouest de Port-Saïd, le grand vapeur japonais Yasaka-Maru reçoit une torpille et coule. Prévenu à
5 h 30, l'amiral Moreau fait signal d'appareiller au Laborieux, remorqueur de Toulon expédié en renfort à l'escadre à défaut de chalutier et dont le métier habituel est de surveiller la rade d'Alexandrette.
Le Laborieux est commandé par un extraordinaire va-de-bon-cœur de cinquante-quatre ans nommé Sylvius Jacotin et qui est, en ce 21 décembre 1915, lieutenant de vaisseau depuis un mois, encore que le rustique accoutrement qui habille son grand corps maigre ne puisse permettre de définir son grade. Depuis trente-deux ans qu'il a quitté la marine, il a naturellement perdu l'habitude de l'uniforme et son aspect pittoresque a gagné son navire. Malgré quoi le Laborieux et son
commandant sont également solides et alertes. Sylvius Jacotin est coutumier des corvées inattendues qu'il accomplit avec un éternel sourire dans sa barbe blanche éployée. A 5 h. 35, il a pris la mer et va chercher dans la nuit.
Le lendemain tout Port-Saïd a envahi la jetée démesurée qui garde le port contre les ensablements et que domine un immense de Lesseps en bronze montrant aux navires le chemin des mers lumineuses. Toute la ville sait qu'un Japonais a été torpillé. Toute la ville attend.
A 10 heures, le Laborieux est en vue. La veille, à 11 heures du soir, aidé par la lune claire, mais gêné par la houle, Jacotin a aperçu dans l'ombre un canot bondé de gens qui ont conté leur odyssée. « Le sous-marin est resté invisible. Il a torpillé sans avertissement. Le Yasaka-Maru a coulé en cinquante minutes. Il y a encore neuf canots, tous pleins de naufragés. Il s'agit de retrouver 282 personnes. » Une demi-heure plus tard, c'est fait. Le Laborieux a pris tout le monde à son
bord et ce matin, à le voir chargé à couler bas et remorquant en file interminable les embarcations à présent vides, toute la jetée retentit d'acclamations que répètent bientôt les bâtiments mouillés dans le port. Si le malheur veut qu'un navire de l'escadre avale quelque dragée empoisonnée, les survivants pourront compter sur le Laborieux. >>
source REVUE DES DEUX MONDES juillet-août 1928
Cordialement
Étienne
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau