Entre les lignes...

A Malinowski
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Re: Entre les lignes...

Message par A Malinowski »

G.A.N.
31ème bataillon du Génie
Compagnie 33/1
Aux armées le 1er juin 1917


Rapport du lieutenant Duverger commandant provisoirement la compagnie du Génie 33/1, tendant à traduire en Conseil de Guerre le caporal Ogée Georges, Edouard, Louis, matricule 21 164 pour complicité d’évasion de prisonniers de guerre, en cas de négligence. Article 216 du code de justice militaire.
Objet : au sujet de la disparition de trois prisonniers de guerre et de la traduction en Conseil de guerre du caporal chargé de leur garde.
Le groupe des sept prisonniers allemands employés par la deuxième section comprenait l’interprète et six P.G.; ils étaient employés, le 20 mai, à un transport de matériaux d’abris, d’une tranchée de soutien ( première ligne, 500 mètres sud-est du Moulin, sous Touvent.) Trois de ces prisonniers ont disparu entre 12 heures 20 et 12 heures 30. Le caporal Ogée et le sapeur Héze affirment les avoir perdus de vue entre ces deux instants.
Quoique placés à six mètres du groupe des P.G. qui occupaient un entonnoir et ses lèvres, pour prendre leur nourriture, les gardiens ne les surveillaient pas complètement puisque cette surveillance n’était pas continue, en raison des herbes déjà très hautes, les P.G. étendus, en attendant la reprise du travail; disparaissaient entièrement.
Le terrain coupé leur a permis de filer rapidement en profitant du court battement entre deux coups d’oeil. Il est possible qu’ils aient déjà quitter les lieux, malgré les recherches des guetteurs fixes, placés aux environs et à la chaussée Brunehaut, depuis la route de Mampcel jusqu’à Sainte Léocade.
La faute de surveillance est due à la négligence de l’équipe de garde, surtout à celle du caporal, qui d’ailleurs n’a pas avisé immédiatement l’officier de chantier; ce retard a empêché des recherches immédiates sur des points intéressants.
Le caporal Ogée est déjà sous le coup d’une grave punition disciplinaire, c’est un jeune gradé qui jusque là ne parait posséder qu’incomplètement le sentiment de la discipline et du devoir.
J’ai l’honneur de demander qu’il soit traduit en Conseil de Guerre pour complicité d’évasion de prisonniers de guerre, en cas de négligence, article 216 du code de justice militaire.
Les témoins sont :
Monsieur le sous-lieutenant Ruffi Victor Hyacinthe
Le sergent Pamplin Ferdinand, matricule 17107.
Signé : le capitaine Duverger.
31ème batterie du génie
Entré : le 2 juin 1917 N°4775.

Procès-verbal de déclarations reçues par l’officier de police judiciaire, en dehors du temps de paix, Marie-Joseph Luc Alexandre Jean de la Hamelinaye Poinçon de la Blanchardière, capitaine commandant la compagnie 31/4 du 1er régiment du génie, assisté du sieur Coulon Georges adjudant au 1er régiment du génie compagnie 31/4.
1er régiment du Génie
Interrogatoire de Ogée Georges, Edouard, 29 ans né à Paris, conducteur des Ponts et Chaussées, fils de Charles, Marie et de Dejean Louise, Claudine, demeurant, avant son entrée au service à Buenos-Aires, République Argentine, 459 Calla Valentin.
Et aujourd’hui caporal à la compagnie 33/1 au 1er régiment du génie aux armées, inculpé de complicité d’évasion de prisonniers de guerre en cas de négligence.
En conséquence nous avons fait amener devant nous ledit caporal interrogé ainsi qu’il suit :
Demande : D
Réponse : R

D : Combien aviez-vous de prisonniers allemands en garde?
R : Sept.
D : Combien aviez-vous de sapeurs à votre disposition pour assurer le service?
R : Un seul.
D : Ce sapeur avait-il son mousqueton et sa baïonnette?
R : Oui.
D : Les vêtements de ces prisonniers portaient-ils bien la marque P.G.?
R : Oui.
D : A quel moment vous êtes vous aperçu de la disparition de trois prisonniers?
R : A l’issu d’un repos qu’ils venaient d’avoir après la soupe de onze heures. Je les avais vus à midi dix. Vers midi quinze j’ai commandé debout! pour que les P.G. se remettent au travail et je me suis aperçu qu’il en manquait trois.
D : Que faisait donc votre homme de garde pendant ce temps?
R : Il était assis à côté de moi, finissant de déjeuner. a midi quinze il s’est levé en même temps que moi.
D : Pourquoi ne l’aviez vous pas laissé debout en sentinelle auprès de P.G.?
R : Parce que nous n’étions que deux.
D : Pourquoi n’aviez vous pas demandé que pour assurer ce service on vous donne un sapeur de plus?
R : Mon chef de section m’avait vu la journée précédente faire travailler les P.G. dans ces conditions là. Je pensais qu’il savait qu’il me manquait un sapeur.
D : Ne vous a-t-on pas appris que le devoir d’un gradé est de provoquer des ordres quand il estime que ceux qu’il a reçus ne sont pas suffisants ou avez-vous donc fait votre service militaire ?`
R : Je n’ai jamais fait de service militaire avant la guerre. J’étais en République argentine depuis l’âge de onze ans. A l’époque de la mobilisation, je suis rentré en France et j’ai été affecté au 36ème régiment d’infanterie.
D : Qu’avez-vous fait lorsque vous vous êtes aperçu de la disparition des trois P.G. ?
R : Je me suis mis à leur recherche dans les abris voisins dans lesquels je pensais qu’ils avaient pu se cacher.
D : Quand Avez-vous rendu compte de l’évasion de ces prisonniers ?
R : aussitôt que j’ai vu que mes recherches étaient infructueuses, j’ai été prévenir mon chef de section qui était à trois cent mètres de là.
D : Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense ?
R : J’ai pris quelques notes que voici, je les montrerai si c’est possible au Conseil de Guerre.
Lecture faite au prévenu de son interrogatoire, il a déclaré ses réponses être fidèlement transcrites, qu’il y persiste et il a signé avec nous et le greffier.
Signés : Ogée Coulon La Hamelinaye

1er régiment du Génie
Procès-verbal d’information au corps.
Est comparu le témoin ci-après dénommé, lequel, hors de la présence du prévenu et des autres témoins, après avoir prêté serment de dire toute la vérité, et interrogé par nous sur ses nom, prénoms, âge, état, profession et demeure, a répondu se nommer :
Ruffi, Victor, Hyacinthe, 39 ans, sous-lieutenant au 1er régiment du génie, compagnie 33/1, n’est ni parent, ni allié du prévenu.
D : Êtes-vous le chef de section du caporal Ogée ?
R : Oui.
D : Où étiez-vous quand c’est produit l’évasion des P.G. ?
R : A environ deux cents mètres du point où était Ogée avec ses P.G.
D : Quand avez-vous été mis au courant de l’évasion ?
R :A quinze heures quarante cinq. Je reproche principalement à Ogée de ne pas m’en avoir rendu compte immédiatement sans quoi j’aurais pu faire des recherches avec ma section.
D : Habituellement Ogée assurait-il bien son service ?
R : Oui, c’est un gradé très consciencieux en qui j’avais toute confiance, confiance que je lui maintiens. J’attribue sa faute à un moment de négligence et le retard à me prévenir à la crainte d’une réprimande.

Signés : Coulon La Hamelinaye Ruffi.

Procès verbal d’information au corps
Est comparu le témoin ci-après dénommé
Pamplin Ferdinand, 25 ans, menuisier, demeurant à Seiches ( Maine et Loire), actuellement sergent à la compagnie 33/1 du 1er régiment du génie :
D : Où étiez-vous quand les prisonniers allemands se sont évadés ?
R : J’étais au travail avec ma section.
D : Avez-vous vu Ogée cet après-midi là ?
R : Oui, je l’ai vu une fois vers midi et demi et une autre fois vers deux heures, il avait l’air de chercher dans les abris, ça ne m’a pas semblé extraordinaire puisque son travail consiste à fouiller les abris.
D : Étiez-vous là quand Ogée est venu rendre compte à son officier de l’évasion des P.G. ?
R : Oui j’étais là, il était trois heures et demie environ.
Signés : Coulon La Hamelinaye Pamplin


CCM le 6 avril 2007



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Charraud Jerome
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Re: Entre les lignes...

Message par Charraud Jerome »

Bonsoir

Merci pour cette enquête et ces agréables petits moments de lecture de la fin de semaine.
Plus le temps, de prendre un petit casse croûte et hop le conseil de guerre.
Alain, sauriez vous ce qu'il est advenu de Ogée?

Cordialement
Jérôme Charraud
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Guilhem LAURENT
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Re: Entre les lignes...

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,

Juste une petite info. La compagnie 33/1 du 1er régiment du génie était spécialisée dans les opérations "dites spéciales"... :???: Mise en place de batteries de bouteilles remplies de gaz en première ligne, en prévision d'une attaque par nappe dérivante. Il s'agissait d'une compagnie "Z". A la date du 1er juin 1917, à quelques jours près, cette unité fêtait le premier anniversaire de sa première opération : 3 juin 1916 au Violu dans les Vosges (2 morts dans ses rangs ce jour-là par retour de nappe dû à un brusque changement de la direction du vent... Ils reposent dans le petit cimetière de La Croix-aux-Mines) Le lieutenant Ruffi, qui n'était alors qu'adjudant-chef commandait une des trois sections qui avait opéré durant cette nuit. Il me semble bien que le sergent Pamplin était de la partie aussi... Le capitaine qui commandait la compagnie avait pour nom : Franceschi. Quant au caporal Ogée et le sapeur Héze je me renseignerai... juste pour voir...

Merci Alain pour ces quelques mots !

Amicalement

Guilhem LAURENT
On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
A Malinowski
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Re: Entre les lignes...

Message par A Malinowski »

Bonsoir

Merci pour cette enquête et ces agréables petits moments de lecture de la fin de semaine.
Plus le temps, de prendre un petit casse croûte et hop le conseil de guerre.
Alain, sauriez vous ce qu'il est advenu de Ogée?

Cordialement
Jérôme Charraud
Bonsoir Jérôme, hélas non, il faudrait pour cela consulter les "minutiers" de la justice militaire... Qui veut s'en charger ?
Alain
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