MONT AGEL
Vapeur en acier à deux ponts, deux mâts et une cheminée.
Lancé le 6 Décembre 1911 aux Ateliers et Chantiers de France, à Dunkerque pour la Société Générale de Transports Maritimes à vapeur, de Marseille.
Pris au neuvage par le capitaine Vabre.
4083 tx JB 3067 tx JN 6500 tpl
Longueur 111, 71 m Largeur 11,94 m TE 6,92 m
4 cales 10500 m3
Machine alternative à triple expansion. Deux chaudières tubulaires cylindriques.
Vitesse 12 nds
Indicatif KHRQ
41 hommes d’équipage
Voici le MONT AGEL à quai à Marseille.

La perte du MONT AGEL
Le vapeur appareille sur lest de Marseille pour l’Amérique du Sud le 5 Novembre 1914.
Capitaine M. Allemand CLC
Officier radio E. Laurent
Le 4 Décembre, à quatre jours de l’arrivée, l’équipage du MONT AGEL voit surgir un grand navire, de belle allure, sur lequel on ne peut mettre un nom. On s’observe avec prudence, mais au bout d’une heure le mystérieux navire intime l’ordre de hisser les couleurs et de stopper.
Le capitaine Allemand (du MONT AGEL) demande à son télégraphiste de lancer un message de détresse. Celui-ci se rend aussitôt dans sa cabine et lance des signaux de détresse, dénonçant la présence du KRONPRINZ WILHELM qui a été finalement identifié, et le danger couru par le MONT AGEL. Mais les assaillants agissent rapidement ; il porte encore le casque sur les oreilles, absorbé dans son travail, quand l’équipage de prise monte à bord et l’appréhende violemment. Tout le matériel radio est détruit.
Les Allemands s’emparent également de tout le matériel de navigation, montres sextants, chronomètres, pavillons, ainsi que d’objets propriété personnelle des officiers comme des jumelles.
Le capitaine proteste vigoureusement, déclare que le KRONPRINZ WILHELM ayant quitté New York pour un voyage commercial, n’a pas de commission pour arraisonner d’autres navires de commerce. Mais on lui fait savoir que le MONT AGEL est considéré comme navire ennemi, qu’il doit s’incliner sans discussion et quitter le navire avec tout son équipage. La force sera employée s’il y a résistance.
Officiers et équipage descendent alors, à 11h00 du matin, dans les chaloupes et gagnent le croiseur où ils sont retenus comme prisonniers de guerre.
Le commandant du croiseur s’engage à libérer tous les prisonniers s’ils signent un document dans lequel ils acceptent de ne pas reprendre les armes contre l’Allemagne. Le capitaine français laisse libre choix à ses hommes. Dans un premier temps tout l’équipage, exception faite des officiers, va signer ce document. Les officiers, qui espéraient l’arrivée d’un navire de guerre allié, signeront quelques jours plus tard en se rendant compte que le croiseur, du fait de sa grande vitesse, a peu de chance d’être capturé et que toutes dispositions sont prises à bord pour éviter une surprise de ce genre.
Le MONT AGEL est coulé à 16h00 par ouverture des prises d’eau et éperonage. Cette méthode peu conventionnelle est utilisée car le croiseur manque de munitions et d’explosifs. Il possède deux canons de 88 mm sur affuts démontables à tribord, avec seulement 300 coups, et deux canons de 120 mm à l’arrière, mais sans munitions. Ceci est dû au problèmes rencontrés en mer, lors de son armement par le KARLSRUHE.
La position est 03°20 S et 29°20 W.
A bord du croiseur, le capitaine Allemand retrouve trois officiers du quatre-mâts UNION, capturé le 28 Octobre précédent, l’équipage de l’ANNE DE BRETAGNE, capturé le 21 Novembre et celui du vapeur anglais BELLEVUE, capturé quelques heures avant lui.
Pendant quelques jours, le KRONPRINZ WILHELM va faire des routes diverses, transbordant dans des conditions rendues très difficiles et dangereuses par le mauvais temps, le charbon du BELLEVUE. Il finira par le couler, également par ouverture des prises d’eau et éperonage, le 20 Décembre.
Ce même jour, il a rendez-vous avec le vapeur OTAVI, de la Hamburg Amerika Linie, qui a quitté Pernambouc quelques jours auparavant pour venir le ravitailler.
Dans la nuit du 20 au 21 tous les prisonniers sont transférés, là encore dans des conditions particulièrement difficiles sur l’OTAVI qui va les ramener aux Canaries. Sur l’OTAVI, officiers, gardés à l’arrière sous la surveillance de factionnaires en armes, et équipages des divers navires gardés à l’avant demeurent séparés. Tous notent que les conditions d’hygiène sont déplorables.
Le 30 Décembre, l’OTAVI passe devant Hierro, puis Tenerife et vient mouiller devant La Luz où les autorités espagnoles montent à bord. Même en présence des Espagnols, les prisonniers demeurent sous la surveillance de marins allemands armés, mais ceux-ci dissimulent leurs fusils sous leurs capotes.
Les prisonniers sont finalement débarqués le lendemain à Las Palmas. Le capitaine du MONT AGEL note dans son rapport que malgré les mauvaises conditions rencontrées sur l’OTAVI :
« Il me faut, pour être en règle avec la vérité, rendre hommage à la parfaite courtoisie et correction dont les officiers allemands ont fait preuve envers nous, tant sur KRONPRINZ WILHELM que sur OTAVI ».
Le soir même, le vapeur anglais ORONSA rapatrie les équipages français sur La Rochelle et celui du BELLEVUE sur l’Angleterre.
Le navire corsaire
Il s’agissait donc du paquebot KRONPRINZ WILHELM placé sous les ordres du capitaine de corvette Paul Thierfelder. Pour les renseignements sur ce navire, voir fiche du quatre-mâts UNION.
Le KTB du croiseur corsaire porte les mentions suivantes pour la journée du 4 Décembre :
« Arraisonnement du cargo MONT AGEL. Navire sur lest. Equipage de 35 hommes fait prisonnier. 16h00 : par 03°20 S et 29°20 W coulé le MONT AGEL par ouvertures des vannes et éperonage à plusieurs reprises. »
Epilogue
De retour en France, les marins du MONT AGEL vont écrire une lettre de doléances au Ministre de la Marine conservée aux archives, dans laquelle ils se plaignent du peu de cas que l’on fait d’eux .
« Nous étions embarqués sur le MONT AGEL, des Transports Maritimes de Marseille, affrété par le gouvernement français pour effectuer un chargement de café au Brésil.
Soudain le 4 Décembre 1914, nous avons été capturés par le croiseur allemand KRONPRINZ WILHELM qui nous a donné dix minutes pour débarquer, puis a coulé le navire.
Le commandant allemand nous a fait signer par la force (?) un engagement à ne point prendre les armes contre l’Allemagne, nous signifiant que si nous étions à nouveau faits prisonniers, nous serions passés par les armes.
Le 20 Décembre le navire allemand « SOTANIA » (manifestement une erreur de lecture) nous a débarqués à Las Palmas. A bord nous avons été très mal nourris : nous avions chaque jour deux pommes de terre, 100 g de viande, 200 g de pain, ainsi que du riz bouilli dans de l’eau salée. L'eau que l’on nous donnait pour boire était saumâtre.
A La Rochelle où nous sommes arrivés, le bureau de la Marine de ce port nous a donné 3 francs par jour pour nous loger et nous nourrir. Avant notre rapatriement sur Marseille, on nous a remis 70 francs à chacun, mais il a fallu payer le chemin de fer de La Rochelle à Marseille, qui nous a coûté 49,50 f.
Et maintenant, on nous a tous mobilisés, qui dans la coloniale, qui dans l’armée de terre.
Les équipages qui tirent seulement un coup de canon contre les sous-marins reçoivent une gratification. Nous qui avons beaucoup souffert pendant notre captivité sur le navire allemand n’avons rien touché.
J’espère, Monsieur le Ministre, que vous prendrez notre demande en considération. »
Cette lettre est de toute évidence assez maladroite ; l’énumération de la composition des repas, qui devaient être aussi ceux de tous les marins allemands, n’est guère de nature à apitoyer, non plus que les comptes d’apothicaires dans lesquels ils se perdent. En revanche, on peut se demander si l’incorporation immédiate était vraiment judicieuse, et quelles étaient les conventions internationales concernant des prisonniers libérés qui s’engageaient à ne plus combattre… La signature, c’est certain, n’avait pas été extorquée par la force et chacun avait eu son libre-arbitre, même si la situation était de toute évidence « cornélienne ».
Cdlt