BAYONNE Trois-mâts carré
Lancé le 14 Septembre 1901 aux chantiers de Penhoët à Saint Nazaire pour la Société Bayonnaise de Navigation, ou maison Legasse dont le siège était 16 rue Jacques Laffitte à Bayonne. Legasse était un armateur pour la pêche à la morue.
Repris en 1911 par la Société des Voiliers Normands, de Prentout, en même temps que BIDARD, GUETHARY, JULES GOMMES et BIARRITZ.
Bâtiment à coffre du type nantais.
Longueur 86,20 m Largeur 13,40 m
2720 tx JB 2240 tx JN 3300 tpl
Pris au neuvage par le capitaine Grandais, il effectua des voyages sur la Pacifique nord. Après sa reprise par les Voiliers Normands, il fut affecté au transport du nickel sur la Nouvelle Calédonie.
Voici le BAYONNE mouillé en rivière

La perte du BAYONNE
Armé à Rouen par la Société des Voiliers Normands. Affréteur : la maison Strauss, de Londres.
Quitte New York le 4 Janvier 1917 avec un chargement de 1000 tonnes de maïs et 2320 tonnes d’orge pour Ipswich.
Equipage 23 hommes
THOUMYRE Albert Capitaine CLC Saint Malo
FICHEUX Ferdinand 2e capitaine CLC Fécamp
DESPREZ Jules Lieutenant Saint Malo
LE ROALLEC Jean-Marie Mtre équip. Vannes
BRIAND Célestin Sd maître Dinan
BERTHOUD Yves Mécanicien Tréguier
LAGADEC Jacques Cuisinier Concarneau
OMNES Louis Matelot Saint Malo
LE BERRIGAND Joseph Matelot Auray
LALES Alphonse Matelot Binic
LE GUILLERMO Joseph Matelot
GOLDRAINER Georges Matelot américain
STAPLES Edward Matelot américain
BARRETTE Clarence Matelot américain
O’NEIL Fred Matelot américain
ARNESSEN Oscar Matelot norvégien
KRISTOFERSEN Kristofer Matelot norvégien
LE LOUARN François Matelot léger Tréguier
ALLAIN François Matelot léger
ARDEVEN François Matelot léger (laissé à l’hôpital)
GOUYET Paul Novice Saint Malo
CHALM Henri Novice Saint Malo
VAILLANT Jean-François Mousse Le Conquet
Entre New York et l’entrée de la Manche, le navire prend beaucoup de retard en raison du gros temps rencontré. Il n’arrive que le 16 Février le long de la côte sud anglaise. Le point à midi du 17 le place à 8 milles au SSE de Start Point.
A 16h40 il fait route à 6 nds à l’ESE, par beau temps, petite brise de SW, mer belle et 5 milles de visibilité.
Un sous-marin est alors aperçu dans le sud à environ 3 milles et il tire deux coups de canon. Les obus tombent sur l’avant du voilier. Le BAYONNE continue sa route sans dévier. Le sous-marin, toujours en surface passe alors sur son avant, vient se placer au nord et tire à nouveau deux obus qui tombent à une encablure ; puis, voyant que le voilier ne modifie pas sa route, il se met en immersion périscopique, et vient émerger brusquement à 1 mille de distance et tire à nouveau deux obus à travers la mâture.
Voici les manœuvres telles qu’elles sont expliquées à l’officier enquêteur.

Les embarcations sont débordées, le navire mis en panne et le personnel descend dans les canots. Il y a 11 hommes dans celui du capitaine et 12 dans celui du second. Ces canots sont filés sur l’arrière du voilier avec 50 mètres de touée.
Le sous-marin plonge alors et vient émerger juste entre les deux canots. Le commandant allemand demande, en français, au capitaine Thoumyre de venir à son bord. Il lui annonce qu’il va couler le BAYONNE après avoir pris les approvisionnements dont il a besoin. Il lui demande aussi les papiers ; le capitaine déclare les avoir laissés sur le voilier.
Un officier, un sous-officier et quatre matelots allemands embarquent dans le canot du capitaine et tous remontent sur le BAYONNE. Les matelots portent des bombes.
Les hommes du sous-marin, qui gardent le revolver à la ceinture, explorent le voilier. Ils vont faire plusieurs allers et retours entre les deux bâtiments, emportant notamment loch, chronomètre, baromètre enregistreur, le pavillon français, du filin et des drisses de pavillon ainsi que tous les approvisionnements qu’ils peuvent trouver. Deux matelots essaient de dévisser le phonographe qui était solidement fixé. Mais ils n’y parviennent pas et se contentent finalement d’emporter les disques, plus quelques bibelots.
Le sous-officier fait un compte précis des vivres pris, l’établit sur deux feuilles avec beaucoup de soins et fournit une copie de ce compte au capitaine en lui disant que l’Allemagne ne manquera pas de tout payer à la fin de la guerre. Le capitaine Thoumyre a négligé de conserver la copie de ce compte.
Puis les Allemands placent les bombes et le canot retourne au sous-marin. Il est 18h30 et la nuit est tombée. Les bombes explosent simultanément, sans faire plus de bruit qu’une détonation de revolver et le voilier coule.
Le sous-officier qui était monté sur le BAYONNE et qui parlait très bien français, sans accent, avait dit au capitaine Thoumyre que le sous-marin remorquerait les canots vers la côte. Mais des feux apparaissant à l’horizon, le sous-marin largue rapidement la bosse, fait brusquement arrière et disparaît dans la nuit.
Le sous-officier avait ajouté que le sous-marin était l’U2, mais ce renseignement est sujet à caution.
Le sous-marin mesurait environ 60 mètres et disposait de deux canons, un sur l’avant et un sur l’arrière. Il était peint en gris-bleu et la peinture était toute fraîche. Plongée et émersion se faisaient en moins de deux minutes. Le moteur était très silencieux en surface. Le commandant manoeuvrait avec beaucoup de sureté et un excellent coup d’œil.
Voici la silhouette générale du bâtiment.

Le commandant avait environ 30 ans, de taille moyenne, très blond. Dès qu’il a su que le capitaine du BAYONNE était français, il s’est montré aimable et lui a offert des cigarettes. Il parlait correctement français, mais avec un léger accent.
Le second était beaucoup moins aimable. Il est monté sur le BAYONNE. Il parlait avec difficulté et s’aidait d’un dictionnaire de poche. Il a dit au capitaine : « si nous ne vous avons pas coulés, c’est parce que l’Allemagne a des difficultés avec les Etats-Unis. »
En revanche, le sous-officier qui l’accompagnait s’est montré très empressé. Il parlait un excellent français et s’est adressé au capitaine en cachette du second.
Tenue : cuir pour tout le monde, sauf le commandant en capote de drap avec galons et bottes.
Le sous-marin ayant disparu, les deux canots ont fait route vers la côte. Ils étaient bien équipés et la mer était belle. Ils ont rencontré un vapeur qui, bien qu’étant passé à les toucher, les a pris pour des pêcheurs et ne s’est pas arrêté.
Ils ont atteint Lyme Regis le 18 Février à 10h00 sans encombre.
Le capitaine signale que l'attitude des marins étrangers (4 Américains et 2 Norvégiens) a été tout à fait correcte et disciplinée.
L’officier enquêteur conclut son rapport en écrivant :
« Le capitaine du BAYONNE ne peut être tenu pour responsable de la perte de son bâtiment.
Il est regrettable que l’Amirauté n’organise pas la protection des navires de commerce, voiliers compris, d’une façon plus efficace, ne serait-ce qu’en organisant des convois pour les arrivants de l’Atlantique, ou qu’au moins on leur donne des instructions pour relâcher le jour dans des points protégés.
A noter que certains vapeurs, comme celui rencontré dans la nuit du 17 au 18, s’obstinent à naviguer avec leurs feux réglementaires allumés la nuit et par beau temps… »
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 84 du KL Walter Rhoer.
Le 22 Février, soit cinq jours après la rencontre du BAYONNE, l’U 84 coula le voilier anglais INVERCAULD, mais fut alors surpris par le Q-ship PENSHURST. Engagé à faible distance, il parvint à s’échapper, bien que sévèrement touché. Un obus avait pénétré dans le kiosque et explosé à l’intérieur. Compas, gouvernail de plongée et gouvernail principal étaient endommagés. Il fallut boucher de nombreux trous faits par les projectiles et on utilisa des chevilles, ainsi que le pavillon tricolore du BAYONNE qui s’avéra très utile. L’étamine était de bonne qualité !
Un officier avait été tué et un sous-officier blessé. Peut-être était-ce celui qui était monté sur le BAYONNE et parlait si bien français…
L’U 84 coulera encore un navire français, le vapeur CHATEAU LAFFITE en Janvier 1918, avant de disparaître quelques jours plus tard.
Quant au capitaine Thoumyre, on le retrouvera quelques semaines plus tard… commandant du Q-ship NORMANDY. Il était devenu chasseur de sous-marins et aura d’ailleurs une très belle conduite.
Cdlt
Olivier