CHILI Compagnie Bordes

olivier 12
Messages : 4029
Inscription : ven. oct. 12, 2007 2:00 am

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

CHILI


Lancé le 31 Mars 1885 au chantier W.B. Thomson de Glasgow pour A.D. Bordes et fils et nommé CHILI 2e du nom.

Il succède au CHILI (1) trois-mâts carré clipper de 2000 tpl construit en 1856 au chantier Lucien Arman de Bordeaux. Navire en chêne et orme, chevillé en cuivre. Effectuera 18 voyages, dont 14 sur le Chili.
Fait très peu connu et intéressant à noter : au cours de son 8e voyage, en 1867, sous les ordres du capitaine Toury, de Saint Malo, le 2e lieutenant est le futur peintre Paul Gauguin, alors âgé de 18 ans et inscrit au quartier du Havre. Au cours de ce voyage, le 30 Octobre 1867 à 04h30 du matin, par fort grain et mer grosse, le petit mât de hune casse au niveau de la chouque et tombe sur le côté bâbord, vergues et gréement entrelacés avec le gréement resté intact. Il faudra 6 jours de travail difficile et dangereux, au milieu de lourdes pièces de bois constamment en mouvement en raison du violent roulis, pour tout remettre en ordre. Le 5 Novembre, l’avarie était réparée et les huniers bordés. Le capitaine Toury note simplement : « continué ma route ». Il entrera au Havre, dans le bassin de l’Eure le 13 Décembre à la marée du matin.
Mais quelle expérience pour le jeune Gauguin ! Et quels hommes que ces marins cap-horniers !
Le CHILI (1) fut désarmé à Bordeaux le 14 Juin 1879 et termina sa carrière comme ponton, magasin pour le nitrate de soude. Triste fin d’un beau clipper dont voici une représentation.

Image

Caractéristiques du CHILI (2)

Trois-mâts barque en fer
2025 tpl 1378 tx JB 1272 tx JN
Longueur 70,89 m Largeur 11,06 m Creux 6,54 m

Voici le CHILI au mouillage de Taltal fin 1914. Photo du capitaine Irénée Le Coat (source "Cap-Horniers Français" de Brigitte et Yvonnick Le Coat)

Image

Et un autre cliché du CHILI dans la cale sèche d’Anvers. Cette photo, prise en 1895 se trouve au National Maritime Museum de Greenwich.

Image

Au cours de sa carrière CHILI aura dix neuf commandants pour des équipages d’environ 23 hommes. Parmi ces commandants, citons Yves Nicolas qui disparaitra sur le JACQUELINE, et Félix Lecoq qui sera capturé par le SEEADLER sur l’ANTONIN.

La perte du CHILI

Capitaine Jacques OLLIVIER CLC né le 03/11/1879 à Trémeven inscrit à Paimpol
Second Louis MARCEL inscrit à Cancale
Louis Marcel était un rescapé de l’ACONCAGUA coulé le 1er Janvier 1917 par l’U 70.

Le voilier est armé de deux canons. Son équipage est de 24 hommes dont 4 canonniers et 2 quartiers maitres fusiliers.
Il prend la route du Horn fin Mars 1917. Le 8 Août il est à Iquique où deux matelots sont débarqués disciplinaires. Un seul est recruté sur place, Albert Houssin, du quartier de Saint Malo. Il revient donc vers l’Europe avec 23 hommes.

Le 13 Décembre à 19h30, à 150 milles de l’entrée de la Manche, par 47°40 N et 07°14 W trois coups de canons sont entendus, provenant d’un sous-marin invisible. La nuit est tombée.
Le capitaine Ollivier écrit dans son rapport :

« J’ai donné l’ordre de charger les pièces. Mais le vent est faible et le navire gouverne à peine. J’ai fait mettre les embarcations à la mer et embarquer l’équipage. Je suis resté avec les canonniers sur la dunette. Mais l’obscurité m’empêche de rien distinguer. J’ai alors décidé de faire embarquer tout le monde ».

Le risque était devenu trop grand de recevoir une torpille sans rien pouvoir faire.

La baleinière du capitaine avec neuf marins va toucher la côte près d’Audierne.
La baleinière du second, Louis Marcel, sera récupérée par le vapeur suédois EDITH FISH qui les débarquera dans le port de Fécamp le 16 Décembre. Les marins de cette baleinières sont, d’après le journal « Le Phare de la Loire » du 20 Décembre :

Louis Marcel second
Joseph Poulain, Jules Olivier, Albert Houssin de Saint Malo
Louis Huchet de Saint Nazaire
Alain Kerouredan d’Audierne
Pierre Guillou de Groix
Jean Bernard et Ferdinand Raffo du 5e dépôt
Georges Berthon du 1er dépôt

Les 23 hommes du CHILI sont donc saufs.

Le sous-marin attaquant

C’était l’UB 54 de l’OL Egon von Werner

Pour compléter, voici une magnifique photo montrant les trois-mâts CAMBRONNE et CHILI amarrés à couple dans le port de Nantes, au quai de la Fosse. Deux futures victimes de la Grande Guerre… !
Compte tenu de la concomitance des escales, ce cliché n’a pu être réalisé que dans la 2e quinzaine d‘Avril 1912 ou dans la dernière semaine de Février 1914.
Source « Histoire de l’Armement Bordes » Claude et Jacqueline Briot

Image

Cdlt

Olivier
olivier
Avatar de l’utilisateur
Yves D
Messages : 1984
Inscription : ven. mai 18, 2007 2:00 am
Localisation : Toulon
Contact :

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par Yves D »

Je remonte le sujet pour y revenir
Cdlt
Yves
www.histomar.net
La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.
Avatar de l’utilisateur
Yves D
Messages : 1984
Inscription : ven. mai 18, 2007 2:00 am
Localisation : Toulon
Contact :

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par Yves D »

Bonjour Olivier, bonjour à tous
UB 54, Oblt Egon von Werner, avait pris la mer le 8 Décembre à destination de la Manche et de ses atterrages occidentaux.
Le 13 à la tombée de la nuit, il rencontrait le Chili à 100 m dans l'ouest d'Ouessant et l'attaquait. Au matin du 14, le trois-mâts abandonné était coulé d'une torpille lancée "en coup de grâce".
Confronté à du très mauvais temps, le 15 von Werner revenait dans la Manche où il coulait à la torpille les vapeurs Norris (norv.) le 20, Orne (fra.) le 21 et Ragna (norv.) le 23, tous dans le secteur entre Portland et la Baie de Seine.
Le 24, UB 54 était de retour à sa base de Zeebrugge.

Cdlt
Yves
www.histomar.net
La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.
Rutilius
Messages : 15366
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

CHILI [II] — Trois-mâts barque — Armement Ant.-Dom. Bordes & Fils (1885~1917).

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,

L’Ouest-Éclair — éd. de Caen —, n° 5.617, Jeudi 20 décembre 1917, p. 4.

L.O.E. 20-XII-1917. - .jpg
L.O.E. 20-XII-1917. - .jpg (82.92 Kio) Consulté 649 fois

Le Phare de la Loire — éd. de Caen —, n° 32.045, Jeudi 20 décembre 1917, p. 8.

L.P.L. 20-XII-1917. - .jpg
L.P.L. 20-XII-1917. - .jpg (68.68 Kio) Consulté 647 fois
Dernière modification par Rutilius le dim. nov. 13, 2022 9:21 am, modifié 2 fois.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
olivier 12
Messages : 4029
Inscription : ven. oct. 12, 2007 2:00 am

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Un petit complément concernant le CHILI

Liste complète de l’équipage

OLLIVIER Jacques Capitaine Paimpol
MARCEL Louis Second Cancale
LEPINE Arthur Lieutenant Saint Nazaire
LE GONIDEC Louis Charpentier Paimpol
GOULIN Joseph Cuisinier Saint Malo

GUYOT Jean Matelot Paimpol
MAES Léon Matelot Dunkerque
AUFFRAY Jean Matelot Dinan
KEROUREDAN Alain Matelot Audierne
OLIVIER Jules Matelot Saint Malo
LE COSSEC Sébastien Matelot Quimper
BRIAND Jules Matelot Cancale
PAULIN Joseph Matelot Fort de France
MERRER Louis Matelot Tréguier
HOUSSIN Albert Matelot Saint Malo
HUCHET Louis Mlot léger Saint Nazaire
CHAUVEL Louis Mousse Paimpol

Militaires

BERNARD Jean QM canonnier 5e dépôt
TANGUY Yves QM canonnier Le Conquet
LE BAIL Yves Canonnier Lorient
BERTHON Georges Canonnier 1er dépôt
RAFFO Ferdinand Canonnier 5e dépôt
GUILLOU Pierre Canonnier Groix

Ces noms proviennent de la liste établie d’après le rôle d’équipage après la récupération des naufragés. On note le matelot martiniquais Paulin (et non Poulain) et le matelot léger Huchet Louis, prénommé aussi Raymond ou Alphonse dans d’autres documents.
Arthur Lépine, porté comme lieutenant au rôle, était en fait le maître d’équipage.

Conclusions de l’officier enquêteur

L’officier enquêteur n’est pas tendre pour le capitaine Ollivier.

Il écrit :

« Le capitaine a ordonné l’évacuation au bout de 20 minutes. Il a fait mettre les canonniers à leur poste et a fait régler la hausse à 800 m. Mais il n’a pas donné l’ordre de tirer. Il a tenté de voir le sous-marin avec ses jumelles, mais personne n’a pu voir le sous-marin avant l’abandon.
C’est dans la baleinière, après avoir quitté le voilier, que le capitaine s’est trouvé soudain en face du sous-marin. Vraisemblablement, le sous-marin n’a pas vu la baleinière qui a aussitôt mis cap à l’est.

Le canot du second est resté toute la nuit sur les lieux, à environ deux milles, tandis que les Allemands étaient montés sur le CHILI. Il espérait que, pour une raison quelconque, le sous-marin avait renoncé à le couler. Vers 07h30 du matin, il a fait route sur le voilier. Alors qu’il avait parcouru 500 m, le sous-marin a soudain ouvert le feu sur le trois-mâts. Le second a aussitôt fait demi tour et mis le cap à l’est. A 10h00 du matin, le CHILI n’avait toujours pas coulé. Le jour même, le canot du second était récupéré par le vapeur suédois EDITH FISH qui débarquera les naufragés à Fécamp.

L’embarcation du capitaine est arrivée dans l’anse du Loch, près d’Audierne. Il y avait dix hommes dans le canot du second et 13 dans celui du capitaine. Tout l’équipage a donc été sauvé.

Le capitaine est blâmable car il a évacué son bâtiment beaucoup trop tôt. Assurément, il ne voyait pas le sous-marin (la nuit étant tombée) et son bateau n’était pas manoeuvrant faute de vent. Mais il pouvait attendre, tout en prenant des dispositions pour évacuer. Le sous-marin n’avait tiré que trois obus dont aucun n’avait atteint le voilier. C’était peut-être des coups à blanc. Il n’y avait donc pas péril en la demeure. La brise aurait pu se lever, permettant alors au voilier de gouverner.

Il semble qu’il ait été influencé par une partie de son équipage, très excité (craignant un torpillage) et en particulier par le maitre d’équipage Arthur Lépine, de Nantes, porté comme lieutenant au rôle, et qui s’est fait remarqué par son manque de sang-froid et a contribué au désordre.
Le capitaine est cependant resté sur la dunette jusqu’au dernier moment avec les canonniers dont la conduite a été très correcte. Mais il n’a pas donné l’ordre de tirer.
De plus, aucun rôle de combat n'était affiché sur le navire et aucun exercice de combat n'avait eu lieu pendant la traversée. Le capitaine n'avait pas préparé moralement son équipage au combat. »

Commentaire

Ces appréciations de l’officier enquêteur sont pour le moins étonnantes.
On se demande pourquoi le capitaine Ollivier aurait donné l’ordre de tirer puisqu’il ne voyait rien. Estimer que les trois coups de canon étaient peut-être à blanc est pure spéculation. Assurer que la brise aurait pu se lever et rendre le voilier manoeuvrant relève du fantasme. Quand à écrire doctement qu’il n’y avait pas péril en la demeure alors que l’équipage s’attendait à tout instant à recevoir une torpille, il faut quand même l’oser !
Mais, assis confortablement derrière un bureau, il est facile de refaire l’histoire.
On retrouve toutefois là l'incompréhension de quelques officiers de marine devant les réactions des capitaines du commerce qui cherchaient à préserver leurs équipages. Ils estimaient que, puisqu'on avait mis deux petits canons sur leurs voiliers, ces hommes devenaient des commandants de navires de guerre, prêts à sombrer pavillon haut avec tous leurs hommes. Mais il n'en était rien. Les grands voiliers chargés étaient des proies particulièrement vulnérables et les capitaines, conscients de la valeur que représente un équipage, cherchaient avant tout à le préserver d'un sacrifice totalement absurde et inutile.

Autre document

Un autre document est joint au dossier CHILI.
C’est une lettre de l’Union des Anciens Combattants (sis à Nantes, 3 rue Santeuil) envoyée au Ministre de la Marine Marchande et qui demande que la mention « Mort pour la France » soit inscrite sur l’acte de décès du matelot léger HUCHET Alphonse (prénom apparemment incorrect).
Huchet est décédé le 12 Septembre 1918 d’une maladie dont l’origine remonte au naufrage du CHILI. Cette maladie serait due au fait qu’il est resté trois jours dans une petite embarcation sans aucun vêtement chaud en Décembre 1917.

Cdlt
olivier
Rutilius
Messages : 15366
Inscription : mar. avr. 22, 2008 2:00 am

Message par Rutilius »

[Message supprimé]
Dernière modification par Rutilius le dim. nov. 13, 2022 10:13 pm, modifié 1 fois.
Iquique
Messages : 3
Inscription : mer. avr. 17, 2013 2:00 am

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par Iquique »

Bonjour,

Je lis votre bien intéressante contribution relative à la campagne du Chili I en 1867.

L'image m'intrigue car elle ne montre ni le pavillon ni le nom du navire, pas davantage celui de l'artiste, la date de la peinture, le lieu où elle est conservée, etc. Comment être sûr qu'il s'agit bien du Chili?

Quant aux notes du capitaine Toury, elles invitent bien sûr à se demander si son journal a été conservé.

Vous serait-il possible de me préciser vos sources?

D'avance, merci de votre aide.
Meilleures pensées.

Iquique
Iquique
olivier 12
Messages : 4029
Inscription : ven. oct. 12, 2007 2:00 am

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par olivier 12 »

Bonjour Iquique,

Le tableau est du peintre E. Tanguy.
Source concernant ce navire : "Cap-Horniers français" de Claude et Jacqueline Briot (un ouvrage superbe et fort documenté) Edition du Chasse-Marée. P 294.
Source des autres documents : archives de Vincennes

Cdlt
olivier
Memgam
Messages : 3648
Inscription : lun. nov. 23, 2009 1:00 am

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par Memgam »

Bonjour,

Les informations relatives à Chili (I), citées par Olivier 12, sont extraites de l'ouvrage de Claude et Jacqueline Briot, Cap-horniers français, 2. Histoire de l'armement Bordes et de ses navires, chasse-marée, 2003. La monographie concernant Chili (I) se trouve en pages 293 à 295, la représentation du tableau est en page 294 avec la légende suivante : " Vingt-quatre faux sabords sur la coque de Chili 1856 ! Même si le peintre E. Tanguy a probablement exagéré leur nombre, avec ses 1277 tonneaux de jauge, ses six étages de voilure, son gréement en barque, ses quatre focs et ses voiles d'étai établies, ce navire n'avait rien à envier aux grands clippers américains de son temps". Le crédit photographique est : coll. Tanguy/cliché Michel NGuyen.
Quant aux informations du capitaine Tourny, comme indiqué dans le livre, elles viennent du rapport de mer du capitaine, qui a donc été déposé au tribunal de commerce du Havre et ensuite conservé aux archives départementales de Seine maritime à Rouen.

Cordialement.
Memgam
Iquique
Messages : 3
Inscription : mer. avr. 17, 2013 2:00 am

Re: CHILI Compagnie Bordes

Message par Iquique »

En les priant d'excuser le retard, un grand merci à Olivier 12 et Memgam pour leurs réponses rapides et précises.

J'ai pu lire à Vincennes quelques journaux de bord des navires de l'Etat, mais les archives de la marine marchande, en principe, n'y sont p
Iquique
Répondre

Revenir à « Navires et équipages »