JACQUELINE
Construit en 1897 aux chantier FCM de La Seyne sur mer pour la compagnie A.D. Bordes. Il prit le nom de JACQUELINE, prénom de la fille ainée de l’armateur.
Caractéristiques du JACQUELINE
Quatre-mâts barque en acier type 4ba (identique au PERSEVERANCE)
4000 tpl 2899 tx JB
Longueur 97,87 m Largeur 13,70 m Creux 8,28 m TE 6,78 m
Dunette et gaillard courts
Voici le JACQUELINE sous voiles, à l’appareillage

Incidents de navigation
En 1902, arrivant du Chili, JACQUELINE s’échoua sur le bancs des têtes avant de rentrer à Dunkerque, mais s’en tira sans dommages.
En revanche, il faillit se perdre en 1907 suite à un incident absolument unique dans les annales maritimes.
Par brume épaisse réduisant la visibilité à quelques mètres, deux remorqueurs anglais conduisaient le navire à son port de chargement dans le canal de Bristol. Les patrons des remorqueurs cherchaient à percevoir le signal sonore du phare du Loup ; l’ayant entendu, ils passèrent chacun de leur côté de cette roche accore et étroite … Le quatre-mâts alla planter son beaupré à la base même du phare qui la signale. Heureusement, la vitesse étant très faible les dégâts furent peu importants. Le beaupré fut tordu à 45° et il fallut rentrer à Falmouth pour réparations.
JACQUELINE était un bon marcheur et sa plus belle traversée fut Barry – Iquique en 72 jours, en 1906.
Voici un cliché de l’état-major de JACQUELINE en 1902 (7e voyage) Source : "Souvenirs des marins de la Compagnie Bordes" de Brigitte et Yvonnick Le Coat Coll. Le Coat/Marc Rapilliard)

Ce cliché est fort intéressant. On y voit réunis :
Le capitaine Emile ANDRE (avec le chien) né le 09/10/1853 à St Lunaire inscrit à St Malo
Second François BEQUET qui sera coulé le 24/09/17 capitaine du PERSEVERANCE (deux jours avant le torpillage du JACQUELINE) Il assistera d’ailleurs quasiment en spectateur à la fin de ce voilier.
Et sur l’arrière de gauche à droite, en uniforme de la compagnie Bordes, les lieutenants Louis BAILLEUX,Pierre CADIC et Irénée LE COAT.
Louis Bailleux trouvera la mort, capitaine du BLANCHE, torpillé par l’U 151 le 19/09/17 (six jours avant le torpillage du JACQUELINE) – voir fiche de ce navire-
La perte du JACQUELINE
Capitaine Yves NICOLAS né le 30 Octobre 1872 à Tréguier inscrit à Tréguier
Second Alphonse RIOU né le 23 Août 1884 à Dieppe inscrit à Dieppe
1er lieutenant Emmanuel CAMUS né le 10 Juillet 1875 à Saint Lunaire inscrit à Saint Malo
2e lieutenant Louis NICOLAS
L’équipage comportait 35 hommes, officiers compris.
Voici une photo du capitaine Yves Nicolas

Yves Nicolas, vieux et fidèle ami du capitaine Lacroix, était un personnage enjoué, au caractère gai et ouvert. Lacroix raconte une soirée passée à Iquique, en Août 1909, alors que trente deux grands voiliers s’y trouvaient en charge. Avec des capitaines allemands, italiens, norvégiens, et les capitaines français LEFF et NICOLAS, ils avaient alors fêté les quarante ans de navigation d’un vieux collègue anglais. De telles soirées laissaient bien des souvenirs…Ces hommes ne savaient pas que, quelques années plus tard, ils deviendraient adversaires sur les champs de bataille, ennemis sur ces mers qui les unissaient.
Nul n’a jamais su comment finit le quatre-mâts JACQUELINE, car il n’y eut aucun rescapé. Arrivant du Chili chargé de nitrate, le voilier suivait la même route que PERSEVERANCE, coulé le 24 Septembre.
Le 25 Septembre 1917, par 46°26N et 13°10W, il fut rencontré par le paquebot anglais VICTORIA, de la Pacific Steam Navigation Company, celui-là même qui venait de recueillir les naufragés du PERSEVERANCE. A bord se trouvait donc le capitaine François Béquet de ce voilier Bordes, qui avait été second du JACQUELINE en 1902 (photo ci-dessus), et c’est par lui que nous connaissons les dernières heures du JACQUELINE.
Récit du capitaine BEQUET
« Le 25 Septembre, je me trouvais sur le steamer VICTORIA à bord duquel nous venions d’être recueillis après la perte de notre navire. Nous faisions route à l’ouest à 13 nœuds.
A 09h50 nous avons passé par le travers du quatre-mâts JACQUELINE. Nous étions alors à 46°26N et 13°10W. En passant par notre travers JACQUELINE a envoyé son code international JPQB auquel le vapeur a répondu par « Aperçu ». Le vapeur a signalé à JACQUELINE de faire attention aux sous-marins, et celui-ci a répondu qu’il était poursuivi. On voyait un homme en vigie au mât d’artimon, capelage de flèche. Le vapeur a aussitôt forcé sa vitesse et envoyé un appel par TSF, comme il l’avait fait tôt le matin quand nous avions embarqué à bord.
Nous avons continué à le suivre à la vue et, soudain, la vigie du vapeur a aperçu un sous-marin par tribord du JACQUELINE et assez près. Au même moment, nous avons aperçu à l’œil nu la gerbe d’eau que faisait un obus tombant sur bâbord arrière du voilier. Il fit une grande embardée, puis revint peu après à son cap initial.
Les officiers du VICTORIA qui observaient aux jumelles disent avoir vu mettre l’embarcation bâbord à l’eau. Mais la brume est tombée et, les navires s’écartant très vite, nous n’avons pas revu JACQUELINE.
A 10h20, continuant notre route en zigzag, nous avons croisé une flottille de patrouilleurs de douze unités, dix patrouilleurs et deux torpilleurs. Par signaux, nous leur avons fait savoir qu’un voilier était attaqué par un sous-marin et avons indiqué l’azimut et la distance à laquelle se trouvait ce voilier. Il ont mis l’aperçu, mais n’ont pas répondu à l’appel TSF et ont continué leur route à l’est.
Après cela, nous avons continué notre route sans plus rien voir d’anormal ».
Le VICTORIA, qui n’était pas armé, avait rempli sa mission en informant la patrouille, mais celle-ci n’a rien pu faire pour sauver le quatre-mâts du sous-marin qui le poursuivait. On ne retrouva jamais la moindre trace de JACQUELINE et de son équipage.
Le sous-marin attaquant
C’était le sous-marin U 101 du KL Karl KOOPMANN
Quelques années plus tard, on sut ce qui était arrivé par le rapport de guerre du lieutenant de vaisseau Koopmann, commandant l’U 101.
En fait, le 25 Septembre une première torpille manqua le JACQUELINE. Le sous-marin dut s’éloigner car des escorteurs approchaient. La brume lui fit perdre le voilier.
Mais à l’aube du 26, il retrouva le JACQUELINE qui poursuivait sa route et plaça une torpille au but.
La position donnée du naufrage est 46°21N et 09°44W. JACQUELINE avait donc poursuivi une route ESE.
Voici une aquarelle de Marin Marie montrant ce magnifique voilier.

Cdlt
Olivier