Bonjour,
En retraçant la vie de mon grand-père, Charles Augustin BAULE, j'ai été amené à me pencher sur l'arrivée de "l'Emden" dans la baie de Pénang. Je livre ici le récit que j'ai pu en faire:
Le lieutenant BAULE aura pour premier commandement celui de La Fronde, qui fait parti des torpilleurs de Saigon. La Fronde a été, lui, lancé à Bordeaux, aux Chantiers de la Gironde, en 1902. petit bâtiment de 56 mètres de long et 6 mètres de large. Deux tubes lance-torpilles pivotants, l'un à l'avant, l'autre à l'arrière. Ce bateau n’était pas en très bon état : il avait subi les affres d’un typhon à Hongkong en septembre 1906, broyé par le heurt des navires voisins il coula. Bien que réduit à une sorte de langue de ferraille, il fut renfloué et reçu à Hongkong un nouvel avant et continua sa carrière.
A Penang il participe au Combat naval du 28-10-1914 :
Ce combat oppose le croiseur allemand Emden à des navires français et russes, dans le port de Penang, île de la côte ouest des Indes Néerlandaises (aujourd'hui Malaisie), dans le détroit de Malacca.
La Première Guerre mondiale a commencé en août 1914. Dans le Pacifique, les allemands possèdent une concession en Chine, à TsingTao. Elle abrite une escadre. L'escadre part pour une croisière qui s'achèvera aux Falklands. Le croiseur Emden part de son côté, comme corsaire, faire la guerre au commerce allié. Avant l’affaire de Penang depuis juillet 1914 et il avait coulé en trois mois dans l'océan Indien 22 navires de commerce.
Le port de Penang est sous contrôle britannique, en plus de nombreux navires marchands, on trouve des navires de guerre français et russes.
Le 27 octobre 1914 au soir, la situation est la suivante :
L’aviso d'Iberville mouillé dans la passe a commencé le démontage complet de ses machines. La Fronde est accosté à la jetée, machines démontées. Le Pistolet, accosté à la Fronde est prêt à marcher en une heure, sa T.S.F. peut recevoir mais pas émettre. Le Mousquet assure la grand-garde.
Le croiseur russe Yemtchoug est depuis le 26 octobre à Penang, pour réviser ses chaudières. Il avait été détaché pour participer à la chasse du corsaire allemand, l’Emden. Il arbore 3 feux blancs. Son commandant, le baron Tcherkassov, était resté à terre ayant fait venir sa femme passer 4 jours à Penang. Les marins permissionnaires ont été ramenés à bord dans un état d'imprégnation alcoolique important. Seuls 2 des canons sont armés, 6 obus chacun, le reste des munitions restant enfermé dans les soutes.
Vers 5h30, peu avant l'aube, un navire à 4 cheminées approche du port. 4 cheminées, c'est à dire comme les croiseurs britanniques de la classe Yarmouth. Il s'agit en fait de l'Emden qui a gréé une fausse 4e cheminée...Quand il a le russe sur son tribord, il ouvre le feu et lance une torpille. Celle-ci atteint sa cible à l'arrière. L'équipage russe cherche à riposter mais un canot été projeté sur le canon arrière. Les marins doivent amener les munitions disponibles au canon avant. Mais leur tir est sans résultat. L'allemand fait demi-tour. En repassant devant le Yemtchoug, il lance sa torpille bâbord. Le russe se brise en deux et coule. Les navires français ne peuvent intervenir.
Augustin BAULE a la rage de ne pouvoir rien faire quand l’Emden coule sous ses yeux le Yemtchoug ; voici son récit à son épouse sur cet évènement :
« Et nous, pendant ce temps là, nous assistions impuissant à ce terrible drame, accostés à l’appontement, sans pression, sans pouvoir même tirer un coup de canon ; nous regardions tout cela ahuris, la rage au cœur de ne pouvoir rien faire et attendant tout simplement que notre tour vint. Quant il aura fini avec le Yemtschoug, nous disons nous, il se retournera contre nous et, en dix coups de canon, il nous enverra par le fond. A chaque bordée nouvelle de l’Emden chacun disait tout haut : celle-là est pour nous et on s’attendait à recevoir les projectiles. Mais non, tout est pour le Russe Mais quand celui-ci a été achevé il nous a paru de plus en plus évident que notre tour était arrivé ; aussi, quel n’a pas été notre étonnement de voir l’Emden s’ébranler et manœuvrer tout doucement pour sortir de la rade. Cela ne nous paraissait pas possible. Mais si, le bateau s’éloignait petit à petit, canonnant en partant une chaloupe à vapeur qu’il prenait sans doute pour un torpilleur, et alors nous nous sommes tous regardés, n’en pouvant croire nos yeux de nous voir tous en vie. Par quel miracle avons nous échappé à une mort qui, quelques minutes avant, nous paraissait si évidente, je me le demande. Peut être l’Emden ne nous a-t-il pas vus, nos coques grises, dans la pénombre du petit jour se confondant avec le noir de l’appontement… Je ne saurai pas te peindre mes émotions pendant les dix minutes qu’a duré cette tragédie, mais jamais de ma vie je n’oublierai ce réveil par la canonnade, ce spectacle d’un combat naval tout près de nous, ce serrement de cœur en voyant ce pauvre bateau russe littéralement écrabouillé et si vite achevé et, par dessus tout, cette impression si angoissante de sentir qu’il n’y a plus rien à faire qu’à attendre la mort. Eh bien, malgré tout, il n’y a pas eu à bord le moindre affolement ; chacun faisait automatiquement ce qu’il avait à faire, avec la sensation cependant bien nette que tout ce qu’on faisait était bien inutile. Mais je n’ai vu personne manifestant par exemple une velléité quelconque de se sauver alors qu’il était bien facile de filer sur l’appontement sans même qu’on puisse le voir. Et pourtant ces braves marins se rendaient bien compte, comme moi, que c’était fini ; l’un d’eux pleurait à chaudes larmes sans trop savoir pourquoi, je crois, et cela faisait rire les autres. Et chez tous c’était la même rage de ne rien pouvoir faire. Le sentiment unanime c’était que d’aller par le fond ce n’était rien, mais y aller sans même avoir pu tirer un coup de canon, sans se défendre, subir sans résistance cette boucherie dont nous venions d’avoir le spectacle pour nos pauvres amis russes, cela paraissait par trop dur. Ah ! ma pauvre chérie, par quelles minutes nous avons passé là ! Et cependant ne t’imagine pas que ce soit si terrible que cela ; je m’imaginais que c’était plus dur, qu’on devait perdre la boule à des moments pareils ; mais non, on reste bien soi-même, on se sent le cœur un peu serré à l’idée du grand saut à franchir, on pense un peu plus vivement à tous les siens, mais surtout on a trop à faire dans des cas pareils pour penser à soi ».
L’Emden s’éloigne et c'est le petit torpilleur Mousquet au large, en surveillance qui se précipite à l'assaut. La seule arme qui lui permette d'infliger des dégâts au corsaire est une torpille. Mais d'un modèle ancien, elle ne porte qu'à 600 mètres. La troisième salve de l’Emden atteint le torpilleur, les suivantes le détruisent. Müller, commandant du croiseur allemand recueille les survivants.
J'espère que ce récit permettra à la division navale de l'Indochine, quelque peu oublié par l'Etat-major français, d'exister à nouveau.
Mes sources :
-Service historique de la Marine, Vincennes : dossier militaire de Charles Marie Augustin Baule.
-Claude Farrère et Paul Chack : Combats et batailles sur mer.1925.
-Lettres d’Augustin Baule à son épouse Marthe (1914-1915).
Bien cordialement à tous.
Michel
Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Re: Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Bonjour Michel,
Bonjour à tous,
Un très grand merci pour ce témoignage familial concernant l'affaire de Penang. Nous avions, par ailleurs, évoqué dans la rubrique cette attaque de l'Emden dans le sujet consacré au Mousquet
, votre contribution apporte là aussi un éclairage nouveau, il y manquait la dimension humaine. Si d'aventure, vous aviez d'autres anectodes, soyez-en remercié par avance.
Un petit mot sur les "plus" du forum : vous disposez d'un moteur de recherche (case + loupe en haut à droite). Afin de garder une cohérence dans les thèmes de discussion, je vous invite, si vous le voulez bien, à poster à la suite du sujet principal (sinon nous risquons de nous retrouver avec une foultitude de messages éparpillés, bien que "traitant" d'un même sujet, perdant ainsi de leur impact ce qui serait bien dommage, sans parler des difficultés de consultation, qu'en pensez-vous ?).
Bonne journée à vous,
Cordialement,
Franck
Bonjour à tous,
Un très grand merci pour ce témoignage familial concernant l'affaire de Penang. Nous avions, par ailleurs, évoqué dans la rubrique cette attaque de l'Emden dans le sujet consacré au Mousquet
, votre contribution apporte là aussi un éclairage nouveau, il y manquait la dimension humaine. Si d'aventure, vous aviez d'autres anectodes, soyez-en remercié par avance.
Un petit mot sur les "plus" du forum : vous disposez d'un moteur de recherche (case + loupe en haut à droite). Afin de garder une cohérence dans les thèmes de discussion, je vous invite, si vous le voulez bien, à poster à la suite du sujet principal (sinon nous risquons de nous retrouver avec une foultitude de messages éparpillés, bien que "traitant" d'un même sujet, perdant ainsi de leur impact ce qui serait bien dommage, sans parler des difficultés de consultation, qu'en pensez-vous ?).
Bonne journée à vous,
Cordialement,
Franck
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
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Re: Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
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- Terraillon Marc
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- Inscription : mer. oct. 20, 2004 2:00 am
Re: Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Bonjour
Voici une vue du navire en 1905 aprés un coup de vent...

A bientot
Voici une vue du navire en 1905 aprés un coup de vent...

A bientot

Cordialement
Marc TERRAILLON
A la recherche du 17e RIT, des 166/366e RI et du 12e Hussards.
Marc TERRAILLON
A la recherche du 17e RIT, des 166/366e RI et du 12e Hussards.
Re: Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Merci à Marc Terraillon,
Je prends note que le typhon qui a broyé la Fronde a eu lieu le 18 Septembre 1905, si le commentaire sous la photo est exact.
Je ne m'étonne pas qu'Augustin Baule se plaignait sans cesse des ennuis mécaniques survenant sur son bateau.
Cordialement
Je prends note que le typhon qui a broyé la Fronde a eu lieu le 18 Septembre 1905, si le commentaire sous la photo est exact.
Je ne m'étonne pas qu'Augustin Baule se plaignait sans cesse des ennuis mécaniques survenant sur son bateau.
Cordialement
Re: Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Suite du récit de Charles Augustin BAULE, commandant de la Fronde (extrait de lettres à son épouse)
Bonjour à tous,
Je pense qu’il peut être intéressant, bien que la bataille de Penang soit connue, d’en avoir un récit par un témoin des événements.
Dimanche 1er nov 8h soir
….Nos émotions ne se sont pas terminées là une fois l’Emden parti. D’abord, à peine était-il à la sortie de la rade que nous l’avons entendu recommencer sa canonnade. Nous ne pouvions rien voir de l’endroit où nous étions, mais il était bien évident qu’il était en train de se battre avec le Mousquet qui était de garde dehors. Et, dès le début, le sort de notre pauvre camarade n’a pas fait pour nous l’ombre d’un doute. Que pouvait le pauvre petit Mousquet seul contre un croiseur rapide et bien armé ! Et nous avons su en effet par les spectateurs du combat que le pauvre Mousquet avait bravement mais vainement essayé de charger l’Emden. Ce dernier, manœuvrant habilement pour se tenir hors de la portée des coups du Mousquet, alors qu’il le criblait de ses projectiles. Au bout de dix minutes la canonnade cessait, le Mousquet était par le fond. Nous avons su depuis que l’Emden avait sauvé les survivants, 36 hommes parait-il, soit un peu plus de la moitié de l’équipage, parmi lesquels il y aurait, dit-on, le commandant et le second. Mais là dessus rien de sûr. C’est avec bien de la tristesse que nous avons su le sort de ces malheureux camarades et l’incertitude où nous sommes encore de savoir si tel ou tel est encore en vie est bien triste. Enfin, ce brave Mousquet a fait courageusement son devoir, c’est une consolation pour notre petite flottille, déjà si peu nombreuse, et qui se trouve maintenant bien réduite. Ce qui nous navre tous c’est que si, comme nous n’avons cessé de le demander depuis le début de la guerre, on nous avait toujours laissés groupés, au lieu de nous tenir toujours séparés, ce malheur ne serait pas arrivé et nous serions probablement arrivés à couler l’Emden. Seul, un torpilleur n’est bon à rien, à trois nous n’étions pas encore une force bien imposante, mais nous pouvions réussir. Et nous ne sommes plus que deux maintenant, Pistolet et Fronde, et encore est-ce par miracle que nous soyons encore sur l’eau.
Je reprends la suite des évènements de cette journée sensationnelle. Le combat du Mousquet a dû se terminer vers sept heures. Pendant ce temps là nous poussions les feux activement, le Pistolet et la Fronde, de façon à être prêts à marcher. Nous n’avons pu être prêts que vers 8 heures. Nous sommes alors partis à toute vitesse pour nous lancer à la poursuite de l’Emden dont on voyait encore la fumée à l’horizon. Malheureusement il allait plus vite que nous, l’animal, et, petit à petit la fumée s’estompait. Vers 11 heures le Pistolet me prévient qu’il a une avarie et qu’il est obligé de ralentir. Nous voilà donc obligés de renoncer à notre poursuite, la rage au cœur d’être si impuissants.
Il restait encore quelque chose à faire, c’était d’arriver à entrer en communication avec les croiseurs anglais et japonais qui tiennent leur croisière au large, pour les prévenir de la situation. Mais le Pistolet était incapable de le faire, avec son avarie ; le d’Iberville avait aussi ses machines plus ou moins en botte ; il ne restait donc que la Fronde. On m’a demandé si je pouvais me charger de la mission ; j’ai immédiatement accepté et nous sommes partis à toute allure du côté de Pulo Weh. Nous avons fait là une randonnée de 48 heures pendant lesquelles je n’ai guère dormi. Car nous nous demandions à chaque instant si nous n’allions pas tomber sur l’Emden, et à chaque fumée aperçue c’était une émotion nouvelle. Du moins notre mission aura servi à quelque chose car nous avons pu entrer en communication, par la tsf, avec un croiseur japonais qui, lui, se chargera de prévenir les autres. Ainsi l’alerte est sonnée et je pense qu’on va se mettre sérieusement à la poursuite de cet Emden qui n’a que trop fait parler de lui.
Nous sommes rentrés vendredi à Penang et le soir même nous repartions avec le Pistolet pour tenir le large, l’Emden ayant été, paraît-il, signalé encore dans le voisinage. Nous n’avons d’ailleurs rien trouvé, mais maintenant nous pouvons bien nous attendre à vivre dans une perpétuelle alerte.
Il est décidé d’ailleurs que nous resterons toujours prêts à appareiller au moindre signal ; mais c’est un régime qui ne pourra pas durer bien longtemps, d’abord parce que les machines de torpilleurs ne sont pas faites pour cela, ensuite parce que le personnel ne pourra pas non plus résister à la fatigue supplémentaire qui en résultera. Enfin, nous verrons bien ce qui arrivera.
Naturellement il n’est question dans nos conversations que des évènements de cette journée du 28 octobre qui n’est pas prêt de s’envoler de nos mémoires. Un détail typique, c’est l’assurance avec laquelle l’Emden est arrivé pour couler le Yemtschoug au mouillage ; il est plus que probable qu’il avait été prévenu de la présence à Penang de ce croiseur russe et de son indisponibilité momentanée par suite d’une avarie de machine. Il a d’ailleurs employé pour son coup de main une ruse de guerre qui n’a rien de bien élégant. Il s’était fabriqué une quatrième cheminée, ce qui le faisait ressembler d’une façon frappante à un croiseur anglais qui s’appelle le Yarmouth. Si bien même qu’au début du combat nous nous sommes tous dit : c’est une méprise épouvantable, le Yarmouth et le Yemtschoug qui se tirent l’un sur l’autre. Lorsqu’il s’est approché le Yemtschoug lui a fait les signaux de reconnaissance, l’Emden lui a répondu : je suis le Yarmouth et puis, en passant à côté, il lui a lâché toute sa bordée. Tout cela est bien de la manière germanique. Ce qui est de plus dégoûtant c’est que l’Emden a combattu sans même hisser ses couleurs. Cela n’aurait pas changé grand chose qu’il les montrât, mais c’eut été plus propre et son fait d’armes aurait moins ressemblé à un coup de poignard dans le dos. Il les a d’ailleurs hissés plus tard pour combattre le Mousquet. On raconte même que, pour mieux tromper la confiance, il avait arboré, les uns disent le pavillon russe, les autres le pavillon anglais, pour entrer en rade. Cela je ne l’ai pas vu ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il n’avait aucun pavillon lorsqu’il a combattu le Yemtschoug……
Mardi 3 nov.
…. Surtout depuis que ce pauvre Mousquet n’est plus il me paraît de plus en plus évident que la flottille de Saïgon sera supprimée après la guerre. D’ailleurs ces pauvres torpilleurs seront tellement éreintés par le dur service qu’on leur aura fait faire qu’il n’y aura plus qu’à les mettre au rancart…..
Vendredi 6 Nov.
…Même, je suis bien étonné, voilà près de huit jours que nous sommes au mouillage sans bouger ; il y a longtemps que cela ne nous était pas arrivé et je me demande quelle est la surprise qui va nous tomber dessus un de ces jours. Encore une visite de l’Emden ? Je ne crois pas, car il doit bien se douter qu’il ne nous surprendra pas deux fois. En tous cas, s’il venait, nous sommes prêts à le bien recevoir et à lui faire payer cher la perte de notre pauvre Mousquet.
T’ai-je dit que nous avions su que les réchappés, sauvés par l’Emden, avaient été débarqués à Sebang (Pulo-Weh, là où j’ai eu deux fois à aller faire un raid). Nous savons ainsi qu’il en est réchappé 34, plus deux qui se trouvaient ici à l’hôpital, plus un marin annamite qui a réussi à se sauver à la nage. Parmi les officiers, il n’y avait de sauvé qu’une enseigne qui, malheureusement, est mort en arrivant là-bas (Carissau). C’est bien triste, de mourir comme cela, après avoir échappé à la perte de son bateau. Je le connaissais bien, bien qu’il fut un peu plus jeune que moi ; il était second du Fanion, quand j’étais sur le Branlebas. Des autres officiers, le Comt (Théroine) était marié et père d’un petit garçon. Sa femme était venue passer quelque temps à Saïgon, mais était repartie avant la mauvaise saison ; le mécanicien, Bourier, était aussi marié, mais sans enfant ; sa femme est à Saïgon ; enfin il y avait un midship qui venait de passer enseigne le 5 Oct, nommé de Torey, qui était le frère d’un de mes fistots. Pauvres camarades ! Le plus triste, c’est qu’il apparaît de plus en plus évident qu’ils sont tombés sur l’Emden sans même se douter qu’ils avaient affaire à un ennemi. Et ils n’ont même pas eu le temps de fuir, ce qui était à mon avis la seule tactique à adopter, car il était évident que la disproportion des forces était trop grande….
Dimanche 8 nov.
…. Pourtant ils sont vraiment à la dure, mes braves mathurins, et je les plains souvent car, si je trouve pour moi que le confort dont je jouis n’est pas bien considérable, je me dis que j’ai tout de même un peu plus d’air que mes hommes. Leur bon entrain, qui se manifeste toujours aussi vivace qu’au début, leur est vraiment méritoire. Et puis ce sont réellement de braves gens. Ainsi, ces jours-ci, on a ouvert une souscription pour venir en aide aux marins russes survivants du Yemtschoug ; ils ont tous donné avec générosité et on a ramassé à bord la jolie somme de 120 francs, alors que sur le Pistolet on n’a pu trouver qu’une quinzaine de francs. Les pauvres russes sont, paraît-il, dans une situation précaire. Nous nous étonnons un peu de ce que les autorités anglaises n’aient pas pris de mesures pour assurer le nécessaire à ces braves gens qui, somme toute, ont failli laisser leur peau à défendre Penang, port anglais. Plusieurs officiers ont été sauvés ; malheureusement ce sont ceux, paraît-il, qui avaient passé la nuit à terre à faire plus ou moins la fête. Parmi eux, le Commandant, lequel était aussi resté à terre, ayant fait venir sa femme passer quatre jours à Penang. Le pauvre homme est, paraît-il, dans un état d’esprit lamentable, se rendant compte qu’il a fait là une faute qui va lui coûter cher. Car il n’est pas douteux qu’il va passer en conseil de guerre et la discipline russe ne plaisante pas dans des cas pareils….. »
Bien cordialement.
Michel
Re: Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Bonjour Michel,
Merci pour ce passionnant témoignage,
Cordialement,
Franck
Merci pour ce passionnant témoignage,
Cordialement,
Franck
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Combat naval du 28-10-1914 à Pénang
Bonjour Michel
Quelques soucis techniques me tiennent éloigné du forum ces jours-ci. Merci pour tous ces témoignages.
A l'occasion, ne manquez pas d'aller sur le fil du Mousquet, il y a là pas mal de documents en relation avec cette action, notamment reconstituée à partir du journal de bord de l'Emden.
Cordialement
Yves
Quelques soucis techniques me tiennent éloigné du forum ces jours-ci. Merci pour tous ces témoignages.
A l'occasion, ne manquez pas d'aller sur le fil du Mousquet, il y a là pas mal de documents en relation avec cette action, notamment reconstituée à partir du journal de bord de l'Emden.
Cordialement
Yves
www.histomar.net
La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.
La guerre sous-marine 14-18, Arnauld de la Perière
et autres thèmes d'histoire maritime.