Trois-mâts BRENN
Lancé aux chantiers de la Loire, à Saint Nazaire le 17 Mars 1900 pour la Société Celtique Maritime, déjà propriétaire du FERVAAL.
Voilier type CA identique au BELEN (ne pas confondre avec le BELEM)
Bon navire, atteignant les 12 nœuds dans les circonstances favorables.
Pris au neuvage par le capitaine Janot de Cupper.
S’échoue en 1903 à Adélaïde, mais sans conséquences graves.
Vendu en 1907 à Balande et Cie, de Bordeaux, puis en 1912 à la Cie Bordes et Fils.
Au début de la guerre de 14, le BRENN (capitaine Victor Suzanne) est désarmé à Nantes avec les voiliers REINE BLANCHE (cap. Adolphe Nicolas) et JEANNE D’ARC (cap. Olivier Henry).
Mais le Chili a besoin de charbon et les alliés de nitrate. De plus, les navires de guerre réclament des quantités astronomiques de charbon. Malgré les difficultés, les activités vont reprendre, avec chargement de charbon essentiellement à Port Talbot.
Extrait du rôle
Trois-mâts BRENN 1949 tx JN . Immatriculé à Nantes sous le n° 175. Armateur Bordes et Fils.
Armé en date du 14 Novembre 1916 pour un voyage au long cours. Equipage embarqué à l’armement.
Capitaine François BERNOT CLC né le 8 Août 1877 à Lancieux Inscrit à Dinan
Domicilié à Ploubalay
Second François HAMON OMM né le 16 Janvier 1881 à Pordic Inscrit à Binic
Domicilié à Plourhan
« Le 3-mâts BRENN –qui a quitté La Pallice le 14 Janvier 1917- a été canonné et coulé en mer par un sous-marin allemand le 16 Janvier à 17h05 par 45°32 N et 10°20 W . »
Récit du capitaine Bernot
Le 16 Janvier 1917, vers 15h00, j’ai été arraisonné par un sous-marin. Il signale : « Envoyez une embarcation ». Aussitôt, j’ai fait hisser les couleurs nationales et l’embarcation bâbord, armée par le second et six hommes s’est dirigée vers le sous-marin. Arrivés le long de son bord, le second et un marin ont été pris en otages et l’embarcation est revenue à 15h50 avec deux officiers et deux marins allemands, porteurs de deux grosses bombes cylindriques.
Elles ont été placées en côté du navire, dans la cale milieu et dans la cale arrière.
Dès son arrivée à bord, l’un des officiers a amené les couleurs qui flottaient à la corne. Il est entré dans la chambre de veille et y a fait une fouille générale parmi les cartes et les instructions. Il a fait un paquet de tous les pavillons de nationalités, de reconnaissance et du code international. Il a pris le baromètre enregistreur et un réveil m’appartenant. L’autre officier a tout bousculé dans mon appartement mais n’a rien pris. J’ai pu faire disparaitre une feuille confidentielle datant de Mars 1915.
Aidés par les marins, les officiers ont rempli des sacs de provisions diverses : conserves, légumes frais, pommes de terre, viande fraiche, sucre. Ils ont pris aussi les poules qui ont eu la tête tranchée d’un coup de hache. En faisant cela, l’un des officiers, qui parlait un peu français, ne cessait de me dire « - C’est la guerre ! »
Sur ordre, l’équipage a embarqué dans les baleinières et les Allemands sont retournés au sous-marin, emmenant deux otages de plus. Puis, ils ont coulé le voilier. Douze coups de canon ont été tirés.
Les baleinières ont touché terre le 19 Janvier sur la côte espagnole, l’une à la pointe Estaca et l’autre au cap Burela. Le 20 Janvier à 13h00, 21 hommes de l’équipage sur 25 se trouvaient réunis à Vivero.
Le sous-marin attaquant
L’assaillant devait être le sous-marin U 59 du Kapitanleutnant Wilhelm Freiherr von Firks.
Attitude alors rare chez les sous-mariniers allemands, ils prirent donc quatre hommes en otages, ce qui vu l’exigüité des sous-marins était beaucoup. Ces quatre hommes étaient le second, François Hamon, le cambusier, un matelot et, ce qui au premier abord étonne, le mousse du BRENN.
Mais le commandant von Firks expliqua au second Hamon que, le lendemain, il devait rencontrer un neutre et qu’ils seraient aussitôt libérés.
De fait, le 17 Janvier à 08h00, le vapeur danois HANS MAERSK s’approcha du sous-marin. Le capitaine danois vint à bord et reçut l’ordre d’emmener avec lui les gens du BRENN. Le HANS MAERSK, chargé de minerai pour Amsterdam, déposa les Français à Deal (près de Folkestone) avant de poursuivre sa route.
On peut donc penser que le commandant von Firks voulut éviter au mousse une navigation dangereuse et aléatoire dans les baleinières. En Janvier, les conditions météo sont dures sur l’Atlantique, et pendant cette guerre de 14-18 bien des embarcations chargées de naufragés n’ont jamais été retrouvées.
Le déroulement de cette action est un exemple surprenant –si l’on admet l’exactitude du récit des marins- de collaboration entre Allemands et Danois, collaboration qui en cette occasion fut profitable à l’équipage français.
Tous les marins du BRENN s’en sont tirés sains et saufs et, finalement, seules les poules ont été les malheureuses victimes de la guerre.
Toutefois, deux éléments m’intriguent dans ce naufrage du BRENN.
Le récit publié dans « Souvenirs des marins des voiliers de l'armement Bordes » mentionne que le BRENN a été coulé par l’ U 28 du KL Georg Schmidt ce qui est en contradiction avec le site d’Yves (histomar.net). Cette information semblerait avoir été donnée par les marins du BRENN.
J’ai écarté cette hypothèse car l’U 28 a justement changé de commandant à cette date, le cdt Schmidt prenant la suite du KL von Loe-Degenhart. Il est donc impossible qu’il ait été en patrouille dans l’Atlantique à cette époque. Il devait se trouver dans l’une de ses bases.
Les marins retenus sur le submersible auraient-ils reçu une fausse information, que l’on retrouve encore de nos jours dans les ouvrages?
D’autre part, la position donnée dans le site d’Yves, 20 milles NNW d’Ouessant (peut-être tirée du livre de Lacroix qui donne les mêmes coordonnées) ne correspond pas du tout à celle portée au rôle de désarmement, qui situe l’action loin au large du cap Finisterre.
Je croirai plutôt à la position du rôle, sans doute donnée par le cdt Bernot. D’ailleurs, l’arrivée des baleinières en Espagne 3 jours plus tard la confirme. S’ils avaient été coulés quasiment en vue d’Ouessant, ces marins bretons seraient arrivés quelques heures plus tard dans un port français (même sans GPS

Il y a là matière à une petite enquête complémentaire pour les spécialistes

Cdlt
Olivier