BERNADETTE - Brick Goelette

[Terraillon Marc]

Bonjour,

Voici un court extrait de la vie du brick goèlette BERNADETTE :

"Après avoir obtenu à Lorient, en avril 1912, le brevet supérieur de capitaine au cabotage, M. Lucas prit à Pornic, en mars 1914, le commandement du brick-goélette Bernadette, sur lequel mon vieux camarade de cours, Guennec — dit « Mazagran » — si connu sur la côte, avait fait pendant de longs mois les voyages de charbon et poteaux de mine du canal de Bristol aux ports de la Bretagne méridionale.

La Bernadette était un joli brick-goélette, d'une quinzaine d'années, construit à Voltri en Italie en 1898, sous le nom de Luigia ; toute en pitchpin, chevillée en cuivre, elle avait été vendue à M. Busnel, armateur à Saint-Servan, qui la destina d'abord à la pêche à la rnorue et la céda, quelques années plus tard, à MM. Laraison, minotiers à Pornic. Ceux-ci l'utilisèrent au ravitaillement en charbons de leurs moulins de Pornic, pour lequel le bateau convenait admirablement, ne tirant à peine, chargé, que dix pieds d'eau, ce qui lui permettait d'entrer en ce port dès que les marées atteignaient 48 dm au marégraphe de Saint-Nazaire.

Large de 6,95 m, pour 28,83 m de longueur, son phare carré avait une croisure relativement énorme, car sa vergue de misaine mesurait quinze mètres, aussi atteignait-il assez facilement ses dix nœuds de vitesse sur un largue ; par contre, il serrait mal le vent, gagnant à peine une vingtaine de milles en 24 heures de louvoyage bien calculé.

La moyenne de ses traversées Angleterre-Pornic ou vice versa, était de 7 à 8 jours ; le capitaine Lucas conserva son commandement jusqu'au 15 janvier 1917, date à laquelle il fut torpillé par un sous-marin allemand, à 7 milles du feu de Penfret des Glénans, allant de La Roche-Bernard à Cardiff avec un chargement de poteaux de mine.

Au cours de sa navigation sur ce navire, il connut des incidents divers ; deux d'entre eux suffiront pour faire comprendre les difficultés courantes de ce métier".

A suivre

[Terraillon Marc]

Bonjour,

Suite du récit :

"Un soir de février 1915, Bernadette sortit de Cardiff avec son plein de charbon pour Pornic et, trouvant des vents de sud dans le canal de Bristol, son capitaine s'éleva le plus possible dans l'ouest et vint s'abriter sous l'île Caldy, pour se mettre en position favorable et continuer sa route, quand les vents sauteraient au nord-ouest, après le coup de vent de sud-ouest qui était à prévoir.

Trois jours durant, le temps resta indécis, puis, profitant d'une risée favorable, M. Lucas appareilla ; il avait à peine doublé Trevose Head qu'un violent coup de vent de sud-ouest se déclara, l'obligeant à retourner au mouillage qu'il venait de quitter ; mais, les vents halant l'ouest, il dut se réfugier à Milford Haven. Là se trouvaient déjà plusieurs caboteurs à voiles, dont un trois-mâts latin démâté au ras du pont.

Le lendemain matin, ayant pris quelque repos et les vents étant nord, l'ancre fut virée rapidement par l'équipage, désireux de profiter de cette aubaine ; le soir même, vers onze heures, Bernadette doublait Longship et entrait en Manche, poussée par une belle brise vent arrière, qui la mit à 20 milles dans le nord d'Ouessant. Là, le calme se fit, remplacé quelques heures après par un coup de vent de sud-ouest, et le navire dut prendre la cape bâbord amures jusqu'au jour ; contre toute attente, les vents mollirent en halant l'ouest-sud-ouest.

Changeant d'amures et établissant toute la toile possible, M. Lucas doubla Ouessant, dont il était à une quinzaine de milles, et donna dans l'Iroise, faisant route sur le raz de Sein pour gagner Pornic ; un nouveau coup de vent se déchaîna dès son entrée dans ce dangereux passage, l'obligeant à relâcher à Camaret pendant toute une semaine. Il atteignit enfin Pornic, non sans avoir essuyé un troisième coup de vent entre Belle-Ile et Groix, vingt jours après son départ de Cardiff.

Il déchargea son charbon près de la goélette Corsaire, que commandait M. Guillet-Sauveur, de Noirmoutier, et ce dernier lui apprit que cinq caboteurs avaient disparu corps et biens durant la première tempête subie lors de sa sortie de Cardiff.

Malgré la longueur de son passage, l'équipage de Bernadette s'estima heureux de s'en être tiré à si bon compte."

A suivre.

[Terraillon Marc]

Bonjour,

Suite du récit :

"Un an après environ, M. Lucas, sortant cette fois de Swansea, en compagnie de plusieurs autres voiliers caboteurs, chargés comme lui de charbon pour les ports du golfe, fit voile pour Pornic. La flottille était à peine à une dizaine de milles dans le sud-ouest de la pointe des Mumbles, qui marque l'entrée de la baie de Swansea, quand la brise se mit à fraîchir rapidement du sud-ouest, en même temps que le temps prenait mauvaise apparence.

Tous les navires virèrent de bord aussitôt ; les plus petits se réfugièrent dans l'avant-port de Swansea ; ceux qui étaient moins manœuvrables, tels que la Boulonnaise, l'Yonne, la Glaneuse, allèrent mouiller, avec Bernadette, sous l'abri plus ou moins sûr qu'offre la pointe des Mumbles.

Un temps calme et bizarre, avec baromètre à variable, retint quelque temps les navires au mouillage, puis, le 25 mars au soir, une légère brise du S.-E. s'étant levée, les trois compagnons de Bernadette appareillèrent aussitôt, bien que l'horizon ne fût pas naturel. M. Lucas se disposait à en faire autant, quand la baisse de son baromètre le décida à différer son départ et à laisser tomber sa seconde ancre pour assurer une meilleure tenue du bâtiment sur cette rade mal garantie.

Peu après, la neige se mit à tomber à gros flocons, masquant la vue de la terre et laissant filtrer seulement, comme à travers le brouillard, la lueur du feu des Mumbles, dont le navire était distant de 500 m environ.

Presque aussitôt, une sorte de cyclone s'abattit sur la côte, soulevant la mer qui, devenue rapidement très grosse, embarquait des deux bords à la fois ; sous le vent, à tribord, une tache noire apparaissait, éclairée par des torches à certains moments.

C'était un voilier chargé de bois qui, ayant chassé sur ses ancres, était en train de se briser sur les rochers du phare et dont l'équipage appelait au secours.

Il faisait un froid intense ; la neige continuait à tomber en abondance et le vent faisait rage ; craignant de subir le même sort, M. Lucas fit prendre à ses hommes leurs ceintures de sauvetage et disposa tout pour couper la mâture et alléger le navire si besoin était.

Les ancres et chaînes, qui en avaient vu de dures à Terre-Neuve, tinrent bon, heureusement, et l'ouragan mollit dans la nuit ; la mer tomba et, après avoir franchi les pompes, le navire ayant fatigué et embarqué de l'eau, le capitaine décida d'appareiller avec l'aide d'un remorqueur ; les vents étaient bons mais trop forts encore pour permettre à l'équipage de virer les ancres sans aide.

La brise se maintint favorable, en mollissant assez pour permettre de porter les voiles majeures, et 52 heures seulement après son départ des Mumbles, Bernadette arrivait en rade de la Noeveillard sans incidents."


A suivre.

[Terraillon Marc]

Bonjour,

Suite et fin du récit :

"De ses trois compagnons de la rade des Mumbles, deux avaient pu fuir à temps vent arrière sous leur trinquette : la Boulonnaise, l' Yonne, mais la Glaneuse disparut corps et biens au cours de cette nuit terrible.

Aprés que Bernadette eut été coulé par un sous marin en 1917, le capitaine Lucas commanda successivement un petit sloop, l'Alexandre Marie, ravitaillant Belle-Ile, Noirmoutier et l'ile d'Yeu, puis le dundee Primerose..."

Tiré du livre "Les derniers voiliers caboteurs" - L. LACROIX

A bientot

[Yves D]

BERNADETTE a été coulée par le sous-marin UC 18, Oblt z.S. Wilhelm Kiel, mais en aucun cas elle ne fut torpillée ! Elle a été soit sabordée avec une charge explosive soit coulée de quelques coups de canon mais en aucun cas une torpille n'a été utilisée contre ce modeste voilier d'un tonnage brut de 128 tx.
Cdlt
Yves

[Terraillon Marc]

Bonsoir Yves,

J'ai mis le texte en rouge car j'avais un doute.

A bientot

[olivier 12]

Bonsoir Marc, bonsoir à tous,

Pour illustrer ces textes sur le BERNADETTE et la suite sur les voiliers caboteurs et la grande guerre que nous a fait revivre le capitaine Lacroix dans "Les écraseurs de crabes" (titre original de son ouvrage) voici quelques clichés de l'époque pris à Pornic.

Le premier nous montre sous voile l'un de ces magnifiques bricks goélette arrivant dans les eaux pornicaises en 1883. Ce n'est pas le BERNADETTE mais le LEONIE. Il apporte du bois chargé dans le port de Fredrickstad en Norvège. C'est en fait une goélette à deux huniers.
Le gros trafic sur Pornic était les bois du nord, souvent apportés par des voiliers norvégiens, danois ou suédois, et le charbon pour l'usine de la minoterie Laraison, venu de Swansea ou Cardiff. A l'export, la farine de la minoterie, voire le sel de la baie de Bourgneuf.
Des documents d'une telle majesté et d'une telle beauté sont rares.



Le second est encore un brick-goélette, échoué dans le chenal de Pornic, comme c'était souvent le cas en attendant la marée haute pour entrer dans le vieux bassin. Cette fois, il s'agit du PAULINE qui dévoile sa puissante carène et sa haute mâture surchargée de vergues. Debout sur la vergue basse de hunier de grand mât, un marin, par sa petitesse, donne une idée de la taille de ces bricks. Ce bateau faisait aussi le bois des ports du nord : Sundsvall en Suède, Porvoo en Finlande...et autres.
Il fallait environ 45 jours de navigation pour relier la Finlande à Pornic.



Le dernier document est intéressant car il nous montre le port de Pornic avec au premier plan le petit sloop ALEXANDRE MARIE que commanda le capitaine Lucas, du BERNADETTE. Ce chasse-marée, construit en 1876 au chantier Fortineau, ne fut armé qu'au bornage. Son mouillage, le long du quai de Gourmalon n'est pas le fruit du hasard. C'est là que pendant dix ans il vint charger avec une régularité de métronome son bois de chauffage dont on voit les fagots sur le quai. Les limites de sa navigation furent La Roche Bernard au nord et l'île d'Yeu au sud. Mais c'est surtout la liaison Pornic-Noirmoutier qu'il assura, livrant du bois à brûler pour l'ile et rapportant de l'engrais ou, plus rarement du sable au retour.



Ces renseignements sont extraits des livres remarquables et passionnants écrits par Gilles Fortineau (un descendant des chantiers Fortineau) sur l'histoire de Pornic et dont je recommande la lecture à tous ceux s'intéressant à l'histoire maritime (Les clichés sont copyright Gilles Fortineau)

[Terraillon Marc]

Bonsoir et merci pour ces illustrations superbes !!

A trés bientot pour d'autres histoires d'écraseurs de crabes ...

[olivier 12]

Bonjour à tous,

Encore un magnifique document maritime, la photo du brick goélette BERNADETTE, prise le 2 Septembre 1915 à Pornic. La photo est datée car c'était lors des fêtes de la St Gilles qui se célèbrent avec faste à Pornic. Il en était à sa 36e rotation et était arrivé le 16 Août, venant de Swansea avec 180 tonnes de houille galloise pour les machines à vapeur de la minoterie. Son patron était le capitaine Lucas.
Il repartira le 9 Septembre pour Britonferry avec un chargement (exceptionnel) de ferrailles. Il était armée par six hommes d'équipage.

BERNADETTE, seul brick goélette immatriculé à Pornic, était propriété du minotier Laraison qui l'utilisait uniquement pour rapporter du charbon des ports gallois. Il effectua son premier voyage le 19 Février 1909 et fut coulé au cours du 44e voyage, le 15 Janvier 1917.



Extrait de voyage photographique 1870/1930 (Baie de Bourgneuf) par Gilles Fortineau. Edition Librairie Coiffard. Nantes. (Encore un ouvrage exceptionnel!)

[Terraillon Marc]

Bonjour Olivier et merci pour cette nouvelle illustration superbe.

Je note les coordonnées de l'ouvrage mais le budget "livres" va exploser cette année.

Et Noël est trés loin .....

A bientot