MADELEINE III - Bateau piège

Rutilius
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par Rutilius »


Bonjour à tous,


• Arrêté du 20 octobre 1919 (Marine) portant inscriptions au tableau spécial de la Médaille militaire (J.O. 7 déc. 1919, p. 14.088).


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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Memgam
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par Memgam »

Bonjour,

La Madeleine (III) est largement évoquée dans plusieurs chapitres de l'ouvrage ci-dessous de l'Amiral Lepotier.
L'idée d'installer des tubes lance-torpilles dans la cale d'un petit-voilier vient du matelot fusilier Alexandre Metier, en décembre 1916, pour torpiller, à très courte distance, les sous-marins ennemis venant les arraisonner ou exiger leur pêche.
"Goëlette à moteur Madeleine de Fécamp, faisant cabotage en Méditerranée et en relâche à Toulon conviendait pour affectation spéciale prévue par votre D.M. secrète du 3 janvier. Stop. Longueur 30 mètres, largeur 7,50 mètres, creux 5 mètres, moteur 50 cv. Vitesse par calme 3 à 4 noeuds. Stop. Puis-je l'acheter ou la réquisitionner ? Ai donné l'ordre de la retenir en attendant votre décision."

Source : Amiral Lepotier, Bateaux pièges, Editions France-Empire, 1964.

Cordialement.


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Memgam
Rutilius
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par Rutilius »


Bonsoir à tous,


■ Récompenses consécutives à l’engagement du 8 mai 1917.


Journal officiel du 18 juillet 1917, p. 5.574.

« Sont cités à l’ordre de l’armée :

Michaud (A.-J.), enseigne de vaisseau de 1re classe, commandant la Madeleine-III : a fait preuve de belles qualités de calme, de sang-froid et de décision lors du combat au canon qu’il a engagé avec un sous-marin ennemi et au cours duquel le bâtiment qu’il commandait a subi de sérieuses avaries.

Seguin (Victor), gabier breveté (Saint-Brieuc 44190), de la Madeleine-III : s’est fort bien conduit et a été blessé au cours d'un combat au canon avec un sous-marin ennemi.

Quers (Jean), matelot sans spécialité (Binic 2955) de la Madeleine-III : blessé à la tête au cours d’un combat, au canon, avec un sous-marin ennemi, a continué son service et ne s’est fait panser que lorsque tout danger été écarté.
»


— MICHAUD Aristide Joseph, né le 10 avril 1890 à Quitteur (Haute-Saône) et décédé le ... à ... (...). Entré à l’École navale en 1908.


— SÉGUIN Victor Émile, inscrit à Saint-Brieuc, n° 44.190. Promu au grade de second maître de manœuvre par une décision ministérielle en date du 18 juin 1919 (J.O. 20 juin 1919, p. 6.380).

Par un décret du Président de la République en date du 25 juin 1928 (J.O. 26 janv. 1928, p. 1.133), honoré de la Médaille militaire dans les termes suivants : « Seguin (Victor), Saint-Brieuc 44190, second maître de manœuvre ; 12 ans 9 mois de services, dont 6 ans 4 mois à la mer ; 5 campagnes, 1 blessure, 2 citations. »


Journal officiel du 22 juillet 1917, p. 5.677.

« Sont cités à l’ordre de l’armée :

Pince (Raoul), quartier-maître timonier (Bordeaux 4187), de la Madeleine-III : blessé mortellement en accomplissant son devoir militaire au cours d’un combat au canon avec un sous-marin ennemi ; a supporté sans se plaindre et avec un courage remarquable des souffrances aiguës.

Le Meur (Robert), matelot gabier breveté (93971-2) de la Madeleine-III : tué en accomplissant son devoir militaire au cours d’un combat au canon avec un sous-marin ennemi.
»


— PINCE Raoul, né le 8 juillet 1885 à Toulouse (Haute-Garonne) et y domicilié, mort le 8 mai 1917, « tué au cours d'un engagement avec un sous-marin ennemi », Quartier-maître timonier, inscrit à Bordeaux, n° 4.187.

Fils de Jean François PINCE, ajusteur, et d’Anna Anastasie JANSON, sans profession, son épouse. Époux de Madeleine OLIVIER, avec laquelle il avait contracté mariage à Toulouse, le 26 février 1912. (Registre des actes de naissance de la ville de Toulouse, Année 1885, Vol. I., f° 200, acte n° 1.596).

Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 4 juin 1919 (J.O., 7 juin 1919, p. 5.933), inscrit à titre posthume au tableau spécial de Médaille militaire dans les termes suivants :

« Prince (Raoul), 4187 Bordeaux, quartier-maître timonier de la Madeleine-III : blessé mortellement, le 8 mai 1917, en accomplissant son devoir militaire au cours d’un combat au canon avec un sous-marin ennemi. A supporté sans se plaindre et avec un courage remarquable des souffrances aiguës. » (p. 5.940)


― LE MEUR Robert Louis Marie, né le 12 mars 1894 à Trédrez (Côtes-du-Nord – aujourd’hui Côtes-d’Armor –) et y domicilié, mort le 8 mai 1917, « tué à bord de la goélette Madeleine-III au cours d'un engagement avec un sous-marin ennemi », Matelot de 2e classe gabier, immatriculé à Brest, n° 93.971–2.

Fils de Louis Marie LE MEUR, marin, et de Jeanne Yvonne LE MAGUER, « ménagère », son épouse. (Registre des actes de naissance de la commune de Trédrez, Année 1894, f° 5, acte n° 7).

Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 4 juin 1919 (J.O., 7 juin 1919, p. 5.933), inscrit à titre posthume au tableau spécial de Médaille militaire dans les termes suivants :

« Le Meur (Robert), 93971-2, matelot gabier breveté de la Madeleine-III : tué, le 8 mai 1917, en accomplissant son devoir militaire au cours d’un combat au canon avec un sous-marin ennemi. » (p. 5.940)
Bien amicalement à vous,
Daniel.
alain13
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par alain13 »

Bonjour,

Lors de l'engagement du 8 mai 1917 et après l'arrêt du combat, le quartier-maître timonier PINCE, gravement blessé à la cuisse, fut transporté par Le BISSON II à l'hôpital de Philippeville où il décéda peu de temps après son arrivée.
Il est orthographié PINGE dans "Mémoire des Hommes".

L'attitude du sous-marin abandonnant le combat a surpris l'équipage de la MADELEINE III compte tenu de sa situation difficile.
Voilà ce qu'en dit l'enseigne de vaisseau MICHAUD commandant de la MADELEINE :
"Il me semblait peu croyable que le sous-marin nous abandonne ainsi, alors qu'il se trouvait dans les conditions les plus favorables pour nous détruire et je craignais un torpillage à l'aube".

(Amiral Lepotier , Bateaux-Pièges).

Trouve-t-on dans le KTB de l'U47, une explication la dessus ?

Cordialement,
alain

BISSON II , Chalutier armé ?
Rutilius
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par Rutilius »

.
Bonsoir à tous,


• Patrouilleur auxiliaire Bisson-II – alors commandé par le premier maître de timonerie Félix Jean Marie MARTELJournal de navigation – 31 mars ~ 22 mai 1917 – : Service historique de la Défense, S.G.A. « Mémoire des hommes », Cote SS Y 52, p. num. 422 (extrait).


« Mardi 8 mai [1917].

En croisière jusqu’à 6 h. 00 devant Collo.

6 h. 30 – Reconnu Notre-Dame-de-Lourdes.

7 h. 00 – Notre-Dame-de-Lourdes nous relève et nous donne ordre de rentrer à Bône. Route sur Bône.

7 h. 30 – Une goélette que nous croisons (Madeleine-III) a des signaux de demande de secours. Nous l’accostons. Elle nous remet un mort et un blessé grièvement que nous débarquons à Philippeville à 11 h. 15.
»


En marge : « 7 h. 30 – 15 milles dans le N. 70 E. de Bougaroni. »
Bien amicalement à vous,
Daniel.
hubertarca
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par hubertarca »

Bonjour à tous. Je découvre ce site et l’histoire de la Madeleine III. Mon époux était le petit-fils d’Hubert Etcheber qui vivait à La Ramade à Lormont en Gironde, un des trois survivants au naufrage. Lorsque mon époux était enfant, Hubert lui narrait très souvent cet épisode et lui parlait de la terreur que lui et ses deux compagnons avaient éprouvée au moment de l'impact puis lorsqu'ils s'étaient retrouvés dans l'eau. Par la suite, le fait de survivre à cette tragédie avait profondément changé son comportement et sa façon d’appréhender la vie. Selon ce qui m‘a été rapporté, les trois survivants s’étaient plus ou moins « éclipsés » pour fumer une cigarette sur le pont et auraient vu le sillage de la torpille, ce qui leur aurait sauvé la vie. Mais peut-être cette précision relève-t-elle des détours que prennent parfois les histoires au fil de leurs multiples narrations car j’imagine que, si la Madeleine avait repéré l’UB 50, l’heure n’était point, pour l’équipage, à prendre le temps de fumer une cigarette sur le pont ! A moins qu’il y ait eu un effet de surprise, auquel cas cette anecdote pourrait s’avérer juste. Quoiqu’il en soit, je n’ai que le regret que mon époux, décédé, n’ait pu découvrir ce forum. Ma participation se limite donc à remercier en son nom ceux qui ont apporté des précisions à cette triste histoire et à avoir une pensée pour les disparus.
Bonjour à tous,

MADELEINE III Bateau piège (1917-1918)

Chantier :

N.C.
Commencé : N.C.
Mis à flot : N.C.
Terminé : N.C.
En service : 20.01.1917
Retiré : 06.04.1918
Caractéristiques : Goélette à moteur de 149 tjb.
Armement : Tubes lance-torpilles

Observations :

20.01.1917 : réquisitionné à Toulon ; basé à Bizerte, utilisé comme bateau piège et appât pour les sous-marins ennemis, cette goélette travaillant en binôme avec un sous-marin de l’escadrille de chasse de Bizerte
10.1917 : découvre, avec le s/m Giffard, un sous-marin ennemi en surface, mais le Giffard manque cette cible facile (sic)
27.09-14.10.1917 : croisière avec plusieurs sous-marins français, l’ennemi devient méfiant et ne s’approche plus guère
06.04.1918 : torpillé par le sous-marin allemand UB 50 (KL Franz Becker) par 37°34N et 009°50E, entre Bizerte et Bône, Algérie.

Cordialement,
Franck
hubertarca
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par hubertarca »

Bonjour à tous et désolée si mon message est redondant, mais mes capacités en matière d'utilisation d'un forum sont un peu limitées ! Je découvre ce site et l’histoire de la Madeleine III. Mon époux était le petit-fils d’Hubert Etcheber qui vivait à La Ramade à Lormont en Gironde, un des trois survivants au naufrage. Lorsque mon époux était enfant, Hubert lui narrait très souvent cet épisode et lui parlait de la terreur que lui et ses deux compagnons avaient éprouvée. Le fait de survivre à cette tragédie avait profondément changé son comportement et sa façon d’appréhender la vie. Selon ce qui m‘a été rapporté, les trois survivants s’étaient plus ou moins « éclipsés » pour fumer une cigarette sur le pont et auraient vu le sillage de la torpille, ce qui leur aurait sauvé la vie. Mais peut-être cette précision relève-t-elle des détours que prennent parfois les histoires car j’imagine que, si la Madeleine avait repéré l’UB 50, l’heure n’était point, pour l’équipage, à prendre le temps de fumer une cigarette sur le pont. A moins qu’il y ait eu un effet de surprise, auquel cas cette anecdote pourrait s’avérer juste. Quoiqu’il en soit, je n’ai que le regret que mon époux, décédé, n’ait pu découvrir ce forum. Ma participation se limite à remercier en son nom ceux qui ont apporté des précisions à cette triste histoire et à avoir une pensée pour les disparus.
olivier 12
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Re: MADELEINE III - Bateau piège

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

MADELEINE III
Bateau piège

Torpillage du 6 Avril 1918

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Instructions du 7 Avril au commandant de DILIGENTE

Vous appareillerez de Bizerte à 06h00 du matin le 7. Vous vous rendrez au point 37°34 N et 09°50 E où un Allo a été émis par le voilier spécial MADELEINE 3 le 6 à 03h30. Vous rechercherez ce voilier qui depuis n’a donné aucun renseignement complémentaire et n’a pu répondre aux appels lancés par TSF. Ce silence peut provenir de ce que ce voilier n’a un poste que d’une portée de 30 milles et un seul télégraphiste. Vous pouvez appeler ce bâtiment par TSF aux heures d’écoute (Indicatif FEB)

MADELEINE 3 avait appareillé de Bizerte le 31 Mars pour une croisière de 15 jours avec mission de croiser entre les méridiens de Bône et la ligne Granitola, Pantellaria, Lampedusa, sans dépasser le parallèle 38°.

Si MADELEINE répond à votre appel, vous lui ferez le simple signal « Par ordre EROS, signalez-moi position ». Vous ne chercherez pas à la joindre et si cette prise de contact a lieu dans la matinée, vous vous rendrez au devant du convoi de Gibraltar par le Nord de La Galite, attendu à Bizerte vers 15h00. Convoi escorté par NARCISSUS (chef) et chalutier français SUEZ-MARIE. Vous éclairerez la route jusqu’à destination. Chalutiers BAUDROIE et CANADA en renfort d’escorte.

Si MADELEINE 3 ne répond pas, vous la rechercherez dans la zone de croisière, en tenant compte de la brise régnante. Vous me tiendrez au courant de vos mouvements et du résultat de vos recherches. Je vous rappellerai par TSF.

Signé : LV CAMBON, Adjudant de Division.

Extrait du rapport de l’EV DECROP, commandant AUGUSTE LEBLOND. 7 Avril 1918

Appareillé de CORFOU le 2 Avril pour escorter avec VENUS III le vapeur OGONO à destination de Bizerte via Messine. Le 4 Avril à 07h00, mouillé à Messine. Appareillé à 15h00, mais attendu à l’entrée du port la sortie de l’OGONO victime d’une avarie de guindeau et qui ne peut appareiller. Il doit faire relever son ancre par un ponton mâture. Rentré à Messine et reparti le 5 Avril à 17h30 avec VENUS III et ALCYON II qui venait de nous rejoindre.
Le 6 Avril à 11h00, à 11 milles de San Vito, une baleinière de sauvetage peinte en gris et pleine d’eau passe le long du bord.
Le 7 Avril à 07h45, rencontré de nombreuses épaves et débris de toutes sortes à la surface de la mer. A 08h00, aperçu une épave sur laquelle flotte un pavillon. Détaché VENUS III pour la reconnaître. VENUS III rejoint le convoi à 10h30 et signale avoir recueilli un radeau avec une étoffe servant de voilure. Continué notre route sur Bizerte et amarré à 16h00 baie Ponty.

Nota : OGONO était un vapeur espagnol de Bilbao, de 2416 t, construit en 1894 au chantier Furness Withy de Middleton sous le nom de CUNDALL et rebaptisé OGONO en 1899. Il fera naufrage le 18 Août 1929, par 53°23 N et 01°02 E, lors d’une traversée Castro Urdiales – Teesport avec un chargement de minerai de fer et suite à une collision avec le remorqueur KING’S CROSS au large de la rivière Humber.

Télégramme de Marine Toulon à Marine Paris. 8 Avril 18h10

1) Voilier spécial MADELEINE 3 a lancé Allo le 6 à 03h00 par 37°34 N et 09°50 E. Ila attaqué par TSF à 10h00 le même jour Cap Bon qui ne l’a pas entendu. Depuis lors, il n’a répondu à aucune attaque.
2) VENUS 3 a trouvé le 7 à 08h00 par 37°56 N et 10°25 E et a ramené à Oran épave d’un radeau vide appartenant à MADELEINE 3. Je considère voilier comme coulé. Recherche des naufragés par patrouilleurs et aviateurs sans résultat jusqu’à présent.
3) Liste d’équipage sera adressée à Ministère de la Marine. Documents secrets étaient dans un sac plombé.
4) Délégué anglais m’informe que voilier spécial anglais a été coulé par 37°24 N et 11°51 E le 7. Patrouilleurs anglais partis de l’île Grossa en recherche.

Rapport du CF BROQUEY, Commandant la 2e escadrille de sous-marin au CV Chef de Division. 8 Avril 1918

J’ai l’honneur de vous rendre compte que le voilier MADELEINE III doit être considéré comme perdu, sans doute suite à une rencontre avec un sous-marin ennemi. Ce bâtiment avait quitté Bizerte le 31 Mars pour une croisière de 15 jours. J’avais reçu de ses nouvelles le 3 Avril de Kélibia où MADELEINE III avait relâché pour réparer sa corne de misaine cassée. Le 6 Avril un message nous fut communiqué comme provenant de MARGUERITE III, puis corrigé quelques heures plus tard comme provenant de MADELEINE III. Le même jour à 10h00, le poste de Sidi Abdallah a perçu un appel de MADELEINE III au poste du Cap Bon qui n’accusa pas réception. Sidi Abdallah a alors attaqué MADELEINE III, l’invitant à parler. Mais le voilier ne répondit pas et on ne devait plus l’entendre.

Le 7 Avril à 07h45 du matin, le chalutier AUGUSTE LEBLOND rencontrait par 37°56 N et 10°25 E de nombreuses épaves et débris de toutes sortes. A 08h00, il apercevait à 3 milles dans le Sud une épave sur laquelle un pavillon semblait flotter. Il détacha du convoi VENUS 3 pour aller reconnaître cet objet. Ce chalutier reconnut deux petits radeaux réunis par des planches. Une autre planche servait de mât et une couverture de lit de serge rouge formait voile suspendue aux étais. Deux caleçons de laine flottaient, portant les initiales E.M. VENUS 3 ramassa ces objets ainsi qu’une porte qui flottait près d’eux et sur laquelle était inscrit au crayon « Fermé pour réparation ».

Ces épaves rapportées à la station des sous-marins, ont été reconnues formellement comme provenant du voilier spécial MADELEINE III. La porte était celle de la poulaine de ce bâtiment. Elle a été reconnue par l’homme même qui avait écrit l’inscription au crayon. Cet homme avait été laissé à l’infirmerie avant le départ. Les radeaux ont été reconnus, ainsi que les caleçons qui devaient appartenir au patron du bord, Eugène Mindu. La couverture de lit, de modèle réglementaire, était celle du commandant. Les radeaux avaient été réunis par des planches provenant de l’intérieur du bâtiment où elles servaient à maintenir le lest.

Cette installation, ainsi que celle d’une planche clouée servant de mât prouvent que des hommes ont survécu à la perte du bâtiment, qu’ils ont eu le temps de procéder à l’aménagement des radeaux et qu’ils ont tenté de se sauver par ce moyen.
Le dernier appel de MADELEINE III était à 10h00 le 6 et les radeaux ont été ramassés à 08h00 le 7, soit 22 heures après. Il est surprenant qu’ils aient été trouvés abandonnés, le temps ayant été beau pendant cette période.
Il est donc permis de supposer que les naufragés ont été, soit recueillis par un bâtiment, soit faits prisonniers par le sous-marin ennemi. Cette hypothèse suppose toutefois que le sous-marin n’a décidé de faire des prisonniers qu’après réflexion, sinon le temps aurait manqué à ces hommes pour réunir les radeaux et les gréer. Il ne paraît pas que l’ennemi ait tiré sur les hommes réfugiés sur les radeaux.

Les épaves ne permettent pas de dire si le bâtiment a été torpillé ou canonné. La porte de la poulaine a été visiblement arrachée violemment de ses gonds qui sont tordus. Les planches servant à réunir les radeaux portent des incrustations de bois différent qui y ont pénétré par force. Il est en outre intéressant de constater que ces planches proviennent de l’intérieur du bâtiment, d’où elles ont été déclouées et non arrachées. Mais ces indices sont insuffisants pour conclure.

MADELEINE possédait une petite embarcation qui n’a pas été retrouvée.
Elle était armée de 2 canons de 75 mm. Ces armes sont insuffisantes pour lutter contre un ennemi armé de 100 mm. Les navires trop petits pour porter des 100 mm devraient être réservés pour agir uniquement comme piège de concert avec un sous-marin ami. Les sous-marins ennemis attaquent de moins en moins les voiliers à petite distance car ce genre de piège se multiplie et, s’il importe que ces bâtiments ne ripostent que le plus tard possible afin d’inciter l’ennemi à se rapprocher, il faut qu’une fois encadrés ou avariés par un tir à grande distance, ils puissent faire plonger un adversaire quand ils n’ont plus d’espoir de le détruire.
La mise en place d’une pièce de 100 mm sur chacun des 4 voiliers en armement à Bizerte et sur le JEAN DUST me paraît une nécessité primordiale. On pourrait de même remplacer la pièce de 75 mm arrière de FRANCOIS MARIE par une pièce de 100 mm moyennant quelques consolidations.

Il y a lieu d’observer que le jour même de la perte de MADELEINE III, par 37°20 N et 12°10 E, un voilier spécial anglais a été attaqué par un sous-marin ennemi. Son commandant a été tué, mais le bâtiment a pu gagner la côte de Sicile. Il y aurait le plus grand intérêt à connaître les circonstances de cette rencontre et l’armement de ce bâtiment.

Je tiens en terminant à rendre hommage au jeune commandant de MADELEINE III ; l’Enseigne de Vaisseau LAIME, dont j’avais pu apprécier les brillantes qualités, le courage et l’entrain, et l’équipage de ce bâtiment qui avait déjà, avec le commandant précédent, fait preuve de grande valeur dans deux rencontres avec des sous-marins ennemis.

Télégramme Marine Bizerte à Marine Paris. 10 Avril 12h00

Les deux radeaux trouvés étaient attachés ensemble et avaient certainement été habités. Un des deux portait encore planche et rideaux de chambre formant mât et voile. Aucun indice permettant espérer naufragés recueillis par bâtiment allié. On peut supposer qu’ils ont été faits prisonniers.

Télégramme de Bizerte. 10 Avril 1918. Familles à prévenir.

- LAIME Commissaire de Marine LAIME à Brest
- MINDU Epouse à Pommerit Jaudy par La Roche Derrien (Côtes du Nord)
- HENRY Père et mère, 33 rue du Port à Granville
- BERTRO Père et mère, 23 rue Saint Pierre à Saint Brieuc
- BRICHON Epouse à Kersoul – Plouha
- NAUD Mère, 28 rue d’Alsace Lorraine à Saintes
- ROZO Père à Saint Julien – Quiberon
- FANTASIA Père et mère, 2 rue de la Consigne à Cette
- LE DISCORD Mère à Plougasnou (Finistère)
- PALLIER Père et mère à Saint Pabu (Finistère)
- GALY Mère, 38 rue Montelieu à Marseille
- MORIN Mère, rue Bellefontaine, 8 Impasse Eiffel à Graville Le Havre
- GALISSARD Mère, 34 rue Sébastopol à Marseille
- MIOQUE Mme Veuve Mioque à Saint Gatien des Bois (Calvados)
- LE NORMAND Epouse, rue Paul Louis Courier, chalet Louise Claret à Toulon
- GIACOMONI Père, commandant du 2e régiment de tirailleurs de Mostaganem
- ETCHEBER Père et mère, 131 Bd de la Plage à Arcachon
- BESSON Père et mère, 13 rue Etienne Poulet à Villefranche sur Saône
- PAPIN Père et mère, rue Baudin au Bouscat (Gironde)
- HERREAU Frère, Victor Herreau, 7e colonial section hors rang, à Bordeaux

Télégramme Service du Personnel militaire au Préfet Maritime Brest. 12 Avril

Informer avec tous ménagement famille de l’Enseigne de Vaisseau LAIME, commandant du patrouilleur MADELEINE 3, que ce bâtiment est considéré comme perdu à la date du 6 Avril. Etat major et équipage présumés disparus ou prisonniers. Recherches continuent.

Rapport du CF BROQUEY au Vice Amiral Préfet Maritime de l’arrondissement algéro-tunisien. 18 Avril 1918

Il résulte de l’ensemble des faits que :

- MADELEINE III a eu un engagement avec un sous-marin le 6 Avril à 03h00
- Ce voilier a été définitivement détruit le 6 après 10h00
- Le torpillage est peu probable car un bâtiment de ce genre eut été pulvérisé, matériel et personnel. Par conséquent, MADELEINE III a été détruit au canon, soit à la suite d’avaries subies au cours de l’engagement, soit au cours d’un second engagement.
- Les survivants ont probablement été faits prisonniers.

Ce nouvel évènement montre clairement les résultats qui pourraient être obtenus en liant l’action de nos sous-marins à celle de ces voiliers. Je n’ai malheureusement pas de sous-marins disponibles, envoyés ailleurs ou retenus dans le Nord. Cette coopération n’a pu être pratiquée qu’exceptionnellement et de façon discontinue qui laisse tout à la chance. Il faut donc envisager l’action isolée des voiliers et s’attendre à les voir attaqués à grande distance comme l’a été MADELEINE. La tactique employée est périmée.
J’avais demandé avec insistance que les voiliers soient armés de 100 mm, répondant aux nécessités de l’heure présente qui ne sont plus celles de l’heure passée. Ce matériel pourrait être prélevé sur les matériels destinés aux bâtiments de commerce dont l’armement, depuis que les escortes sont obligatoires, n’a plus la même importance qu’autrefois. Satisfaction n’a pu être donnée comme en témoignent les deux télégrammes suivants :

1) Marine Paris à Marine Bizerte 6 Avril : aucun armement de 100 mm disponible pour armer voilier spécial. Recevrez armement de 75 mm quand le disponible le permettra.
2) Marine Paris à Marine Bizerte 15 Avril : Tout le matériel de 100 mm a été affecté aux patrouilleurs et il n’est pas possible de donner satisfaction aux demandes de matériel de 100 mm pour les voiliers spéciaux.

Note du CV VINDRY, Chef de Division. 20 Avril 1918

Les voiliers spéciaux se trouvent dans une situation sur laquelle il est inutile d’insister davantage.

Je demande que soient cités à l’Ordre de l’Armée Commandant et équipage de MADELEINE III, disparus au cours d’un engagement avec un sous-marin ennemi, engagement au cours duquel leur bâtiment a été détruit.

Communiqué de la station radio allemande de Nauen. 20 Avril 1918. 21h00

Un sous-marin a anéanti devant Bizerte le chasseur de sous-marins MADELEINE, 149 t, goélette armée de 2 canons de 75 mm avec un moteur de rechange et un appareil de TSF. Il a capturé trois hommes de l’équipage.

(Nota : ce communiqué qui donne tonnage et armement de la goélette montre que les prisonniers ont été interrogés)

Note manuscrite du VA SALAUN, Directeur Général de la Guerre sous-marine, au Secrétaire Général du Ministère de la Marine. 1er Mai 1918

J’ai l’honneur de vous faire connaître que postérieurement au rapport du Commandant de la 2e escadrille de sous-marins de la Méditerranée, et à l’établissement du procès-verbal de disparition du commandant et de l’équipage du voilier MADELEINE II, l’ennemi, dans un communiqué de Nauen du 20 Avril à 21h00 a signalé ce qui suit

« Un sous-marin a anéanti devant Bizerte le chasseur de sous-marins MADELEINE, 149 t, goélette armée de 2 canons de 75 mm avec un moteur de rechange et un appareil de TSF. Il a capturé trois hommes de l’équipage. »

C’est d’après ce renseignement que j’ai établi ma note portant la date du 30 Avril. Rien d’officiel ne m’est parvenu du côté français.

Le sous-marin attaquant

C’était donc l’UB 50 du Kptlt Franz BECKER.
Né en Juin 1888, Franz Becker est décédé à l’âge de 92 ans le 25 Décembre 1980.

Document

Pour conclure sur ce drame de MADELEINE III voici la photo des 3 rescapés (un peu retouchée) mise sur le forum en 2009 par Marc Terraillon.

Image

De gauche à droite : le maître de manœuvre Eugène MINDU, le matelot charpentier Hubert ETCHEBER et le gabier breveté Sauveur FANTASIA.

Les familles de ces pauvres gars ont donc été prévenues de leur disparition vers le 10 Avril. Le 20 Avril, on a su par Nauen qu’il y avait 3 survivants. Mais il aura sans doute fallu plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant que la Croix Rouge ne communique les noms des 3 prisonniers emmenés en Allemagne et on ne peut qu’imaginer l’angoisse qu’elles ont vécu, comme d’ailleurs les autres familles. Le seul dont on pouvait soupçonner la survie était Eugène Mindu puisque, sur le radeau, il avait utilisé ses caleçons comme pavillons flottant au mât.
Les témoignages des descendants de Fantasia et Etcheber rapportés dans les posts ci-dessus sont particulièrement émouvants.

L’erreur sur le nom du charpentier vient de ce que dans certains documents des archives les noms sont énumérés, espacés par des virgules, et pour le dernier on termine par « et Cheber… » On n’avait sans doute pas compris qu’il n’y avait pas de conjonction de coordination dans cette liste.

Cdlt
olivier
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