Gendarmerie nationale
Compagnie de l’Aube
Arrondissement de Arcis sur Aube
Brigade de Mailly le Camp
Ce jourd’hui dix sept septembre mil neuf cent quatorze, nous soussignés, Bauchet Zénon Camille et Avizon Charles gendarmes à pied à la résidence de Mailly le Camp, département de l’Aube, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs certifions avons recueilli les renseignements ci-après, en exécution d’un télégramme n°116 du commandant d’arrondissement du 13 septembre 1914.
Déclaration de monsieur Lepage Stanislas, 64 ans maire de la commune de Semoine :
“Des actes de pillage ont été commis sans exception chez tous les habitants de ma commune. Ce pillage consiste en linge, vin, volailles et tout mobilier en général.
Ces faits se sont passés dans la soirée du 8 au 9 septembre et dans la matinée du 10 et sont imputables à des militaires d’infanterie française du 11ème corps d’armée.
L’armée allemande n’a pas fait irruption dans la commune”.
Lecture faite, persiste et signe : S. Lepage.
Déclaration de monsieur Biffet Jules, 54 ans, cultivateur à Semoine :
“J’ai quitté Semaine le mercredi 9 septembre à 4 heures du soir. L’infanterie française venait de faire irruption dans la commune, je ne puis dire quel régiment. Les militaires se sont mis à pénétrer dans toutes les habitations et à piller tout ce qu’ils ont trouvé. En ma présence, ils ont pillé mon jardin et aussitôt mon départ, tout mon ménage a été saccagé.
J’ai voulu les faire sortir de plusieurs maisons où ils avaient pénétré, ils m’ont répondu que les prussiens allaient venir et qu’ils pilleraient tout. Je me suis trouvé impuissant à réprimer ces actes. Les émigrés avaient évacué la commune et aucun acte de pillage ne peut leur être incombé.”
Lecture faite, persiste et signe : J. Biffet.
Déclaration de monsieur Godon Armand, 74 ans, cultivateur à Semoine :
“L’infanterie française est entrée dans la commune le mardi 8 septembre, je crois à 4 heures du soir.
Aussitôt tous le s militaires se sont mis à piller dans toutes les maisons du quartier.
Mécontent de voir commettre des actes semblables, j’ai dit : “Les Prussiens n’en feraient pas plus”. Un chef dont j’ignore le grade m’a dit :”Ne le répétez toujours pas et modérez vos paroles”.
Toutefois, je ne puis me plaindre du pillage, en raison que je n’ai pas quitté ma maison.
L’ennemi n’a pas pénétré dans la commune.
J’ignore de quel régiment faisait partie cette infanterie.”
Lecture faite, persiste et signe : Godon.
Déclaration de monsieur Noblet Ambroise, adjoint au maire de la commune de Semoine :
“Je puis certifier que c’est bien les militaires d’infanterie française qui ont commis tous les actes de pillage dans la commune. Je crois que ces militaires font partie du 11ème corps d’armée, mais j’ignore quel régiment.”
Lecture faite, persiste et signe : A. Noblet.
Plusieurs habitants entendus verbalement ont confirmé toutes les déclarations que nous avions reçues.
Nous avons constaté dans plusieurs maisons que les meubles étaient fracturés et tout ce qu’ils contenaient était pillé.
Les habitants n’ayant encore pu faire l’inventaire de leur mobilier aucun d’eux n’a pu nous faire une déclaration précise sur les pertes qu’il subissait.
En foi de quoi, nous avons rédigé le présent procès en deux expéditions, destinées : la première à monsieur le Général commandant la subdivision à Troyes, la deuxième au sous-lieutenant commandant la gendarmerie de l’arrondissement, conformément à l’article 298 du Décret du 20 mai 1903.
Signé : Bauchet et Avizon
1600 = vu et transmis
Arcis sur Aube le 19 septembre 1914
Le sous-lieutenant Noël commandant l’arrondissement.
N°4307 vu et transmis. A Troyes, le 20 septembre 1914, le chef d’escadron Guyot commandant la compagnie de l’Aube.
CCM 16 février 2007
Entre les lignes...
- mireille salvini
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- Inscription : jeu. déc. 15, 2005 1:00 am
Re: Entre les lignes...
bonjour à tous
bonjour Alain
comme toujours,c'est passionnant de vous lire
ce témoignage peut expliquer d'une certaine manière la méfiance des populations proches du front envers les troupes françaises,méfiance souvent décrite dans les témoignages de combattants
je me demande si ces incidents ont été isolés,et s'il y a eu une suite à cette plainte...
le fait que les gradés approuvaient ou laissaient faire le pillage est également intéressant à savoir:comment savoir si ces actes étaient (in)volontaires (?)
il suffit de peu pour faire une (mauvaise) réputation
amicalement,
Mireille
bonjour Alain
comme toujours,c'est passionnant de vous lire
ce témoignage peut expliquer d'une certaine manière la méfiance des populations proches du front envers les troupes françaises,méfiance souvent décrite dans les témoignages de combattants
je me demande si ces incidents ont été isolés,et s'il y a eu une suite à cette plainte...
le fait que les gradés approuvaient ou laissaient faire le pillage est également intéressant à savoir:comment savoir si ces actes étaient (in)volontaires (?)
il suffit de peu pour faire une (mauvaise) réputation
amicalement,
Mireille
- Alain Dubois-Choulik
- Messages : 8743
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Re: Entre les lignes...
Bonjour
Je rapprocherais cet épisode du même, authentifié par des témoins, mais qui concerne "la suivante", les armées alliées refluant, les allemands n'étant pas encore arrivés, et les évacués étant déjà partis . Il s'agissait exclusivement de militaires français ; ce sont d'ailleurs les seuls dommages de guerre dont ma famille a eu à se plaindre.
J'arrête là ma digression
Cordialement
Alain
Je rapprocherais cet épisode du même, authentifié par des témoins, mais qui concerne "la suivante", les armées alliées refluant, les allemands n'étant pas encore arrivés, et les évacués étant déjà partis . Il s'agissait exclusivement de militaires français ; ce sont d'ailleurs les seuls dommages de guerre dont ma famille a eu à se plaindre.
J'arrête là ma digression
Cordialement
Alain
Les civils en zone occupée
Ma famille dans la grande guerre
Les Canadiens à Valenciennes
"Si on vous demande pourquoi nous sommes morts, répondez : parce que nos pères ont menti." R. Kipling
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- Stephan @gosto
- Messages : 5598
- Inscription : dim. oct. 17, 2004 2:00 am
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Re: Entre les lignes...
Bonjour,
Malheureusement, rien de bien nouveau sous le soleil noir de la guerre...
Nous sommes quelques jours après le retraite... La retraite a été certainement une des périodes les plus dures de la guerre pour les hommes qui l'ont vécue. Les témoignages de ces derniers abondent en récits de tels actes. Sérieusement, ils avaient vraiment faim, ils étaient épuisés, en loques... les "bonshommes" étaient à bout...
Je crois que certains se sont fait fusiller pour un poulet volé...
Mais, c'est ainsi... chacun son boulot, et ne blâmons personne : ni ceux qui avaient ordre de se battre jusqu'à la mort, ni ceux qui, à leur suite, avaient ordre de chasser les voleurs de poulets... Même si j'avoue un peu de compassion pour les voleurs de poulets de cette époque.
Amicalement,
Stéphan
Malheureusement, rien de bien nouveau sous le soleil noir de la guerre...
Nous sommes quelques jours après le retraite... La retraite a été certainement une des périodes les plus dures de la guerre pour les hommes qui l'ont vécue. Les témoignages de ces derniers abondent en récits de tels actes. Sérieusement, ils avaient vraiment faim, ils étaient épuisés, en loques... les "bonshommes" étaient à bout...
Je crois que certains se sont fait fusiller pour un poulet volé...
Mais, c'est ainsi... chacun son boulot, et ne blâmons personne : ni ceux qui avaient ordre de se battre jusqu'à la mort, ni ceux qui, à leur suite, avaient ordre de chasser les voleurs de poulets... Même si j'avoue un peu de compassion pour les voleurs de poulets de cette époque.
Amicalement,
Stéphan