Bonjour,
Je vous livre ce récit intitulé «
Un exploit du Circé », trouvé dans
Histoire de la Grande Guerre par un français.
« Le 24 mai 1917, le
Circé croisait en plongée le long des côtes autrichiennes. Duchesne, veilleur au périscope, signale un petit point noir sur le ciel sans nuages : c’est un avion. Le sous-marin n’a qu’un moyen d’échapper aux bombes d’un avion, c’est de descendre. Mais les eaux de l’Adriatique sont si claires qu’il faut atteindre une grande profondeur pour devenir invisible et le navire en plongée n’est plus alors qu’un aveugle inutile.
Tout en surveillant l’avion, le lieutenant de vaisseau de Cambourg, commandant du
Circé, voit apparaître à l’horizon un sous-marin accompagné d’un torpilleur. Pour atteindre un sous-marin sans gaspiller ses torpilles, il faut pouvoir l’approcher de très près sans être vu, et, lorsque sa route est déblayée par un protecteur rapide, le cas est extrêmement embarrassant. Attaquer le torpilleur serait inutile, car le sous-marin qu’il escorte plongerait aussitôt.
Le commandant n’hésite pas. Sa décision va entraîner la mort ou la gloire de ses hommes. Il jette un coup d’œil sur eux pour voir si tout va bien. L’aspect de ces figures confiantes le convainc du succès.
A chaque instant, les allées et venues du torpilleur obligent à interrompre une manœuvre commencée pour en choisir une autre. L’enseigne de vaisseau Reboul, officier en second, fait exécuter les ordres du commandant, modifie les éléments de tir, suivant chaque indication nouvelle.
Soudain, le torpilleur met le cap sur le
Circé au moment où il approche de la position de lancement. Le commandant, persuadé qu’il a été vu, que l’alerte est donnée et que le sous-marin va plonger tandis que l’avion et le torpilleur attaqueront, a un moment d’angoisse. Le sous-marin ennemi est maintenant tout près ; à l’arrière du kiosque, on distingue un officier assis, la tête entre ses mains. Le
Circé glisse entre le sous-marin et le torpilleur. Le but est juste sur la ligne de visée. La torpille part en grondant. Treize secondes plus tard, une explosion retentit. Au périscope, on ne distingue plus rien qu’un énorme nuage de fumée sombre marquant la place où vient de « sauter » le sous-marin ennemi.
On pense à la revanche de tout le mal qu’il a pu faire. Mais une explosion ébranle le
Circé : c’est l’avion qui attaque. En même temps, le sous-marin français se met à descendre avec une rapidité inquiétante, entraîné par une tôlerie du sous-marin ennemi. Les efforts désespérés du
Circé le libèrent enfin.
L’habileté, le sang-froid, la ténacité au prix desquels s’achètent de pareilles victoires, sont dépassés encore par l’abnégation qu’elles exigent des officiers et des marins ».

Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - (Éditions des Indes Savantes) - "Le lieutenant de Mandchourie" (Éditions de L'Harmattan)