Bonjour,
"Un quart d'heure avant le coucher du soleil, le 1er novembre 1916, le torpilleur 300 sortait du port pour aller en patrouille avec le torpilleur 308, les dragueurs Marguerite IV et Saint-Pierre et l'arraisonneur Neptune. Il était commandé par l'enseigne de vaisseau Luneau. Une heure plus tard, la patrouille poursuivait sa route à 900 mètres dans l'ouest de la bouée sifflante. La nuit claire était venue ; une brise soufflait, très faible, avec petite houle. A 18 heures, une explosion retentit, si forte qu'elle fut perçue au Havre même d'où quelques travailleurs du port aperçurent six éclairs comme des flammes de canon du côté de la bouée. Les patrouilleurs, devant des obus qui retombaient près de leur bords, annoncèrent "ennemi en surface". C'était hélas ! une fausse alerte. Le torpilleur 300 venait de sauter en un endroit qui juste une heure auparavant avait été dragué mais où, dans les jours précédents des mines avaient été ramassées. L'arraisonneur Neptune arrivait dix minutes plus tard sur les lieux et recueillaient des survivants, mais un tiers de l'équipage avait disparu.
Que s'était-il passé ? Sur sa passerelle, le commandant avait entendu quelque chose raguer contre la coque. A peine venait-il de tourner la tête vers l'arrière que l'explosion la lui faisait instinctivement rentrer dans les épaules et qu'une trombe d'eau de mer et de débris s'abattait sur lui parmi l'épaisse fumée noire où tourbillonnaient des étincelles. Le navire avait été brusquement plongé dans l'obscurité. L'explosion avait brisé canots et berthons. A ce moment, l'équipage se trouvait par bonheur massé à l'avant, dans l'attente de la soupe. En un instant, tout le monde fut sur le pont capelant la ceinture de sauvetage. La fumée se dissipa lentement. Le commandant vit alors confusément que l'arrière du torpilleur avait été déchiqueté et que le pont retroussé sur une hauteur de trois mètres s'enfonçait sous l'eau. La machine avait stoppé. Tous les feux s'étaient éteints. Le seul moyen de donner l'alarme restait le canon. Il tira. Le Neptune vit les lueurs sur lesquelles il se guida. Cependant, l'eau déferlait sur l'avant, le bâtiment se couchait sur tribord. L'équipage jeta à la mer tout ce qui pouvait flotter et le commandant cria l'ordre : "Allez, tout le monde à l'eau, dépêchez-vous ! " Il se précipita le dernier dans les flots alors que les dragueurs approchaient. Le navire s'inclinait toujours. La mer envahit les chaufferies, la vapeur fusait bruyamment, lançant des escarbilles incandescentes sur les hommes qui nageaient à proximité. Soudain, le torpilleur cessa de se coucher, il se redressa même. Puis il sembla que l'avant se cabrait, s'immobilisait dans cette attitude de combat. Et, d'une seule coulée, il s'enfonça brusquement par l'arrière et disparut. le drame n'avait pas excédé deux minutes. Par grâce, les sauveteurs furent vite là, repêchant les hommes qui les guidaient par leurs cris d e détresse et s'efforçaient de rester groupés sur les flots. Le projecteur du Neptune fouillait les brumes de la nuit. Tous les survivants furent débarqués au quai Boostrom. On devait encore découvrir, le lendemain, un cadavre flottant sur les vagues. Par mesure de précaution, le soir même, la sortie des transports anglais fut arrêtée. Dans les semaines qui suivirent, des scaphandriers descendirent sur l'épave où ils purent sauver les deux tubes lance-torpilles avec leur engin, les deux canons, les deux ancres. Le torpilleur reposait alors droit sur le fond, son arrière avait disparu dans l'explosion. On estimait néanmoins son relevage possible en profitant d'une période de beau temps. Mais l'amiral Varney jugea cette opération sans intérêt, tout le matériel de valeur ayant été récupéré."
Source : Albert Chatelle, La base navale du Havre, éditions Médicis, 1949.
Il doit s'agir du barrage 175b posé par le sous-marin UC 26, EV comte von Schmettow,comme indiqué ci-dessus par Yves D, le 29 septembre 1916 au soir, sur lequel le vapeur anglais Maywood a coulé le 30 septembre et le vapeur anglais Vanellus, le 1er octobre.
Source: Arno Spindler, La guerre sous-marine, III, d'octobre 1915 à janvier 1917, Payot Paris, 1935, page 259 et croquis B page 456.
Cordialement.

