Bonjour à tous,
DANAE
Rapport du capitaine
Quitté Liverpool le 21 Juillet à 07h30. Beau temps mer houleuse. Rien à signaler. Passé Saint Kilda (nota : petite île dans l’Ouest des Hébrides) le 22 Juillet à midi et mis cap au 015, puis à 19h00 au 052. Forte houle d’ouest. Bonne visibilité.
Au coucher du soleil, effectué une variation et trouvé 19 ° NW.
A 22h40, à environ 80 milles au NW du cap Lewis, entendu un coup de canon. Je monte sur la passerelle quand retentit un second coup tiré avec obus. Le lieutenant de quart et moi fouillons l’horizon, mais ne voyons rien. Fait le branle-bas de combat.
Aperçu alors un sous-marin sur bâbord, tandis qu’un 3e coup de canon est tiré sur tribord. Un 2e sous-marin se tient à une centaine de mètres seulement sur tribord et tire. Pris entre deux feux, nous comprenons que tout effort pour sauver le navire est inutile.
Stoppé et affalé les embarcations. Un 4e coup de canon est tiré et passe juste au dessus des canots, puis un 5e et un 6e. Le pointage est effectué sur la passerelle, juste au dessus des canots. Le tir cesse dès qu’ils sont à l’eau. A cause du roulis, la baleinière bâbord fatigue beaucoup, donnant de violents coups contre la coque. Le sous-marin de bâbord passe alors sur tribord, tandis que l’autre s’éloigne un peu. Resté seul à bord, je fais accoster la baleinière de tribord et y lance les papiers avec beaucoup de difficultés dans la nuit. Mais je manque le canot et ils tombent à la mer. Je n’ai pas pu les récupérer.
J’embarque et à peine écarté du bord une voix crie en bon français : « Est-ce que le capitaine est dans cette embarcation ? Avez-vous les papiers du bord ? » Je réponds que non. Le commandant me dit « Venez ici ». Non sans mal, nous accostons sur tribord du sous-marin et avec l’aide de deux marins allemands, je saute sur le pont. J’ai de l’eau jusqu’aux genoux. Après quelques questions, le commandant me dit : « Vous allez à Arkhangelsk et vous transportez des munitions ». Je lui réponds que je n’ai pas de munitions. « Vous avez aussi des voitures à traction, des tractions engines » précise-t-il en anglais. Je me rends compte qu’il est bien renseigné.
Il me tend un calepin et un crayon et, à la lueur d’une petite lampe qu’un de ses hommes tient pour m’éclairer, il m’ordonne d’écrire le nom du navire, tonnage, cargaison et nom de l’armateur. Pendant ce temps, les deux sous-marins échangent des signaux par feux rouges.
A peine ai-je quitté le sous-marin que celui-ci se met en position pour torpiller le DANAE. Mais la torpille doit manquer son but car quelques minutes plus tard, il tire des coups de canon de fort calibre sur la chaufferie et les machines. Je suis à 400 ou 500 m du DANAE quand il disparaît sous les flots. Le sous-marin ne quitte les lieux qu’à 01h45 le 24 Juillet.
J’ai alors fait route vers la terre. J’avais perdu de vue la 2e baleinière, mais au lever du jour je l’ai retrouvée. Elle nous attendait à la cape. Nous avons navigué de conserve jusqu’au Dimanche matin 25 Juillet. Nous avons été recueillis à 2 milles du cap Wrath par le chalutier patrouilleur YOKOHAMA qui nous a débarqués à midi à Stornoway et sur lequel nous avons été très bien traités. L’agent consulaire de France s’est occupé de nous.
J’ai laissé les baleinières à Stornoway. L’équipage se composait de 22 hommes : 18 Français, 2 Américains, 1 Danois et 1 Russe. Tous ont été sauvés. Les hommes ont pour la plupart quitté le bord à peine habillés et sans chaussures. Caisse du bord et papiers ont été perdus.
Fait à Glasgow le 4 Août 1915 Signé Geffroy.
Rapport de la commission d’enquête
La commission reprend pratiquement tout le récit du capitaine Geffroy.
Elle précise que le capitaine Geffroy s’est bien conduit, a fait tout son devoir et que sa responsabilité ne saurait être mise en cause à l’occasion de la disparition du DANAE.
Sous-marin attaquant
Celui qui a coulé DANAE était donc l’ U 36 du KL Ernst GRAEFF.
Mais à l’évidence, un 2e sous-marin était sur les lieux et a participé à cette attaque. Ce pourrait bien être l’U 41 du KL Klaus HANSEN qui, semble-t-il, opérait sur la même zone à cette époque. (A vérifier par des spécialistes…

).
Enfin, notons que DANAE ne naviguait pas du tout en convoi comme je l'avais écrit dans un post précédent. Comme quoi il faut se méfier des sources d'information journalistiques...
Cdlt