Entre les lignes...
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Re: Entre les lignes...
Prévôté de la 3ème D.I.
Poste de Sommedieue
Arrestation en flagrant délit de vol de Devillers Charles Henri, et de Bardot Vital Napoléon, de la 105ème batterie de 58, du 29ème d’artillerie, absents illégalement.
Cejourd’hui vingt-six février mil neuf cent seize à seize heures,
Nous, soussignés, Simon Jean-Auguste, brigadier, Maizières Jules et Devillers Alfred, gendarmes à pied à la Prévôté de la 3ème Division d’Infanterie, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, recevons de Madame Banèle ( Jouaux), 61 ans, propriétaire à Sommedieue, la déclaration suivante :
“Tout à l’heure, à la chute d’un obus, je me suis sauvée, laissant ma clef sur la porte. Je viens de rentrer et me suis aperçue que parmi les saucisses suspendues dans ma cuisine et fabriquées seulement depuis cinq jours, il en manquait une de la valeur de 1 franc 50.”
Lecture faite, y persiste et signe : Banèle.
Ayant aperçu deux militaires, peu auparavant dans le voisinage de la demeure Banèle, nous nous sommes mis à leur recherche.
Le gendarme Maizières a découvert un de ces militaires en état d’ivresse au moment où un lapin tombait du dessous de ses vêtements, et le brigadier Simon et le gendarme Devillers ont rejoint le deuxième.
Le premier, interpellé, a déclaré :
“Je me nomme Devillers Charles Henri, bombardier à la 105ème batterie de 58, du 29ème régiment d’artillerie, cantonné à Rupt en Woëvre, né le 27 mars 1886 à Paris (9°) de Adolphe et de Palon Jeanne Anna, marié, deux enfants, sais lire et écrire, jamais condamné.
“Je ne sais où j’ai eu ce lapin.”
Nous n’avons pu, en raison de l’état d’ivresse de cet homme obtenir aucun renseignement, aussi bien sur la provenance du lapin que sur celle du saucisson volé à Madame Banèle. Ce militaire, sans pièce justifiant son absence de Rupt, étant trouvé en flagrant délit de vol, nous l’avons mis en état d’arrestation pour être écroué à la prison de notre division.
L’arrestation du deuxième militaire, Bardot Vital Napoléon, trouvé en possession de trois pigeons trouvés sous ses vêtements, fait l’objet du P.V. n°.
La fouille opérée sur Devillers a fait découvrir un reste de saucisson, de fabrication toute récente, reconnue par Madame Banèle, comme venant de celui à elle dérobé. En effet nous avons constaté, après comparaison que le reste de saucisson ressemblait entièrement à ceux pendant dans la cuisine de Madame Banèle.
Par message téléphoné, nous avons rendu compte au Commandant de la 105ème batterie de 58 à Rupt de l’arrestation de son subordonné.
Le lapin dont s’agit et dont nous n’avons pu découvrir le propriétaire, a été remis, contre reçu, au Major du cantonnement de Sommedieue.
En foi de quoi nous avons dressé le présent destiné au Général commandant la 3ème Division d’Infanterie.
Le second, invité à exhiber ce qu’il cachait sur sa poitrine a ouvert ses vêtements et trois pigeons ont repris leur vol.
Interpellé, ce militaire nous a déclaré :
“Je me nomme Bardot Vital Napoléon, bombardier à la 105ème batterie de 58 du 29ème d’artillerie, cantonné à Rupt, né le 20 septembre 1890 à Orchies (Nord) de Henri Bardot et de Delannoy Zélie Victorine. Célibataire, jamais condamné, illettré.
“Les trois pigeons qui viennent de sortir de dessous mes vêtements proviennent d’un militaire qui me les a vendus 2 francs 85. Je ne connais pas ce militaire, pas plus que le numéro de son régiment. J’ignore également où il se les est procurés. Quant au saucisson trouvé sur mon camarade Devillers ( celui-ci a fait l’objet du P.V. n°), je l’ai acheté pour un franc à un autre militaire que je ne connais pas non plus. Mais, puisque Madame Banèle dit que c’est le reste de celui qui lui a été volé, je préfère l’indemniser, bien que je sois étranger à sa provenance. Je ne sais si celui qui me l’a vendu l’avait volé.
J’étais venu à Sommedieue pour voir l’aéro allemand abattu, mais sans autorisation”.
Lecture faite, y persiste et signe : Bardot.
Bardot ne pouvant justifier de l’origine des trois pigeons trouvés sur lui, nous l’avons mis en état d’arrestation, comme se trouvant en flagrant délit de vol ou de recel, pour être déposé à la prison de notre division.
En notre présence il a versé 1 franc 50 à Madame Banèle pour l’indemniser du saucisson à elle dérobé. Après quoi cette dernière a, à nouveau, déclaré :
“Je retire ma plainte puisque mon saucisson m’a été remboursé.”
Lecture faite, y persiste et signe : Banèle.
Nous n’avons pu savoir où les pigeons ont été dérobés. Le Commandant de la 105ème batterie du 58 a été informé de l’arrestation de son subordonné.
En foi de quoi nous avons dressé le présent destiné au Général commandant la 3ème Division d’Infanterie.
Fait et clos aux Armées, les jour, mois et an que dessus.
Signés : Devillers Maizières Simon.
CCM 02/02/2007
- Stephan @gosto
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Re: Entre les lignes...
Bien...bien... bien.
Salut Alain,
Merci. Mais, dis-moi, il y en a beaucoup des cartons, aux archives du S.H.D. à Vincennes, remplis d'histoires de saucisses volées ???
Non, je te demande ça parce que je pense, par exemple, au type qui fait des recherches sur le 29e R.A.C. et qui va peiner comme un malade pour trouver la composition et l'effectif nominal de la 105e batterie, et qui ne rentrera finalement chez lui qu'avec des histoires de saucisses volées...
Bon... je rigole, mais jaune (un p'tit peu), car quand même c'est rageant de voir que l'on a réussi à conserver ce type de documents mais pas, par exemple, les effectifs nominaux des hommes présents au corps durant la guerre !!!
Bon, mais, au-delà de ma remarque, c'est toujours avec plaisir et intérêt que je te lis chaque vendredi !
Amicalement,
Stéphan, qui va peut-être réorienter ses recherches sur le sort des poulets volés durant la guerre

Salut Alain,
Merci. Mais, dis-moi, il y en a beaucoup des cartons, aux archives du S.H.D. à Vincennes, remplis d'histoires de saucisses volées ???
Non, je te demande ça parce que je pense, par exemple, au type qui fait des recherches sur le 29e R.A.C. et qui va peiner comme un malade pour trouver la composition et l'effectif nominal de la 105e batterie, et qui ne rentrera finalement chez lui qu'avec des histoires de saucisses volées...

Bon... je rigole, mais jaune (un p'tit peu), car quand même c'est rageant de voir que l'on a réussi à conserver ce type de documents mais pas, par exemple, les effectifs nominaux des hommes présents au corps durant la guerre !!!
Bon, mais, au-delà de ma remarque, c'est toujours avec plaisir et intérêt que je te lis chaque vendredi !
Amicalement,
Stéphan, qui va peut-être réorienter ses recherches sur le sort des poulets volés durant la guerre

