SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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Terraillon Marc
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

Message par Terraillon Marc »

Bonjour

Le chalutier SAINT MATHIEU a l'indice (1)
Le vapeur SAINT MATHIEU a l'indice (2)

A bientot
Cordialement
Marc TERRAILLON

A la recherche du 17e RIT, des 166/366e RI et du 12e Hussards.
plouezec1418
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

Message par plouezec1418 »

Un disparu du St Mathieu de Plouezec 22470 :Nobert LABOUR né le 15/04/1879 Matelot de 2 classe
Rutilius
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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Bonsoir à tous,


Saint-Mathieu – Chalutier à vapeur de 175 ou 186 tx jb ; 32,9 x 6,4 x 3,7 m. Construit en 1903 par le chantier Hall, Russell & C° Ltd., d’Aberdeen (Écosse, Royaume-Uni) pour le compte de l’armement Caillé et Cie, de Brest (Finistère). Armé d’un canon de 47 mm. Non réquisitionné.

The Wreck Site (pour partie) —> http://www.wrecksite.eu/wreck.aspx?165195

■ Historique (complément).

— 12 juillet 1917 : Alors qu’il se rendait sur ses lieux de pêche, repousse et met en fuite avec son seul canon de 47 mm un sous-marin qui venait d’avarier un grand bâtiment, ce qui lui vaudra un témoignage officiel de satisfaction de la part du Ministre de la Marine.

Le Temps, n° 20.526, Lundi 17 septembre 1917, p. 1.

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Journal officiel du 25 septembre 1917, p. 8.203.

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— 6 janvier 1918 : Coulé au canon par le sous-marin allemand U-22 (Oberleutnant zur See Hinrich Hermann Hashagen) à 77 milles dans le Sud-Ouest de Belle-Île. 8 victimes.

L’Ouest-Éclair – éd. de Caen – n° 5.657, 19 janvier 1918, p. 4.

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Commandant Émile VEDEL : « Quatre années de guerre sous-marine », éd. Plon-Nourrit et Cie, Paris, 1919, p. 278 et 279.

« Le chalutier armé Saint-Mathieu avait appareillé de Brest, le 2 janvier 1918, pour aller pêcher à une centaine de milles dans le Sud-Ouest du Raz de Sein. Il était en train de chaluter, quand l’homme de veille aperçoit un point noir à l’horizon. Quelques secondes après, un obus passe en sifflant par-dessus le Saint-Mathieu. Le capitaine Le Cohellac — retenons ce nom d'un brave breton, deux fois brave par conséquent — fait aussitôt couper les funes de son train de dragage, rappelle aux postes de combat, et met le cap sur l’ennemi en ouvrant le feu avec sa pièce avant, à 6.500 mètres. Mais le second obus du sous-marin enlève la moitié de la passerelle, et blesse l’homme de barre. Un troisième tombe à toucher l’étrave. Le Cohellac embarde sur bâbord, pour dérégler le tir de l'ennemi, et encourage ses hommes en leur montrant qu’eux aussi mettent tout près du but, alors à pas plus de 2.000 mètres. Un nouveau projectile éclate contre la pièce avant, tuant trois de ses servants sur quatre. L’unique survivant n’en continue pas moins le feu, jusqu’à épuisement des munitions montées sur le pont. Le sous-marin n’est plus qu’à 1.200 mètres, et les coups tombent de plus en plus dru. Le second du Saint-Mathieu est tué, un autre marin atteint. Sur treize hommes d’équipage, il y a quatre morts et quatre blessés grièvement, le reste plus ou moins touchés. Dans l’impossibilité de prolonger la résistance, le capitaine se décide à évacuer. Moins inhumain que la plupart de ses congénères, le pirate cessa le feu en voyant le canot s’écarter du bord, chargé de blessés et de mourants. Il le fit accoster, le fouilla, s’empara d’un vieux pavillon français, et abandonna les naufragés à leur sort. Après trente heures de mauvais temps et de souffrances atroces, un vapeur est aperçu dans la nuit. C’est le patrouilleur Pivoine. Il entend des cris, et, sans voir l’embarcation d’où ils partent, vient droit dessus. Le capitaine Le Cohellac essaye d’éviter le choc, mais ses mouvements sont paralysés par un blessé qui a le délire. Abordé, le doris chavire, et tout le monde est précipité à la mer. De ces malheureux à bout de forces, quatre sont noyés, et on s’imagine dans quel état pouvaient être les cinq rescapés ! Voilà dans quelles conditions nos admirables pêcheurs aidaient au ravitaillement de la France, sans qu’aucun d'eux y ait jamais gagné de quoi figurer parmi les " nouveaux riches ". Mais, comme titres à notre admiration et à notre reconnaissance, je ne crois pas qu’il en existe de plus magnifique que les leurs. »
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Rutilius
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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Récompenses consécutives à la perte du chalutier armé Saint-Mathieu

Citations à l’ordre de l’armée

Journal officiel du 28 janvier 1918, p. 1.031

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Inscriptions au tableau spécial de la Médaille militaire

Journal officiel du 28 janvier 1918, p. 1.031

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Rutilius
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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■ Le capitaine du chalutier armé Saint-Mathieu.

— LE COHÉLÉACH Georges Marie, né le 31 janvier 1870 à l’Île-aux-Moines (Morbihan), et décédé le 15 octobre 1928 à ... (...). Fils de Georges Marie LE COHÉLÉACH, marin, et de Mathurine Reine LOHRO, « ménagère », son épouse. Capitaine au cabotage (Déc. 31 mars 1896, J.O., 11 avr. 1896, p. 2.043), inscrit à Vannes, f° 278, n° 557. Non mobilisé durant les hostilités. Réformé n° 2 par la Commission de réforme du 3e Arrondissement maritime le 17 octobre 1917. (Base Léonore, Dossier LH/1533/61).

Par décret en date du 25 janvier 1922 pris au titre du Ministère des Travaux publics (J.O., 6 mars 1922, p. 2.627), nommé chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur dans les termes suivants :

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Commandait alors le chalutier Saint-Corentin armé à Lorient (Morbihan) pour la pêche hauturière. Alors domicilié dans cette ville, au 21, rue de la Liberté.

Extraits de la note rédigée le par le Ministre des Travaux publics à l’appui du projet de décret de nomination :

« Distinctions honorifiques. — Croix de guerre avec palme pour citation à l’ordre du Corps d’armée (voir ci-après). Inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire (voir ci-après).

Détail des services extraordinaires rendus par le candidat. — Cité à l’ordre du Corps d’armée pour l’initiative et le courage dont il a fait preuve en protégeant de son canon un navire attaqué par un sous-marin ennemi ; attaque d’un sous-marin par son navire, le chalutier Saint-Mathieu, le 12 juillet 1917 (Décision ministérielle du 13 septembre 1917 ; dépêche du 23 septembre 1917).
Inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire pour courage, énergie et audace remarquables au cours d’un violent combat contre un sous-marin. N’a évacué qu’à la dernière extrémité ne pouvant plus combattre, faute de personnel (Décision du 16 janvier 1918 ; dépêche ministérielle du 25 janvier 1918).

Observations. — Excellent officier de la Marine marchande. Energique et brave. Navigation dangereuse et ininterrompue en eaux infestées de sous-marins et de mines durant 4 ans.
»

L’Ouest-Éclair – éd. de Caen –, n° 7.446, Dimanche 26 mars 1922, p. 1.

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Rutilius
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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■ L’officier mécanicien du chalutier armé Saint-Mathieu.

— CHUPIN Édouard Edmond, né le 24 novembre 1871 à Nantes (Loire-Inférieure – aujourd’hui Loire-Atlantique), et décédé le ... à ... (...). Fils de Louis CHUPIN, sellier, et de Reine Henriette PÉDRON, sans profession, son épouse. Officier mécanicien de 1re classe de la marine marchande, inscrit à Lorient, n° 2.529 ; mécanicien principal de 2e classe auxiliaire. (Base Léonore, Dossier 19800035/1483/72384).

Par arrêté en date du 28 juin 1921 (J.O., ... 1921, p. ... ), inscrit au tableau spécial de la Légion d’honneur. Alors embarqué sur le chalutier Kervignac, étant domicilié à Lorient, au 10, rue de Merville.
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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Bonjour à tous,


Marins disparus le 6 janvier 1918 avec le chalutier armé Saint-Mathieu

[8]

Judiciairement déclarés « Morts pour la France »

Jugement déclaratif de décès rendu par le Tribunal civil de Brest le 12 septembre 1919, transcrit à Brest le 3 octobre 1919

(Registre des actes de décès de la ville de Brest, Année 1919, Vol. III., f° 94, acte n° 1.478)

« Attendu qu’il résulte d’un rapport de l’Administrateur de l’Inscription maritime de Brest en date du 22 mai 1919 que le six janvier mil neuf cent dix-huit, à dix heures trente, au S.-O. de Belle-Île, le chalutier à vapeur Saint-Mathieu, armé à Brest, a été attaqué par un sous-marin allemand qui a lancé sur ledit une cinquantaine d’obus et l’a fait couler ; que seule une partie de l’équipage a pu se sauver ; que les marins ci-après désignés ont disparu au cours de cet événement et n’ont jamais reparu à leur domicile et n’ont depuis lors donné de leurs nouvelles ; qu’il ne peut subsister aucun doute de la réalité de leurs décès.

Par ces motifs : Déclare constant le décès à la date du six janvier mil neuf cent dix-huit des marins ci-après : ...
»

Marins du commerce

[7]

[Ordre alphabétique]

— COLLET Joseph, né le 16 juin 1864 à Bangor (Morbihan) et domicilié à Lorient (– d° –). Patron de pêche, inscrit à Belle-Île, n° 313.

Fils de Pierre François COLLET, né vers 1827, marin, et d’Anne Marie RICHARD, née vers 1833, « ménagère », son épouse (Registre des actes de naissance de la commune de Bangor, Année 1864, f° 9, acte n° 26). Époux de Marie CONAN.

— CUIDU Joseph Marie, né le 27 mai 1876 à Groix (Morbihan) et domicilié à Hennebont (– d° –). Premier chauffeur, inscrit à Lorient, f° 732, n° 11.232.

Fils de Pierre Marie CUIDU, né vers 1842, domestique, et d’Eugénie Marie COURTET, née vers 1848, « ménagère », son épouse (Registre des actes de naissance de la commune de Groix, Année 1876, f° 17, acte n° 64). Époux de Marie Louise LE BIHAN.

— LE BORGNE Vincent, né le 20 décembre 1876 à Lanildut (Finistère) et domicilié au Conquet (– d° –). Matelot, inscrit au Conquet, n° 7.260.

Fils de François LE BORGNE et de Marie Laurence GUÉNAN, son épouse. Époux de Marie FLOCH.

— PLUMER Pierre Marie, né le 2 février 1866 à Erdeven (Morbihan) et domicilié à Lorient (– d° –). Matelot, inscrit à Auray, f° 481, n° 357.

Fils de Joachim PLUMER, né vers 1829, tisserand, et de Marie Anne MAHÉO, née vers 1833, « ménagère », son épouse (Registre des actes de naissance de la commune d’Erdeven, Année 1866, f° 3, acte n° 6). Époux de Marie Anne BELZ.

— QUINTIN Pierre Louis, né le 7 avril 1873 à Fouesnant (Finistère) et domicilié à Lorient (Morbihan). Matelot, inscrit à Concarneau, n° 811.

Fils de Pierre QUINTIN, né vers 1848, charron, et de Marie Yvonne HÉLIAS, née vers 1846, sans profession, son épouse (Registre des actes de naissance de la commune de Fouesnant, Année 1873, f° 11, acte n° 57). Époux de Marie Louise LE DIZET.

ROLLANDO Ancel Marie, né le 10 décembre 1901 à l’Île-aux-Moines (Morbihan) et y domicilié. Novice, inscrit à Vannes, n° 7.149.

Fils de Pierre Marie ROLLANDO, né vers 1860, marin, et de Fleurence Félicité BEDEX, née vers 1863, sans profession, son épouse (Registre des actes de naissance de la commune l’Île-aux-Moines, Année 1901, f° 7, acte n° 24). Célibataire.

— SICALLAC Henri Prospert, né le 5 octobre 1877 Quiberon (Morbihan) et y domicilié. Matelot, inscrit à Auray, n° 443.

Fils de Jean Joseph SICALLAC, né vers 1843 et décédé le 5 septembre 1884 à Cardiff (Pays de Galles, Royaume-Uni), marin, et de Marie Josèphe HENRY, née vers 1844, cultivatrice, son épouse. Époux de Marie Mathilde Armande JOSSIC, née le 22 octobre 1883 à Quiberon, avec laquelle il avait contracté mariage à Quiberon, le 30 janvier 1905 (Registre des actes de naissance de la commune de Quiberon, Année 1877, f° 14, acte n° 50 – Registre des actes de mariage de la commune de Quiberon, Année 1905, f° 2, acte n° 2).

Marin de l’État

[1]

— LABOUR Norbert Marie, né le 15 avril 1877 à Plouézec (Côtes-du-Nord – aujourd’hui Côtes-d’Armor –) et y domicilié, Matelot de 2e classe fusilier auxiliaire, chef de pièce, Direction des mouvements du port de Brest, inscrit à Paimpol, n° 30.079.

Fils de Norbert Marguerite LABOUR, né vers 1838, cultivateur, et de Marie Louise GÉRARD, née vers 1849, « ménagère », son épouse (Registre des actes de naissance de la commune de Plouézec, Année 1877, f° 12, acte n° 21). Célibataire.
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
olivier 12
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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Bonjour à tous,

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Naufrage du 5 Janvier 1918. Rapport du capitaine

Chalutier à vapeur SAINT MATHIEU. 54 tonnes. Monté par 13 hommes d’équipage. Armé d’un canon de 47 mm placé à l’avant.
Armateur Monsieur Caillé, demeurant à Brest, 66 rue du Château.

Quitté Brest le 2 Janvier 1918 à 08h30 et passé le raz de Sein à 11h30, route au SqSW pour me rendre sur les lieux de pêche. Réduit avant ½ le 3 janvier à 02h00 le temps étant très mauvais et resté en cap toute la journée ; impossible de travailler.
4 Janvier : même temps
5 Janvier au matin, beau temps et mer belle. Le canonnier Labour étant de vigie sur la passerelle du canon, j’aperçois à 10h30 un point à l’horizon par tribord arrière. Aux jumelles, j’aperçois comme une voile arrière de chalutier. Quelques instants plus tard, un obus siffle au dessus du SAINT MATHIEU. Plus de doute, c’est un sous-marin. Branle-bas de combat et coupé les funes. Le sous-marin se trouvait à 7000 m. Mis le cap dessus et tiré avec hausse à 6500 m. Le sous-marin continue à tirer en se rapprochant de nous. Je fais diminuer la hausse de temps en temps. Un obus passe à tribord de la passerelle enlevant la partie supérieure de celle-ci et brisant les vitres. Le compas tombe sur la tête de l’homme de barre Jossin lui faisant une blessure assez sérieuse. Un autre obus du sous-marin tombe sur l’avant et, voyant que son tir est bien réglé, je fais une embardée sur bâbord tandis qu’un de nos obus tombe à toucher le sous-marin. J’encourage mes hommes à tirer le plus possible, leur disant que le pointage est bon. Le sous-marin se trouve à environ 2000 m. Quelques obus tombent à tribord sans nous toucher, mais un obus tombe sur l’avant blessant mortellement trois hommes : le servant de la pièce Cuidu, l’approvisionneur Pleumeur et le novice Rollando. Ce dernier, âgé de 16 ans est atteint à la tête. Elle blesse à l’œil le chargeur Sicallac. Le canonnier continue à tirer quelques coups, chargeant lui-même sa pièce.
N’ayant plus de munitions et les éclats d’obus continuant à tomber en faisant beaucoup de dégâts, les hommes étant soit blessés soit épuisés, j’ai stoppé la machine pour disposer les embarcations. J’ai hissé le pavillon à mi mât, mais il a aussitôt été enlevé par un éclat. Le sous-marin continuait à se rapprocher en tirant. Il était à 1100 m et nous nous disposions à mettre le canot à l’eau quand un obus a frappé le second au côté, le blessant mortellement, et cassant le bras du matelot Sicallac. On réussit enfin à mettre le canot à la mer.

Je jette à la mer les papiers confidentiels que j’avais à bord dans un sac en toile avec un plomb de 2 kg. Après avoir vérifié que les hommes étaient morts et que tous les autres étaient dans le canot, je me suis décidé à abandonner le bateau. J’avais 4 tués et 4 blessés grièvement sur 13 hommes d’équipage. Tous les autres et moi-même étions plus ou moins atteints de petits éclats.

Nous nous sommes éloignés du bateau et quand le sous-marin nous a aperçu, il a cessé son tir et a fait route sur nous, nous faisant signe de l’accoster.
Il a demandé nom du bateau, jauge et longueur et si j’avais les papiers du bord. J’ai répondu non. Le commandant a aperçu u vieux pavillon français dans le canot et a fait signe de le lui remettre. Il m’a ensuite dit que nous étions libre et m’a fait signe de partir. Il s’est rapproché de SAINT MATHIEU et a recommencé son tir pour le couler. Au bout de quelques coups, SAINT MATHIEU a disparu et j’ai fait route sur la terre. Il était 11h45.

Nous avons navigué par beau temps jusqu’au 7 Janvier à 01h00 du matin, quand la brise a commencé à fraîchir et la pluie à tomber. J’ai fait diminuer la toile, puis rétablir la voile haute au jour. Mais vers 10h00, j’ai du prendre deux ris, la mer étant devenue grosse et menaçant de nous engloutir à chaque instant. Nous étions obligés de fuir à la lame. Vers midi (nous n’avions pas d’heure) les vents sont passés au NE avec mer très agitée et temps noir. La pluie tombait et nous grelottions de froid, nous serrant difficilement les uns contre les autres. Vers 14h00, dans une éclaircie, nous avons aperçu la terre, ce qui nous a donné du courage. Les vents sont tombés et j’ai fait établir la misaine haute et nager. Les vents étaient de Nord et quand les feux se sont allumés, nous avons vu que nous étions à 4 ou 5 milles des Cardinaux. J’ai voulu me rendre au Croisic, mais n’ai pu doubler le Four, les vents gagnant au NE. Nous étions exténués de fatigue quand vers 18h00 j’ai aperçu un bateau à vapeur. Nous l’avons hélé pour lui demander s’il acceptait de nous prendre et il a répondu oui.

J’ai fait renter la voile et lui ai demandé de faire arrière car il était proche de nous. Il n’a pas compris et a mis en avant. Le temps étant très noir, il ne pouvait voir le canot. Il a fait un tour et s’est rapproché par tribord. J’ai fait nager pour couper devant lui. Quand il a redressé sa barre, je lui ai crié de faire arrière toute et de venir sur tribord, mais il ne pouvait entendre. J’ai fait nager aussitôt, mais nous avons été gênés dans notre manœuvre par le matelot Jossin qui avait le cerveau atteint depuis le combat. Le vapeur nous a abordé par le travers, chavirant le canot et précipitant tout le monde à la mer. J’ai été sauvé par un aviron que l’on m’a tendu depuis le bord. J’ai dit au commandant du vapeur que nous étions 9 dans le canot. Il m’a répondu qu’il avait sauvé 5 personnes, son canot ayant été mis à la mer dès que le notre avait chaviré. Il avait récupéré le chef mécanicien Chupin, le matelot Jossin, le chauffeur Talarmin et le soutier Talarmin. Le commandant de ce chalutier convoyeur, le PIVOINE, a donné l’ordre à un autre convoyeur d’explorer les lieux. Mais ce fut sans succès. Sicallac, Quintin, Labour et Le Borgne s’étaient noyés.

Nous avons reçu sur PIVOINE tous les soins que nécessitait notre état et nous remercions chaleureusement le commandant Cadic et son équipage pour ces soins car nous étions à bout de force. L’abordage de notre canot ne peut lui être imputé car la nuit était très noire et un grain violent et la houle rendaient toute manœuvre d’accostage impossible. Nous n’avions plus de matériel pour faire des signaux lumineux.

Je remercie aussi tous mes hommes, du premier au dernier, aussi bien ceux qui ont péri que ceux qui ont survécu. Je les connaissais et savais qu’avec eux je pouvais mettre le cap sur l’ennemi. Malheureusement, notre petit canon ne pouvait étaler celui de l’Allemand qui nous a fait beaucoup de mal dès le début, à grande distance.

Nous sommes arrivés à La Pallice le 8 Janvier 1918 à 08h00.

Voici la signature du capitaine Le Coheleach

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Autres dépositions

Tous les survivants, à l’exception du matelot Jossin hospitalisé à La Rochelle, ont été interrogés. Ils confirment le récit du commandant et affirment que si Jossin blessé à la tête ne s’était pas jeté sur eux dans un accès de délire, les empêchant de nager lors de l’accostage de PIVOINE, ils n’auraient pas été abordés.

Description du sous-marin

Pont du sous-marin formé de plaques de tôle assez petites, plus épaisses que celles des flancs. Plaques assemblées à franc-bord et à rivets arasés.
60 à 70 m de longueur
1 canon d’environ 105 mm sur l’avant du kiosque.
Equipage du sous-marin très jeune. Certains plaisantaient en regardant les blessés.
Le commandant parlait un très mauvais français.
Le capitaine a demandé s’il pouvait remonter à bord du chalutier pour prendre de l’eau douce et un compas, car le compas du canot et le fanal étaient tombés à la mer lors de la mise à l’eau. Le commandant allemand a tout d’abord dit non, puis a finalement dit oui. Mais il a été impossible de retourner sur le bateau, car il a ouvert très rapidement le feu pour le couler.

Voici la silhouette du sous-marin

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Ce sous-marin était donc l’U 22 du Kptlt Hinrich Hermann HASHAGEN. Il commandera ce sous-marin jusqu’à l’armistice du 11 Novembre 18.
U 22 avait coulé en Juin 1916 le grand voilier français FRANCOISE D’AMBOISE. (voir ce lien pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas)

Notes de l’officier AMBC

SAINT MATHIEU, qui faisait route au Sud est venu cap au Nord pour mettre le but dans son champ de tir et a ouvert le feu avec une hausse de 6500m. Le capitaine a gardé le cap exactement sur le sous-marin pour diminuer la surface présentée à l’ennemi. L’inconvénient de ce tir dans l’axe est qu’il ne voyait pas les points de chute masqués par la plateforme de la pièce. Le matelot Sicallac signalait comment tombaient les coups.
A 2000 m, le sous-marin évita de façon à tirer à 45° de son arrière. Dans cette position, l’armement de sa pièce était protégé par le kiosque. On ne voyait aucun homme auprès d’elle. Les coups du SAINT MATHIEU tombaient très près du sous-marin, mais aucun n’a été vu au but. Le tir du sous-marin avait été long à se régler (20 coups) mais toutes les blessures et avaries ont été dues aux éclats. Trois hommes ont été tués d’un coup et 4 blessés. Le ravitaillement de la pièce a été interrompu, mais le tir a continué jusqu’à épuisement du parc. Le commandant a alors décidé d’évacuer.

Ce n’était pas la 1ère fois que SAINT MATHIEU rencontrait un sous-marin. Le 12 Juillet 1917, à 100 milles d’Ouessant, il avait aperçu un sous-marin attaquant un gros cargo. Il avait alors mis le cap dessus et l’avait canonné. Le sous-marin avait disparu presque aussitôt. Cette tactique encourageante, répétée une 2e fois, a malheureusement échoué. Elle aurait pu réussir si le capitaine, ayant reçu une instruction sur la conduite du tir, avait mieux dirigé le feu de sa pièce.
A la vue du pont du sous-marin, l’équipage pense que ce sous-marin était blindé.

(Nota : Le sous-marin rencontré le 12 Juillet 1917 pourrait avoir été l’U 87 du Kptlt Rudolf Schneider, mais sans aucune certitude)

Conclusions de la commission d’enquête

Son rapport reprend tous les éléments de celui du capitaine. Elle conclut :

La commission rend hommage à la décision, au courage et à l’énergie dont ont fait preuve le capitaine Le Coheleach et son équipage et prose pour eux des récompenses.

Récompenses

Citation à l’Ordre de l’Armée et Médaille Militaire

LE COHELEACH Georges Marie Capitaine au Cabotage

Courage, énergie, audace remarquable déployés au cours d’un combat violent au canon soutenu contre un sous-marin. N’a ordonné l’évacuation de son bâtiment qu’à la dernière extrémité, étant dans l’impossibilité de continuer le feu faute de personnel. Déjà titulaire de la Croix de Guerre avec étoile de vermeil pour avoir mis en fuite un sous-marin qui attaquait un gros cargo le 12 Juillet 1917 à 100 milles d’Ouessant

JOSSIN François Matelot

Homme de barre grièvement blessé à la tête et en traitement à l’hôpital de La Rochelle.

Citation à l’Ordre de l’Armée

CHUPIN Edouard Chef mécanicien

A montré beaucoup d’autorité et de sang froid au cours du combat. N’a cessé de seconder le commandant tant à bord du SAINT MATHIEU que dans le canot. Etait à bord du SAINT ANDRE quand ce cargo a obtenu un témoignage de satisfaction.

CUIDU Joseph 1er chauffeur
PLEUMEUR Pierre Matelot
ROLLANDO Anselme Novice

Tué à leur pièce au cours du combat

COLLET Joseph 2e capitaine Patron de pêche

Tué par un éclat d’obus au moment où il amenait le canot

LABOUR Norbert Fusilier auxiliaire

Chef de pièce, a continué le tir bien que blessé aux jambes. Noyé dans l’accident avec PIVOINE

SICALLAC André Matelot

Grièvement blessé par des éclats d’obus (un bras cassé et un œil crevé). Noyé dans l’accident avec PIVOINE

QUINTIN Pierre Matelot

Blessé à la figure par des éclats. Noyé dans l’accident avec PIVOINE

LE BORGNE Vincent Chauffeur

Blessé à la figure par des éclats. Noyé dans l’accident avec PIVOINE

Citation à l’Ordre du Corps d’Armée

TALARMIN Jean Chauffeur
TALARMIN Joseph Soutier

Qualités militaires réelles déployées au cours d’un combat sérieux au canon.

Cdlt
olivier
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

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Bonjour à tous,

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Rencontre avec un sous-marin le 12 Juillet 1917
Rapport du capitaine


Je soussigné Le Cohéléach, capitaine du chalutier à vapeur ST MATHIEU du port de Brest, 54 tx, monté par 14 hommes d’équipage déclare être parti de Brest le 11 Juillet à 18h30. Aux Pierres Noires à 21h00.
A 07h40 le 12, le second vient me prévenir qu’il entend le canon. Venu à l’WSW. A 08h00 aperçu un bateau de 5 à 6000 tx faisant route NE, attaqué par un sous-marin qui se trouve devant nous. Venu de deux quarts bâbord et hissé le pavillon français. Un instant après, aperçu le feu sur le pont arrière et quelques instants après un jet de vapeur sortant du milieu du navire.
Le sous-marin continuait à tirer. J’apercevais les lueurs du canon. A 08h10, nous sommes par le travers du vapeur qui a le cap au SE. Vent d SW. Petite brise. Temps brumeux.
A 08h15, ouvert le feu à 5000 m. A notre 2e coup, le sous-marin vire d bord. Tiré 3 autres coups de canon et, voyant qu’il s’éloignait, cessé le tir. Il n’a pas répondu et nous le poursuivons jusqu’à 09h20.

Voyant qu’il gagnait de vitesse, viré de bord pour venir demander au vapeur s’il avait besoin de secours. Il avait repris sa route à 09h40 et amené un grand pavillon carré entre les deux mâts. Pendant qu’il était canonné, il n’avait pas son pavillon national. Je présume qu’il était armé mais que sa pièce était hors de combat.
La position était 48°50 N et 12°03 W Greenwich. Sans notre intervention, ce navire était perdu. Lorsqu’il a amené son pavillon, j’ai continué ma route.

Je tiens à signaler :

- La conduite de mon équipage. Pas un ne m’a dit qu’il serait préférable de fuir plutôt que d’attaquer avec notre malheureux 47 mm. Tous étaient contents d’aller au secours du navire attaqué.
- L’insuffisance de notre armement pour les traversées que nous faisons, surtout pour aller au secours de navires attaqués que nous trouvons sur notre route.

Le 16 à midi, un patrouilleur que je suppose américain nous a parlé. Le 18 à 02h00 nous faisions route pour Brest où nous sommes arrivés le 19 à 06h30.

Voici les signatures des hommes d’équipage qui ont paraphé le rapport.

Image

Rapport de l’officier AMBC (EV BARBIER)

Dans l’engagement du ST MATHIEU avec un sous-marin, le capitaine a dirigé lui-même le tir. Il n’a jamais assisté à une conférence dans un centre AMBC, les séjours de son bâtiment dans les ports n’étant pas suffisants.

Il a ouvert le feu avec une hausse de 5000 m. N’ayant pas vu le point de chute du 1er coup, il a diminué la hausse de 500m et a eu un coup bon en direction, mais court. Le sous-marin ayant viré de bord, il a augmenté la hausse à chaque coup de 250 m. Le 3e coup était court. Les points de chute des 4e et 5e n’ont pas été vus. Le capitaine a fait cesser le feu.

Le capitaine de ST MATHIEU, bien qu’ignorant la méthode de tir, a fait preuve de bon sens. L’armement de la pièce comprenait un fusilier auxiliaire et deux hommes du bord. Il s’est montré tout à fait satisfaisant.

Rapport de la commission d’enquête (29 Aout 1917)

Celle-ci reprend tous les éléments du rapport du capitaine et précise :

« Le capitaine COHELEACH a fait preuve d’une belle crânerie et son intervention a certainement sauvé de la destruction le cargo inconnu qui l’a évidemment pris pour un patrouilleur. De fait, SAINT MATHIEU a agi absolument comme s’il en était un.
Bien qu’armé de seulement un canon de 47, il a réussi par son audace à mettre en fuite un sous-marin d’assez fort tonnage. La commission estime que le capitaine Coéléhach mérite une belle récompense. Tout l’équipage s’est très bien comporté.

Il est bon d’jouter que le capitaine Cohéléach est privé presque entièrement de l’usage de la main droite suite à un accident remontant à quelques années. Il a 4 doigts amputés et il ne reste que le pouce.

Récompenses

Citation à l’Ordre du Corps d’Armée

COHELEACH Georges Capitaine Vannes 557

Pour l’initiative hardie et le courage dont il a fait preuve en protégeant de son canon un navire attaqué par un sous-marin

Citation à l’Ordre du Régiment

COLLET Joseph Second Belle Ile 313

Pour l’entrain et l’énergie dont il a fait preuve lors d’une rencontre avec un sous-marin

LABOUR Norbert Canonnier Paimpol 3079

Pour les qualités de tireur et l’énergie dont il a fait preuve lors d’une rencontre avec un sous-marin.

Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre

Chalutier ST MATHIEU

Pour l’entrain dont tout l’équipage a fait preuve lors d’une rencontre avec un sous-marin le 12 Juillet 1917.

Le sous-marin rencontré

N’est pas identifié, pas plus que le cargo qui semble avoir été anglais.
Toutefois, vu la position précise donnée par le capitaine de ST MATHIEU, on pourrait penser à l’U 48 du Kptlt z/s Karl EDELING, plutôt qu’à l’U 87 que j’avais cité précédemment et qui se trouvait trop éloigné de cette zone.

Cdlt
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Memgam
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Re: SAINT-MATHIEU — Patrouilleur auxiliaire.

Message par Memgam »

Bonjour,

Source : Thierry Le Roy, La guerre sous-marine en Bretagne 1914-1918, victoire de l'Aéronavale, 1990.

Cordialement.
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Memgam
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