(...suite)
Samedi 23. — A peu près au tiers de la distance entre Coxyde-Plage et La Panne, on se montre en chuchotant les ruines d'une villa boche que le génie belge a fait sauter. Les murs aux revêtements de granit, les caves cimentées étaient certainement d'une belle solidité. On s'est peut-être un peu pressé de la détruire; nous y aurions trouvé l'hospitalité aux frais de l'ennemi. Tout le long des dunes, batteries, postes de garde, autos-canons, prouvent que le littoral a été mis en état de défense. Nos marins, dont la mission première est le débarquement, auraient prouvé au besoin qu'une telle opération est plus facile à empêcher qu'à réussir.
(à suivre...)
PS. Jean Pierre, je t'ai envoyé un mail.
Journal d'un fusilier marin
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Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
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Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Dimanche 24. — Une grande salle de l'hôtel Terlinck sert aujourd'hui de chapelle à M. Goupil, aumônier d'une division de réserve ; l'enfant de choeur est un officier de dragons. Le soir, notre tour est venu de monter en première ligne. Dans l'obscurité, la colonne serpente le long des dunes, suivant la direction de Nieuport-Bains. Des boyaux avec pancartes indicatrices aboutissent à l'Yser, après de nombreuses barricades où tout est utilisé, même les pacifiques cabines de bains roulantes. La rivière est traversée par un pont, oeuvre des soldats du génie, et baptisé par eux « pont Joffre », en l'honneur du grand patron dont s'enorgueillit leur arme. Le secteur confié ce soir aux marins part de la plage et traverse capricieusement les dunes, les crêtes, les bas-fonds. C'est l'extrême nord de la série de tranchées courant de la mer à la Suisse. Ma compagnie est justement à gauche et forme donc la limite même du front, appuyée sur la plage. Des tirailleurs algériens nous en font la remise. Nos hommes, enchantés, s'installent dans ces remparts de sable où l'eau ne séjourne pas, contents aussi de ce paysage un peu plus accidenté, avec des dénivellations d'une dizaine de mètres, vraies montagnes à nos yeux lassés de l'éternelle plaine flamande. Puis il y a, çà et là, des gourbis où l'on peut s'allonger pour dormir, quelques creux abrités où l'on se dégourdira les jambes, même le jour, et les veilleurs, surplombant un bas-fond parsemé de cadavres, voient leur tâche simplifiée. Le grand ennemi, par ici, c'est le sable qui se glisse sournoisement dans le mécanisme des fusils et des mitrailleuses, provoquant trop aisément de fâcheux enrayages. En avant les chiffons gras, voire même les vieilles chaussettes ! Le mécanisme de culasse se revêt partout de petits complets aux formes variées.
(à suivre...)
Dimanche 24. — Une grande salle de l'hôtel Terlinck sert aujourd'hui de chapelle à M. Goupil, aumônier d'une division de réserve ; l'enfant de choeur est un officier de dragons. Le soir, notre tour est venu de monter en première ligne. Dans l'obscurité, la colonne serpente le long des dunes, suivant la direction de Nieuport-Bains. Des boyaux avec pancartes indicatrices aboutissent à l'Yser, après de nombreuses barricades où tout est utilisé, même les pacifiques cabines de bains roulantes. La rivière est traversée par un pont, oeuvre des soldats du génie, et baptisé par eux « pont Joffre », en l'honneur du grand patron dont s'enorgueillit leur arme. Le secteur confié ce soir aux marins part de la plage et traverse capricieusement les dunes, les crêtes, les bas-fonds. C'est l'extrême nord de la série de tranchées courant de la mer à la Suisse. Ma compagnie est justement à gauche et forme donc la limite même du front, appuyée sur la plage. Des tirailleurs algériens nous en font la remise. Nos hommes, enchantés, s'installent dans ces remparts de sable où l'eau ne séjourne pas, contents aussi de ce paysage un peu plus accidenté, avec des dénivellations d'une dizaine de mètres, vraies montagnes à nos yeux lassés de l'éternelle plaine flamande. Puis il y a, çà et là, des gourbis où l'on peut s'allonger pour dormir, quelques creux abrités où l'on se dégourdira les jambes, même le jour, et les veilleurs, surplombant un bas-fond parsemé de cadavres, voient leur tâche simplifiée. Le grand ennemi, par ici, c'est le sable qui se glisse sournoisement dans le mécanisme des fusils et des mitrailleuses, provoquant trop aisément de fâcheux enrayages. En avant les chiffons gras, voire même les vieilles chaussettes ! Le mécanisme de culasse se revêt partout de petits complets aux formes variées.
(à suivre...)
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Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
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Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Lundi 25. — Pour notre compagnie la nuit est assez calme. A nôtre droite la 10ème, accrochée aux flancs de la Grande Dune, fait connaissance avec les bombes boches. Le modèle employé ici se compose d'un tube de métal peu résistant, sorte de gros bâton long de 40 à 50 centimètres, d'un diamètre de 8 à 10 centimètres. Cela s'élève assez lentement pour que l'oeil puisse suivre de jour la trajectoire, marquée aussi la nuit par le bout lumineux de la mèche allumée. Le projectile tournoie en l'air, se renverse en cabrioles qui doivent nuire à la précision, retombe en longue parabole « gare dessous ! » — Une fois tombé, l'engin met environ quatre secondes à éclater, temps suffisant le plus souvent pour que l'on s'écarte à droite et à gauche et que l'on se couche à plat ventre. Résultat : un bruit intense, une secousse qui démolit quelques sacs. Mais bien souvent il ne se produit rien du tout, car le sol est couvert de bombes non éclatées, camelote made in Germany.
Des signes apparents indiquent de jour aux batteries françaises l'emplacement de nos tranchées, et l'obus de 75 vient frapper avec précision à 50 ou 100 mètres en avant de nous, faisant voler le sable, les sacs des défenses ennemies.
(à suivre...)
Lundi 25. — Pour notre compagnie la nuit est assez calme. A nôtre droite la 10ème, accrochée aux flancs de la Grande Dune, fait connaissance avec les bombes boches. Le modèle employé ici se compose d'un tube de métal peu résistant, sorte de gros bâton long de 40 à 50 centimètres, d'un diamètre de 8 à 10 centimètres. Cela s'élève assez lentement pour que l'oeil puisse suivre de jour la trajectoire, marquée aussi la nuit par le bout lumineux de la mèche allumée. Le projectile tournoie en l'air, se renverse en cabrioles qui doivent nuire à la précision, retombe en longue parabole « gare dessous ! » — Une fois tombé, l'engin met environ quatre secondes à éclater, temps suffisant le plus souvent pour que l'on s'écarte à droite et à gauche et que l'on se couche à plat ventre. Résultat : un bruit intense, une secousse qui démolit quelques sacs. Mais bien souvent il ne se produit rien du tout, car le sol est couvert de bombes non éclatées, camelote made in Germany.
Des signes apparents indiquent de jour aux batteries françaises l'emplacement de nos tranchées, et l'obus de 75 vient frapper avec précision à 50 ou 100 mètres en avant de nous, faisant voler le sable, les sacs des défenses ennemies.
(à suivre...)
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Re: Journal d'un fusilier marin
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Mardi 26. — Les bombes, que nos matelots ont déjà surnommées « cacaouètes » à cause de leur forme, ont continué leur vacarme cette nuit et nous ont blessé un officier mitrailleur. De jour, le crapouillot ose moins cracher son venin, car le 75 n'est pas long à le repérer. Notre tranchée, qui est à 300 mètres, se trouve hors de portée pour ce voisin tapageur. Grande distraction d'aujourd'hui : surveiller les allées et venues d'un « Aviatik », qui se promène de long en large au-dessus de ses propres lignes en lançant des fusées blanches, rouges ou vertes pour régler un tir de grosse artillerie sur le « pont Joffre ». De notre côté, un ballon captif régularise l'arrosage copieux des tranchées boches. Les tirailleurs reviennent de nuit prendre leurs postes, et nous relever. Il est question d'une offensive.
(à suivre...)
Mardi 26. — Les bombes, que nos matelots ont déjà surnommées « cacaouètes » à cause de leur forme, ont continué leur vacarme cette nuit et nous ont blessé un officier mitrailleur. De jour, le crapouillot ose moins cracher son venin, car le 75 n'est pas long à le repérer. Notre tranchée, qui est à 300 mètres, se trouve hors de portée pour ce voisin tapageur. Grande distraction d'aujourd'hui : surveiller les allées et venues d'un « Aviatik », qui se promène de long en large au-dessus de ses propres lignes en lançant des fusées blanches, rouges ou vertes pour régler un tir de grosse artillerie sur le « pont Joffre ». De notre côté, un ballon captif régularise l'arrosage copieux des tranchées boches. Les tirailleurs reviennent de nuit prendre leurs postes, et nous relever. Il est question d'une offensive.
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Re: Journal d'un fusilier marin
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Mercredi 27. — Le repos ne sera pas long : l'offensive est pour demain.
(à suivre...)
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Re: Journal d'un fusilier marin
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Jeudi 28. — Le bataillon quitte la plage à quatre heures trente et va se poster quelque part dans les dunes, en réserve. Au jour, l'artillerie aboie ferme contre la Grande Dune ; nous sommes tout près des artilleurs coloniaux et le hurlement de leurs pièces nous déchire les oreilles. A neuf heures trente, l'attaque se déclanche sur la Grande Dune. Cette élévation a le tort — ou l'avantage — de dominer le terrain environnant, et de servir à l’ennemi d'observatoire d'artillerie d'où il voit trop ce qui se passe chez nous. Les tirailleurs se lancent à l'assaut. Petit à petit, notre réserve se rapproche du terrain de l'action. Voici les blessés qui commencent à passer, avec quelques marins prisonniers car nous avons pour adversaires la division des marins allemands.
On en voit de gros et gras avec la figure classique du matelot barbu. Parmi eux, un officier en casque à pointe, un autre en casquette de marin ; ce dernier, nous dit-on, transporta sur son dos jusqu'au poste de secours un de ses sous-officiers blessés : trait dont on n'a guère cité d'exemple jusqu'ici, de la part des Allemands. Les Algériens rient en nous les montrant « Y a bon ! » La Grande Dune est prise, mais la section qui l'occupe est décimée sur place avant l'arrivée des renforts, une contre-attaque allemande reprend la position perdue. On fait avancer les marins ; malgré le tir de barrage, le pont est franchi, les compagnies ont gagné la rive droite de l'Yser, tout le monde est prêt à l'assaut, nos hommes sentent passer le grand frisson... Contre-ordre. Nous ne donnerons pas. L'offensive cesse, l'artillerie continue seule. Dans la nuit, tandis que nous demeurons en deuxième ligne, prêts à bondir en cas de contre-attaque, l'arrosage boche vient seul. Eux non plus ne semblent pas décidés à lancer les marins à l'assaut.
(à suivre...)
Jeudi 28. — Le bataillon quitte la plage à quatre heures trente et va se poster quelque part dans les dunes, en réserve. Au jour, l'artillerie aboie ferme contre la Grande Dune ; nous sommes tout près des artilleurs coloniaux et le hurlement de leurs pièces nous déchire les oreilles. A neuf heures trente, l'attaque se déclanche sur la Grande Dune. Cette élévation a le tort — ou l'avantage — de dominer le terrain environnant, et de servir à l’ennemi d'observatoire d'artillerie d'où il voit trop ce qui se passe chez nous. Les tirailleurs se lancent à l'assaut. Petit à petit, notre réserve se rapproche du terrain de l'action. Voici les blessés qui commencent à passer, avec quelques marins prisonniers car nous avons pour adversaires la division des marins allemands.
On en voit de gros et gras avec la figure classique du matelot barbu. Parmi eux, un officier en casque à pointe, un autre en casquette de marin ; ce dernier, nous dit-on, transporta sur son dos jusqu'au poste de secours un de ses sous-officiers blessés : trait dont on n'a guère cité d'exemple jusqu'ici, de la part des Allemands. Les Algériens rient en nous les montrant « Y a bon ! » La Grande Dune est prise, mais la section qui l'occupe est décimée sur place avant l'arrivée des renforts, une contre-attaque allemande reprend la position perdue. On fait avancer les marins ; malgré le tir de barrage, le pont est franchi, les compagnies ont gagné la rive droite de l'Yser, tout le monde est prêt à l'assaut, nos hommes sentent passer le grand frisson... Contre-ordre. Nous ne donnerons pas. L'offensive cesse, l'artillerie continue seule. Dans la nuit, tandis que nous demeurons en deuxième ligne, prêts à bondir en cas de contre-attaque, l'arrosage boche vient seul. Eux non plus ne semblent pas décidés à lancer les marins à l'assaut.
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Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Vendredi 29. — Avant le jour, quand il est bien certain que l'ennemi ne prépare pas une riposte à sa façon, nous allons relever ces braves tirailleurs que l'effort donné a bien fatigués. Justement c'est le tour de notre compagnie d'occuper les pentes de la Grande Dune, et les quelques mètres conquis dans la journée. Il s'agit de ne pas en perdre un centimètre : en deux points la distance qui nous sépare des Allemands est des plus réduites. Au sommet de la dune, notre poste avancé n'est pas à 15 mètres de l'ennemi ; à droite, dans un entonnoir que ma section appelle le « cratère » et dont nous occupons le fond et la pente, les ennemis sont encore plus près — 10 mètres peut-être — avec l'avantage d'une altitude légèrement supérieure, qui leur permet de nous lancer force petites grenades plates : « crabes » ou « araignées » pour nos pêcheurs. A sept heures du matin, ma section a déjà trois blessés ; l'autre section du 1er peloton reçoit une bombe dans son petit poste — six fusils hors de service. On ramasse les armes laissées par les tirailleurs tombés au combat d'hier et la séance continue. Les 75 nous protègent, rasant la crête de nos murailles de sacs pour éclater à 50 mètres en avant de nous. Nuit très dure. Il faut à toute force refaire les murailles éboulées, et les bombes ne discontinuent pas. Dans un boyau plus exposé qui conduit au poste avancé, le chef de la 2ème section en compte plus de cent reçues dans une longueur de 25 mètres. Au cratère, nos sapeurs, en essayant de placer des chevaux de frise, font du bruit, et les saletés pleuvent. Heureusement l'autre peloton occupe un coin plus calme et au bout de vingt-quatre heures l'échange de position se fait entre les deux pelotons de la même compagnie.
(à suivre...)
Vendredi 29. — Avant le jour, quand il est bien certain que l'ennemi ne prépare pas une riposte à sa façon, nous allons relever ces braves tirailleurs que l'effort donné a bien fatigués. Justement c'est le tour de notre compagnie d'occuper les pentes de la Grande Dune, et les quelques mètres conquis dans la journée. Il s'agit de ne pas en perdre un centimètre : en deux points la distance qui nous sépare des Allemands est des plus réduites. Au sommet de la dune, notre poste avancé n'est pas à 15 mètres de l'ennemi ; à droite, dans un entonnoir que ma section appelle le « cratère » et dont nous occupons le fond et la pente, les ennemis sont encore plus près — 10 mètres peut-être — avec l'avantage d'une altitude légèrement supérieure, qui leur permet de nous lancer force petites grenades plates : « crabes » ou « araignées » pour nos pêcheurs. A sept heures du matin, ma section a déjà trois blessés ; l'autre section du 1er peloton reçoit une bombe dans son petit poste — six fusils hors de service. On ramasse les armes laissées par les tirailleurs tombés au combat d'hier et la séance continue. Les 75 nous protègent, rasant la crête de nos murailles de sacs pour éclater à 50 mètres en avant de nous. Nuit très dure. Il faut à toute force refaire les murailles éboulées, et les bombes ne discontinuent pas. Dans un boyau plus exposé qui conduit au poste avancé, le chef de la 2ème section en compte plus de cent reçues dans une longueur de 25 mètres. Au cratère, nos sapeurs, en essayant de placer des chevaux de frise, font du bruit, et les saletés pleuvent. Heureusement l'autre peloton occupe un coin plus calme et au bout de vingt-quatre heures l'échange de position se fait entre les deux pelotons de la même compagnie.
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Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Samedi 30. —Je me suis étendu depuis une heure à peine dans le gourbi lorsque l'homme de communication de la section du « cratère » vient en traître réclamer des renforts. Ma 3ème escouade y suit le capitaine et moi. En fait, un poste de tir boche, surélevé pendant la nuit, domine maintenant l'unique boyau d'accès à ce malheureux entonnoir. Le premier maitre F...* qui nous le montre, tombe entre le capitaine et moi, tué raide d'une balle à la tempe. Le pauvre homme portait encore sur sa casquette son galon d'adjudant; j'avais sur la tête un passe montagne, le capitaine une vieille casquette sans insigne. Le tireur a pu choisir entre nous, qui n'étions pas à 50 mètres de lui. Il a cru atteindre le plus haut gradé. Nos matelots sont merveilleux de calme et d'entrain. Le corps du premier maître obstrue le boyau d'accès ; tandis que les bombes s'efforcent de nous atteindre, provoquant une gymnastique échevelée, la brave 3ème escouade — presque tous des anciens de Dixmude — fait le nécessaire sans un cri, sans mots inutiles. Il nous fallut une heure et demie pour creuser suffisamment le boyau, le mettre hors d'atteinte du poste de tir, enlever le cadavre, tandis que des tireurs tiennent en respect le Fritz d'en face. Ces minutes ont compté parmi les plus intensément vécues de la campagne. C'est la même plénitude de facultés, la même attention présente partout à la fois, la même souplesse de moyens qu'aux heures les plus dures du 10 novembre, quand notre bataillon était cerné au nord de Dixmude.
Puis, le corps enlevé, la communication rétablie, le chef de bataillon envoie son gradé-adjoint remplacer celui qui vient de mourir et l'alerte est passée.
* Premier Maître Fumolo ou Fumoleau
(à suivre...)
Samedi 30. —Je me suis étendu depuis une heure à peine dans le gourbi lorsque l'homme de communication de la section du « cratère » vient en traître réclamer des renforts. Ma 3ème escouade y suit le capitaine et moi. En fait, un poste de tir boche, surélevé pendant la nuit, domine maintenant l'unique boyau d'accès à ce malheureux entonnoir. Le premier maitre F...* qui nous le montre, tombe entre le capitaine et moi, tué raide d'une balle à la tempe. Le pauvre homme portait encore sur sa casquette son galon d'adjudant; j'avais sur la tête un passe montagne, le capitaine une vieille casquette sans insigne. Le tireur a pu choisir entre nous, qui n'étions pas à 50 mètres de lui. Il a cru atteindre le plus haut gradé. Nos matelots sont merveilleux de calme et d'entrain. Le corps du premier maître obstrue le boyau d'accès ; tandis que les bombes s'efforcent de nous atteindre, provoquant une gymnastique échevelée, la brave 3ème escouade — presque tous des anciens de Dixmude — fait le nécessaire sans un cri, sans mots inutiles. Il nous fallut une heure et demie pour creuser suffisamment le boyau, le mettre hors d'atteinte du poste de tir, enlever le cadavre, tandis que des tireurs tiennent en respect le Fritz d'en face. Ces minutes ont compté parmi les plus intensément vécues de la campagne. C'est la même plénitude de facultés, la même attention présente partout à la fois, la même souplesse de moyens qu'aux heures les plus dures du 10 novembre, quand notre bataillon était cerné au nord de Dixmude.
Puis, le corps enlevé, la communication rétablie, le chef de bataillon envoie son gradé-adjoint remplacer celui qui vient de mourir et l'alerte est passée.
* Premier Maître Fumolo ou Fumoleau
(à suivre...)
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Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
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Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Dimanche 31. — La nuit est encore dure aux deux postes avancés. Quand, au petit jour, nous reprenons le chemin de Coxyde, relevés à nouveau par les Algériens, notre compagnie compte 17 hommes de moins : 3 tués, 14 blessés. Mais pas un centimètre de tranchée n'a été perdu. Ces alertes ne sont pas mauvaises pour le moral des marins ; elles fournissent un stimulant, dissipant l'ennui d'un calme trop prolongé dans les trous.
Comme délassement, j'ai eu certainement aujourd'hui le plus agréable : après la messe, célébrée par un brillant collaborateur des Etudes, la joie d'un après-midi passé au milieu d'excellents amis.
(à suivre...)
Dimanche 31. — La nuit est encore dure aux deux postes avancés. Quand, au petit jour, nous reprenons le chemin de Coxyde, relevés à nouveau par les Algériens, notre compagnie compte 17 hommes de moins : 3 tués, 14 blessés. Mais pas un centimètre de tranchée n'a été perdu. Ces alertes ne sont pas mauvaises pour le moral des marins ; elles fournissent un stimulant, dissipant l'ennui d'un calme trop prolongé dans les trous.
Comme délassement, j'ai eu certainement aujourd'hui le plus agréable : après la messe, célébrée par un brillant collaborateur des Etudes, la joie d'un après-midi passé au milieu d'excellents amis.
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Re: Journal d'un fusilier marin
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Lundi 1er février. — Sitôt retrouvés, sitôt perdus : voici qu'une dislocation de notre groupement de Nieuport disperse les amis rencontrés. Le général de Mitry quitte son commandement, remplacé par un autre cavalier, le général Hély d'Oissel. Du changement aussi dans les troupes d'Afrique et dans les territoriaux. Enfin notre brigade de marins se reforme, les bataillons restés à Saint-Pol rallient, et l'on nous donne un secteur à nous du côté de Nieuport.
(A suivre.) C. P.
(à suivre, le 3...)
Lundi 1er février. — Sitôt retrouvés, sitôt perdus : voici qu'une dislocation de notre groupement de Nieuport disperse les amis rencontrés. Le général de Mitry quitte son commandement, remplacé par un autre cavalier, le général Hély d'Oissel. Du changement aussi dans les troupes d'Afrique et dans les territoriaux. Enfin notre brigade de marins se reforme, les bataillons restés à Saint-Pol rallient, et l'on nous donne un secteur à nous du côté de Nieuport.
(A suivre.) C. P.
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