Bonjour à tous,
Bonjour Franck,
Nous étions passés à côté de ce fil....en temps voulu.
Nous faisons remonter le lien, qui mérite de ne pas se perdre avant d'être lu.
Merci à Franck, c'est un réel plaisir !
Bien cordialement.
Evelyne et Marc.
Journal d'un fusilier marin
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Vendredi 20. — A huit heures quinze, prise d'armes pour la reconnaissance de notre nouveau chef de bataillon, le capitaine de frégate Bertrand. L'enseigne de vaisseau Goudot lui est adjoint. L'état-major se complète. Aujourd'hui refonte des compagnies, qui sont réduites à trois sections de cent soixante-deux hommes chacune, afin de fournir les éléments — surtout les gradés — nécessaires pour cette pauvre 12ème, si éprouvée le 10. Le lieutenant de vaisseau R... prend le commandement de la 11ème, le lieutenant de vaisseau Dupouey, celui de la 12ème. Travaillé tout l'après-midi à cette refonte.
(à suivre...)
Vendredi 20. — A huit heures quinze, prise d'armes pour la reconnaissance de notre nouveau chef de bataillon, le capitaine de frégate Bertrand. L'enseigne de vaisseau Goudot lui est adjoint. L'état-major se complète. Aujourd'hui refonte des compagnies, qui sont réduites à trois sections de cent soixante-deux hommes chacune, afin de fournir les éléments — surtout les gradés — nécessaires pour cette pauvre 12ème, si éprouvée le 10. Le lieutenant de vaisseau R... prend le commandement de la 11ème, le lieutenant de vaisseau Dupouey, celui de la 12ème. Travaillé tout l'après-midi à cette refonte.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Samedi 21. — Pour la première fois depuis Thielt, j'ai pu ce matin assister à la sainte messe. L'église sert de cantonnement à des marins ; ils sont là sur la paille, dans l'ignorance des saints mystères qui se célèbrent à l'autel, en leur présence. Plusieurs officiers donnent cependant l'exemple de la piété et du recueillement. Mais les hommes sont toujours lents, un peu inertes ; pour les attirer, il faut secouer cette apathie, s'occuper d'eux. Alors, on obtient de bons résultats. Ce soir, à cinq heures, on commence à savoir que la brigade rentrera en France demain, et nous recevons, un peu plus tard, l'ordre officiel du départ.
(à suivre...)
Samedi 21. — Pour la première fois depuis Thielt, j'ai pu ce matin assister à la sainte messe. L'église sert de cantonnement à des marins ; ils sont là sur la paille, dans l'ignorance des saints mystères qui se célèbrent à l'autel, en leur présence. Plusieurs officiers donnent cependant l'exemple de la piété et du recueillement. Mais les hommes sont toujours lents, un peu inertes ; pour les attirer, il faut secouer cette apathie, s'occuper d'eux. Alors, on obtient de bons résultats. Ce soir, à cinq heures, on commence à savoir que la brigade rentrera en France demain, et nous recevons, un peu plus tard, l'ordre officiel du départ.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Dimanche 22 novembre 1914. — Le voyage à Dunkerque. — A l'heure du rassemblement, ce matin, il fait un petit froid sec qui durcit les chemins. D'instinct, le long des haies, on cherche le côté abrité, car le vent pique. Il va faire bon remuer, tailler de la route. A six heures quinze, la brigade est en marche, longue colonne par bataillons, avec les voitures de convoi, qui nous rappelle la fameuse retraite de Gand sur Dixmude. Mais aujourd'hui, rien ne nous inquiète, les hommes sont joyeux à l'idée qu'on va se retrouver en France, et les chansons vont leur train pendant les premières heures de marche. Voici la frontière que seuls les écriteaux de douane indiquent, dans cette grande plaine coupée de clôtures, où les maisons se révèlent identiques dans l'un et l'autre pays. Même flamand composant les enseignes.
On dépasse Hondschoote, champ de bataille d'un temps où l'on ne se préoccupait pas de l'abri des tranchées, où la plaine unie était l'idéal terrain de combat des gens d'armes.
Après la grand'halte, l'allure du 1er régiment, qui ferme la marche, s'accélère : un homme de liaison égaré nous a mis en retard d'une demi-heure sur le 2ème régiment, qu'il s'agit de rattraper. Les hommes commencent à souffler ; inlassables, les officiers supérieurs, qui ont eu encore aujourd'hui la coquetterie de prendre la tête des groupes, toujours à pied, montrent le bon exemple ; mais ce n'est plus la brigade fraîche et pimpante des beaux jours de Melle. Beaucoup portent le poids des fatigues du rude séjour à Dixmude, et les sacs pèsent sur les épaules. Déjà en traversant la fière cité de Bergues les rangs sont un peu éclaircis. Quelqu'un grogne : « On voit bien que Jean le Gouin n'a pas des uhlans derrière lui ! » La boutade est un peu injuste. Cependant il n'est si longue étape qui n'ait son terme. Fort-Mardyck et Saint-Pol-sur-Mer voient nos régiments arriver de bonne heure, trop tôt au gré des officiers de cantonnement qui ont dû improviser. Finalement, le 1er régiment est à Saint-Pol-sur-Mer, mon bataillon à l'école des filles, où les grandes salles chauffées vont permettre un sommeil réparateur. Le personnel de l'école se montre plein d'empressement et d'attention pour préparer le café ; les petites écolières sont enchantées des vacances inattendues. Partout on vient nous offrir des lits pour les sous-officiers ; chaque habitant de Saint-Pol voudrait avoir son matelot à héberger, en souvenir des fils ou des parents qui sont au front. De braves pêcheurs me font un accueil cordial, un peu intimidés d'avoir à loger un officier. Bonnes gens qui m'avez reçu, vous m'avez pourtant, dans votre simplicité, donné bien plus que je n'attendais : en plus du lit, de la place au feu et à la chandelle, j'ai trouvé auprès de vous de la sympathie vraie, une affection toute spontanée et sincère pour ceux qui ont combattu pour vous.
(à suivre...)
Dimanche 22 novembre 1914. — Le voyage à Dunkerque. — A l'heure du rassemblement, ce matin, il fait un petit froid sec qui durcit les chemins. D'instinct, le long des haies, on cherche le côté abrité, car le vent pique. Il va faire bon remuer, tailler de la route. A six heures quinze, la brigade est en marche, longue colonne par bataillons, avec les voitures de convoi, qui nous rappelle la fameuse retraite de Gand sur Dixmude. Mais aujourd'hui, rien ne nous inquiète, les hommes sont joyeux à l'idée qu'on va se retrouver en France, et les chansons vont leur train pendant les premières heures de marche. Voici la frontière que seuls les écriteaux de douane indiquent, dans cette grande plaine coupée de clôtures, où les maisons se révèlent identiques dans l'un et l'autre pays. Même flamand composant les enseignes.
On dépasse Hondschoote, champ de bataille d'un temps où l'on ne se préoccupait pas de l'abri des tranchées, où la plaine unie était l'idéal terrain de combat des gens d'armes.
Après la grand'halte, l'allure du 1er régiment, qui ferme la marche, s'accélère : un homme de liaison égaré nous a mis en retard d'une demi-heure sur le 2ème régiment, qu'il s'agit de rattraper. Les hommes commencent à souffler ; inlassables, les officiers supérieurs, qui ont eu encore aujourd'hui la coquetterie de prendre la tête des groupes, toujours à pied, montrent le bon exemple ; mais ce n'est plus la brigade fraîche et pimpante des beaux jours de Melle. Beaucoup portent le poids des fatigues du rude séjour à Dixmude, et les sacs pèsent sur les épaules. Déjà en traversant la fière cité de Bergues les rangs sont un peu éclaircis. Quelqu'un grogne : « On voit bien que Jean le Gouin n'a pas des uhlans derrière lui ! » La boutade est un peu injuste. Cependant il n'est si longue étape qui n'ait son terme. Fort-Mardyck et Saint-Pol-sur-Mer voient nos régiments arriver de bonne heure, trop tôt au gré des officiers de cantonnement qui ont dû improviser. Finalement, le 1er régiment est à Saint-Pol-sur-Mer, mon bataillon à l'école des filles, où les grandes salles chauffées vont permettre un sommeil réparateur. Le personnel de l'école se montre plein d'empressement et d'attention pour préparer le café ; les petites écolières sont enchantées des vacances inattendues. Partout on vient nous offrir des lits pour les sous-officiers ; chaque habitant de Saint-Pol voudrait avoir son matelot à héberger, en souvenir des fils ou des parents qui sont au front. De braves pêcheurs me font un accueil cordial, un peu intimidés d'avoir à loger un officier. Bonnes gens qui m'avez reçu, vous m'avez pourtant, dans votre simplicité, donné bien plus que je n'attendais : en plus du lit, de la place au feu et à la chandelle, j'ai trouvé auprès de vous de la sympathie vraie, une affection toute spontanée et sincère pour ceux qui ont combattu pour vous.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Lundi 23. — Je crois bien que nos traînards d'hier n'ont pas été les plus mal partagés : plus d'un, avant de rejoindre sa compagnie, a profité de l'hospitalité si volontiers offerte aux marins par cette population maritime. Vite, puisque j'en ai le loisir, une rapide course à Dunkerque ; hélas, les magasins sont bien démunis, le chocolat, les allumettes, une foule de petits objets utiles au soldat font complètement défaut. Je parviens à grand'peine à dénicher une livre de bougies, et dois acheter le savon de toilette chez un pharmacien. Las de recherches vaines, je renonce à trouver une paire de brodequins, et dois remplacer un vêtement déchiré par une culotte de velours brun. Nouvelle sensationnelle chez le coiffeur, le colonel m'apprend que nous repartons dès demain pour la Belgique !
(à suivre...)
Lundi 23. — Je crois bien que nos traînards d'hier n'ont pas été les plus mal partagés : plus d'un, avant de rejoindre sa compagnie, a profité de l'hospitalité si volontiers offerte aux marins par cette population maritime. Vite, puisque j'en ai le loisir, une rapide course à Dunkerque ; hélas, les magasins sont bien démunis, le chocolat, les allumettes, une foule de petits objets utiles au soldat font complètement défaut. Je parviens à grand'peine à dénicher une livre de bougies, et dois acheter le savon de toilette chez un pharmacien. Las de recherches vaines, je renonce à trouver une paire de brodequins, et dois remplacer un vêtement déchiré par une culotte de velours brun. Nouvelle sensationnelle chez le coiffeur, le colonel m'apprend que nous repartons dès demain pour la Belgique !
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Mardi 24. — Que s'est-il passé là-bas en notre absence ? Je l'ignore. Le général d'Urbal rappelle d'urgence la brigade. C'est flatteur..., mais un peu décevant. Heureusement, la fatigue du trajet nous sera épargnée, car quatre-vingt-dix autobus en longue file transportent triomphalement deux bataillons, tandis que, le long de la route, nos mitrailleurs traînent leurs petits chariots en jetant un coup d'oeil d'envie sur notre équipage. De Hoogstaede où nous voilà de retour, notre régiment est acheminé sur le gros village de Loo ; la vaste église, aux trois nefs égales du gothique flamand, loge facilement tout le 3ème bataillon, jusques et y compris le poste de secours réorganisé après le 10. Le capitaine a déniché pour lui et moi une petite pièce dans la rue de l'Ouest. Bureau de compagnie pendant le jour, elle se transformera fort aisément de nuit en dortoir par l'adjonction de quelques bottes de paille. Emoi des habitants de la placide maisonnette si propre, si astiquée : de la paille sur le parquet ! Leur indignation ne peut s'exprimer que par gestes, car nous ignorons les secrets de la langue flamande. Mais si la maison existe encore, je gagerais que l'on s'y souvient toujours des deux marins obstinés qui ont dormi plusieurs nuits sur la paille dans la salle à manger.
(à suivre...)
Mardi 24. — Que s'est-il passé là-bas en notre absence ? Je l'ignore. Le général d'Urbal rappelle d'urgence la brigade. C'est flatteur..., mais un peu décevant. Heureusement, la fatigue du trajet nous sera épargnée, car quatre-vingt-dix autobus en longue file transportent triomphalement deux bataillons, tandis que, le long de la route, nos mitrailleurs traînent leurs petits chariots en jetant un coup d'oeil d'envie sur notre équipage. De Hoogstaede où nous voilà de retour, notre régiment est acheminé sur le gros village de Loo ; la vaste église, aux trois nefs égales du gothique flamand, loge facilement tout le 3ème bataillon, jusques et y compris le poste de secours réorganisé après le 10. Le capitaine a déniché pour lui et moi une petite pièce dans la rue de l'Ouest. Bureau de compagnie pendant le jour, elle se transformera fort aisément de nuit en dortoir par l'adjonction de quelques bottes de paille. Emoi des habitants de la placide maisonnette si propre, si astiquée : de la paille sur le parquet ! Leur indignation ne peut s'exprimer que par gestes, car nous ignorons les secrets de la langue flamande. Mais si la maison existe encore, je gagerais que l'on s'y souvient toujours des deux marins obstinés qui ont dormi plusieurs nuits sur la paille dans la salle à manger.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Mercredi 25. — J'aurais voulu revoir Philippe de Blic. Son régiment, le 2ème , est cantonné au village de Pollinchove, tout près d'ici. Mais aujourd'hui, le bataillon de Jonquières dont il fait partie est envoyé à Nieuport. Dans notre petite ville si calme, rien que les allées et venues un peu lourdes des marins et des territoriaux de la 89ème division. Petite prise d'armes dans l'église, où de grands emplacements béants indiquent que les tableaux ont été mis à l'abri d'un bombardement toujours possible.
(à suivre...)
Mercredi 25. — J'aurais voulu revoir Philippe de Blic. Son régiment, le 2ème , est cantonné au village de Pollinchove, tout près d'ici. Mais aujourd'hui, le bataillon de Jonquières dont il fait partie est envoyé à Nieuport. Dans notre petite ville si calme, rien que les allées et venues un peu lourdes des marins et des territoriaux de la 89ème division. Petite prise d'armes dans l'église, où de grands emplacements béants indiquent que les tableaux ont été mis à l'abri d'un bombardement toujours possible.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Jeudi 26. — L'aumônier dit, avec une onction touchante, la messe pour nos morts dans la chapelle d'un couvent de religieuses. Depuis que nous sommes au repos, les « états » d'habillement, d'équipement, d'outillage, de réparations, etc., se multiplient. Munitions de papier, dont s'encombrera quelque arsenal de scribes à l'arrière.
(à suivre...)
Jeudi 26. — L'aumônier dit, avec une onction touchante, la messe pour nos morts dans la chapelle d'un couvent de religieuses. Depuis que nous sommes au repos, les « états » d'habillement, d'équipement, d'outillage, de réparations, etc., se multiplient. Munitions de papier, dont s'encombrera quelque arsenal de scribes à l'arrière.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Vendredi 27. — Pour la première fois, notre bataillon réuni a entendu la lecture d'un ordre du jour. Le général d'Urbal, commandant le détachement d'armée de Belgique, y citait presque tous nos officiers tués à l'ennemi et eux seuls. La liste est déjà longue.
Bien que nos hommes aient déjà vaillamment combattu, les séances d'exercice montrent une instruction rudimentaire, qui ne fait pas sourire les officiers fusiliers. Un matelot à qui je faisais une observation sur la manoeuvre de son fusil me répond gravement : « Mais, lieutenant, j'ai déjà été blessé. » Cela n'a pas suffi pour lui donner la connaissance parfaite de son arme.
Le 2ème régiment traverse Loo, allant, dit-on, en première ligne.
(à suivre...)
Vendredi 27. — Pour la première fois, notre bataillon réuni a entendu la lecture d'un ordre du jour. Le général d'Urbal, commandant le détachement d'armée de Belgique, y citait presque tous nos officiers tués à l'ennemi et eux seuls. La liste est déjà longue.
Bien que nos hommes aient déjà vaillamment combattu, les séances d'exercice montrent une instruction rudimentaire, qui ne fait pas sourire les officiers fusiliers. Un matelot à qui je faisais une observation sur la manoeuvre de son fusil me répond gravement : « Mais, lieutenant, j'ai déjà été blessé. » Cela n'a pas suffi pour lui donner la connaissance parfaite de son arme.
Le 2ème régiment traverse Loo, allant, dit-on, en première ligne.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Re: Journal d'un fusilier marin
(...suite)
Samedi 28. Dimanche 29. — Même vie de réorganisation et d'exercices. Payement de la solde d'octobre.
(à suivre...)
Samedi 28. Dimanche 29. — Même vie de réorganisation et d'exercices. Payement de la solde d'octobre.
(à suivre...)
www.navires-14-18.com
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.
Le cœur des vivants doit être le tombeau des morts. André Malraux.