Bonsoir à tous et à toutes,
D’autres victimes de la perte de la PROVENCE II :
LIMERI Auguste Jetombe né le 08/10/1887 à Sainte-Anne (Martinique) - Soldat de 2ème Classe au 3ème Régiment d'Infanterie Coloniale - Disparu en mer le 26/02/1916 (28 Ans) à bord de la PROVENCE II.
GUIHO Jean Baptiste né le 07/09/1884 à Plessé (Loire-Atlantique (Loire-Inférieure en 1914)) - Soldat de 2ème Classe au 3ème Régiment d'Infanterie Coloniale - Disparu en mer le 26/02/1916 (31 Ans) à bord de la PROVENCE II.
Cordialement
Dominique
LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Avec les Allemands, nous nous sommes tellement battus que nos sangs ne font plus qu'un [ Ferdinand Gilson, France, Figaro Magazine n°19053 du 05 nov. 2005 ]
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonjour à tous ,
Extrait du JO du 24 décembre 1921 (p 14018) :
Amicalement
Marpie
Extrait du JO du 24 décembre 1921 (p 14018) :
Amicalement
Marpie
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonjour à toutes et à tous,
Un autre militaire disparus à bord de la PROVENCE II :
BRILLET Jacques né le 25/07/1881 à Le Fouilloux (Charente-Maritime (Charente-Inférieure en 1914)), Soldat de 2ème Classe au 3ème Régiment d'Infanterie Coloniale - Disparu en mer le 26/02/1916 (34 Ans) à bord de la PROVENCE II - Son nom figure sur le monument aux morts de Le Fouilloux (Charente-Maritime)
Cordialement
Dominique
Un autre militaire disparus à bord de la PROVENCE II :
BRILLET Jacques né le 25/07/1881 à Le Fouilloux (Charente-Maritime (Charente-Inférieure en 1914)), Soldat de 2ème Classe au 3ème Régiment d'Infanterie Coloniale - Disparu en mer le 26/02/1916 (34 Ans) à bord de la PROVENCE II - Son nom figure sur le monument aux morts de Le Fouilloux (Charente-Maritime)
Cordialement
Dominique
Avec les Allemands, nous nous sommes tellement battus que nos sangs ne font plus qu'un [ Ferdinand Gilson, France, Figaro Magazine n°19053 du 05 nov. 2005 ]
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonjour à tous,
• Dieu et Patrie, n° 79, 28 mai 1916, p. 424.
— de DARAN Marie François Joseph Auguste Pierre, né le 14 mai 1879 à Gimont (Gers), Sergent, 3e Régiment d’infanterie coloniale, Matricule n° 030.655, classe 1899, n° 1.453 au recrutement de Mirande (Jug. Trib. Cherbourg, 2 oct . 1917, transcrit à Cherbourg, le 12 oct. 1917).
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
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Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonjour à tous,
Extraits de notes du VA de Marolles au Ministre de la Marine, suite au torpillage de PROVENCE II
Débordement des embarcations
C’est de propos délibéré que le commandant Vesco a gardé les embarcations en dedans, estimant que le système de bossoirs à renversement permettait une mise à l’eau, pour un personnel exercé, aussi rapide que si elles avaient été en dedans. Elles étaient bien plus en sécurité ainsi par mauvais temps.
Le commandant du SANT ANNA, qui possède les mêmes bossoirs, est du même avis et procède de la même manière.
Mais la catastrophe du PROVENCE II prouve que cette pratique très justifiée quand il n’y a à bord que des marins entraînés et disciplinés, devient fâcheuse quand il y a un grand nombre de passagers affolés qui se précipitent dedans et empêchent de les manœuvrer.
Je prescris donc de les garder en dehors.
Ceintures
Sur PROVENCE II il y avait des ceintures pour tous. Je fais compléter sur ceux qui, comme SAVOIE, n’ont que des collets pour une partie du personnel.
Radeaux
Ne peuvent être laissés libres sur un navire qui roule. Ils se crèveraient ou blesseraient le personnel. Il faut les compléter selon la dépêche ministérielle du 6 Mars (nota : avec des systèmes de largage rapide).
Récompenses
Tous les témoignages font ressortir la belle conduite du commandant Vesco. Je fais suivre à l’Amiral Dartige la partie du rapport du commandant Guépin le concernant.
Je ne sais si c’est à moi de suggérer la proposition d’une citation à l’Ordre de l’Armée.
Cdlt
Extraits de notes du VA de Marolles au Ministre de la Marine, suite au torpillage de PROVENCE II
Débordement des embarcations
C’est de propos délibéré que le commandant Vesco a gardé les embarcations en dedans, estimant que le système de bossoirs à renversement permettait une mise à l’eau, pour un personnel exercé, aussi rapide que si elles avaient été en dedans. Elles étaient bien plus en sécurité ainsi par mauvais temps.
Le commandant du SANT ANNA, qui possède les mêmes bossoirs, est du même avis et procède de la même manière.
Mais la catastrophe du PROVENCE II prouve que cette pratique très justifiée quand il n’y a à bord que des marins entraînés et disciplinés, devient fâcheuse quand il y a un grand nombre de passagers affolés qui se précipitent dedans et empêchent de les manœuvrer.
Je prescris donc de les garder en dehors.
Ceintures
Sur PROVENCE II il y avait des ceintures pour tous. Je fais compléter sur ceux qui, comme SAVOIE, n’ont que des collets pour une partie du personnel.
Radeaux
Ne peuvent être laissés libres sur un navire qui roule. Ils se crèveraient ou blesseraient le personnel. Il faut les compléter selon la dépêche ministérielle du 6 Mars (nota : avec des systèmes de largage rapide).
Récompenses
Tous les témoignages font ressortir la belle conduite du commandant Vesco. Je fais suivre à l’Amiral Dartige la partie du rapport du commandant Guépin le concernant.
Je ne sais si c’est à moi de suggérer la proposition d’une citation à l’Ordre de l’Armée.
Cdlt
olivier
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Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonjour à tous,
Rapport du Capitaine de Frégate BIFFAUD, passager sur PROVENCE II, qui devait prendre le commandement du VINH LONG à Milo.
PROVENCE II était commandé par le CF(R) Vesco. Le second était le LV Besson. 450 hommes d’équipage environ. 1800 passagers dont la moitié du 3e régiment d’infanterie coloniale envoyé en renfort à l’armée d’Orient sous les ordres du lieutenant colonel Duhalde. Il y avait, entre autre, un bataillon entier sous les ordres du commandant Bernard. En plus de ce demi-régiment, il y avait un certain nombre d’officiers et de militaires ou marins isolés comme le CV Réveillé qui allait prendre le commandement du cuirassé BRUIX, le colonel Thomassin, commandant le 17e régiment d’infanterie qui rejoignait son corps à Salonique, le LV Capin de l’état-major de la 2e division de la 6e escadre, ainsi que plusieurs officiers d’artillerie.
Traversée dans les meilleures conditions jusqu’au naufrage. Temps favorable, vitesse 15 nœuds avec des zigzags de 30° de chaque côté de la route tous les 20 milles, ce qui donnait une vitesse sur le fond de 14 nœuds.
A la table du commandant, il y avait le commandant Réveillé, les colonels Thomassin et Duhalde, le commandant Bernard et moi-même. Mais le commandant ne quittait guère la passerelle et n’apparaissait à table que de la façon la plus stricte. Il prenait en général ses repas dans la chambre de veille.
La fanfare du 3e colonial donnait un concert tous les jours à midi.
Le 26, j’étais sur la passerelle quand le point de midi fut apporté au commandant. Il constata que le navire avait dérivé vers le nord. Il prit un cap au S37E, puis à 14h00 au N85E, faisant route sur le canal de Cerigo. Au moment du torpillage, il se trouvait donc par 36 N et (illisible… E). J’avais quitté la table à 14h00 et rédigeais dans ma cabine le journal, sous forme de correspondance, que je comptais poster à l’arrivée à Salonique. Ma cabine était à tribord, au quart du navire à partir de l’arrière.
A 15h00, j’entendis une explosion sous-marine à tribord et ressentit une forte secousse. Il n’y eut ni détonation, ni secousse terrifiante, mais le bâtiment oscilla. Je n’eus néanmoins aucun doute : LA PROVENCE venait d’être torpillé. La torpille avait frappé à tribord, au 8e de la longueur du navire à partir de l’arrière. Ni sous-marin, ni périscope n’ont été aperçus. Tout juste, semble-t-il, les derniers mètres du sillage de la torpille par des hommes qui étaient sur le pont. Je me rendis sur la passerelle. Il me fallait parcourir dans l’entrepont la moitié du navire pour parvenir à deux échelles dont la seconde débouchait sur la passerelle. Arrivé sur la passerelle, j’y trouvai le commandant, le commandant Réveillé, les colonels Thomassin et Duhalde, le LV Capin et le second qui vint parler au commandant. Sur le pont, c’était un fourmillement de militaires.
La machine avait stoppé et le navire avançait encore à 2 ou 3 nœuds, avec une très légère bande sur tribord. La situation ne semblait pas critique de façon imminente. On commença à déborder et amener les embarcations. Il y avait 16 embarcations. Mais les militaires s’étaient précipités en masse vers elles et l’équipage, trop peu nombreux par rapport aux militaires, ne pouvait exécuter correctement les manœuvres. Il ne pouvait même pas approcher des bossoirs tant la foule était compacte.
Quatre embarcations de bâbord furent amenées avec la plus grande maladresse. Les hommes s’entassaient dans les canots avant même qu’ils ne soient débordés des bossoirs. Arrivées à l’eau, l’une des embarcations se remplit aussitôt, une autre se retourna quille en l’air, et une 3e resta suspendue verticale, accrochée par son garant de l’avant.
Il n’y eut pas à proprement parler de panique. Je ne vis pas la peur sur les visages de ces hommes qui avaient déjà fait la guerre. Il n’y avait ni cris, ni tumulte. Les hommes, mûs par le seul instinct de conservation, cherchaient maladroitement à sauver leur vie en danger, dans la plus complète ignorance de la bonne utilisation des moyens de sauvetage à leur disposition.
Le commandant exhorte les soldats au calme. « Voyons, leur dit-il, il n’y a pas de danger pressant. Nous ne coulons pas. Il y a un seul compartiment envahi et le navire ne va pas couler de suite. »
« Descendez, descendez » dit-il aux hommes montés en grand nombre dans l’embarcation immédiatement à l’arrière de la passerelle. N’étant pas obéi, il prend alors son revolver et le décharge en l’air. « Ah ! Maintenant, attention ! » crie-t-il, et il tire un nouveau coup en l’air en réitérant son ordre.
Mais la situation se modifie tout à coup. L’arrière du navire commence à s’enfoncer et la gite s’accentue soudainement sur tribord. Il ne s’était écoulé que 5 à 7 minutes depuis l’explosion de la torpille.
Le commandant s’inquiéta de savoir si le signal de détresse qu’il avait donné l’ordre d’envoyer par TSF avant de monter à la passerelle avait été émis. Il avait été donné par écrit et donnait la position par rapport à Sapienza. On ne put lui donner une réponse certaine et je l’entendis dire « Faites SOS…SOS…SOS . Un gradé lui dit au même moment que le signal écrit avait bien été envoyé.
Brusquement, l’entrée de l’arrière dans les flots s’accéléra. Un épais nuage de vapeur sortit des cheminées avec un grand bruit. L’eau avait envahi les chaufferies. Les officiers présents sur la passerelle capelèrent leurs ceintures de sauvetage dont un dépôt était à proximité. L’apiquage de l’arrière devint effrayant. J’ai su, par l’officier mécanicien de quart dans la machine, que la torpille avait frappé à tribord dans le compartiment situé derrière la chambre de cette machine. Lui-même avait fermé la porte étanche de cette chambre. Mais il vit ensuite l’eau envahir la chambre, soit que la porte ou soit que la cloison autour de la porte ait cédé.
Le navire se cabra littéralement, tout en restant presque absolument droit. Le LV Capin et moi-même étions à l’extrémité de l’aileron bâbord, près d’un banc de quart sur plateforme.
« Il est grand temps », me dit Capin, « sinon nous allons être pris dans le remous. » Il se jeta à la mer. Mais le navire s’enfonçait si rapidement que le saut ne fut pas de plus d’un mètre. Etant sur le banc de quart, je saisis Capin. Mais l’eau m’atteignit et je me retrouvai pris dans le tourbillon d’engloutissement de LA PROVENCE.
Je tournoyai dans tous les sens, m’enfonçant dans les flots. A deux reprises, voulant respirer, j’absorbai de l’eau de mer. J’étais heurté par divers objets qui m’occasionnaient des contusions. J’ai du descendre à une profondeur entre 10 et 20 mètres, sans certitude toutefois. Un bout de filin, de la grosseur d’un faux-bras de 75, frôla ma main droite. Je le saisis instinctivement. L’eau devint plus claire au dessus de moi. Il faisait un très beau temps avec un soleil radieux. Je compris que je remontais à la surface comme un bouchon de liège. Le filin que je tenais toujours était frappé sur une sorte de panneau de bois épais, d’un mètre de côté. J’étais engourdi et sans forces. Un brave soldat, très bon nageur, m’offrit son assistance et m’aida à me hisser sur le panneau de bois. A proximité, il y avait un radeau déjà bien encombré avec une vingtaine d’hommes. Le soldat appela les hommes du radeau ; « Approchez » dit-il , « Vous n’allez pas laisser le lieutenant colonel comme cela ! » (Il parlait de moi, mais faisait une erreur sur le grade). Or le radeau était monté par des hommes du 3e colonial. Le soldat se hissa dessus et, avec l’aide d’un autre soldat déjà sur place, me hissa à mon tour sur le radeau. J’étais presque paralysé et, venant de sortir de table peu de temps avant, je pense que j’ai fait un début de congestion.
Le soldat qui m’a sauvé est le 2e classe Paul RUAUD, de la 12e compagnie du 3e régiment colonial, recrutement de Saintes, matricule 589. C’est un réserviste qui a fait deux ans de service militaire au 123e d’infanterie de La Rochelle et a été versé dans les troupes coloniales à la mobilisation.
Le radeau recueillit encore deux naufragés. Nous étions donc 24, entassés sans vivres et sans eau, dans des positions inconfortables car on ne pouvait bouger. Autour, la mer était jonchée d’épaves, de débris, de naufragés. Il y avait aussi une demi douzaine d’embarcations, certaines chargées d’hommes qui avaient pris les avirons, d’autres remplies d’eau, d’autres chavirées quilles en l’air avec des grappes d’hommes à cheval sur les quilles. Il y avait des hommes isolés sur des panneaux de bois, des bottes de foin. Il y avait en particulier un énorme train de bottes de foin avec des hommes réfugiés dessus. On entendait des cris et des appels. Au départ de Toulon, nous avions embarqué 250 mulets et chevaux. Je remarquai un mulet qui nageait courageusement. La pauvre bête avait eu la présence d’esprit de poser sa tête sur une grosse planche de bois, juste au milieu, la tenant perpendiculaire à son échine. Le soleil se coucha et la nuit vint, cachant ce pénible spectacle. Nous n’avions aucune montre sur le radeau.
Vers 20h00, nous vîmes deux projecteurs dans le NE et dans l’E à 3 ou 4 milles. Les naufragés lancèrent de nombreux appels. Je dis aux hommes du 3e colonial de ne pas se fatiguer car on ne pouvait les entendre. Le projecteur se dirigea vers nous et sa lueur parût très brillante, éclairant le radeau. On pouvait le croire très proche.
Je vis très distinctement une fusée, sans doute tirée d’une embarcation de LA PROVENCE commandée par l’enseigne Charron, officier canonnier du croiseur auxiliaire et qui s’était éloigné dans l’Est.
Le temps resta beau toute la nuit avec une petite brise d’ouest et une légère houle d’ouest. Nous n’eûmes pas à souffrir du froid. Les étoiles brillaient et je vis constamment la Polaire. Je savais que la lune, à son dernier quart, se levait vers 02h00, ce qui me permit dévaluer un peu l’heure. Il était impossible de dormir.
Vers 04h00, nous vîmes à nouveau un projecteur dans le NE, puis un autre dans le NW, et enfin le feu blanc de navigation d’un navire, puis son feu vert. J’estimai la distance à 1 mille. Je dis aux hommes du radeau que c’était le moment d’appeler ; Mais le vent ne portait pas la voix dans la direction du navire et il s’éloigna de notre radeau à toute petite vitesse. Je compris qu’il avait commencé à repêcher des naufragés et je dis à mes compagnons de ne pas désespérer.
A l’aube, je vis le navire sauveteur et reconnus un torpilleur français à quatre cheminées. Il mit cap au nord, stoppa, puis à nouveau cap au sud et se rapprocha de nous. Nous vîmes distinctement qu’il procédait au sauvetage des embarcations de LA PROVENCE. L’une d’elle vint accoster notre radeau. Elle était montée par des marins du torpilleur, le FANTASSIN.
A 07h30, les 24 hommes du radeau étaient à son bord, reçus avec la plus grande bonté et la plus grande générosité. Ils furent conduits à Milo sur LA FOUDRE.
Je ne saurai assez témoigner ma reconnaissance à mes camarades commandant FANTASSIN, LA FOUDRE et DEHORTER et à leurs officiers.
J’attire surtout votre attention sur le soldat Ruaud. La nuit passée à côté de lui sur le radeau m’a montré un homme courageux, décidé, énergique. Bien des soldats du front ont reçu la Croix de Guerre pour avoir secouru des officiers en danger de mort. Je serais heureux qu’on lui accorde la Croix de Guerre avec la citation suivante :
« Lors du naufrage d’un croiseur auxiliaire torpillé par un sous-marin ennemi, s’est porté avec dévouement au secours d’un officier supérieur en danger de se noyer et ne l’a pas quitté jusqu’au moment de l’arrivée du bâtiment sauveteur ».
Je joins deux propositions de citations en faveurs de quartiers maîtres des Equipages de la Flotte qui m’ont été remises par
- L’officier mécanicien de quart dans la machine tribord de LA PROVENCE
- Le docteur Clunet, médecin de l’armée, passager à bord.
Signé : BIFFAUD
Cdlt
Rapport du Capitaine de Frégate BIFFAUD, passager sur PROVENCE II, qui devait prendre le commandement du VINH LONG à Milo.
PROVENCE II était commandé par le CF(R) Vesco. Le second était le LV Besson. 450 hommes d’équipage environ. 1800 passagers dont la moitié du 3e régiment d’infanterie coloniale envoyé en renfort à l’armée d’Orient sous les ordres du lieutenant colonel Duhalde. Il y avait, entre autre, un bataillon entier sous les ordres du commandant Bernard. En plus de ce demi-régiment, il y avait un certain nombre d’officiers et de militaires ou marins isolés comme le CV Réveillé qui allait prendre le commandement du cuirassé BRUIX, le colonel Thomassin, commandant le 17e régiment d’infanterie qui rejoignait son corps à Salonique, le LV Capin de l’état-major de la 2e division de la 6e escadre, ainsi que plusieurs officiers d’artillerie.
Traversée dans les meilleures conditions jusqu’au naufrage. Temps favorable, vitesse 15 nœuds avec des zigzags de 30° de chaque côté de la route tous les 20 milles, ce qui donnait une vitesse sur le fond de 14 nœuds.
A la table du commandant, il y avait le commandant Réveillé, les colonels Thomassin et Duhalde, le commandant Bernard et moi-même. Mais le commandant ne quittait guère la passerelle et n’apparaissait à table que de la façon la plus stricte. Il prenait en général ses repas dans la chambre de veille.
La fanfare du 3e colonial donnait un concert tous les jours à midi.
Le 26, j’étais sur la passerelle quand le point de midi fut apporté au commandant. Il constata que le navire avait dérivé vers le nord. Il prit un cap au S37E, puis à 14h00 au N85E, faisant route sur le canal de Cerigo. Au moment du torpillage, il se trouvait donc par 36 N et (illisible… E). J’avais quitté la table à 14h00 et rédigeais dans ma cabine le journal, sous forme de correspondance, que je comptais poster à l’arrivée à Salonique. Ma cabine était à tribord, au quart du navire à partir de l’arrière.
A 15h00, j’entendis une explosion sous-marine à tribord et ressentit une forte secousse. Il n’y eut ni détonation, ni secousse terrifiante, mais le bâtiment oscilla. Je n’eus néanmoins aucun doute : LA PROVENCE venait d’être torpillé. La torpille avait frappé à tribord, au 8e de la longueur du navire à partir de l’arrière. Ni sous-marin, ni périscope n’ont été aperçus. Tout juste, semble-t-il, les derniers mètres du sillage de la torpille par des hommes qui étaient sur le pont. Je me rendis sur la passerelle. Il me fallait parcourir dans l’entrepont la moitié du navire pour parvenir à deux échelles dont la seconde débouchait sur la passerelle. Arrivé sur la passerelle, j’y trouvai le commandant, le commandant Réveillé, les colonels Thomassin et Duhalde, le LV Capin et le second qui vint parler au commandant. Sur le pont, c’était un fourmillement de militaires.
La machine avait stoppé et le navire avançait encore à 2 ou 3 nœuds, avec une très légère bande sur tribord. La situation ne semblait pas critique de façon imminente. On commença à déborder et amener les embarcations. Il y avait 16 embarcations. Mais les militaires s’étaient précipités en masse vers elles et l’équipage, trop peu nombreux par rapport aux militaires, ne pouvait exécuter correctement les manœuvres. Il ne pouvait même pas approcher des bossoirs tant la foule était compacte.
Quatre embarcations de bâbord furent amenées avec la plus grande maladresse. Les hommes s’entassaient dans les canots avant même qu’ils ne soient débordés des bossoirs. Arrivées à l’eau, l’une des embarcations se remplit aussitôt, une autre se retourna quille en l’air, et une 3e resta suspendue verticale, accrochée par son garant de l’avant.
Il n’y eut pas à proprement parler de panique. Je ne vis pas la peur sur les visages de ces hommes qui avaient déjà fait la guerre. Il n’y avait ni cris, ni tumulte. Les hommes, mûs par le seul instinct de conservation, cherchaient maladroitement à sauver leur vie en danger, dans la plus complète ignorance de la bonne utilisation des moyens de sauvetage à leur disposition.
Le commandant exhorte les soldats au calme. « Voyons, leur dit-il, il n’y a pas de danger pressant. Nous ne coulons pas. Il y a un seul compartiment envahi et le navire ne va pas couler de suite. »
« Descendez, descendez » dit-il aux hommes montés en grand nombre dans l’embarcation immédiatement à l’arrière de la passerelle. N’étant pas obéi, il prend alors son revolver et le décharge en l’air. « Ah ! Maintenant, attention ! » crie-t-il, et il tire un nouveau coup en l’air en réitérant son ordre.
Mais la situation se modifie tout à coup. L’arrière du navire commence à s’enfoncer et la gite s’accentue soudainement sur tribord. Il ne s’était écoulé que 5 à 7 minutes depuis l’explosion de la torpille.
Le commandant s’inquiéta de savoir si le signal de détresse qu’il avait donné l’ordre d’envoyer par TSF avant de monter à la passerelle avait été émis. Il avait été donné par écrit et donnait la position par rapport à Sapienza. On ne put lui donner une réponse certaine et je l’entendis dire « Faites SOS…SOS…SOS . Un gradé lui dit au même moment que le signal écrit avait bien été envoyé.
Brusquement, l’entrée de l’arrière dans les flots s’accéléra. Un épais nuage de vapeur sortit des cheminées avec un grand bruit. L’eau avait envahi les chaufferies. Les officiers présents sur la passerelle capelèrent leurs ceintures de sauvetage dont un dépôt était à proximité. L’apiquage de l’arrière devint effrayant. J’ai su, par l’officier mécanicien de quart dans la machine, que la torpille avait frappé à tribord dans le compartiment situé derrière la chambre de cette machine. Lui-même avait fermé la porte étanche de cette chambre. Mais il vit ensuite l’eau envahir la chambre, soit que la porte ou soit que la cloison autour de la porte ait cédé.
Le navire se cabra littéralement, tout en restant presque absolument droit. Le LV Capin et moi-même étions à l’extrémité de l’aileron bâbord, près d’un banc de quart sur plateforme.
« Il est grand temps », me dit Capin, « sinon nous allons être pris dans le remous. » Il se jeta à la mer. Mais le navire s’enfonçait si rapidement que le saut ne fut pas de plus d’un mètre. Etant sur le banc de quart, je saisis Capin. Mais l’eau m’atteignit et je me retrouvai pris dans le tourbillon d’engloutissement de LA PROVENCE.
Je tournoyai dans tous les sens, m’enfonçant dans les flots. A deux reprises, voulant respirer, j’absorbai de l’eau de mer. J’étais heurté par divers objets qui m’occasionnaient des contusions. J’ai du descendre à une profondeur entre 10 et 20 mètres, sans certitude toutefois. Un bout de filin, de la grosseur d’un faux-bras de 75, frôla ma main droite. Je le saisis instinctivement. L’eau devint plus claire au dessus de moi. Il faisait un très beau temps avec un soleil radieux. Je compris que je remontais à la surface comme un bouchon de liège. Le filin que je tenais toujours était frappé sur une sorte de panneau de bois épais, d’un mètre de côté. J’étais engourdi et sans forces. Un brave soldat, très bon nageur, m’offrit son assistance et m’aida à me hisser sur le panneau de bois. A proximité, il y avait un radeau déjà bien encombré avec une vingtaine d’hommes. Le soldat appela les hommes du radeau ; « Approchez » dit-il , « Vous n’allez pas laisser le lieutenant colonel comme cela ! » (Il parlait de moi, mais faisait une erreur sur le grade). Or le radeau était monté par des hommes du 3e colonial. Le soldat se hissa dessus et, avec l’aide d’un autre soldat déjà sur place, me hissa à mon tour sur le radeau. J’étais presque paralysé et, venant de sortir de table peu de temps avant, je pense que j’ai fait un début de congestion.
Le soldat qui m’a sauvé est le 2e classe Paul RUAUD, de la 12e compagnie du 3e régiment colonial, recrutement de Saintes, matricule 589. C’est un réserviste qui a fait deux ans de service militaire au 123e d’infanterie de La Rochelle et a été versé dans les troupes coloniales à la mobilisation.
Le radeau recueillit encore deux naufragés. Nous étions donc 24, entassés sans vivres et sans eau, dans des positions inconfortables car on ne pouvait bouger. Autour, la mer était jonchée d’épaves, de débris, de naufragés. Il y avait aussi une demi douzaine d’embarcations, certaines chargées d’hommes qui avaient pris les avirons, d’autres remplies d’eau, d’autres chavirées quilles en l’air avec des grappes d’hommes à cheval sur les quilles. Il y avait des hommes isolés sur des panneaux de bois, des bottes de foin. Il y avait en particulier un énorme train de bottes de foin avec des hommes réfugiés dessus. On entendait des cris et des appels. Au départ de Toulon, nous avions embarqué 250 mulets et chevaux. Je remarquai un mulet qui nageait courageusement. La pauvre bête avait eu la présence d’esprit de poser sa tête sur une grosse planche de bois, juste au milieu, la tenant perpendiculaire à son échine. Le soleil se coucha et la nuit vint, cachant ce pénible spectacle. Nous n’avions aucune montre sur le radeau.
Vers 20h00, nous vîmes deux projecteurs dans le NE et dans l’E à 3 ou 4 milles. Les naufragés lancèrent de nombreux appels. Je dis aux hommes du 3e colonial de ne pas se fatiguer car on ne pouvait les entendre. Le projecteur se dirigea vers nous et sa lueur parût très brillante, éclairant le radeau. On pouvait le croire très proche.
Je vis très distinctement une fusée, sans doute tirée d’une embarcation de LA PROVENCE commandée par l’enseigne Charron, officier canonnier du croiseur auxiliaire et qui s’était éloigné dans l’Est.
Le temps resta beau toute la nuit avec une petite brise d’ouest et une légère houle d’ouest. Nous n’eûmes pas à souffrir du froid. Les étoiles brillaient et je vis constamment la Polaire. Je savais que la lune, à son dernier quart, se levait vers 02h00, ce qui me permit dévaluer un peu l’heure. Il était impossible de dormir.
Vers 04h00, nous vîmes à nouveau un projecteur dans le NE, puis un autre dans le NW, et enfin le feu blanc de navigation d’un navire, puis son feu vert. J’estimai la distance à 1 mille. Je dis aux hommes du radeau que c’était le moment d’appeler ; Mais le vent ne portait pas la voix dans la direction du navire et il s’éloigna de notre radeau à toute petite vitesse. Je compris qu’il avait commencé à repêcher des naufragés et je dis à mes compagnons de ne pas désespérer.
A l’aube, je vis le navire sauveteur et reconnus un torpilleur français à quatre cheminées. Il mit cap au nord, stoppa, puis à nouveau cap au sud et se rapprocha de nous. Nous vîmes distinctement qu’il procédait au sauvetage des embarcations de LA PROVENCE. L’une d’elle vint accoster notre radeau. Elle était montée par des marins du torpilleur, le FANTASSIN.
A 07h30, les 24 hommes du radeau étaient à son bord, reçus avec la plus grande bonté et la plus grande générosité. Ils furent conduits à Milo sur LA FOUDRE.
Je ne saurai assez témoigner ma reconnaissance à mes camarades commandant FANTASSIN, LA FOUDRE et DEHORTER et à leurs officiers.
J’attire surtout votre attention sur le soldat Ruaud. La nuit passée à côté de lui sur le radeau m’a montré un homme courageux, décidé, énergique. Bien des soldats du front ont reçu la Croix de Guerre pour avoir secouru des officiers en danger de mort. Je serais heureux qu’on lui accorde la Croix de Guerre avec la citation suivante :
« Lors du naufrage d’un croiseur auxiliaire torpillé par un sous-marin ennemi, s’est porté avec dévouement au secours d’un officier supérieur en danger de se noyer et ne l’a pas quitté jusqu’au moment de l’arrivée du bâtiment sauveteur ».
Je joins deux propositions de citations en faveurs de quartiers maîtres des Equipages de la Flotte qui m’ont été remises par
- L’officier mécanicien de quart dans la machine tribord de LA PROVENCE
- Le docteur Clunet, médecin de l’armée, passager à bord.
Signé : BIFFAUD
Cdlt
olivier
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonsoir à tous,
Nouvelle publication pour une lecture et une exploitation plus aisée. Que Marpie me pardonne cette redite !
■ Récompenses consécutives à la perte du paquebot Provence II.
• Journal officiel du 7 avril 1916, p. 2.896 et 2.897.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonjour à tous,
La Provence à Toulon (date inconnue)
Imperial War Museums ~ French First World War Official Exchange Collection ~ Réf. Q 70653.
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Détail de l'armement
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Daniel.
Re: LA PROVENCE, ou PROVENCE-II — Croiseur auxiliaire.
Bonjour Olivier, bonjour à tous,
Olivier, pouvez-vous nous préciser les sources des notes et rapport dont vous nous avez fait part ?
Bien cordialement
Michel
Olivier, pouvez-vous nous préciser les sources des notes et rapport dont vous nous avez fait part ?
Bien cordialement
Michel