Entre les lignes...

[A Malinowski]

Ministère de la Guerre
Etat-Major général de l’armée
groupe de l’avant.
3ème bureau A

République Française
Bordereau d’envoi
Le Général, chef d’Etat-Major général de l’Armée à Monsieur le Général commandant en chef les armées du nord et du nord-est.
Paris, le 14 janvier 1918

Désignation des pièces
Copies de deux lettres d’un groupe de Dunkerquois, relatives au bombardement de Dunkerque par avions ennemis
Nombre :
deux
Observation
A toutes fins utiles
P.O. le Major général du groupe de l’Avant.

Arrivé le 15 janvier 1918, Grand quartier général des armées
N° du répertoire 18081
remise au D.C.A.

Bordereau d’envoi du conseil ministère de la Guerre a été transmis à toutes fins utiles au commandant supérieur du ??
Le 17 janvier 1918
Grand quartier général
Bureau de D.C.A.
Entrée le 15/1/1918 N°564


Dunkerque le 8 janvier 1918
Monsieur le Ministre,
Pour la 543ème fois depuis la guerre, la ville de Dunkerque a été bombardée cette nuit impunément.
Cela vous m’avouerez commence à devenir vexant sinon démoralisant.
Nous avons plus de trente champs d’aviation dans le camp retranché de Dunkerque. Aucun de nos avions sur les quelques centaines dont nous disposons ne s’est élevé à la poursuite du monstre que j’ai pu suivre moi-même très longtemps et qui avait été annoncé suffisamment à l’avance cependant.
Une trentaine d’obus au plus furent tirés et c’est tout.
Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on se moque des Dunkerquois, mais vous m’avouerez que quelque chose de plus pourrait être fait pour notre défense.
Nous devons constater que les mesures prises en Angleterre contre les avions sont efficaces, tout au moins davantage que celles prises à Dunkerque, qui pourtant vu les incursions incessantes ( chaque nuit sans exception lorsque le temps le permet) nécessiterait des moyens plus puissants.
Deux canons !!!! c’est tout ce que nous avons ici .... Vous avouerez que c’est bien peu pour une ville comme Dunkerque, un des premiers ports de France ...
Aussi jusqu’ici, absolument aucun avion n’a pu être abattu dans notre région, le contraire étonnerait plutôt.
Nous venons donc demander à nouveau instamment, Monsieur le Ministre, que des mesures énergiques soient prises pour éviter la destruction totale d’une des plus importantes villes du nord ( trop d’entre elles ont déjà été sacrifiées) et nous aimons à croire que notre cri d’appel sera enfin entendu.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre entier dévouement.
Un groupe de Dunkerquois.

Dunkerque, le 3 janvier 1918
Monsieur le Ministre,
Nous avons l’honneur de vous confirmer notre dernière demande, concernant la défense plus efficace de notre ville contre les attaques par avions.
Bien que celle-ci soit restée, comme il était à supposer , sans aucun effet, nous aimons à croire qu’il n’est pas dans les projets de notre Gouvernement de laisser s’accomplir l’anéantissement total d’un des premiers ports de France ( le premier à l’heure actuelle, si les travaux en cours à l’époque de la déclaration de guerre avaient pu se continuer).
En vous réitérant notre demande, nous ne voulons simplement vous signaler aujourd’hui qu’un fait qui vous démontrera toute l’inefficacité des défenses contre avions dont nous sommes pourvus ici :
Aujourd’hui, 3 janvier, en plein midi, un avion allemand a pu survoler la ville à une très faible hauteur, allant et venant en tous sens et prenant sans doute de très nombreuses photographies ce pendant près de 25 minutes.
Malgré les nombreux champs d’aviation entourant la ville, aucun avion ne s’est élevé pour le combattre - quant au tir, il vaut mieux ne pas en parler; il était à tel point ridicule que tout le monde s’en moquait tant il manquait de précision. Il ne fut tiré d’ailleurs qu’une très minime quantité d’obus après l’avion ennemi et pendant les dernières minutes, ce dernier ne fut même plus inquiété du tout, descendant de plus en plus bas pour accomplir sa mission.
Nous sommes persuadés que la présente missive subira très probablement le même sort que la première, c’est-à-dire qu’elle aura les honneurs du panier, mais nous avons cru que le fait qu’un avion ennemi ait pu en plein midi, survoler une ville comma la nôtre, sans être inquiété le moins du monde valait la peine d’être signalé.
Recevez, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre parfaite considération.
Un groupe de Dunkerquois.

CCM 04 janvier 2007

[HT62]

Bonjour,

Dunkerque a été très bombardée durant les évènements de 14/18 et a également était partiellement détruite lors des évènements suivants avec, notamment, la destruction des ports et de nombreuses épaves de navires restées là.
Un excellent livre d'Albert Chatelle relate les faits de la 1ère guerre et il est, de plus, bien illustré.
Merci à Alain de nous avoir offert ce témoignage et je dirai ... encore, encore !
Cordialement, Hervé.