Entre les lignes...

A Malinowski
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Re: Entre les lignes...

Message par A Malinowski »

Havre, le 13 janvier 1915
Monsieur le Général Cherfils.
Je m’adresse à vous Monsieur car je voudrais bien éclaircir une affaire qui ne me semble pas du tout naturelle.
En deux mots voici la chose. Mon mari caporal dans un régiment d’infanterie actuellement au front m’écrit la lettre suivante:
“Tu t’étonnes ma chère femme que nous ayons si souvent besoin d’argent, et bien je t’assure que sans faire de folie il nous faut bien nous procurer tout ce dont nous avons besoin tel que, bougies, allumettes, journaux, tabac quand nous en manquons, et voir même complément de nourriture, et il faut que je te dise que le ravitaillement ne nous vend pas ces choses très bon marché, ainsi les journaux 0,10 au lieu de 0,05, les allumettes également 0,10 toujours au lieu de 0,05, le paquet de tabac à 0,50 nous est vendu 0,75. Et mon mari ajoute, que veux-tu, c’est cela ou rien, nous paierons ces choses n’importe quel prix encore bien heureux de les avoir.
Et bien, moi Monsieur, je trouve que, le soldat qui na pas d’argent doit être bien malheureux, et il doit y en avoir beaucoup comme cela, car les pauvres femmes qui n’ont que leur allocation pour vivre ne doivent pas pouvoir en envoyer bien souvent à leurs maris.
Mais Monsieur, chose qui me semble le plus extraordinaire c’est qu’il y a des soldats employés au service de ravitaillement qui envoient de l’argent dans leurs foyers, et de cela je suis très sure, mais je comprends maintenant la chose, car aux prix que ces gens vendent les marchandises aux pauvres soldats, ils peuvent réaliser de gros bénéfices.
Si cette situation est normale, Monsieur, je n’aurai qu’à m’incliner mais sans toutefois regretter que les choses fussent ainsi faites.
Recevez Monsieur le Général mes salutations les plus respectueuses.
Madame G. Fauvel 12 les Halles Centrales Havre.


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Charraud Jerome
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Re: Entre les lignes...

Message par Charraud Jerome »

Bonsoir
Merci pour ce moment de lecture qui permet de bien commencer l'année.
Merci aussi à Mme Fauvel pour sa lucidité. Il aurait marrant de connaitre quelle suite a donner le général Cherfils à ce courrier.

Cordialement
Jérôme Charraud
Les 68, 90, 268 et 290e RI dans la GG
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stcypre
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Re: Entre les lignes...

Message par stcypre »

Bonjour,

Et que penser des autochtones, les fameux "mercantis" qui n'hésitaient pas à vendre leurs produits à des prix prohibitifs ? Notamment ce qui était le plus recherché par les poilus c'est à dire le pinard, mais aussi les oeufs etc...
Ces gens sans scrupules ont réalisé de bons chiffres sur le dos de ces malheureux soldats !!!!
Cordialement. Jean Claude.
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XSL
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Re: Entre les lignes...

Message par XSL »

Il y a toujours eu des profiteurs de guerre ! En 1945 on les a appelé des BOF (beurre-oeuf-fromage). Certains ont fait fortune en toute impunité, d'autres ont eu des représailles en retour.

Les mères des soldats mobilisés cousaient souvent dans la doublure d'un vêtement de leur fils des pièces d'or, pour eux-mêmes ou pour dédommager ceux qui recueilleraient leur corps. Je ne doute pas qu'au soir des batailles nombre de braves villageois français locaux se précipitaient pour dépouiller les pauvres poilus blessés ou morts de leurs objets personnels de valeur, montre, Louis d'or, etc. Ca m'étonnerait que l'on en ait retrouvés beaucoup sur les champs de bataille depuis 1918 !

Xavier
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Charraud Jerome
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Re: Entre les lignes...

Message par Charraud Jerome »

Bonsoir

Je ne sais s'il s'agit du même, mais voilà ce que j'ai trouvé sur le Général Cherfils:

"Rien ne pourrait nous arriver de plus heureux que cette recrudescence d'offensive boche"
Général Cherfils dans l'Écho de Paris, 1er mai 1915.

Sources: http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliot ... gande.html

Dans le dictionnaire des Généraux:
Cherfils Pierre Cadre de réserve (1849-1933) Etat major général de l'Armée 2e section.

Je ne sais pas pourquoi,mais ce n'est pas avec lui que la condition du mari de Mme Fauvel a dû s'arranger.

Cordialement
Jérôme Charraud


A Malinowski
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Re: Entre les lignes...

Message par A Malinowski »

Ve armée
1er corps d’armée
1ère division
1ère brigade
127ème Régiment d’Infanterie Le 24 novembre 1915
Rapport du lieutenant-colonel Pravaz commandant le 127ème Régiment d’Infanterie au sujet des moyens les plus convenables pour amener une baisse des prix des marchandises vendues aux militaires.
Par note du 16 novembre 1915, le Général commandant en chef, préconise dans le but d’amener une baisse des prix des marchandises destinées aux militaires de donner toutes facilités pour le transport sur le front de ces marchandises. Déjà, d’ailleurs, le corps fournit chaque semaine au boulanger d’Hermonville les attelages nécessaires au transport de la farine.
Cette façon d’opérer semble de beaucoup préférable à celle de l’organisation des coopératives, dont l’installation présente de sérieuses difficultés pour des troupes peu stables et qui, en outre, offrent le grave inconvénient d’immobiliser du personnel.
L’organisation qui paraît rallier tous les suffrages, serait celle des camions bazars à la condition, toutefois, qu’une surveillance rigoureuse soit exercée et que les prix de vente de toutes les denrées soient fixés par l’autorité militaire ( prix limités).
En ce qui concerne la nature des denrées devant constituer l’approvisionnement de ces wagons-bazars, il y aurait lieu de prévoir tous les menus objets et denrées achetés d’une façon courante par les militaires savoir :
fournitures diverses de papeterie ( papier à lettres, cartes, plumes, encre, etc...)
“ “ de parfumerie ( savons, brosses à dents, peignes, etc ...)
“ “ d’épicerie ( chocolat, petites boîtes de conserves, confitures, etc ...)
“ “ de mercerie ( fil, aiguilles, boutons, serviettes, chaussettes, etc ...)
D’ailleurs la mise en pratique de ce système fournira au bout de peu de temps des données précises sur les approvisionnements à prévoir pour ces wagons-bazars qui semblent répondre le mieux au but que l’on se propose.

Avis du général de la 1ère D.I.
Avis conforme à celui du lieutenant-colonel commandant le 127ème R.I.
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