Pieds gelés...

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marcel clement
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Re: Pieds gelés...

Message par marcel clement »

Bonsoir,


Les Belges n'avaient pas de " Pied de tranchée ", voici ce qu'écrit un médecin Belge. C'est très explicite.

Bonne soirée et amicalement,

Alain MC


QUELQUES REMARQUES SUR LE PIED DE TRANCHEE
PAR LE DOCTEUR M.J VONCKEN
MEDECIN DE BATAILLLON ARMEE BELGE

CONFERENCE CHIRURGICALE INTERALLIE

1ERE SESSION MARS 1918



« En me basant sur les statistiques établies par le service de Santé de l’armée Belge je n’ai pu relever que quatre fois le diagnostic de gelures légères des pieds et un seul de ces diagnostics porte : amputation du gros orteil pour gangrène .
On peut donc admettre comme inexistante l’affection du pied de tranchée dans l'armée Belge malgré les quatre hivers rudes que nous venons de passer.

Considérons les différentes causes invoquées pour expliquer la pathogénie :
1°) L’infection microbienne ou le parasitisme mycélien.
2°) L’action de l’humidité froide.
3°) L’action de la gelée.
Quelle que soit le mécanisme exact de ces trois facteurs, qu’il y ait une infection toxique, qu’il y ait névrite ou angiite oblitérante, tant artérielle que veineuse, vaso-constriction reflexe due au froid ou à la macération dans les boues humides, nos soldats aurait dus en éprouver les mêmes conséquences. Car dans les tranchées en Yser, les conditions climatiques et telluriques furent identiques à celles de toutes les autres armées.
Bien plus, c’est dans l’armée des Flandres que les troupes Anglaises ont eu le plus de cas ; les troupes Françaises voisines de la mer ont payé également un tribut assez important aux gelures des pieds, spécialement pendant l’hiver 1914-1915. A ce moment nos régiments étaient en ligne, de Nieuport à Dixmude, vivant dans des conditions identiques à celles de nos voisins Français et Anglais. Les mêmes difficultés de relève, les mêmes séjours prolongés dans des tranchées des plus inconfortables, n’ont pas cependant amené chez nous d’incidents imputables au froid. Peut-on expliquer ce fait par une différence dans l’étiologie ? Les trois facteurs envisagés plus haut ont été communs aux trois armées.

Deux faits semblent cependant avoir à ce sujet, quelque valeur et peuvent expliquer les différences.

1°) Le port de la molletière est sévèrement défendu à l’armée Belge. Le soldat porte une petite guêtre très évasée à sa partie supérieure et qui ne monte que jusqu’au tiers moyen de la jambe.
Mr DEPAGE, lors de la guerre des Balkans a déjà insisté sur les dangers que constitue pour la circulation périphérique, le port des bandes molletières.

2°) Le port de la chaussette de laine est généralisé. Il serait à ce propos intéressant de rechercher si les lésions par gelure ne ce sont pas manifestées en plus grand nombre chez les soldats, qui au lieu de chaussettes portaient des bandes de toile ou des carrés de flanelle repliés par les coins.

Si le froid et l’immobilité dans les tranchées favorisent la stase sanguine, tout obstacle ajouté au cours du sang telles les bandes molletières prédispose grandement à l’apparition de la gelure, quelque soit la nature de cette affection"
FIN DE CITATION.
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Titeuil
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Re: Pieds gelés...

Message par Titeuil »

Bonsoir à tous,

Merci Alain pour ces précisions. Qui dit pied... dit chaussure. Voici le calvaire enduré par un soldat :

"Samedi 4 décembre 1915

(…) Tu me dis sur la lettre d’hier que mon frère a acheter jeudi une paire de galoches, tu me les enverras tout de suite si tu veux car voilà déjà plus de 15 jours que mes souilliers sont tout percé et on me les change pas. J’en ai réclamé encore aujourd’hui, on m’a dit de les faire ressemeler. Cependant je peux pas marcher pied nu, à ces temps de pluie j’ai toujours les pieds dans l’eau. Je mets de la paille dans mes souilliers en place de chaussettes que je change tous les jours, autrement mes chaussettes seraient vite pourri. (…)

Mardi 14 décembre 1915

(…) Sur la lettre que j’ai reçu, tu me dis que mon frère n’a pas trouvé de galoches. Si tu n’en a pas encore acheté, il faut pas en acheter. Je t’en avais parlé sur mes dernières lettres parce que tu m’avais dit il y a une quinzaine de jour que tu les faisais acheter le lendemain. Si tu n’a encore rien acheter, ce serait une paire de sabots couverts en noyer que tu pourrais me faire faire chez Matray, pas trop lourd et pas trop grand, et tu pourrais les envoyer par colis d’un kilo. Je les préfèrerai à une paire de sabotes, je marche mieux avec, seulement il faudrait faire mettre une bonne bride à chaque sabot à Matray en cas s’il fendait. Mais tu m’enverras pas de sabots à courroie et il faut pas les faire ferrer. Je peux trouver du cuir tant que je veux avec des petites pointes et j’en mettrai dessous en place de clous. Comme ça tu pourrais les envoyer par colis d’un kilo et je les aimerai bien autant que des galoches. (…)

Vendredi 17 décembre 1915

(…) J’ai reçu hier soir ta lettre datée du 14 où tu me dis que tu m’as trouvé une paire de galoches à Cours. Cela t’a joliment fait courir ainsi que mon frère. (…)

Mardi 21 décembre 1915

(…) Tu m’as dis sur ta dernière lettre, que tu m’enverrait mes galoches samedi matin, je les ai pas encore reçu, ils viendront peut-être aujourd’hui à moins qu’ils ait du retard. Je serai bien content de les avoir car j’ai toujours mes souilliers percés. On a encore pas pu me les changer et ça pleut presque tous les jours. (…)

Samedi 25 décembre 1915

(…) Je te dirai que le temps me dure bien de recevoir de vos nouvelles car il y a dix jours aujourd'hui que je n'ai point reçu de lettre, je pense qu'il y en a encore une qui s'est perdue et je n'ai encore pas reçu mes galoches que tu m'avais aussi envoyé, le service des postes ne marche guère bien. (…)

Dimanche 2 janvier 1916

(…) Je n’ai toujours pas reçu mon colis, je pense qu’il tardera pas d’arriver. Je pensais pas que tu les avais payé si cher mes galoches, ce serait bien malheureux s’il se perdait. (…)

Jeudi, 6 janvier 1916

(…) Tu me demande s’il faut m’envoyer une couverture, m’en envoie pas, car tous les colis par chemin de fer mette au moins un mois et plus pour venir et il y en a beaucoup qui se perdent en route, on a bien le temps d’être mort d’ici qu’il soit arrivé. Celui que tu m’as envoyé où sont mes galoches je l’ai encore pas reçu, pourvu qu’il se perde pas. (…)

Samedi, 8 janvier 1916

(…) Tu me dis que tu me fais une couverture mais il faut pas me l’envoyer, on vient de m’en donner une bonne il y a 2 jours, c’était bien temps, voilà l’hiver à moitié passé. On m’a aussi donné une paire de soulliers. Je suis bien monté à présent, je n’ai toujours pas reçu mes galoches mais elles peuve arriver ces jours, car les colis par chemin de fer mette le moins 15 jours pour venir. J’en serai bien content de les avoir car j’aurai encore les pieds bien plus chauds que dans mes soulliers.

Lundi 10 janvier 1916

(…) Je n’ai pas encore pas reçu mon colis où sont les galoches. Voilà trois semaines qu’il est parti mais à l’occasion des fêtes, il y a tant de colis qu’ils peuvent que moins faire que d’avoir du retard. (…)

Mercredi, 13 janvier 1916

(…) Je te dirai que je viens de recevoir mon colis où sont mes galoches ainsi que la paire de chaussettes et tout ce qu’il y avait dedans en bon état. Je t’en remercie beaucoup, surtout de mes galoches, elles me vont parfaitement bien et elle me tienne les pieds bien chauds. Il y en a beaucoup qui en ont mais j’en ai point vu d’aussi bonne que celle que tu m’as envoyé. Seulement elles te coûte un peu cher et elles t’on fait courir. (…) "

Grand jour, que ce 13 janvier !! N'est-ce pas que l'on se met aussi à guetter l'arrivée des colis pour savoir si elles arrivent enfin ces galoches...

Bien à vous tous,

Christophe


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LABARBE Bernard
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Re: Pieds gelés...

Message par LABARBE Bernard »

Bonjour à tous,
Journal de santé du 18ème C.A. (57ème R.I. dont il est question entre autres à la fin)
Image
Jacques, il est question de bottes de tranchées, mais j'ignore si elles étaient en caoutchouc.
Au 57ème, nous sommes dans la Somme, du 26 décembre 16 au 9 février 17. Dans le journal de santé du régiment un tableau avec 235 évacuations pour pieds gelés durant la période. Degrés de gravité ? Je n'en sais rien.
Il souligne (le journal du 57) la bouillasse, effondrements des boyaux, enfoncements jusqu'à mi-cuisse dans ce cloaque glacé, bref la totale...
Mais pas que la bouillasse glacée car la température est descendue très bas, faudrait que je fouille, mais de mémoire tout gelait, même le pinard.
Cordialement et les pieds au chaud,
Bernard
Rutilius
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Re: Pieds gelés...

Message par Rutilius »


Bonsoir à tous,

Une évocation poétique et humoristique de ce mal :

Le Gafouilleur n° 6, Décembre 1916.

[Journal du front des mitrailleurs du Groupe léger du 7e Régiment de dragons, puis du 1er Escadron de mitrailleurs du 12e Régiment de cuirassiers, fondé en Mars ou Avril 1916, dans une cagna des tranchées de Champagne, par Pierre Baudry et ses camarades Alvernhe et Stein (André Charpentier : « Livre d’or des journaux du front. Feuilles bleu horizon. 1914-1918 », André Charpentier, éd., Paris, Déc. 1935, p. 281).

Né à Sens (Yonne), le 26 avril 1897, Pierre Baudry, alors brigadier, sera tué à l’ennemi le 29 mai 1918 à Crécy-au-Mont (Aisne), « à un kilomètre de la Ferme Morœil », révèle sa fiche M.P.L.F. Poète et dessinateur, il fut le plus jeune créateur et rédacteur des journaux du front.]

Poème publié dans cette livraison et reproduit dans l’ouvrage précité, p. 281 et 282 :


LA BALLADE DES PIEDS GELÉS

Le soleil montre son front pâle
Dans les saules aux bras noircis.
De rapides lueurs d’opales
Glissent sur l’azur éclairci,
Le grésil saupoudre la vigne,
Les chemins sont tout craquelés.
Cette nuit, en montant en ligne,
On les aura... les pieds gelés.

A travers les lourdes godasses
La flotte s’infiltre sans bruit,
En clapotant, passe et repasse
Sous le panard qui se raidit.
En se baignant dans ses chaussettes
Dont le galbe est tout épilé,
Le guetteur, tout transi, répète :
On les aura... les pieds gelés.

Rien n’y fait ! ni la graisse blonde,
Ni le vieux morceau de journal ;
En un instant la boue immonde
S’ingénie à les mettre à mal.
On a beau les oindre de crème,
Les couvrir de tissu huilé
Les godillots trempent quand même.
On les aura... les pieds gelés.

ENVOI.

Pauvre poilu qui se lamente
Sur ses vieux ribouis gondolés :
T’en fais pas. Qu’il neige ou qu’il vente,
On les aura !!!... les pieds gelés.


Bien à vous,
Daniel.
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marcel clement
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Re: Pieds gelés...

Message par marcel clement »

Bonjour à tous,


Merci pour toutes ces informations et bravo à Rutilus pour ce beau et explicite poème que je ne connaissais pas. :love:




Amicalement; et faites gaffe à vos pieds :lol:


Alain MC
chanteloube
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Re: Pieds gelés...

Message par chanteloube »

bonjour,
Il y a dans les Mémoires de Marc DELFAULD une information que j'ignorai:
les soldats qui "oubliaient" de signaler qu'ils avaient un problème de "pieds de tranchées" étaient, dit-il, sanctionnés! ce qui montre, que dans son secteur, en tout cas, les medecins y étaient attentifs.
Tous ceux qui ont eu, il y a 50 ans disons, l'occasion de faire de la grande randonnée en terrain humide ou en neige mouillée, avant que l'on invente les chaussures imperméables (genre Koflach), savent que même soigneusement graissées les cuirs laissaient passer l'eau et qu'au bout de trois jours les petits petons étaient dans un drôle d'état, alors en 14.... au bout d'une semaine...on imagine.....
Cordialement CC
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Jean RIOTTE
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Re: Pieds gelés...

Message par Jean RIOTTE »

Bonjour à toutes et à tous,
Un grand merci à tou(te)s d' avoir enrichi de vos très intéressantes interventions ce fil initié par Bernard L.
Pieds gelés, pied de tranchée... nous voila très bien renseignés.
Cordialement.
Jean RIOTTE.
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Sylvain5
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Re: Pieds gelés...

Message par Sylvain5 »

Bonjour

Mon Arrière Grand père a eu pour blessure les pieds gelés qui lui ont valu une hospitalisation d'une période d'environ un mois alors cela ne devait pas être rien !...

Amicalement
Sylvain
Sylvain
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marcel clement
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Re: Pieds gelés...

Message par marcel clement »

Bonsoir à tous, bonsoir Sylvain

Et non, cela n'était pas rien; Il y eu des cas de perte et d'amputation des 2 pieds. Voir le fil précédemment cité pour les informations et les photos.


Amicalement,

Alain MC
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Sylvain5
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Re: Pieds gelés...

Message par Sylvain5 »

Bonsoir à tous

Finalement, il s'en est bien sorti car il est là en avatar devant chez lui !

Amicalement
Sylvain
Sylvain
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