Organisation chirurgicale des armées Françaises en 1918

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marcel clement
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Re: Organisation chirurgicale des armées Françaises en 1918

Message par marcel clement »

Bonsoir à tous, :hello:

Voici des conclusions émises en 1918 sur le fonctionnement chirurgical de l'armée Française.

Le corps médical considère dans ce document que les résultats chirurgicaux sont maintenant " brillants". :)
Mais nous sommes en mars 1918 et il doit être à nouveau question de la grande offensive et de la percée définitive car le médecin rapporteur fait part ,en fin de ce document, de ses inquiétudes en cas de grande d'extension de la zone des combats, et si c'était le cas, de la capacité du service de santé à maintenir la qualité de ses résultats chirurgicaux.

Amicalement,

Alain MC


ORGANISATION CHIRURGICALE DES ARMEES FRANCAISES
M. DUGUET . MEDECIN PRINCIPAL DE 2ÈME CLASSE
CONFERENCE CHIRURGICALE INTERALLIEE
4 ème session 11 au 15 mars 1918.




Les principales modifications apportées dans l’organisation chirurgicale des armées Françaises concernent :
1°) L’organisation matérielle.
2°) Le contrôle chirurgical.
3°) La liaison technique.

Nous compléterons cet exposé par un aperçu des conditions dans lesquelles les principes techniques précédemment établis par la commission chirurgicale interallié peuvent s’adapter à certaines circonstances d’ordre militaire.

I) ORGANISATION MATERIELLE :

- Service chirurgical de l’avant.
Les formations chirurgicales de l’avant ( groupes complémentaires de chirurgie, ambulances chirurgicales automobiles ) n’étaient que des organes exclusivement opératoires : elles devaient emprunter aux ambulances d’infanterie, aux H.O.E. les ressources d’hospitalisation destinées aux blessés. Leur moyens d’actions étaient donc limités : elles n’avaient pas d’existence hospitalière propre.
Il a été remédié à cet inconvénient par la création de groupes chirurgicaux mobiles, qui constituent, grâce à l’adjonction permanente de tentes de literie, des petits centres hospitaliers autonomes, destinés à la zone de l’avant, particulièrement en ce qui concerne les soins à donner sur place aux blessés intransportables ( Plisson ).
Tout le matériel est transporté par camions automobiles et remorques.
Ces formations appelées encore « ambulances chirurgicales automobiles, type 1917 » ne sont pas endivisionnées. Ce sont des éléments mis à la disposition des Directeurs de Corps D’Armée, suivant les besoins, par le Chef supérieur du service de Santé de l’armée. Elles peuvent fonctionner isolément ou par groupes.
Chaque groupe chirurgical mobile peut assurer les soins complets à 100 grands blessés.
Nous ne détaillerons pas le matériel qui représente du point de vue technique les derniers perfectionnements.
Ces nouvelles formations constituent en réalité, l’Hôpital chirurgical mobile de l’avant.
Elles ont fait leurs preuves à l’armée Française opérant en Italie et vont être incessamment mises à la disposition des armées du front français.

- Hôpitaux d’évacuation.
La construction de grands hôpitaux d’évacuation de 2500 à 3000 lits et plus en capacité, a permis de réaliser de sérieux progrès au point de vue du groupement des blessés, de la cohésion des services chirurgicaux et de leur surveillance.
Mais c’est là une lourde charge, au point de vue administratif et technique, surtout quand cet hôpital est en plein fonctionnement.



Pour remédier à ces inconvénients, le plan général des H.O.E. a été modifié. On conserve bien au point de vue géographique, le principe de centraliser dans une même formation les ressources médicales ou chirurgicales, principe qui est imposé par les conditions de circulation ( routes ) d’évacuation ( voies ferrées ) et d’économie de personnel et de moyens.
Par contre de profondes transformations seront apportées dans l’organisation intérieure des H.O.E. qui seront constitués à l’avenir par le groupement de sections de 400 à 500 lits chacune, correspondant à l’utilisation et au rendement soit d’une ambulance chirurgicale automobile avec son ambulance accolée, soit d’une ambulance chirurgicale ou médicale, renforcées l’un et l’autre par un ou plusieurs détachements d’infirmiers.
Chaque section est conçue selon un type architectural défini, particulièrement en ce qui concerne la salle d’opérations.
Un H.O.E. devra comprendre en principe 3 à 4 sections, dont chacune possède une autonomie administrative et technique. Il sera mis en service ou fermé suivant les besoins, 1,2,3, ou quatre sections.
La formation entière est soumise à l’autorité administrative d’un cadre de direction, et à un contrôle technique confié soit à un des chefs des formations chirurgicales, soit à un chirurgien indépendant de ces formations.
Les diverses spécialités chirurgicales ont naturellement leur place prévue dans ces groupements qui en outre des sections spéciales pour les blessés pouvant marcher, peuvent comporter suivant les besoins, une section médicale.

- Matériel technique .

Les travaux de la conférence chirurgicale interalliée ont montrés que la chirurgie de guerre, était dans ses résultats, subordonnée étroitement à l’organisation matérielle des formations, particulièrement en ce qui concerne la stérilisation et le contrôle bactériologique.
L’installation de la stérilisation centrale a été poursuivie dans les formations chirurgicales importantes : cette mesure présente de grandes garanties d’économie matérielle et de sécurité technique.
Indépendamment des prescriptions administratives, des notices diverses ont été communiquées aux armées à titre d’indication.
Une notice empruntée au Pharmacien major Rousseau, a été en particulier adressé à toutes les armées : elle concerne l’utilisation des étuves à désinfection de type Geneste et Herscher pour la stérilisation du matériel de pansement.
Des laboratoires de bactériologie existaient déjà dans chaque ambulance chirurgicale automobile et dans chaque centre hospitalier important.
Ces laboratoires possèdent le matériel suffisant pour pratiquer les recherches concernant la numération microbienne et l’examen hématologique.


II ) CONTROLE TECHNIQUE CHIRURGICAL

Le contrôle chirurgical était jusqu’à ce jour, confié dans les armées à des chirurgiens consultants affectés en permanence à chaque corps d’armé et à chaque centre hospitalier.
Le sous-secrétaire d’Etat du service de Santé disposait d’autre part, pour chaque armée de chirurgiens consultants résidant à l’intérieur, et chargés d’exercer à un degré supérieur et au nom du Ministre, au cours de missions sur place, un contrôle sur le fonctionnement technique des armées.
Ces divers organes de contrôle ont été conservés. Mais en raison de la complexité de plus en plus grande de l’organisation chirurgicale, il a été reconnu nécessaire de désigner dans chaque armée un chirurgien consultant résidant, conseiller technique permanent du Chef Supérieur du Service de Santé de l’armée pour tout ce qui concerne l’organisation et l’exécution de la chirurgie.
L’action de ce chirurgien consultant d’armée s’étend sur l’organisation des formations chirurgicales , la répartition et la valeur des équipes chirurgicales. Il coordonne à un degré supérieur l’action des chirurgiens consultants de Corps d’Armée et de Centre Hospitalier.
En outre il conserve la direction effective d’une formation chirurgicale, située dans un centre hospitalier important et pouvant servir soit de centre d’enseignement pour les médecins susceptibles de s’adapter à la technique chirurgicale, soit de centre de perfectionnement pour les équipes chirurgicales.

ß III) LIAISON TECHNIQUE

La liaison technique a fait l’objet du premier vœu adopté par la conférence interalliée.Sa réalisation a été l’objet des préoccupations constantes du Service de Santé Français. Il y a lieu de signaler les excellents résultats obtenus par les conférences qui réunissent deux mois environ après les opérations militaires importantes, le personnel administratif et technique qui a coopéré au fonctionnement du Service de Santé aussi bien aux armées qu’à l’intérieur…
Mais à côté de cette liaison technique a postériori,, si l’on peut dire, il en est une autre, qui concerne l’organisation préalable des armées en vue de leur fonctionnement chirurgical : ce sera là l’étude du thème tactique sanitaire en rapport avec les opérations militaires.

Cette liaison primitive doit avoir pour but :
1°) de créer une harmonisation chirurgicale complète entre le personnel et les formations sanitaires appartenant aussi bien aux armées qui opèrent, qu’au D.S. ou aux régions de l’intérieur qui reçoivent les blessés, ces formations restant en conjugaison avec les formations expéditrices des armées.
2%) d’éviter une répartition incohérente et arbitraire des blessés, en fixant à l’avance, pour chaque catégorie de blessés, dans la zone des armées ou dans le voisinage, après examen chirurgical, une destination aussi rapide et aussi précise que possible, en vue des premiers soins qui doivent leur être donnés.
Il s’agit donc :
1er) de prévoir un plan d’action chirurgical.
2er) d’organiser un triage chirurgical des blessés.

Plan d‘action chirurgical
- a) Chaque formation doit avoir une ou plusieurs attributions bien précisées, ( éclopés, blessés récupérables etc …) allant jusqu’a la spécialisation ( gazés, fracturés intransportables, etc .)

- b) Tous les échelons doivent établir entre eux une liaison permanente, bien étudiée à l’avance, aussi bien au point de vue des disponibilités matérielles que des compétences techniques du personnel.
Cette liaison doit être entretenue par des reconnaissances sur place faites par les chirurgiens, la liaison des personnes facilitant celles des fonctions.

- c) Les évacuations des blessés seront reglés dans leurs divers courants suivant les catégories diverses de blessés qui sont justifiable de telle ou telle destination fixée à l’avance.
- Cette conception impose un triage rationnel des blessés.

Triage .
Il est indispensable qu’il soit aussi rigoureux que possible et commence dès le poste de secours, afin que le blessé soit orienté le plus tôt possible et transporté sans delai vers la destination précise qui lui convient ( blessés de spécialité, blessés graves à opérer, gazés, fracturés, etc …) et que secondairement les formations sanitaires ne soient pas encombrées par un flot confus de blessés et de malades qui troubleraient la régularité et leur débit chirurgical.
Ceux qui ont vécu les périodes de fonctionnement intensif des armées reconnaîtront la nécessité de grouper en particulier deux grandes catégories de blessés, les intransportables et les blessés récupérables.
C’est au groupement d’ambulance que sont réunies ces deux catégories de blessés : les blessés intransportables étant conservés jusqu’à qu’ils puissent être évacués sur une formation chirurgicale de l’arrière ; les blessés récupérables étant soit retenus dans les groupements d’ambulance de l’avant, soit dirigés vers l ‘H.O.E voisin pour y être traiter par le débridement, l’excision de la plaie, suivis de sutures ou de simple pansement à plat suivant qu’ils pourront être conservés sur place ou devront être dirigés sur un centre hospitalier de la D.S. ou de l’intérieur.
Il s’agit en somme de canaliser, avec rapidité et précision, vers les formations stables des armées, des étapes ou de l’intérieur : des digues doivent être élevées pour arrêter les uns ( untransportables-récupérables), des écluses doivent être prévues pour retenir les autres ( blessés à opérer) et les aiguiller sans délai vers les formations sanitaires où ils doivent recevoir les soins nécessaires.
Pour régulariser ce régime des évacuations, qui ne l’oublions pas, prend sa source sur le champ de bataille, nous estimons qu’au lieu de prévoir un secteur unique dans chaque armée, il vaut mieux prévoir autant de secteur de circulation que de corps d’armée, chaque corps d’armée possédant les organes qui lui permettent de fonctionner de manière autonome : groupement d’ambulance pour le triage, centre hospitalier H.O.E., chirurgien consultant du C.A. Il appartient au médecin de l’armée d’harmoniser ces différents courants qui peuvent avoir des communications latérales ( dérivations) soit entre eux, soit avec les armées voisines.


RESULTATS TECHNIQUES


Les principes généraux ci-dessus dominent actuellement le fonctionnement chirurgical des armées. Seuls, ils permettent la continuité dans la direction chirurgicale, que nous avons exposé dans la précédente session.
Mais ce fonctionnement idéal exige pour donner son plein rendement chirurgical, des conditions d’installation, des disponibilités en matériel et en personnel, des facilités d’hospitalisation sur place, ou d’évacuation rapide sur des zones d’hospitalisation rapprochées, qui ont pu être réunies seulement dans certaines circonstances ( offensive des Flandres et de l’Ailette par exemple).
Les résultats chirurgicaux ont été fort brillants grâce à l’adaptation à ces principes d’organisation des données nouvelles sur le traitement général des plaies de guerre et en particulier de la suture primitive ou secondaire.
Il est de notre devoir d’imaginer dans quelles conditions ces heureux résultats pourront être escomptés dans des opérations militaires de grande envergure.
Or il faut bien savoir que les très heureux résultats qui ont été constatés sont dus aussi à ce que les principes d’organisation mis en pratique ont été favorisés par un concours de personnel chirurgical et de moyens d’action que permettent seulement le caractère limité des opérations militaires entreprises.
De plus des évacuations latérales ont été possibles dans les zones des armées qui ne participaient pas à ces opérations militaires.
Enfin les voies ferrées présentaient des capacités de transport suffisamment élastiques pour permettre les évacuations rapides des blessés à opérer ou à suturer sur des centres hospitaliers voisins prévus à l’avance.
C’est à dire que, suivant l’étendue des zones de combat, les résultats précédemment enregistrés peuvent être modifiés : aussi bien du fait de la limitation stricte des ressources en équipes chirurgicales et de leur répartition sur une large zone, que du fait de l’encombrement des voies ferrées ou de l’impossibilité d’utiliser certains centres hospitaliers prévus primitivement en vue de l’hospitalisation à l’avant ou de l’hospitalisation secondaire.
Alors se pose avec toute son acuité la question de l’évacuation intensive, loin de la zone de combat, de blessés pour lesquels devra être prévue une action thérapeutique indispensable pour les mettre à l’abri de toute complication grave….
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Jean RIOTTE
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Re: Organisation chirurgicale des armées Françaises en 1918

Message par Jean RIOTTE »

Merci Alain MC.
Très intéressant.
Cordialement.
Jean RIOTTE.
Jean27
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Re: Organisation chirurgicale des armées Françaises en 1918

Message par Jean27 »

Bonsoir
mettons en parallèle le rapport de l'enquête parlementaire demandant des sanctions contre les responsables des services de santé, particulièrement incompétents en 1914.
Combien d'amputations inutiles ont été pratiquées par ces "médecins" ?
Cordialement
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marcel clement
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Re: Organisation chirurgicale des armées Françaises en 1918

Message par marcel clement »

Bonjour à tous, bonjour Jean27,

Il y a eu certainement beaucoup de choses inutiles .... Par exemple,ils ont systématiquement pansé pendant toute la guerre, au front les blessés avec de la teinture d'iode. Le problème est que les balles ou autres projectiles faisaient pénétrer de très nombreux corps étranger dans la plaie ( fragments de tissus, boue, etc ) et cette désinfection de surface était sinon inutile du moins très peu efficace.... Autre exemple, au début de la guerre la consigne était l'abstention chirurgicale pour tous les blessés du ventre avec comme résultat 100 % de décès et à la fin de la guerre et en les opérant environ 50 % de survie.
Les médecins ont été au début complètement dépassé par l'ampleur et la brutalisation de ce conflit qui provoquait avec les armes modernes de nouveau types de blessures. Mais ils ont su évoluer et s'adapter.
Par contre au niveau des amputations, à une époque ou les antibiotiques n'existaient pas, elle était souvent la seule et unique solution. Je vais essayer de travailler ce sujet pour le mettre sur notre forum.
Dans l'ensemble la chirurgie a fait en 14-18 des progrès considérables.
Enfin, il faut rappeler que sur les 6000 médecins engagés, 512 sont morts pour la France et qu'ils ont eu de très nombreux blessés et mutilés.

Cordialement,

Alain MC
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