Dernière retranscription de documents provenant de cette source répertoriée par Stéphan et Jean Calude.
Amicalement
A l’Hopital
Je suis dans mon lit, vous lisez un roman.
Le numéro dix huit se plaint très doucement…
Bercé par votre voix, mon infirmière blonde,
Je sens monter en moi comme une hymne profonde,
L’ivresse, d’être là, dans la paix qui m’endort,
De manger, de chanter, de redevenir fort !
De ce roman d’Ohnet, je ne sais qu’une chose :
Il appris le parfum de votre rose.
La lumière a volé de l’or dans vos cheveux.
Votre voix de jeunesse est le printemps ; je veux
Que vous soyez jolie et vous êtes charmante.
Et les heures s’en vont, timides, bienfaisantes…
Un las relent d’éther, de chloroforme, fuit
L’âme de vos œillets sur ma table de nuit.
Du ciel turquoise rit par la fenêtre ouverte.
Il y a des moineaux ; un tas de feuilles vertes
Joue avec le soleil. Après, j’entends sans voir :
Les pelles des enfants traînent sur le trottoir ;
Les nurses, les nounous, descendent sur la plage.
J’aime chaque bruit neuf. Vous tournez une page…
Le laitier cause avec la porteuse de pain,
Et du fond d’un jardin des bribes de Chopin
Evoquent tristement les belles heures mortes !...
Le chien d’en face aboie ; on referme une porte ;
Le quart d’heure vécu pleure au clocher lointain.
Le char des pansements, tout en sons argentins,
Roule dans le couloir…. Vous débandez ma tête ;
Les pinces, les stylets tintent dans la cuvette.
Vos doigts froissent ma chair… ma petite maman !
Je vis, je vis, je vis délicieusement !
Paul Verlet.