La voie ferré du Meusien, au loin la gare des Souhesmes.
La gare, les proprios n'étant pas là j'ai quand même pris la liberté de prendre une photo.
C'est mon ancien Chef d'équipe qui habite là, ça va au moins me côuter une bière!
Bonsoir à tous, bonsoir Marcel, Frédéric, Laurent, Jean-Claude,
merci à tous pour tous ces compléments d'informations sur un sujet émouvant celui des hôpitaux et du personnel hospitalier, mais aussi de tous ces blessés du secteur de Verdun qui transitèrent et parfois décédèrent à Vadelaincourt ou dans un autre hôpital du secteur.
Cordialement
Eric
Bonjour,
Grâce au patient travail de Michel (alias MP92) , je vais entreprendre des corrections dans le corps du sujet, certaines sont des fautes de frappe et ou de mauvaises interprétations des toponymes au moment de la retranscription.
D'autres sont plus des précisions, des éclaircissements du texte.
Pour le premier type de correction, je vais éditer le texte et porter les corrections, pour les autres je vous propose de reprendre la totalité du texte dans un pdf avec des notes en bas de page que je mettrais en ligne pour téléchargement pour ceux que cela passionne.
Merci d'être patient, je vous préviendrais en fin de travail
Les corrections sont faites dans les 4 premiers messages et les cartes
reste le pdf
Depuis 2008, j’ai beaucoup appris sur le Docteur Emmanuel Pouliquen pendant la Grande Guerre. J’ai consulté différentes sources et, surtout, j’ai pris connaissance de sa correspondance avec ses parents durant cette période. Voici le récit de sa guerre, sur un plan purement médical et militaire :
La Grande Guerre du Docteur Emmanuel POULIQUEN (1878 -1960)
Il est chirurgien à Brest quand débute la guerre et est d’abord mobilisé à Lorient ; il assure en ville, le remplacement d’un médecin et organise un service de chirurgie à l’hôpital.
En octobre 1916, il reçoit reçu mon ordre de départ pour le front : d’abord dirigé à la réserve du personnel à St-Dizier, pour être ensuite affecté à la région de Verdun.
Il est envoyé à Bar-le-Duc, à la RPS Hôpital Central.
Puis Pouliquen est pour peu de temps à Vadelaincourt, près de Verdun.
À Vadelaincourt, on est à 16 km au sud de Verdun.
Il existe une structure de soin fixe où l’on peut garder les blessés un certain temps, l’Hôpital auxiliaire n°12, à Vadelaincourt. Il reçoit les blessés qui ont déjà été traités en urgence dans des structures de soins et de tri. Pendant la première grande offensive allemande du 22 février au 15 juin 1916, Vadelaincourt a reçu 10 800 blessés, dont 10 080 par éclats d'obus, 453 par balle, 247 par grenades.
L ’H. O. E. n° 6 de Vadelaincourt, où est nommé Emmanuel, est un hôpital d’opérations et d’évacuation avec un groupement d’ambulances fixes et mobiles. L’activité y est bien sûr essentiellement chirurgicale. Il reçoit les blessés recueillis au front par des brancardiers, amenés dans des postes de secours, véhiculés, ensuite, à une un poste où stationnent des ambulances divisionnaires ou des « Autochir ». Après ce parcours, les malheureux sont enfin accueillis à l’ H.O. E.
À Vadelaincourt et dans son poste suivant, Pouliquen opérera donc dans une « Autochir ».
- Autochir : Abréviation de « ambulance chirurgicale automobile » (A.C.A.). Expérimentée dès novembre 1914, elle était équipée d’une salle d’opération mobile à 2 tables avec matériel de stérilisation et de couchage nécessitant trois camions. Son personnel comprenait 2 chirurgiens et 25 infirmiers. Cependant, elle ne pouvait fonctionner qu’en s’accolant à une formation plus lourde. Des perfectionnements furent apportés en février 1915. Un premier camion contenait la chaudière, un grand autoclave horizontal, un petit autoclave vertical, deux bouilloires, un radiateur, le linge pour médecins. Un second camion contenait les appareils de radiographie, les parois d’une baraque opératoire de 70 m2, le matériel chirurgical et la pharmacie. Le troisième camion transportait le groupe électrogène et faisait fonction de « magasin ». Il y avait 23 A.C.A. (une à chaque armée) jusqu'à mi-1917.
En fin octobre 1916, il est affecté à Landrecourt, tout près de Verdun.
Nous sommes ici à 7 km de Verdun, au moment de la contre-offensive française. La structure de l’ « Ambulance 206. SP. 24 c », où est Emmanuel Pouliquen, est sensiblement la même qu’au H. O. E. n° 6 de Vadelaincourt, un ensemble d’ambulances fixes et mobiles chargé de soigner et de trier les blessés ; l’ « Ambulance » recevait surtout des blessés graves.
Le front est proche ; les brancardiers régimentaires et divisionnaires rivalisent d'héroïsme pour relever les blessés, et il fait très froid. Il n'y a ni tranchées, ni boyaux d'accès, seulement un terrain crevé de trous d'obus où les blessés cherchent un semblant de protection; leurs appels, leurs gémissements guident seuls les brancardiers dans leur quête nocturne. C'est, enveloppés dans une toile de tente ou portés par leurs camarades brancardiers, que les malheureux sont péniblement amenés jusqu'aux postes de secours le plus proche.
Les postes de secours régimentaires, sous l'autorité d'un médecin régulateur, ont pour mission de ramasser et transporter les blessés jusqu'aux ambulances divisionnaires ou à une « autochir ».
Une fois arrivé à l’Ambulance, il faut faire un tri effroyable : les « mourants », soulagés par la morphine dans une baraque, « les légers » vers la gare, les « urgents » en salle d’opération, où se succèdent trépanations, amputations, sutures vésicales, splénectomies, néphrectomies … pendant l’offensive où après.
Depuis mai 1916, les blessés par train pouvaient être ensuite évacués à l’Hôpital auxiliaire n°12, à Vadelaincourt, d’où ils étaient ultérieurement évacués soit vers Paris, soit vers Bar-le-Duc.
Il est à l’Ambulance 206 – SP – 24. C’est comme à Vadelaincourt un groupement d’ambulances, centre important de chirurgie. Il est à 7 K de Verdun. Il est installé dans un baraquement moins confortable qu’à Vadelaincourt. Les formations sanitaires d’ici n’ont pas encore été bombardées. Le service est assez désorganisé, le médecin-chef souvent absent et il est obligé de le remplacer. Un de ses premiers malades a été un certain Augustin Grall de Landivisiau comme lui; c'est un séminariste ; le pauvre homme a reçu un petit éclat d’obus dans le dos et un autre dans la région de la hanche ; celui du dos a pénétré assez profondément.
Une lettre reçue par ses parents le 27 novembre « Je commence à voir clair dans mon nouveau milieu, dit-il ; j’ai de quoi m’occuper, car en plus de mon travail je remplace malheureusement un médecin-chef qui est dans le midi et qui n’est pas à la veille de revenir. J’opère beaucoup ces jours-ci ; je remplace aussi le chirurgien de l’ambulance d’à côté ; d’ailleurs comme par un fait exprès tout le monde est parti d’ici : mon officier gestionnaire est en convalescence également, l’officier d’approvisionnement est en permission ; les meilleurs de nos infirmiers viennent d’être enlevés pour aller dans les ambulances divisionnaires, etc.… Je me suis mis à faire du cheval, il est impossible de se promener autrement. D'ailleurs, nos pauvres chevaux ont bien besoin de sortir. Nous en avons 26 à notre ambulance et les trois amb. doivent en avoir autant. Les nôtres couchent dehors, à la corde, depuis trois mois et à part les 4 ou 5 qui travaillent les autres s’ankylosent. Ces jours-ci on leur construit un abri qui ne sera pas du luxe. Pour me promener je n’ai que l’embarras du choix il y a cinq ou six chevaux de selle ». Il poursuit : il fait très froid ; il va voir tous les jours l’abbé Grall qui fait de la pleurésie, mais dont l’état général reste bon ».
Le 6 décembre 1916 : Il y a très peu de blessés, car on les évacue le plus possible à l’arrière. Le temps est très mauvais : alternance de glace, de neige et de pluie.
En début 1917 Emmanuel Pouliquen est au Centre hospitalier de Souilly.
Lettre à ses parents, le 7 février 1917 : il a fait très froid, jusqu’à – 21 ° ; il a peu de travail, car les blessés sont évacués le plus possible.
Lettre trois jours plus tard : « Je viens d’être prévenu par la Direction que je dois partir demain pour dix jours à Chalons. J’y vais comme stagiaire dans un service spécial de fractures ; c’est un service très intéressant et je comptais demander moi-même d’y aller ». On peut lui écrire Hôtel Haute Mère Dieu, Châlons-sur-Marne.
Au cours de cette période passée près du front de Verdun, Emmanuel Pouliquen, l’esprit très créatif, approfondit un certain nombre de domaines :-
- Le traitement des arthrites purulentes aigües,
- l’appareillage et transport des blessés,
- la pratique de la transfusion de sang citraté avec l’appareil rudimentaire de Jean Prat.
Emmanuel Pouliquen est à Châlons-sur-Marne (actuel Châlons-en-Champagne), en février 1917.
Dès juin 1916, le professeur Heitz-Boyer a créé un vaste service hospitalier spécialisé pour la récupération des fractures compliquées, à Châlons-sur-Marne. Au Centre des Fractures de Châlons, on facilite la réalisation de modalités thérapeutiques utiles aux blessés. On y a besoin de chirurgiens motivés et compétents.
C’est semble-t-il Heitz-Boyer qui provoque la mutation d’Emmanuel Pouliquen, plus que sa propre volonté. Et très vite il participera bientôt à l’organisation de ce centre important.
La première impression est mitigée : « je suis à Châlons depuis quelques jours. Et beaucoup des chirurgiens qui étaient avec moi auparavant sont dans la région. Cette mutation ne m’a pas fait grand plaisir, comme je m’y attendais nous sommes plus mal installés ici. De plus, là-bas c’était la tranquillité, même avec travail intéressant tandis qu’ici c’est la bousculade partout à l’hôpital comme dans les hôtels… ».
Cet hôpital reçoit des fractures ouvertes, la plupart du temps infectées, et ils tentent de les traiter plutôt que de pratiquer des amputations au départ.
Heitz-Boyer et Pouliquen y créent le « groupement chirurgical osseux des armées (G.C.O.A).
C’est là qu’Emmanuel Pouliquen met au point deux appareils orthopédiques :
Il est très frappé par les conditions détestables dans lesquelles les blessés atteints de fractures du fémur et de l’humérus sont évacués vers l’arrière : douleurs atroces, aggravations du déplacement des fragments osseux. Il met donc au point deux appareils de transport et de contention très faciles à fabriquer : quelques planchettes, une plaque d’aluminium récupérée sur les carcasses d’avions :
- L'appareil thoraco-brachial pour les fractures de l’humérus est encore à ce jour employé dans le monde entier, sous le nom d’« appareil de Pouliquen ».
Cet appareil, ainsi que tous ceux qui en dérivent, maintient en rotation neutre et en plus en abduction et antépulsion. On peut utiliser l'appareil tel quel (ou avec un dispositif qui maintient une traction collée sur le bras, appliquée longitudinalement sur l'appareil). De préférence au plâtre, on utilise actuellement des appareils préfabriqués et réglables.[
- L’appareil pour les fractures du fémur qui n’est plus employé, car trop encombrant.
Emmanuel Pouliquen arrivera peu à peu à faire connaître son appareil thoraco-brachial comme l’atteste sa correspondance avec ses parents, malheureusement non datée :
« Je suis toujours très occupé avec l’appareil dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre. Depuis il a été présenté par un de mes amis à une réunion de chirurgiens et médecins-inspecteurs, présidée par Godart. En généra il plait, et plusieurs confrères m’en ont déjà demandé des modèles ». (Justin Godart est Sous-secrétaire d'État de la Guerre, il est responsable du Service de santé militaire de 1915 à 1918 et le réorganise).
Probablement printemps 1917 : « L’appareil dont je vous ai parlé continue son chemin, hier il a dû être présenté à la Société de chirurgie. Plusieurs confrères m’ont demandé des modèles et on va l’essayer dans plusieurs secteurs ».
Emmanuel Pouliquen circule dans différents hôpitaux ; il se rend à Compiègne, qu’il ne connaît pas : « Mon appareil a toujours du succès et depuis qu’il a été présenté à la Société de chirurgie on en construit un peu partout ».
Le 27 septembre 1918 : « La semaine dernière, j’ai encore été à Pontoise pour mes appareils, j’espère que cette fois les 500 vont être mis en construction. En tout cas, une notice indiquant la façon d’employer l’appareil va être envoyée dans toutes les formations de l’armée. Il y a huit jours, j’ai eu la visite de Lasney, médecin inspecteur des troupes coloniales, il m’a dit qu’il préconisait mon appareil dans ses armées et m’a demandé de lui envoyer trois appareils articulés comme modèles ».
Pour diffuser son invention et ses idées sur le traitement des fractures Emmanuel fait la tournée des hôpitaux militaires : Compiègne, Château-Thierry, Troyes.
Il doit se rendre souvent à Pontoise pour voir l’ingénieur qui met en route la fabrication de son appareil.
De plus, il invente d’innombrables petits dispositifs, décrits dans le bulletin de santé du Service des Armées.
En 1817, nous le trouvons toujours en collaboration avec le professeur Heitz-Boyer et le Docteur Depage, continuer ses recherches. Ces trois chirurgiens inventent le procédé de « l'accrochage » permettant de rapprocher simplement les fragments du fémur. Le 16 octobre 1917, Heitz-Boyer et Pouliquen décrivent le procédé avec des figures à la Société de Chirurgie de Paris. (Archives franco-belges de chirurgie: revue mensuelle - Page 575 - 1925).
Une lettre non datée reçue à Châlons :
« … Depuis ma permission j’ai encore eu beaucoup de travail, l’autre chirurgien du service étant en permission, j’espère avoir un peu de repos à son retour – mardi j’irai peut-être voir François (son frère) s’il est encore au camp du Mailly, j’aurais l’occasion d’y aller en auto avec un radiographe. Il est possible que j’aille bientôt passer une quinzaine de jours à Troyes remplacer un chirurgien pendant sa permission ».
François Pouliquen, médecin colonial, frère d’Emmanuel, était revenu du Sénégal pour aller au Front avec le 49e sénégalais. Il avait eu une conduite héroïque en octobre 1916, lors de la reprise du fort de Douaumont, et avait été sérieusement gazé. Il avait été très atteint aux poumons. Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre sa guerre avec un remarquable courage. Du 16 au 18 avril, il participe à de très violents combats à Hurtebise, dans l’Aisne, où il « a assuré… l’organisation du service de santé avec le plus grand courage allant en première ligne pour exécuter les pansements les plus urgents et faire évacuer les blessés malgré le bombardement violent »… « L’affaire a été plus dure encore que celle de Douaumont », écrit-il à sa famille.
La grande offensive allemande de mars à juillet 1918 bouleverse tout y compris l’organisation des services de Santé de l’armée.
Emmanuel Pouliquen écrit du camp de Mailly le 22 mai 1918, du cercle des officiers.Le vaste camp militaire de Mailly est en Champagne crayeuse, le village se situe à mi-chemin entre les villes de Troyes et de Châlons-en-Champagne. Il semble qu’il ait été muté dans ce camp en attendant une affectation en rapport avec la situation militaire.
Il apprend la mort de son frère Auguste.
Par sa lettre il dit « j’ai été bien ennuyé d’être rappelé sans avoir assisté avec vous au service d’Auguste sans avoir vu mes frères ». Il s’agit de son frère, plus jeune que lui de 3 ans, mort dans cette guerre peu de temps avant. Il était prêtre et vicaire à Loctudy quand il avait été appelé au front.
Le 30 mai 1918, Emmanuel Pouliquen est à Vitry-le-François.
La situation devient critique. La ligne de front atteint la bordure nord de Reims. Pour une fois Emmanuel exprime son inquiétude.
Voici ce qu’il dit à ses parents : « Me voilà parti de Mailly pour venir en renfort à Vitry ; j’ai un travail énorme et ce soir je suis déjà fatigué. Je suis arrivé cette nuit à minuit et depuis 7 heures je travaille. Qu’allons-nous devenir dans cette bousculade. Il est possible qu’un de ces jours le front se stabilise et que je sois rappelé à Châlons ou ailleurs…. Si l’offensive ne s’était pas déclenchée, je serais parti hier en permission. Ici je suis venu avec mon aide-major et deux infirmiers, les autres sont dispersées et nos infirmières sont parties dans le Nord – François (son frère) va-t-il rester dans le secteur où il était ou va-t-il aussi se rapprocher »... « On n’ose trop espérer une bonne solution puisque nous reculons, mais enfin un miracle comme celui de la Marne est toujours possible".
Le 4 juin nouvelle lettre à ses parents le 4 juin 1918 :
« Je suis encore à Vitry mais on parle de me faire rentrer à Châlons. Cela n’est pas certain… ; je suis persuadé d’ailleurs que nous n’y serons pas pour longtemps. J’aurais probablement mon service dans une cave qui a été organisé pour un service chirurgical. Je suis absolument sans nouvelles de ma famille depuis mardi …J’ai beaucoup de travail ; la nuit dernière j’ai opéré des cas très graves venus directement du front. On fait descendre ici, des trains, les cas les plus graves. Je ne sais pas où sont les médecins qui étaient avec moi à Châlons, ne recevant aucune lettre. Je pense que Heitz Boyer cherche à installer un service de fractures plus au sud et dans ce cas il est probable qu’il m’appellera. N’importe comment je resterai quelques jours ici, car il faudrait un autre pour me remplacer puisque j’ai deux cents blessés dans mon service ».
Il semble terminer sa Guerre à l’Hôpital mixte de Montereau en Seine et Marne, où on le trouve en Juin 1918.
Il s’agit de Montereau-Fault-Yonne couramment appelée « Montereau », à ne pas confondre avec la commune de Montereau dans le Loiret ou avec la commune de Montereau-sur-le-Jard en Seine-et-Marne, à 6 km au nord de Melun.
À 4 km de Montereau au bourg de Cannes-Écluse, un hôpital militaire provisoire a été installé ; c’est là qu’Emmanuel Pouliquen est nommé.
Le 11 juin 1918 : « Je suis depuis hier à Montereau (Seine et Marne), je ne suis resté que deux jours à Châlons. Je pensais bien qu’on ne nous aurait pas laissés, car nous n’avons que des blessés qui ont besoin d’une longue hospitalisation. Ici ce sera difficile aussi, car il n’y a que de petits hôpitaux. Nous avons un matériel énorme et du personnel en quantité, je me demande où l’on pourra nous caser. Notre médecin-chef est allé visiter un hôpital situé à 10 K (Villebrevin) je ne serais pas étonné qu’il demande cela. En passant à Troyes j’ai vu Jean qui partait pour Joinville ».
Le 14 Juillet 1918 : « Je vous écris cette carte de Paris où je suis depuis deux jours. Je viens d’être affecté provisoirement à Pontoise où je dois surveiller la fabrication de mes appareils. Le ministère en a demandé 500. Je regrette bien que ma famille ne soit pas ici, car je suis tout à fait libre de circuler entre Pontoise et Paris. Je ne serai occupé qu’une semaine environ, car je n’ai qu’à faire des demandes de matériel et à apprendre à deux ou trois ouvriers à monter l’appareil. Je dois voir ce soir mon beau-frère François ; mon beau-père va mieux, mais n’est pas complètement rétabli. J’espère que Gabrielle pourra venir me voir à Montereau.
Le 2 août 1918, il écrit :
« Ici nous installons un grand service en plein air et nous avons déjà pas mal de blessés. J’ai été rappelé d’urgence à Pontoise où j’aurais eu besoin de rester huit jours de plus. Je vais demander à y retourner sans tarder».
Puis Emmanuel Pouliquen fait allusion à son frère François, qui avait été « gazé » une nouvelle fois au chemin des Dames en octobre 1917 ; il s’est fait remarquer, à nouveau, par son remarquable courage, du 14 au 20 juillet, au combat de Cravançon Chaudun dans l’Aisne.
Lettre d’Emmanuel, en permission à Brest, du 17-10-1918, à ses parents :
« Je viens d’arriver à Brest où je compte rester jusqu’à Dimanche. …Vous avez dû apprendre la mort de mon beau-frère Louis, il est mort le jour même de ses blessures…». Le beau-frère dont parle Emmanuel est Louis Queinnec, qui est mort de ses blessures au combat le 29 septembre 1918, dans l’hôpital d’évacuation de Villers d'Aucourt, dans la Marne, à l'âge de 26 ans.
Emmanuel Pouliquen est maintenant très occupé par les dernières mises au point de son appareil, qui est maintenant de plus en plus diffusé dans toute l’armée et dans le civil. Il circule beaucoup dans la région parisienne, et se rend fréquemment à Pontoise voir l’ingénieur qui s’occupe de la fabrication en série « du Pouliquen ».
L’armistice du 11 novembre 1918 met fin à cette atroce boucherie qu’Emmanuel combattit avec une ténacité sans faille, en soulageant les souffrances des victimes et faisant tout pour limiter les séquelles des blessés.
Il n’y a qu’éloges à faire de la façon dont Emmanuel Pouliquen s’est conduit dans ce cruel conflit.
Les services rendus à l’armée, lui valurent, quelques années plus tard une rosette d’Officier de la Légion d’honneur, à titre militaire.
Pendant ces quatre années de guerre E. Pouliquen a acquis une pratique chirurgicale importante. Il a mis à profit son esprit inventif, trouvant toujours les moyens les plus simples pour faciliter la tâche du praticien et le confort du malade. Il a réalisé toute l’importance du diagnostic et d’une thérapeutique précoces, tant que les ressources de l’organisme sont encore intactes.
Il s’est montré fort, tenace, calme et modeste tout le long de cette guerre, se préoccupant plus des autres plus que de lui-même. Dans ses lettres, il ne se plaint jamais de son sort, mais il est plutôt soucieux de ses frères et de sa propre famille.
Emmanuel Pouliquen va continuer avec fouge sa carrière chirurgicale. Il va se passionner pour le traitement de l’invagination intestinale aiguë des nourrissons et lutter pour qu’en soit établi un diagnostic précoce par une campagne d’information auprès des praticiens. Sa lutte pour le traitement de luxation congénitale de la hanche sera son dernier et fructueux combat.